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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 26/07/2017 à 09:32
» Dernière mise à jour le 05/04/2018 à 00:21

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 12 : Les héritiers Irlesquo
Rohban



- Cette phrase ne va pas, dis-je en relisant le texte. Que penses-tu plutôt de « Toutes études scientifiques sérieuses, bien que proscrites, ont mit en lumière qu’il n’y a pas lieu d’établir une quelconque hiérarchisation de la race humaine ; G-Man inclus » ?

- Ça laisserait sous-entendre que nous nous sommes penchés sur ces études proscrites, répondit mon ami Jald. Nous serons considérés comme hors-la-loi si nous publions ça.

- Nous le serons avec ou sans mention des études proscrites, renchéris-je. Nous serons des parias au sein de l’Ordre, nos parents nous déshériterons, et nous serons considérés comme des traîtres à l’Empire. Après quoi, on nous capturera, nous torturera et on nous exécutera. Nous connaitrons une mort triste et déshonorante, et nos noms seront à jamais oubliés.

Mes amis me regardèrent en soupirant. D’autres qu’eux auraient pu trouver vraiment malsain ma façon d’énoncer des horreurs comme si je le faisais avec la météo, mais eux avaient l’habitude. J’étais comme ça. Un éternel pessimiste à l’imagination débordante de catastrophes.

- Tout un programme alors, sourit finalement mon autre ami Dalrin.

Tilveta, la seule fille présente de notre groupe, hocha la tête. Nous étions dans ma chambre, au manoir familial de la maison Irlesquo. Moi, Rohban Irlesquo, fils cadet du Grand Maître de l’Ordre, j’étais naturellement le « chef » de mon groupe d’amis. Et quel groupe ? Quatre jeune G-Man de bonnes familles, idéalistes et naïfs, qui rêvaient de faire changer l’Ordre et la mentalité des G-Man. Nous nous réunissons souvent tous les quatre, le plus souvent chez moi, pour parler en secret de nos rêves et de ce que comptions faire pour « révolutionner » l’Ordre. Aujourd’hui par exemple, nous étions en train de rédiger un discours prônant l’égalité des races entre G-Man et humains ; une totale hérésie pour l’Ordre et l’Empire. Je savais qu’aucun d’entre nous n’aurait le cran de faire un tel discours en public ou de le publier, mais ça ne coûtait rien d’y réfléchir.

Nous étions comme ça. Un groupe de réflexion, qui étudiait, qui débattait, mais qui au final ne faisait pas grand-chose pour faire évoluer le système. Nous faisions nous-mêmes parties intégrante de ce système. Jald était le fils héritier de la maison Raktalin, une des plus importantes de l’Ordre et fidèle alliée des Irlesquo. Même chose pour Tilveta, la fille aînée et héritière de la maison Psuhyox, qui roulait pour le Grand Maître en titre depuis des siècles. Quant à Dalrin Voshturein, sa maison était de faible importance, mais son père possédait quand même une certaine renommée pour être le G-Man de Leviator, et donc l’un des G-Man les plus puissants actuellement de l’Ordre. Quant à moi, j’étais bien sûr le fils de Bradavan Irlesquo, le Grand Maître de l’Ordre. Nos parents ignoraient bien évidement tout des sujets de nos petites réunions, sinon ils auraient attrapé une crise cardiaque.

Parce que nous étions tous les quatre des intellectuels, nous nous sommes rapidement rendus compte de l’iniquité des lois de l’Empire et de la décadence dans laquelle l’Ordre G-Man avait sombré. Nos revendications étaient simples : la reconnaissance d’un statut pour les humains, l’arrêt immédiat des meurtres de bâtards G-Man et des humains-nés-G-Man, et surtout un recentrage des missions de l’Ordre. Mais déclarer ça tout haut nous aurait valu d’être pris pour des membres ou des sympathisants du groupe Lance, ce que nous n’étions bien évidement pas. Lance était un groupe terroriste, qui usait du meurtre de Pokemon pour faire entendre leur message de liberté des humains et de corruption de l’Ordre G-Man.

Même moi, fils du Grand Maître, j’ignorai combien de G-Man comptait Lance et qui en faisaient parties. Pourtant, je connaissais tous les G-Man de la capitale, pour les avoir tous salué des centaines de fois lors de réceptions, de fêtes et de bals. Je n’arrivais pas à concevoir que parmi tous ces nobles fiers et hautains pouvaient se cacher des révolutionnaires brutaux. La question s’était posée pour nous aussi, de savoir si on devait rejoindre ou non ce groupe. Mais nous y avons bien vite renoncés. Sans doute un peu par lâcheté, mais surtout parce qu’on répudiait tout usage de la violence pour défendre des idéaux. Nous valorisons au contraire la parole et la réflexion.

- Nous n’aurions même pas à citer ces fameuses recherches interdites, fit Tilveta. Même le dernier des imbéciles peut voir qu’il n’y a aucune différence entre un humain et un G-Man, si ce n’est les pouvoirs. La preuve en est qu’ils peuvent parfaitement se reproduire entre eux. Les G-Man sont des humains « améliorés », mais des humains quand même.

- Oui, mais l’Ordre réfute le terme d’humain, dis-je. C’est réservé aux esclaves. La version officielle est que les G-Man sont une troisième race. Ça ne fonctionnait pas comme ça avant la Guerre de Renaissance. Les G-Man étaient considérés comme des humains à part entière.

Intéressé, mon ami Dalrin me demanda :

- Tu as lu un bouquin qui traite de la période antérieure à l’Empire ?!

- Le bouquin lui-même était antérieur à l’Empire. C’était justement un traité scientifique sur les G-Man, écrit par un humain.

Mes trois compères étaient visiblement impressionnés, et aussi un peu effrayés.

- Comment t’as pu mettre la main dessus ? S’exclama Jald. Ça ne doit pas se trouver dans n’importe quelle bibliothèque ça !

Je lui fis un sourire hautain.

- J’ai des contacts à l’Atlas de la Connaissance. Des Pokemon passionnés d’histoire comme moi, qui font un petit trafic de livres interdits dans leurs sous-sols.

- Si l’Empire t’attrape avec un bouquin pareil… me prévint Tilveta.

Mais je haussai les épaules.

- L’Empire est le dernier de mes soucis. Je crains cent fois plus ma sœur que lui. Si elle découvre mes lectures, elle risque de me casser lentement tous les os de mon corps, tout en m’électrocutant, avant de m’enterrer à moitié vivant et d’effacer toutes traces de mon existence.

C’était encore mon imagination négative qui avait parlé à ma place, et pourtant, les trois autres hochèrent sombrement la tête. Oui, Meika Irlesquo était la personne de l’Ordre qu’il ne valait mieux pas se mettre à dos, de facto, la dirigeante officieuse des G-Man. Bien plus puissante que père, elle attirait bien plus le respect et la crainte des autres familles G-Man que lui. Père ne cessait de lui confier de plus en plus de pouvoirs et de prérogatives. Je me demandais parfois combien de temps se passerait avant que père n’abdique à sa faveur… ou combien de temps avant que Meika ne le destitue elle-même. Pour autant, que ma sœur ainé devienne Grande Maîtresse de l’Ordre ne me réjouissait nullement. Nos relations étaient difficiles, et surtout, Meika était une pure partisane de la ligne traditionnelle et intolérante, pire encore que notre père.

Mais qu’aurai-je pu faire ? Meika était l’aînée, et surtout, elle était bien plus puissante que moi. Elle était la G-Man d’un Grolem de l’ancienne région d’Alola, celui avec le type électrique en plus, et moi, je n’étais qu’un modeste G-Man de Couafarel, qui de plus a découvert ses pouvoirs très tard. Je n’étais qu’une fourmi face à Meika, et tenter de lui disputer le titre de Grand Maître aurait été risible. Mais bon, valait toujours mieux un Couafarel qu’un Insolourdo comme père. C’était toutefois triste de penser qu’on était membres de la famille régnante des G-Man, avec des Pokemon pareils. Nous étions censés descendre de Sacha Ketchum après tout, le légendaire G-Man de Ho-oh…

- Ton père organise un bal chez toi bientôt non ? Me demanda Jald.

- Ouais, vendredi. Je tâcherai encore de rester enfermé dans ma chambre le plus longtemps possible.

Je détestais ces stupides réceptions dansantes, d’autant plus qu’il y en avait une environ chaque semaine. Mais c’était encore plus chiant quand elles avaient lieu chez moi. En tant qu’hôte, je me devais bien évidement de faire bonne figure. Père et Meika se contrefichaient de moi et de ce que je pourrai bien faire, mais si jamais je faisais quelque chose qui rejaillirait en mal sur eux, ça risquait de chauffer pour moi. Donc je devais être présent, je devais serrer des mains, je devais étirer mes lèvres en un sourire faux, et même danser avec quelques jeunes filles G-Man célibataires. Et je ferai tout ça, parce que j’y étais obligé, mais je resterai éloigné de tout ce cirque aussi longtemps que je le pouvais.

- On tâchera de s’éclipser avec toi, sourit Dalrin. Moi aussi, ça commence à me gonfler, ces bals à la chaîne.

- Je ne pense pas que je pourrai vous rejoindre, cette fois, leur dit Tilveta. Mes parents tiennent à ce que je me trouve un mec, et ne seront satisfaits que quand j’aurai dansé avec tous les hommes célibataires qui seront là.

Vu l’expression de son visage, cette perspective avait l’air d’autant l’enchanter que si elle avait dû danser avec des Grotadmorv. À moi aussi, père et Meika commençaient à me bassiner pour que je me fiance au plus vite, mais aucune de ces jeunes G-Man en fleurs ne me disaient quelque chose. Elles étaient toutes plus superficielles les unes que les autres. À part Tilveta bien sûr.

- Je crois que je pourrai te monopoliser pour quelques danses alors, dis-je à mon amie. J’ai beau être le G-Man de Couarafel, on ira pas disputer au fils Irlesquo la main mise sur une jeune dame.

Tilveta me fit un sourire sincère, touchée que je prenne part à ce genre de fêtes que je détestais pour la protéger des mains baladeuses de vieux G-Man célibataires un peu pervers.

- Merci, Rohban.

Elle détestait danser, et moi aussi, mais quand c’était entre nous deux, nous pouvions vaguement le supporter. En fait, pour nous éviter mutuellement d’avoir à se trouver un conjoint, nous aurions été prêt à nous fiancer à l’instant. Il n’y avait rien entre Tilveta et moi bien sûr - nous étions seulement de bons amis - mais nous avons des goûts similaires et nous nous entendions bien. Un mariage entre nous n’aurait donc pas été la pire des choses. Mais le souci, c’était que Tilveta appartenait à la maison Psuhyox. Cette dernière s’était tellement mélangée avec la maison Irlesquo durant les siècles qu’une union entre Tilveta et moi aurait été plus ou moins de l’inceste. Elle était à la fois ma cousine germaine du côté de ma mère, et une cousine au second degrés du côté de mon père.

La consanguinité était chose commune chez les G-Man, vu notre très faible population et le fait que nous vivions tous cloisonnés ensemble. Et notre ADN particulière, mélange de celle d’un humain et d’un Pokemon, nous protégeait face au risque de dégénérescence liée à la reproduction entre parents. Personne donc dans l’Ordre n’aurait été choqué que j’épouse Tilveta, mais moi, je m’y refusais. Et Tilveta aussi. Notre idéal, c’était justement que les G-Man cessent de se reproduire uniquement entre eux, et perpétuent leur race avec les simples humains. Mais c’était un rêve creux, hélas. Donner naissance à un enfant avec un humain était un crime, qui avait généralement pour conséquence l’élimination de toute la famille G-Man entière.

Bien sûr, j’avais entendu les rumeurs, les murmures au sujet de mon père. Il se disait qu’il était lui-même un bâtard, et qu’il ne devait sa vie qu’à la clémence du Seigneur Xanthos. Mon père aurait dénoncé lui-même ses propres parents, et se faisant, aurait été épargné alors que les G-Man illégaux étaient systématiquement pourchassés et éliminés. Il aurait fait cela par jalousie et rancœur envers son propre frère, Kashmel Irlesquo, le plus puissant G-Man depuis Sacha Ketchum en personne. Mon oncle Kashmel avait fuit la capitale bien avant la naissance, aussi donc je ne l’ai pas connu, mais il se disait qu’il avait été un G-Man incroyable, tolérant et désireux de changer l’Ordre. J’aurai aimé le connaître. Les G-Man auraient sans doute profondément changé avec lui comme Grand Maître. Mais bon, d’un autre côté, si Kashmel avait épousé ma mère à la place de mon père, comme c’était prévu à l’époque, je ne serai jamais venu au monde.

Le fait est que, si l’on en croyait ces rumeurs, j’avais en moi un quart de sang humain. Tous les G-Man le savaient, et même s’ils n’en montraient rien de crainte de représailles de mon père, ils se gaussaient secrètement de notre maison. Mais moi, j’en étais fier, au contraire. Je ne considérais pas les humains comme de la vermine. Pour moi, ils étaient les égaux des G-Man, ni plus ni moins, et quitte à choisir, je préfèrerait épouser une humaine. Mais là encore, c’était un rêve creux. L’Ordre n’allait pas changer de si tôt, surtout avec Meika à sa tête. Mon destin serait d’épouser une noble et parfaite petite demoiselle G-Man, vaine et puérile, et de perpétuer ainsi la lignée Irlesquo. Je ne servais qu’à ça, de toute façon. Meika prendra la tête de l’Ordre, mais comme elle était une femme, elle ne pourra pas transmettre le nom de la famille. Cette tâche me revenait. Je devais engendrer celui ou celle qui deviendra Grand Maître après ma sœur.

- Ça vous dit de venir chez moi ? Fit finalement Dalrin. Notre esclave a fait toute une flopée de ces pains à la vanille.

- Oh, ceux que j’adore tant ? S’exclama Jald. Ceux qui sont tous chauds, succulents et croustillants ?

- Ceux-là même.

- Ton humain est un cadeau des dieux ! Faudra que j’essaie de convaincre mon père de te le débaucher.

La maison de Dalrin, les Voshturein, était relativement inférieure à de grandes maisons comme la mienne ou celle de Jald. Les parents de Dalrin n’avaient de ce fait qu’un seul domestique humain, alors qu’il y en avait quatre dans mon manoir, mais l’esclave des Voshturein était connu pour être le meilleur pâtissier de toute la capitale, et beaucoup de G-Man payaient rubis sur ongle aux Voshturein pour les œuvres de leur esclave. Moi-même qui n’était pas spécialement un grand gourmant, je devais avouer que le domestique de Dalrin faisait des miracles avec de la farine et quelques autres ingrédients.

En parlant d’esclave… voilà que l’une des miennes - ou plutôt de mon père - se montra à l’entrée de ma chambre. C’était Rose, notre plus vieille domestique, une brave femme que j’appréciais beaucoup et qui avait pris soin de moi quand j’étais plus jeune, alors que j’étais affublé d’un père indifférent, d’une grande sœur égoïste et hautaine, et d’une mère effacée, soumise à son mari, qui ne prenait que très peu part à l’éducation de ses enfants. En ce moment, le visage parcheminé de la vieille Rose montrait une vive inquiétude.

- Jeune maître, pardonnez-moi de vous déranger…

- Ce n’est rien Rose. Qui y’a-t-il.

- C’est… Maîtresse Meika, jeune maître. Elle est rentrée, et…

Les bruits de pas dans les escaliers derrière elle rendaient inutiles toute autre explication. Mes amis et moi, nous nous entre-regardâmes pendant une seconde avant de cacher précipitamment tous nos matériels de pseudo-révolutionnaires, nos livres hérétiques et nos propres projets écris. Quand ma sœur fut sur la devanture de la porte, Rose s’était prosternée, mes trois amis s’étaient inclinés, et moi je me tenais bien droit en une attitude martiale, comme au garde à vous.

Il y avait bien longtemps que père ne m’impressionnait plus du tout, malgré toutes les punitions corporelles que j’avais reçu de sa part. Par contre, devant le regard perçant et électrique de Meika, je me tenais toujours comme un petit garçon effrayé prit en flagrant délit de bêtise. Meika partait sur ses vingt-sept ans, soit dix ans de plus que moi. Elle avait des cheveux blonds soyeux, un port royal et un habit laissant entrevoir des mosaïques de pierres, dont beaucoup de couleur jaune, indiquant donc par là son appartenance au double type Roche et Electrique. Elle balaya la pièce du regard, s’arrêtant sur mes trois amis toujours inclinés qui firent, parfaitement synchro :

- Nos hommages, Lady Meika !

- Encore vous… fit ma sœur en plissant dangereusement les yeux. Partout où se trouve Rohban, je vous trouve dans son ombre. Toujours à fureter, à rêvasser et à lui mettre des idées dangereuses dans son crâne influençable.

Malgré ma crainte, je ne pus que prendre la défense de mes amis.

- Ce sont mes amis, grande sœur. C’est normal que l’on soit souvent ensemble. Et ils ne me mettent rien dans le crâne.

Ça au moins c’était vrai. De nous quatre, c’était plutôt moi, le plus engagé politiquement.

- Penses-tu… Alors, qu’est-ce que vous faisiez à l’instant ?

- Nous étudions, nous parlions de tout et de rien, comme de simples amis, répondis-je.

- Vraiment ? Alors pourquoi Rose se tient-elle là ? Ne vous a-t-elle pas averti de mon arrivée pour que vous cessiez vos activités douteuses ?

Parfois, je me demandais si ma sœur n’utilisait pas quelque pouvoirs psychiques, en dépit de son double type. Elle semblait toujours lire en moi et comprendre les situations au premier coup d’œil. Rose, en bonne esclave qu’elle était, ne pouvait bien évidement pas mentir à ma sœur, la personne la plus puissante de ce manoir.

- J’ai averti le jeune maître de votre arrivée, Maîtresse Meika, fit-elle, toujours à plat ventre.

- Pour ne pas que je les surprenne sur le fait, sans doute. Tu subiras le fouet pour cela, humaine.

La façon dont Meika l’avait traité d’humaine comme si c’était un qualificatif méprisable me hérissa le poil. Rose s’était pourtant occupée de Meika comme elle s’était occupée de moi. Et malgré la menace du fouet, la vieille femme hocha simplement la tête, acceptant cette punition injuste sans montrer la moindre émotion.

- Laisse Rose tranquille, s’il te plait grande sœur, dis-je. Nous ne faisions rien de mal.

Guère convaincue, Meika se mit à farfouiller dans ma chambre, et sous mon lit, mit la main sur une feuille de papier. Mes amis et moi frémirent en reconnaissant notre brouillon pour notre déclaration d’égalité entre les G-Man et les humains. Les traits de ma sœur se firent encore plus dur à la lecture de ce que nous avions écris. Je serrai les dents, attendant l’explosion inévitable. Mais Meika fut très calme quand elle ordonna :

- Sortez tous. Vous trois, rentrez chez vous. Rose, tu retournes à tes devoirs. Toi, Rohban, tu restes ici.

Mes trois amis sortirent avec un regard désolé à mon adresse, et Rose repartit au rez-de-chaussée sans un bruit. Quand nous ne fumes plus que tout les deux, frère et sœur, je m’attendais presque à ce que Meika ne me lance une de ses attaques électriques comme elle l’avait parfois fait quand nous étions plus jeunes, par pur méchanceté. Mais quand elle me parla, ce fut d’une voix presque suppliante.

- Tu ne peux plus continuer comme ça, Rohban.

Elle agita la feuille de brouillon sous mon nez.

- J’ai fermé les yeux sur tes petits délires idéalistes, sans en parler à père, mais la situation est grave désormais. N’apprends donc-tu rien ? N’écoutes-tu pas ce qu’il se passe en ce moment ? Ces meurtres de haut Pokemon de l’Empire il y a trois jours…

- Quel est le rapport ? M’agaçai-je. Je n’appartiens pas à Lance, et je ne les rejoindrai jamais !

- Le rapport est que notre famille ne doit rien faire qui puisse attirer la suspicion, pauvre imbécile ! Père a été convoqué au palais suite à cet attentat revendiqué par Lance. L’Empereur est furieux. Il veut que nous éradiquions ces rebelles au plus vite, sans quoi il s’en chargera lui-même, et sans se soucier de tuer des G-Man innocents. Nous, la maison Irlesquo, et plus qu’aucune autre, nous ne pouvons montrer des signes, quels qu’ils soient, que nous serions en désaccord avec la politique impériale !

- Il y a plus d’un pas entre le fait de désapprouver la politique impériale et celui de soutenir le groupe Lance, contrai-je.

- Pas aux yeux de l’Empereur. Notre famille est déjà surveillée de près suite à… cette affaire concernant nos grands-parents. L’Empereur n’a pas la même tolérance que le Seigneur Xanthos a notre égard. Nous ne devons rien faire qui puisse lui faire douter de notre loyauté. Alors, tu vas arrêter avec tes folles idées d’égalité avec les humains. Vendredi, tu participeras à la réception du début à la fin, sans le moindre faux pas. Je te pisterai de près, tu as compris ?

Je hochai la tête. Qu’aurai-je pu faire d’autre, de toute façon ? Mais Meika n’était pas satisfaite. Elle m’attrapa le menton et me leva la tête vers elle. En voyant ses yeux perçants, je déglutis.

- Sache une chose, Rohban. Tu as beau être mon frère, si jamais tu contreviens aux intérêts de notre famille, je n’hésiterai pas un seul instant à te tuer moi-même. Personne au sein de l’Ordre n’y trouvera rien à redire. Tes soi-disant amis rentreront dans le moule de crainte de connaître le même sort. Père balaiera ton souvenir comme si de rien n’était. Et mère te pleurera, avant de se faire une raison. Ta vie n’a aucune sorte d’importance, petit frère. Tu n’es rien.

La colère et le défi se superposa à ma peur, et je pus soutenir le regard de Meika sans ciller.

- Merci de me le rappeler, grande sœur. Mais je n’avais pas oublié.

Non, je n’ai pas oublié. Je n’oublierai jamais que Meika m’avait déjà fait part de son désir de me tuer. C’était il y a un peu plus de deux ans, alors que je m’apprêtais à fêter mon quinzième anniversaire. À l’époque, mes pouvoirs de G-Man ne s’étaient pas encore révélés. Tout le monde craignait que je ne fus un humain-né-G-Man. C’était ainsi qu’on appelait les enfants de G-Man qui ne montraient aucun pouvoir. C’était rare, mais ça arrivait. Et c’était toujours une grande tragédie pour la famille, car selon la loi impériale, un enfant de G-Man qui n’a montré aucun pouvoir lors de ses quinze ans doit être exécuté.

C’était une loi injuste et horrible, mais l’Empire la justifiait par le fait qu’un humain-né-G-Man, même s’il n’avait aucun pouvoir, pouvait transmettre l’ADN G-Man à sa progéniture. Si l’Empire laissait les humains-nés-G-Man vivre avec les humains, il y avait risque d’apparition de G-Man illégaux qui se baladeraient dans la nature. Comme l’Empire voulait strictement contrôler les naissances G-Man, il agissait ainsi, en demandant à chaque parents de tuer leur propre enfant s’il n’a démontré aucune aptitude G-Man lors de son quinzième anniversaire.

D’ordinaire, c’était un vrai crève-cœur pour les parents, car même si leur enfant n’avait pas hérité de la nature G-Man, ils l’avaient élevés pendant quinze ans, et ils l’aimaient. Mais me concernant, mon père n’aurait certainement était effondré, loin de là. Il m’aurait même tué sans la moindre hésitation, juste pour laver le déshonneur d’avoir engendré un humain-né-G-Man. Il ne restait plus que deux mois avant mon anniversaire, et je n’avais encore jamais montré le moindre signe que j’étais un G-Man. Je commençais donc à craindre sérieusement pour ma vie, et mon père m’avait fait enfermer au manoir pour pas que je tente de m’échapper.

Meika était alors venue me voir, un soir. Elle m’avait parlé d’une voix douce et emprunte de pitié. J’avais espéré que ma sœur m’aiderait. Qu’elle ferait tout pour que je manifeste le moindre pouvoir G-Man, ou à défaut, qu’elle me ferait sortir et m’amènerai vivre parmi les humains de la capitale. Elle m’avait prise dans ses bras, chose qu’elle n’avait encore jamais faite. Et elle m’avait murmuré des mots qui sont encore aujourd’hui restés marqués au fer rouge dans mon esprit.

- Mon pauvre, pauvre petit frère impuissant et inutile… Ne t’en fais pas. Je me chargerai de te tuer moi-même à la place de père. J’ai appris à arrêter le cœur des gens avec une attaque électrique. Ce sera bien plus rapide et bien moins douloureux pour toi.

Pétrifié, je l’ai alors regardé. Et j’ai vu son sourire mauvais, signe qu’elle n’en avait strictement rien à faire de moi et qu’elle serait même heureuse de mettre fin à mes jours. Même aujourd’hui, alors que j’étais un G-Man à part entière, son regard à mon égard n’avait pas changé d’un iota. Quand ma sœur quitta ma chambre, je m’assis sur mon lit, le temps que mes tremblements cessent.