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Malsaine de M@xime1086



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Informations

» Auteur : M@xime1086 - Voir le profil
» Créé le 19/07/2017 à 11:13
» Dernière mise à jour le 19/07/2017 à 11:13

» Mots-clés :   Drame   Kanto   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Terreur

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I — comme Inconscience
Dès qu'elle eut fermée la porte, le silence lui sauta à la gorge. Les tremblements ne cessèrent qu'une fois qu'elle se fût accroupie, le dos contre un mur. Elle reprit son souffle. Cet exercice de relaxation terminé, un coup secoua la porte. L'identité de celui qui forçait l'entrée ne pouvait laisser de doute quand un aboiement pénétra toute la demeure, la frappant dans son immobilité de linceul. Lougaroc était en vie et voulait en finir avec Lilie. Heureusement, les battants de la porte ne cédaient pas. La jeune fille vérifia toutes les issues, notamment les fenêtres, mais les volets avaient été disposés pour ne laisser entrer aucun prédateur ni aucun rayon du soleil qui se lèverait dans quelques heures.

Aussi glacial que fût le cri du loup, la pendule sonna deux heures du matin. Les aiguilles s'étaient figées dans leur course. Les battement du timbre faisaient hoqueter le silence opaque qui rendait le hall d'entrée aussi morne qu'un cimetière la nuit. Malgré ce néant de couleurs et de sons, la douleur de Lilie se dissipa. Sa tête ne lui tournait plus, ses jambes arrivaient à la maintenir debout.

La villa avait toujours été liée à un sentiment de sécurité ; avec Léo à ses côtés, elle s'était sentie invulnérable, comme pendant son enfance, dans le cocon familial. Qu'est-ce qu'elle n'aurait pas donné pour que les murs de sa chambre de petite fille s'éclairent de dessins et croquis que son frère et elle avaient accrochés tels des œuvres d'art !
Mais les murs de la villa étaient démesurément vides. Les quelques peintures exposées par le chercheur Pokémon avaient un tout autre aspect sous la loupe de l'obscurité. Les paysages et scènes de vie avaient des couleurs d'orages brutaux, les traits fins et délicats semblaient tracés par la main d'un fou. Elle se souvint avoir passé de longues heures face à la paix de la nature ainsi représentée ; maintenant, ces paysages lui faisaient horreur.

Sa mère était là. On pouvait sentir la présence quasi dominatrice de la femme de quarante ans. Le silence, le noir, les peintures, les murs, Lougaroc, la villa, tout lui appartenait. Son emprise était totale. Mais Lilie était sûre d'une chose : Elsa-Mina ne la posséderait jamais.
La jeune assistante songea à Léo pendant qu'elle cherchait un interrupteur. Les coups continuaient de pleuvoir sur la porte à intervalles réguliers. L'orage roulait au loin. Ces interférences extérieures ne renforçaient que plus le silence. Elle trouva le bouton pour la lumière mais aucune ampoule ne s'alluma. Alors, un ricanement parcourut la pièce. Le courant avait été coupé par l'orage, sans doute. Sans aucun moyen pour la guider, malgré sa bonne connaissance des lieux, elle tatonna avant de trouver la porte qui menait à la cuisine.

Lilie, prisonnière dans la toile de sa mère, attendait sa venue. Personne dans la cuisine. Étrangement, la pièce était plus claire, le marbre renvoyait la pâleur de ses joues. Elle trébucha sur les valises qui n'avaient pas été déplacées depuis la dispute d'il y a quelques heures. Quand elle les écarta de son passage, quelque chose la fit déglutir. Les bagages avaient été éventrés sauvagement, rageusement. Elle imagina sa mère, un couteau à la main, dépeçant les ventres de tissus. Les vêtements, ceux qui lui rappelait les souvenirs de Doublonville, faisaient miroiter leur éclat dans la pénombre. Ils étaient tout l'or que Lilie possédait. Les voir éparpillés ainsi montrait le mépris que sa mère avait pour eux ; elle eut l'impression d'avoir été dépouillée.

La carcasse des valises lui rappela le corps sans vie de Lockpin, sans doute froid à cette heure, sous les éclairs et les ombres de la forêt. Elle sursauta quand une main se posa sur son épaule. Là, elle vit sa mère, les doigts en avant, qui tentait de l'étrangler. Lilie chercha une arme pour se défendre, trouva sur la table le couteau qui avait servit à l'ouverture brutale des bagages. Elle pointa la lame devant la silhouette blanche de celle qu'elle prenait pour sa mère. Elle lâcha le couteau lorsqu'elle comprit qu'il s'agissait de son propre reflet dans la glace.

Cette atmosphère la rendait paranoïaque. La folie était-elle héréditaire ? Lilie fit taire ses angoisses en s'occupant les mains. Elle fouilla les tiroirs, convaincue de pouvoir trouver une lampe torche. Un nouveau rire, plus lointain, lui parvint. Dehors, le tonnerre s'était tue, vaincu par la démence qui gagnait la maison. Lougaroc avait suivi Lilie et cognait désormais dans les volets de la cuisine.
En même temps qu'elle s'armait de la lampe qu'elle dénicha, elle saisit fermement le couteau, puis prenant conscience qu'il la gênerait et que le flamboiement de la lame l'effrayerait davantage, elle le fourra dans la poche d'un pantalon qu'elle avait enfilé, quelques minutes plus tôt.

Elle arriva dans le salon. Le calme, après le fracas provoqué par les assauts de Lougaroc, la submergea. Il faisait totalement sombre. L'éclairage apportée par la lampe la ramena à la vie. Elle passa le faisceau rapidement sur les meubles, les murs, les coins. Sur la table basse, un mot avait été laissé à son intention. Elle reconnut l'écriture de Léo.

"Lilie, je crois que tu avais raison, ta mère ne va pas bien du tout. Les toxines de Zéroïd ont accentué sa maladie qui est dorénavant mentale. Je crois qu'elle prépare quelque chose ; si tu peux encore le faire, appelle le professeur Euphorbe. Tu trouveras une Pokéball dans la cave, elle te servira à te défendre. Tu la trouvera dans le"

Une rature interrompait la lettre. On l'avait visiblement empêché de poursuivre. L'idée qu'il lui soit arrivé du mal, que sa mère s'en soit prit à lui, fut insupportable à Lilie. Elle quitta la pièce en vitesse, ouvrant la porte de la cave qui se trouvait dans le hall. Un escalier raide menait aux sous-sol. La journée, les lieux avaient une allure de morgue, il fallait l'imaginer alors au milieu de la nuit. Heureusement, il n'y avait aucun Pokémon effrayant qui avait élu domicile dans cette cave.

Lilie longea pendant de longues minutes les couloirs humides avant d'arriver à un embranchement. Son sang se glaça quand elle vit qu'au bout d'un des deux chemins, il y avait un halo de lumière. Elle se frotta les yeux, incertaine de la vision. Un rire, aussi proche que s'il lui avait été soufflé à l'oreille, la fit se retourner. Le faisceau éclaira une ombre qui n'était que son bras dressé.

Par manque de courage, elle choisit de prendre l'autre voie. Elle ouvrit une porte en bois, modeste et grinçante. Il n'y avait presque rien dans la pièce, sinon de vieux meubles qu'elle inspecta. C'était la même cave dont se souvient le lecteur : là où elle avait trouvé avec Rocabot, encore jeune et innocent, la corde qui avait sauvé Laporeille d'une mortelle chute. Le souvenir s'effaça sous la précipitation de mettre bientôt la main sur la Pokéball promise par Léo. Peu importe le Pokémon qu'elle contenait, connaissant le scientifique, il la protégerait.

Il ne lui restait qu'à vérifier l'intérieur du frigo. C'était une excellente cachette. Elle avait voulu l'ouvrir une première fois, intriguée de trouver ici un appareil semblable à ce qui se trouvait dans la cuisine. La machine ronronnait, elle était branchée. Un cadenas verrouillait la porte du congélateur, plus grand que la partie tiède du frigo. Elle fit sauter la protection en fer. Elle braqua la lampe sur une chose effroyable. Le narrateur que je suis tremble encore de raconter le malheur qui emporta le peu d'espoir qui restait à cette jeune fille.

Découverte macabre...
Lilie recula, poussa un cri déchirant, de surprise, mais de mauvaise surprise. La lampe lui échappa des mains et roula sur le sol. Pendant ce laps de temps, elle pria pour avoir rêver. Brutalement, l'interrupteur de la pièce s'alluma, offrant une vision que Lilie ne voulut pas s'infliger de nouveau. Ce qu'elle trouva dans le frigo n'était point la Pokéball. C'était le cadavre de Goupix, gelé jusqu'à l'os. Le pauvre renard n'avait pas disparu : il avait demeuré sous les pieds de sa dresseuse pendant des semaines, des mois entiers ! Sans qu'elle en soupçonnât rien ! Lilie porta à sa bouche ses mains tremblantes. Elle n'osait s'approcher de ce corps si jeune et pourtant mort. De grosses larmes, les plus grosses qu'elle n'ai jamais versé, coulèrent sur ses joues blanches. Elle avait toujours espéré que son petit Pokémon soit en vie, qu'il se soit juste enfui. Mais la vérité lui éclata au visage comme cette lumière blafarde qui tombait du plafond et qui l'aveuglait dans sa douleur.

Goupix avait l'air endormi, serein et reposé sous les assauts du froid qui avait recouvert son pelage de plaques. Elsa-Mina l'avait cryogénisé à sa manière comme elle avait cryogénisé les Pokémon de sa collection. Un élan indescriptible, celui d'une mère qui retrouve le corps de son enfant longtemps disparu, poussa Lilie a recueillir dans ses bras le corps sans vie du renard. Elle le serra contre sa poitrine ; le froid ne l'atteignait plus. Les larmes ne se tarissaient pas. Elle venait de tout perdre ; aucun de ses amis n'avaient survécus à la folie de sa mère. Cette dernière les avait tous éliminés, les uns après les autres. Lilie était seule pour affronter Elsa-Mina. Personne ne viendrait la sauver.

La lumière s'éteignit après une énième étreinte entre les deux amis qui s'étaient enfin retrouvé. Lilie remonta en pleurs dans le hall, ne lâchant pas Goupix. Elle pénétra dans le bureau de Léo, alluma le poste en PVC mais l'électricité n'avait pas été remis. Elle constata que les câbles avaient été sectionnés, l'empêchant d'appeler à l'aide. La honte même de se retrouver devant l'homme qui lui avait confié la garde de Rocabot la retint de faire d'autres tentatives d'appel. Si Euphorbe constatait l'état de ce qu'était devenu Lougaroc, il ne lui pardonnerait pas.

Lilie ne savait plus quoi faire. Si elle sortait, Lougaroc la tuerait. Elsa-Mina était dans la villa. Un autre rire lui assura qu'elle ne se trompait pas. Elle se souvint alors du chemin qu'elle n'avait pas choisi, celui dans lequel le halo avait marqué le sol, sous une porte.

Elle descendit, convaincue que tout serait bientôt terminé. Goupix dormait toujours dans ses bras. Elle regardait droit devant, les yeux secs. La lumière se rapprochait à mesure qu'elle avançait. Derrière sa silhouette à demi-effacée par l'obscurité, elle avait laissé la vie de Goupix, de Rocabot, de Lockpin. Celle de Léo était peut-être en jeu. La sienne lui parut inestimable au vu des manigances de sa mère pour l'obtenir. L'ultime scène, le dernier acte allait s'écrire sous les pieds de la villa.