La couleur de la lumière de MissDibule

En rentrant chez elle, Shaïna fut accueillie par un silence déconcertant. Cependant, en tendant l’oreille, elle perçut des éclats de voix provenant de la chambre de sa mère. Elle s’en approcha, saisie d’un mauvais pressentiment.

Arrivée devant la porte, elle comprit bien vite que sa mère n’était pas en danger. Elle était simplement en pleine communication à l’aide du Vokit de son C-Gear. Shaïna, piquée par la curiosité, décida d’écouter la conversation, même si, de là où elle se trouvait, elle ne pouvait entendre que les paroles de sa mère.
« C’est arrivé… C’était inévitable, de toute façon. …Oui, demain. J’espère que tout ira bien… Mais je le savais… Je ne pourrai pas veiller sur elle éternellement, de toute façon. Je n’ai fait que la protéger depuis toutes ces années. Elle n’a pas la moindre idée du secret dont elle fait partie… Et j’espère que ça continuera encore longtemps comme ça. …Qu’est-ce que vous dites ? Que je lui avoue la vérité ? Je ne peux pas faire ça ! Vous rendez-vous compte des risques encourus ? Et que faites-vous de mes années d’effort ? Vous voulez que je les réduise à néant ? Désolée, mais je ne peux pas le faire… Même si c’est vous qui me le demandez, chef. N’insistez pas, il en est hors de question. »

Sur ce, Lana coupa court à la discussion. Shaïna s’empressa de quitter discrètement les lieux pour ne pas être découverte. Elle ne savait pas quoi penser de la conversation qu’elle venait d’entendre. Même si elle avait du mal à l’admettre, elle était persuadée qu’elle était la personne au centre de toute cette discussion. Elle s’était toujours doutée que sa mère lui cachait quelque chose mais… à entendre ses propos, cela semblait être un problème autrement plus sérieux que tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Et puis… cette personne qui parlait avec sa mère… Elle l’avait appelée « chef »… Sa mère lui mentirait-elle donc sur tout ?

Désormais, Shaïna savait avec certitude qu’il se tramait quelque chose dans l’ombre. Quelque chose qui la concernait, de plus. Et une chose était certaine… Ça avait un rapport avec tout ce que sa mère l’empêchait de faire depuis qu’elle était petite. Shaïna pensa donc que le moyen le plus efficace de découvrir la vérité était de braver l’interdit et de briser ces chaînes qui la retenaient depuis trop longtemps déjà.

A commencer par l’obtention de son premier Pokémon. Ensuite… Shaïna partirait à l’aventure avec lui. Elle en avait assez de vivre dans le brouillard. Elle voulait partir découvrir le monde, et les Pokémon. Et elle irait, avec ou sans l’accord de sa mère.

Pour ce faire, elle décida de faire comme d’habitude et de feindre de ne rien savoir. Parler à sa mère de ce qu’elle avait entendu pourrait l’empêcher à tout jamais de partir de la maison et réaliser son rêve. Il était de toute façon prévu qu’elle obtienne son Pokémon le lendemain. Sa mère serait alors bien obligée de la laisser partir, sinon à quoi bon obtenir un Pokémon ?

En remontant les escaliers pour revenir dans sa chambre, Shaïna croisa le Chinchidou de sa mère, qui émit un petit couinement joyeux sur son passage. Elle avait tant rêvé, plus jeune, de le câliner et le caresser comme le faisait sa mère… Mais celle-ci ne l’avait jamais autorisée à le faire. A cet instant, Shaïna n’en avait plus rien à faire de ce que sa mère avait pu lui dire. Elle tendit sa main vers Chinchidou pour le caresser puis…
- SHAÏNA !! Je t’ai entendue monter l’escalier ! Vu que tu es rentrée, on va dîner !!
La voix enjouée de Lana surprit à la fois son Pokémon et sa fille : le premier s’enfuit à toute vitesse vers la chambre de Shaïna tandis que la seconde sursauta, avant de descendre les escaliers pour rejoindre sa mère.

Paradoxalement, la mère et la fille passèrent un dîner très agréable, Shaïna raconta à sa mère ce qu’elle avait lu à la bibliothèque, et Lana l’écouta religieusement sans broncher. Shaïna était un peu triste… Elle se demandait comment sa mère pouvait apprécier vraiment leur discussion, alors qu’elle devait être obnubilée par cette conversation qu’elle avait eue il y a peu. Avait-elle toujours été si distante ? Elle la maintenait volontairement dans le noir, et peu importe ses raisons, cela ne plaisait pas à Shaïna.

Demain serait la première étape vers l’aventure qu’elle attendait depuis si longtemps. Shaïna alla se coucher de bonne heure, impatiente d’être au lendemain. Elle s’endormit bercée par le bruit des vagues, et fit le même rêve étrange que d’habitude… Peut-être ce rêve était-il lié au secret que sa mère lui cachait ? Toujours est-il qu’à cause de celui-ci, Shaïna se réveilla aux aurores. Elle attendit patiemment que sa mère se réveille pour pouvoir petit-déjeuner avec elle.

Lorsque vint le moment du petit-déjeuner, sa mère lui expliqua en détail l’obtention de son Pokémon, à l’aide d’une carte :
- Alors, tu es impatiente, pas vrai ? Malheureusement, la ville de Littorella, là où habite le Pr. Sorbier, n’est
pas si près que ça de Joliberges… Tu vas d’abord devoir prendre le bateau jusqu’à Féli-Cité, -c’est une grande ville alors tu feras bien attention à ne pas te perdre ! Là-bas, tu devras te diriger vers la route 202, où tu seras accueillie par l’assistant du professeur, qui t’emmènera sur son Pokémon au laboratoire. Il s’appelle Louka, c’est un gentil garçon, alors tu n’as rien à craindre ! Tu seras à Littorella en un rien de temps ! Je te laisse la carte pour que tu t’y retrouves, mais normalement il ne devrait pas y avoir de problème car comme ta maman, tu es très débrouillarde ! s’exclama Lana en souriant.

« Plus que tu ne l’imagines, même… » pensa Shaïna.
- Tu devrais être rentrée d’ici ce soir, si tout se passe bien, continua sa mère.
« Avoue, tu flippes… Rien que le fait de me laisser partir te rend malade. C’est pour ça que t’as tout planifié dans les moindres détails… »
- Bien ! Tu n’as plus qu’à t’habiller, prendre ton sac et c’est parti ! termina Lana.
- J’y vais de ce pas, répondit Shaïna avec un sourire qui n’était même pas feint : il reflétait son impatience
à l’idée de recevoir un Pokémon pour la première fois de sa vie. Enfin, un Pokémon rien que pour elle !

Elle monta les escaliers en trombe, s’habilla à toute vitesse (débardeur rouge, short en jean et baskets noires) et prit son sac avec son C-Gear, quelques Pokédollars et son sweatshirt noir à l’intérieur. Elle redescendit aussi vite qu’elle était montée et passa la porte d’entrée en un éclair, criant au passage :
- A ce soir !!!!

Enfin ! Elle était à deux doigts de se libérer du carcan que sa mère avait fermé sur elle depuis si longtemps.
Elle fonça à l’embarcadère, salua le capitaine, qui, voyant l’impatience de la jeune fille, s’empressa de démarrer le moteur. Une demi-heure plus tard, ils étaient arrivés à Féli-Cité. Elle remercia chaleureusement le marin et se précipita hors du bateau. Elle était fascinée par la vue qui s’offrait à elle. Sa mère n’avait pas menti lorsqu’elle avait dit que Féli-Cité était une grande ville. Tant d’immeubles et d’habitants !! Même au petit matin, la ville était très animée. Shaïna était presque intimidée face à cette immense ville.

Le premier bâtiment devant lequel la jeune fille passa était le siège de « Pokémontre S.A. », si Shaïna en croyait les gribouillis que sa mère avait annotés sur la carte qu’elle lui avait donnée. « Il paraît que les Pokémontres sont très en vogue à Sinnoh. J’aimerais bien en essayer une… ». Puis elle admira le bâtiment de Féli-Télé, très beau de l’extérieur, même si elle n’avait pas la moindre idée de son utilité. Elle vit également un immense bâtiment devant être bientôt inauguré. Une salle de concours, si elle en croyait les notes de sa mère.
Sa mère angoissait-elle vraiment au point de lui donner autant de précisions ? Shaïna présumait que oui.

Elle apercevait au loin la GTS, la Global Trade Station. « D’après ce que j’ai entendu, des dresseurs du monde entier viennent se rencontrer ici pour échanger des Pokémon. Intéressant. ». Cette pensée lui fit accélérer le pas, poussée par l’impatience d’obtenir elle-même un Pokémon. Elle dépassa la fontaine située au centre de la ville et se dirigea vers l’Ecole des Dresseurs, en direction du sud de la ville.

« Je me demande à quoi ressemble ce fameux Louka… Apparemment il serait gentil, donc je ne m’inquiète pas tr… ». Les pensées de Shaïna furent brusquement interrompues par deux individus plus que suspects qui lui passèrent devant à toute vitesse. N’écoutant que son instinct, Shaïna décida de les suivre discrètement. Si elle continuait à épier les gens comme ça, elle finirait espionne professionnelle !

Les deux fuyards s’étaient réfugiés dans une ruelle sombre. Shaïna resta plaquée contre le mur, l’oreille tendue. Elle les avait vaguement aperçus quand ils lui étaient passés devant : deux hommes vêtus d’accoutrements étranges avec de longs manteaux noirs à liséré blanc parsemés de ce qui semblait être des paillettes.

Shaïna devinait au timbre de voix de l’un des deux qu’il était passablement énervé :
- Mais comment tu as pu te tromper de Pokémon ? T’es débile ou quoi ?
- Excuse-moi, mais jusqu’à preuve du contraire je vois pas à travers les Poké Balls, et toi non plus que je sache ! Ce crétin n’avait pas sorti ses Pokémon, alors j’ai pris au hasard et j’ai filé !
- Au hasard ? Mais c’est quoi cette technique totalement foireuse ?! Tu débutes ou quoi ?
- Bah… Oui, je te signale…
- Ouais ben ça se voit !
- Bon, on fait quoi de celui-là ?
- On s’en fout complètement ! Abandonne-le ici, c’est qu’un Pokémon inutile.
A ces paroles, Shaïna entendit un bruit de morsure, puis un cri strident.
- On dirait que cette petite n’est pas d’accord avec toi, répondit son acolyte dans un rire.
- C’est ça marre-toi ! Quant à toi… hors de mon chemin !

Il y eut alors un bruit d’impact violent et un petit cri faible. Le cœur de Shaïna fit un bond. Elle fut prise d’un accès de rage. Mais elle ne pouvait décemment pas aller affronter seule deux hommes sans doute dresseurs alors qu’elle-même n’avait pas de Pokémon. Elle se résigna donc à attendre qu’ils s’en aillent afin de porter secours au Pokémon blessé. Dès qu’elle sentit qu’ils étaient sur le départ, elle se cacha de leur vue.
Et, une fois qu’elle fut certaine qu’ils étaient partis pour de bon, elle se précipita au secours du pauvre Pokémon.