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GREAT WARS T.1 : All men dream, but not equally de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 12/07/2017 à 13:45
» Dernière mise à jour le 08/09/2017 à 18:17

» Mots-clés :   Action   Alola   Guerre   Mythologie   Présence d'armes

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5- Roi des grains de sable
« Donnez-moi une femme qui aime vraiment la bière, et je conquerrai le monde. »
— Kaiser Wilhelm II (1859 - 1941) —


* * *


Étalée au sol, impressionnante et majestueuse, la grande feuille de vieux papier jauni est l'objet de tous les regards alentour. Dessus, bien que la surface soit plate, sont figurées les dangereuses aspérités du désert ; dunes de sable dans un brun clair, et rocheuses dans une teinte plus sombre.

Les quelques rares points d'eau apparaissent sous forme de cercles bleus, et l'objectif final, le repaire de Tokotoro, est une grosse croix noire dessinée à la main par Weigall, à l'aide d'une plume de bazoucan trempée dans un vieil encrier — les moyens au village ne sont pas des plus avancés.

Neuf silhouettes en uniforme sont penchées sur la représentation du désert, suffisamment fidèle au goût du connaisseur. Lequel, d'un air professoral et presque solennel, accroupi sur la terre sèche tout près de l'entrée de ces lieux désolés, pose un doigt dessus, désignant l'une des taches bleues.

« Juste là, voyez mon doigt, c'est le premier de nos repères, un vieux puits encore en état de fonctionner ; l'objectif à atteindre aujourd'hui, en d'autres termes. Si tout se passe bien, on y sera dans la soirée. »

Les multiples paires d'yeux plissés à cause du soleil sont attentives, suivent le cours comme s'il s'agissait de quelque chose de vital — ce qui est le cas pour survivre en plein désert.

Une brise, douce bien que chaude, souffle dans les cheveux blonds de Weigall, qui encore une fois n'a pas pris la peine de laisser sa casquette sur son crâne. Elle est toujours mieux dans sa main ou par terre, comme maintenant, laissée à côté de la fouinar somnolente roulée en boule.

Non loin de là, attachés à de solides poteaux de bois, tous les bourrinos empruntés au quartier général attendent sagement qu'on ait besoin d'eux, broutant tant bien que mal le peu d'herbes sèches qui subsistent sur le sol aride et inhospitalier.

A cette distance le village n'est plus qu'une silhouette un peu sombre, découpée sur fond de ciel bleu à outrance ; les nuages ne semblent pas de sortie, et pourtant combien sont-ils à réclamer de la pluie pour avoir moins chaud...

La plupart des étrangers en uniforme, pas habitués à la dureté des rayons du soleil qui leur brûlent la peau, n'ont qu'une envie, celle de se jeter dans la mer en contrebas pour se rafraîchir. Même certains pokémons, dont les fameux cerfrousse et castorno du médecin de l'unité, ne remuent plus sous l'effet de cette atroce langueur.

« Si vous avez des questions, reprend Weigall en arrangeant sommairement ses mèches claires, c'est le moment de les poser. Ensuite, je passerai aux consignes à ne pas négliger. Vous le savez tous, le désert est un endroit dangereux, et mortel pour ceux qui ne savent pas comment il fonctionne... »

La seule main levée, quelque peu hésitante, est celle du cadet du groupe, qui à vue de nez ne doit pas dépasser les vingt ans. Le lieutenant songe un instant qu'il va peut-être les ralentir, car quelqu'un de si jeune peut vite s'avérer imprudent, mais se souvient que Macarthur a choisi les membres de l'unité lui-même ; peu de risque qu'il ait sélectionné n'importe qui, en y réfléchissant.

« Je vous écoute, soldat, quelque chose vous tracasse ? »

Le jeunot rajuste sa casquette d'un geste mécanique, et désigne un emplacement particulier sur la carte, sous forme de croix noire, mais plus petite que l'autre. A environ un kilomètre de l'antre du gardien, au vu de l'échelle. Il n'y a aucune mention à côté, et le spécialiste n'en a rien dit non plus.

« C'est un petit campement d'éclaireurs pas loin de notre cible, explique Macarthur, prenant les devants. On l'a mis dans un renfoncement rocheux, puisqu'il y a les montagnes à proximité, et ça le rendra plus difficile à trouver si des indépendantistes passent dans le coin — en théorie.
— Oui, c'est bien ça, renchérit Weigall, passablement irrité que l'on fasse son travail à sa place. Ils sont une petite dizaine là-bas, dont deux tireurs d'élite au cas où ils repèrent des ennemis. Le ravitaillement se fait par avion pour minimiser le danger. J'y travaillais peu avant la guerre, mais c'était surtout dans un but, euh, intellectuel ; collecter des données sur le désert et les pokémons des environs... »

Le grand brun lui somme d'arrêter, n'ayant nul besoin de telles remarques. Le lieutenant tourne son regard émeraude vers la recrue qui a posé la question, et lui adresse un semblant de sourire chaleureux, comme pour le rassurer.

« Besoin d'autres précisions par rapport à ça, ou à une autre donnée de la carte ?
— N-non, monsieur... Merci, monsieur. »

Un hochement de tête distrait lui répond, et la grande carte est aussitôt enroulée d'un geste rapide et expert. Les deux autres exemplaires fournis par le quartier général sont enfouis dans les bagages des officiers supérieurs, auprès des bourrinos et du soldat local qui les surveille.

Tout le monde se relève, les mollets engourdis d'être restés si longtemps en position accroupie. D'un simple regard, le général intime à son subalterne de passer à la seconde partie de son « exposé », afin de préparer au mieux les troupes pour cette première journée en plein désert.

Au loin, lorsque l'on regarde dans la direction des étendues sablonneuses de Haina, on peut voir les silhouettes informes des hautes dunes, et la pellicule poussiéreuse caractéristique des multiples grains qui volent au vent.

En arrière plan, plus éloignées encore, se dressent les montagnes rocheuses voisines du grand mont Lanakila, qui domine l'île de toute sa hauteur. Celui qui le regarde, où qu'il soit, se sent inexorablement minuscule par rapport à un tel géant.

Weigall laisse un moment son regard se perdre parmi les paysages naturels offerts à sa vue, appréciant les reliefs et les contours comme s'il observait les traits d'un visage particulièrement difficile à déchiffrer ; un raclement de gorge du colonel Snow le rappelle bientôt à la réalité, et le voilà qui se retourne vers les autres.

« Bien, maintenant, les consignes à respecter si vous ne voulez pas mourir desséché comme un vieux kokiyas fossilisé... »

Certains des membres de l'unité s'attendent à le voir sortir un quelconque morceau de papier de ses poches, où il aurait noté les informations essentielles. Il n'en est rien, le blondinet se contente de joindre les mains derrière le dos, et de se tenir plus droit, la casquette ayant retrouvé sa place sur sa tête — de travers, mais en place quand même.

Un peu en retrait des autres, les supérieurs, dans une posture similaire, se contentent de jouer les observateurs ; c'est à l'agent du renseignement de briller, c'est après tout son travail de renseigner, tout est dans l'appellation. Les rayons lumineux se reflètent dans les verres de leurs lunettes de soleil, incapables de faire leur chemin jusqu'aux pupilles dissimulées et protégées.

« A vrai dire, c'est difficile de savoir par quoi commencer, avec tout ça... La déshydratation, tiens, ça me paraît être le plus important. »

Distraitement, avec toute la nonchalance du monde, il se gratte la nuque pour en déloger des poils de fouinar perdus par Vicky ; cette manie de se poser sur ses épaules, ça a surtout des inconvénients...

« Vous le savez tous, que le désert est un lieu propice à la déshydratation, je ne vous apprends rien. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que l'eau est rationnée. Vous aurez peut-être du mal à vous y faire, parce qu'on a tous l'habitude de boire plus ou moins de grandes quantités, mais il faudra faire très attention avec ça...
— Rationnée à quel point ? souffle un jeune homme à l'air peu avenant, bras croisés sur sa large poitrine.
— Ne vous posez pas de question sur la quantité d'eau que vous serez amenés à boire, ce serait futile. Contentez-vous d'attendre mon approbation avant de descendre le contenu de vos gourdes, c'est tout. »

L'air défiant du soldat disparaît bien vite, voyant le regard émeraude acéré à la lueur agacée se poser sur lui. Satisfait, Weigall récupère son sourire sympathique, et poursuit, sous l'œil attentif de ses supérieurs.

« Il faut faire gaffe aux cactus, aussi... C'est du savoir commun, les cactus contiennent de l'eau, et l'eau c'est la clé de la survie dans le désert, mais on n'est pas à l'abri de mauvaises surprises. Déjà, certains cactus sont vénéneux, alors ne buvez pas leur contenu sans m'avertir... Mais surtout, ce qui pose problème, ce sont les maracachis. Ces fourbes savent très bien se faire passer pour certaines espèces de cactus. Pas besoin de vous dire ce qui vous attend, si vous osez y planter un couteau... »

Tous les visages montrent bien la compréhension de cet aspect-là du désert. Le sourire du blondinet s'élargit, dévoilant une rangée de dents droites et blanches, rendues éblouissantes par la force des rayons solaires.

« Attendez un peu que je vous parle des mirages, ça va pas vous plaire... »


* * *

Les « bip » agaçants de la machine ennuient le capitaine au plus haut point, d'autant plus qu'il ne peut pas entendre ce qui se dit. Une furieuse envie de se laisser tomber sur sa couchette, dans sa cabine, lutte avec son sens du devoir et sa loyauté envers sa patrie.

Assis à un bureau tout à fait simpliste, sur lequel trône un genre d'appareil électrique, un officier de transmission écoute, casque aux oreilles, et d'une main rapide prend des notes sur une feuille avec un vieux crayon à papier abîmé.

Un magnézone, juste à côté, produit des grésillements agaçants, tout en chargeant l'appareil en électricité. Le navire étant relativement vieux — une dizaine d'années, par rapport à beaucoup d'autres plus récents —, il ne dispose pas d'une installation électrique optimale, et les pokémons sont donc nécessaires pour faire tourner les bijoux technologiques.

Les yeux gris du capitaine Melvin Eaton ne parviennent pas à se détacher du flux électrique, sous forme de « lignes » tremblantes d'un bleu vif, qui s'agitent entre les aimants de la créature et l'espèce de « boîte » faisant figure de téléphone.

Du haut de ses cinquante-huit ans, il en a vu passer des innovations technologiques, mais celle-ci, il a du mal à la comprendre. Comment est-ce que ça fonctionne, exactement ? Apparemment un autre magnézone est requis chez la personne qui parle, peut-être que c'est un genre de communication « télépathique »...

Non, et puis, à quoi bon se creuser la tête à ce propos puisqu'il n'y entend rien de toute façon. Tout ce qui importe, c'est le message délivré par le général Jackson. S'il appelle si tôt dans la matinée — neuf heures et demie —, c'est que quelque chose d'important doit être dit.

L'officier de marine, s'il était obligé de l'admettre, le ferait sans détour ; il n'apprécie pas du tout le général, et ne lui obéit qu'en raison de son rang de chef de l'état-major. Autrement, il dépend uniquement de l'amirale Emerson, sa supérieure directe, et ça lui suffit amplement.

« La communication s'arrête là », soupire le trentenaire en retirant son casque, se massant rapidement les tempes.

Soulagé, le capitaine Eaton saisit la feuille blanche qui lui est tendue, couverte d'une petite écriture légèrement inclinée, mais suffisamment lisible pour comprendre sans peine le message. A mesure qu'il découvre le contenu des notes, le visage marqué par l'âge blêmit de plus en plus.

« Bon sang, ce n'est pas sérieux... Préparer une embuscade sur Poni, c'est bien beau, mais est-ce qu'on a les troupes nécessaires ? Et puis, il l'a bien dit à la réunion d'état-major, que les cuirassés adverses sont bien plus fourbes... Sans compter ces fléaux aériens montés sur des ptéras... »

Frustré, l'homme aux cheveux grisonnants se laisse tomber sur la chaise la plus proche, et étend ses longues jambes devant lui, pour dégourdir un peu ses muscles fatigués. Forcément, des semaines passées à bord d'un grand bateau, ça a tout de même des limites, et ça ne favorise pas tellement une bonne santé.

« Qu'a-t-il dit, à propos du fait que le Wailord ne peut pas participer à la bataille ? Les termes exacts, je veux dire. »

Légèrement mal à l'aise, le plus jeune gratte sa tête rouquine, et tâche de se souvenir de ce qu'il a précisément entendu. Le ton rude de Jackson, son accent du nord d'Unys, ça il l'a bien en tête, mais les mots exacts...

« Euh, voyons... Je crois qu'il a dit quelque chose comme « c'est trop risqué », et « le brave capitaine a fait son temps »... Enfin, entre vous et moi, le général n'est pas des plus tendres, même avec des officiers aussi efficaces que vous.
— Vous êtes bien charmant de me rassurer, ricane le presque sexagénaire avec amertume, mais j'ai bien l'impression de ne plus avoir ma place à la table des grands. Ils se partagent les batailles comme si ce n'étaient que des jeux, mais la moitié des vice-amiraux ont à peine quarante ans. Comment croient-ils la gagner, la vraie guerre, alors qu'ils savent à peine ce que c'est ? »

Un moment, le vieux capitaine s'autorise à se rappeler le son des canons, le vrombissement des moteurs et l'odeur de poudre. Tout ça, ça fait presque vingt ans maintenant, lors de cette terrifiante bataille navale dans les eaux kaloises...

Rien que d'y repenser, ça le fait frémir et ça lui laisse un arrière-goût répugnant au fond de la bouche. Non, il vaut mieux ne pas s'en souvenir, ça ravive des blessures et ça n'a rien de productif, quand on a la guerre présente à maîtriser.

« Et puis, cette histoire de faire la navette entre Poni et Akala, qu'est-ce que c'est au juste ? Il ne veut pas me mettre au courant, ou bien vous n'avez tout simplement pas eu le temps de noter les détails ? C'est que le bougre parle vite...
— Oui, eh bien il n'a pas tout à fait précisé ce qu'il attendait, mais il veut que l'on ramène « quelque chose » au quartier général de Hano-Hano, visiblement un genre de colis important. »

Le grisonnant fronce les sourcils et se tient le menton, dans une parfaite posture de réflexion. Autour d'eux, l'air étouffant donnerait à n'importe qui l'envie, voire même le besoin de se ruer au dehors pour aspirer une goulée d'oxygène marin naturel.

L'habitude a forgé à ces hommes une résistance aux conditions épouvantables de la vie sur un navire de guerre, si bien que maintenant ils s'étonnent presque en voyant des jeunes recrues tourner de l'œil durant leurs premiers jours à bord.

« Un colis important, c'est tout ? marmonne Eaton dans sa barbe inexistante, l'œil gris rivé sur le plafond sombre de la salle de réunion vide. On ne peut pas faire moins précis, ça c'est sûr...
— Mes excuses, monsieur, il n'a rien spécifié de plus à ce propos. Le lieu de récupération est le petit village en bord de mer, c'est bien le seul endroit sécurisé de cette île sauvage... Et, concernant les personnes qui s'occupent de récupérer le, euh, le paquet...
— Oh, bien sûr, il va m'envoyer des incapables comme il en a l'habitude. Je commence à comprendre comment Jackson fonctionne, vous savez. Au départ il vous traite comme quelqu'un de votre rang, mais quand il comprend que la valeur a diminué avec l'âge, il ne montre plus tellement de considération. »

L'autre ne cherche ni à affirmer, ni à infirmer le propos du maître à bord ; n'ayant jamais rencontré Jackson, il ne juge pas opportun de s'avancer par rapport au mauvais caractère du bonhomme. C'est de toute façon de notoriété publique, qu'il fait un chef de guerre détestable. Au moins est-il plus ou moins efficace sur le champ de bataille, ce qui n'est pas un détail à prendre à la légère.

Depuis presque un an que l'officier de transmission Harper travaille sous les ordres du capitaine, il n'a entendu que du mal du chef de l'état-major, et visiblement ça ne va pas en s'améliorant. Néanmoins, ces plaintes lui semblent justifiées, dans la mesure où l'âge avançant d'Eaton ne nuit en rien à ses facultés.

« Euh, eh bien non, il a assigné cette mission, aussi étrange cela soit-il, à un duo d'aviateurs... Vous savez, cette « équipe de choc » dont tout le monde parle, qui fait des prouesses avec cet avion peint en blanc, leurs noms m'échappent... »

Le capitaine hoche doucement la tête pour lui faire comprendre qu'il a bien entendu parler de ce fameux duo, mais reste dubitatif quant au choix de Jackson. Il aurait pu sélectionner n'importe qui, mais non, il lui envoie ces gens-là, dont le sol n'est pas le terrain de jeu.

Peut-être que le chef est en train de perdre la tête, et que les rumeurs qui circulent à ce sujet sont vraies. Ou bien est-ce juste le manque de personnel qui se fait douloureusement ressentir, après tout.

L'officier de marine n'en sait au fond rien, et il n'a de toute manière pas son mot à dire sur les décisions du général. Tout ce qu'il peut faire, c'est se laisser porter par les vagues.

Jouer les navettes, abattre des cuirassés ennemis... Au fond quelle différence, puisque les deux servent l'effort de guerre ?


* * *

La longue file de bourrinos se stoppe progressivement, jusqu'à ce que chacun des équidés se soit délesté de son fardeau — les militaires montés sur leurs dos, aussi bien que le lourd paquetage nécessaire à leur survie dans le désert.

A presque dix-huit heures, le soleil n'a pas encore quitté le ciel estival, et sera sans doute là pendant encore deux ou trois heures, avant que le changement d'astre n'ait lieu là-haut.

La température, bien qu'encore élevée et assez insoutenable pour les jeunots n'étant pas habitués aux terres alolaises, a nettement baissé depuis l'après-midi, lorsque le soleil était toujours à son zénith. Les visages tout rouges, certains ne se font d'ailleurs pas prier pour s'étaler dans le sable, membres écartés et paupières closes.

Occupée à monter une large tente pour abriter les couchettes et les provisions, le colonel Winnie Snow surveille du coin de l'œil son supérieur. Macarthur et ses douleurs lombaires se révèlent un peu plus difficiles à gérer que prévu, puisque rester sur un bourrinos toute la journée n'est pas forcément conseillé en cas de problèmes de dos.

« Bon sang, je servirai qu'à vous ralentir, grommelle-t-il, assis un peu trop nonchalamment contre le bord du puits, haut d'un bon mètre, cigarette fumante entre les dents. Dites, prenez mon pokémon, il va vous aider avec les bagages. »

Il fouille un instant dans les poches de son uniforme, et en tire une capsule bicolore, qu'il lance avec désinvolture à la quadragénaire.

Celle-ci la rattrape sans problème, remercie l'homme d'un hochement de tête et fait sortir une créature insectoïde bipède, à l'exosquelette métallique rouge, luisant sous le soleil. Les grandes pinces, flanquées d'une sorte de motif d'œil, seraient suffisantes pour intimider une horde d'Alolais — du moins se prend-elle à l'espérer.

« Espérons que les choses ne s'enveniment pas trop vite ici... » soupire-t-elle à mi-voix.

Un peu plus loin, debout près de son bourrinos, camérupt et fouinar à ses côtés, Weigall observe le désert du haut d'une petite dune. La casquette toujours de travers, les manches de l'uniforme un peu relevées, la cravate fourrée dans la poche et le col entrouvert, il ressemble à un véritable aventurier du désert.

Il se l'avoue sans peine, les étendues sableuses lui ont manqué, durant tous ces mois passés à somnoler comme un pacha près de la baie de Hano-Hano. C'était reposant, peut-être, mais ça ne valait pas l'exaltation de parcourir des terres sauvages et arides.

Là, en haut de son promontoire surplombant le campement pas encore établi, il passe pour un seigneur ; il n'est que le roi des grains de sable, mais c'est au moins régner sur quelque chose de tangible.

« Hé, lieutenant ! »

A l'entente de la voix, il se retourne tranquillement. Vicky, elle, trépigne sur place, mourant d'envie d'aller se dégourdir les pattes ; après un long trajet passé dans une pokéball, son dresseur comprend parfaitement son excitation.

Montant péniblement la dune, les bottes s'enfonçant dans le sable, le médecin de l'unité arrive. Son expression grimaçante traduit le peu d'enthousiasme éprouvé à l'idée de rester là pendant des jours.

« Les officiers supérieurs vous demandent, l'informe le trentenaire en reprenant son souffle. Et Macarthur a spécifié que vous deviez vous « grouiller », parce qu'il est pas tellement d'humeur à attendre. »

Le blondinet hoche la tête, et échange un dernier regard avec le paysage désertique, avant de suivre son vis-à-vis vers le campement en contrebas. Ses pokémons le suivent, Vicky avec fougue, Bernard le camérupt aussi pataud que d'habitude, le pas lourd et la démarche tranquille.