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Malsaine de M@xime1086



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» Auteur : M@xime1086 - Voir le profil
» Créé le 30/06/2017 à 08:51
» Dernière mise à jour le 30/06/2017 à 08:51

» Mots-clés :   Drame   Kanto   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Terreur

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M — comme Mauvaise
Lilie avait emporté avec elle une lampe torche qu'elle alluma dès son entrée dans la lisière de la forêt. Elle s'arrêta en cours de route quand elle entendit des pas se rapprocher. Le faisceau de sa lampe se posa sur de simples branches qui tombaient en nombre à cause du vent. Malgré cela, la jeune fille ne se sentait pas en sécurité. Une présence la suivait, elle en était certaine. Même si les feuillages masquaient les bruits, son ouïe, qui se révélait être précis quand elle avait peur, l'avertit que quelque chose, invariablement, marchait à elle.

Des craquements de plus en plus proche la fit de nouveau se retourner. Il n'y avait que les herbes hautes qui tremblaient. Rien d'inquiétant. Elle eut peur que ce fut sa mère qui vint pour la tuer. Elle revoyait les mains blanches d'Elsa-Mina surgir de l'ombre pour la saisir et l'achever dans sa peur. Elle en eut le souffle coupé, si bien qu'elle crut que quelque chose, en effet, la tenait par la gorge pour l'empêcher de respirer. Elle fabulait. Sa crainte d'être véritablement suivie par une folle armée de ses Pokémon -qu'elle savait puissants- la fit renoncer à continuer son chemin.

Elle porta sa main à son front perlé de sueur. Sans aucun doute, elle prit conscience que sa sortie pendant la nuit pour suivre une mystérieuse lumière n'avait pas de sens. Devenait-elle folle, elle aussi ? Cependant, quand elle voulut éclairer le parcours qu'elle avait déjà fait, Lilie sentit ses forces l'abandonner. Elle ne retrouverait jamais son chemin.
Elle avait froid. Elle avait peur. Des larmes montaient à ses yeux lorsqu'elle comprit que sa lampe s'éteindrait d'ici peu. Elle prit la décision de continuer jusqu'au bout puis, une fois le jour levé, elle prierait pour que ses idées devinssent limpides. Elles étaient loin de l'être encore.

Ses cheveux battaient l'air comme de minces tentacules. Il était difficile de savoir si c'était le vent qui les décoiffait ou si c'était la peur. Elle arrêta sa marche lorsqu'un nouveau hurlement renversa les arbres. Un coup de vent suivit le cri ; Lilie se demanda si c'était l'aboiement qui faisait naître les courants d'air. Elle avait cru perdre de vu le rubis dissimulé dans les entrelacs de végétation mais elle le vit plus éclatant que jamais. La lumière était-elle liée à ce qu'elle prenait pour un appel ?

Sa détermination d'arriver au plus près du cœur des bois la fit accélérer le pas. Soudain, elle sentit quelque chose contre sa jambe. Elle s'immobilisa, incertaine de ce que c'était. La chose bougeait et la tirait en arrière. Il n'est pas nécessaire de décrire au lecteur les vives impressions que suscita la "chose" à notre héroïne. Elle donna un coup devant, derrière, à gauche, à droite, dans toutes les directions qu'il lui était permis mais cela ne la lâchait pas, au contraire. Lilie comprit qu'il ne l'agripperait que plus. Pour ne pas s'attirer davantage de frayeur, elle refusa de baisser l’œil de sa lampe sur ce qui l'immobilisait. Elle n'avait pas la force de comprendre ce qui lui arrivait ni de s'évanouir. Toutes sortes de théories fleurissaient dans son esprit imaginatif : tantôt un insecte, tantôt un bras qui l'attirait vers la terre. Elle n'arrivait pas à déterminer ce qui serait le pire.

Pourtant, il fallut se résoudre à dévoiler l'identité et la nature de la menace. Lentement, avec un geste d'infini dégoût et de crainte, elle abaissa la lumière sur ce qui serait une des plus grosse surprise de cette nuit-là.
Elle poussa un cri, lâcha un soupir puis leva au ciel ses paupières fermées. Il s'agissait du seul compagnon qu'il restait à Lilie : Laporeille. Aveuglée par la lumière, la lapine recula mais Lilie l'avait déjà prise dans ses bras. Le réconfort dura peu ; la jeune fille paraissait inquiète d'emmener avec elle sa seule amie.

« Je ne vais pas mentir en disant que ces disparitions sont naturelles. C'est toi qui les a provoqué, vilaine fille. »

Elle serra Laporeille contre sa poitrine puis se mit à courir droit devant. Le Pokémon passa la tête derrière l'épaule de sa dresseuse, comme effrayée de ce qu'elle verrait une fois arrivée au bout. La lampe cessa brutalement d'éclairer la voie. Heureusement, de là où elle se tenait, Lilie voyait la tâche rouge distinctement. Il ne lui restait qu'à franchir un bouquet d'arbres et de buissons pour pénétrer en territoire hostile et reconnaître toute l'intensité de cette lumière.

*****
Le joyau l'aveugla. Comme en plein jour lorsque le soleil est à son zénith et nous aveugle, Lilie porta une main en longue vue. Puis tout se figea : la lumière s'était tue, le hurlement avait cessé de briller. Le silence et l'obscurité étaient total. Il fallait être sûr de soi pour s'apercevoir de la présence d'une créature non loin de là où se tenait notre pauvre héroïne. Le souffle chaud d'un Pokémon entrecoupait le mariage du silence avec la nuit noire. Laporeille dressa ses oreilles et bondit à terre après avoir écouté le battement affolé qui résonnait dans la poitrine de sa dresseuse. Cette dernière n'attendait qu'une chose : que la lumière fût. Elle avait traversé les bois seule, en pleine nuit, avait rencontré toutes sortes de peur pour arriver finalement devant un tableau noir.

Le clignotement reprit dans un beuglement effroyable. D'abord, Lilie vit une souche, puis tout autour, elle aperçut un cercle de Desséliande. Ces derniers entouraient ce qui semblait être leur chef ; fait incroyable, le leader était à l'origine de la lumière puisqu'il était la lumière. Le signal rouge semblait être une mare de sang qui pâlissait à mesure que l'éblouissement s'estompait. Ce que vit alors Lilie la fit reculer. Au moment où sa surprise de découvrir qui était le chef des Desséliande fut la plus totale, elle entendit et entrevit une silhouette qui s'enfuyait. Elle reconnut un détail qui apposa un visage sur la personne qui s'éclipsait dans cet instant de fugacité.

Lilie, sans réfléchir, poursuivit le fantôme insaisissable de sa mère. Elle cria son prénom mais avant de pouvoir la rejoindre, un mur de branches crochues s'interposa. Elsa-Mina s'effaça dans la forêt. Lilie crut avoir rêvé mais les bruissements que laissait derrière elle sa mère lui indiquait qu'elle n'était pas encore atteinte d'hallucinations.

Elle ne s'était pas encore remise de cette surprise-là, qu'elle réalisa qu'on approchait. Le rubis qu'elle avait prit pour le phare de sa délivrance n'était que l’œil rouge d'un Lougaroc forme nuit. Elle aurait donné sa vie pour affirmer qu'il s'agissait de Rocabot. Il n'y avait jamais eu de Lougaroc jusqu'à présent ; la disparition du chiot coïncidait avec cette funeste apparition au milieu de la nuit.

Lilie avait tant rêvé de voir à ses côtés un Lougaroc forme diurne que la déception disparut au profit du soulagement de le savoir en vie. Lui, ne la reconnaissait que comme une proie qu'il dévorerait d'ici peu. Ses sbires spectraux tentèrent de la saisir pendant qu'elle observait d'un air attendri la nouvelle forme de son ancien compagnon ; une transformation qui l'avait rendu plus fort, elle l'espérait, pendant son absence. Elle aurait souhaité être là pour contempler le travail de la nature.
Les sombres paroles de sa mère lui revinrent à l'esprit en même temps que Lougaroc passait une langue sur ses canines tranchantes.

« Ton voyage et celui de Laporeille lui coûtèrent le moral... Son corps reprenait des forces tandis que son moral dépérissait. »

Lilie ne mesurait pas le danger qui l'attendait. Elle croyait que la lumière lui avait ramené un allié et non un ennemi. Lui en voulait-il de ne pas l'avoir emmené ? Après tout, si Doublonville ne l'avait pas appelé, elle aurait défendu son Pokémon bec et ongle contre ses ravisseurs. Cela lui parut étrange et suspect que ceux-ci soient les sbires de celui qu'ils avaient enlevé. Lilie remit en doute les propos de sa mère, se souvenant du sourire qui avait passé sur ses lèvres. Que faisait-elle là, si ce n'était pas elle qui l'avait abandonné ?
Comme une lampe qui l'aurait ébloui, elle comprit que ce n'était pas les Desséliande qui lui avait enlevé son ami. Sa mère le lui avait dérobé, l'avait dressé contre elle en lui faisant changer de camp. Elsa-Mina avait puisé dans cette amitié un allié qui lui serviraient dans son impérieux désir de vengeance.

Pour la première fois depuis qu'elle avait rejoint le phare qui l'avait guidé dans la nuit, Lilie eut peur. Lougaroc avançait, ses sbires attendaient l'ordre de se saisir d'elle. Il ne la quittait pas du regard. Sa fourrure carmin crochetée de pierres bougeaient en cadence avec sa démarche nonchalante et sûre d'elle. Il était certain d'avoir sa proie et voulait savourer dans le regard de cette dernière toutes les étapes de sa frayeur.

Lilie restait pâle, immobile, ne souhaitant pas transmettre sa peur à Laporeille, seul compagnon encore à ses côtés. Pour la première fois depuis son retour à la villa, la jeune fille fronça les sourcils sévèrement, tâchant de trier les informations qui lui montaient au cerveau. Elle établissait un plan de fuite ou tout du moins une négociation, un dialogue.

A mesure qu'il se rapprochait, les bras ballants, agités comme les aiguilles d'une pendule, elle réfléchissait au choix des mots qui lui sauverait peut-être la vie. Une rancœur contre sa mère qui l'avait abandonné -consciemment- à son sort la fit grimacer de dépit. Avait-elle tout manigancé pour apporter sa fille sur un plateau d'argent à Lougaroc, instrument de sa vengeance ?
Le canidé bougea sa crinière dans un geste impérieux. Ses crocs étincelèrent malgré l'obscurité qui envahissait tout. L'éclat rouge dans la paupière du loup révulsait Lilie : elle y voyait son sang couler.

Les Desséliande s'écartèrent, mêlant leurs branchages à ceux des arbres naturels. Ils s'immobilisèrent, faisant barrage comme une enceinte d'arène autour des combattants. Sauf qu'il n'y avait que Lougaroc qui désirait se battre. Ce dernier garda une certaine distance, la tête désarticulée, levant son œil sur sa prochaine victime. Il la regardait avec une profonde satisfaction mêlée de lassitude. Il connaissait déjà ce plaisir, il l'avait goûté de nombreuses fois. Il comprit que celle qui lui faisait face n'était pas n'importe qui, qu'elle serait différente des autres, que sa chair serait délicieuse. En même temps que se lisait l'appétit sur sa face monstrueuse, le dédain pour le pauvre morceau que promettait la prise de Laporeille le laissait indifférent.

Un nuage passa ; la lune dénuda ses rondeurs célestes aux yeux des résidents des bois. Lilie vit des Hoot-Hoot qui la fixaient dans sa misère, leurs gros verres sur le bec. Impassibles, ils hululaient de concert avec l'apparition inespérée de la lune. Inespérée car elle offrait une issue de secours à la jeune fille. Elle se mit à observer chaque recoin éclairé par l'astre lunaire tandis que Lougaroc parut soulager d'avoir une invitée prestigieuse qui contemplerait le spectacle de là-haut. Pour montrer son enthousiasme, son entrain, sa fougue, il aboya. Il serait plus juste de dire qu'il rugit, s'il était possible à un loup de rugir. Les Desséliande ainsi que tous ceux qui avaient vue sur le terrain de jeu de Lougaroc tremblèrent d'un même mouvement. Les arbres, les buissons, les brins d'herbe, tout frissonna sous l'impulsion du cri terrible lancé par le prédateur. C'était le signal ; la curée fut lancée. Il se jeta sur Lilie.

Elle poussa un hurlement avant de voir la riposte non moins inattendue de Laporeille. Le coup de Pied Sauté déstabilisa Lougaroc qui le reçut en pleine mâchoire. Il recula, sonné par la force de frappe d'un si petit lapin. Il jeta enfin un regard pour cette boule de poil qu'il avait aimé auparavant mais qu'il ne reconnaissait plus désormais. Laporeille se faisait terrible ; en elle luttait l'amante de Rocabot mais aussi celle qui veillerait sur sa dresseuse coûte que coûte. Trop de Pokémon avait laissé Lilie seule, elle ne serait pas des leurs.

Alors que Lougaroc se préparait à fondre sur l'opposant improvisé qui montrait de la résistance, une chose étonnante se passa. Lilie s'était jetée sur Laporeille, la couvrant des coups qui allaient pleuvoir d'ici peu. La lapine se dégagea mais l'étreinte de sa dresseuse était plus forte. Ses bras se mirent à trembler ; la protection offerte par Lilie voulait paraître résolue mais elle n'en était pas moins faiblarde. Un simple coup de griffes de Lougaroc aurait suffit à la couper en deux.
A cette perspective, à cette prise de conscience de sa faiblesse, la jeune fille éclata en sanglots. Elle appela tout ceux qui lui étaient chers : Léo, Euphorbe, Tili, Sun... même sa mère, sans doute responsable de tout. Elle pria qu'on épargne la vie de la seule amie qui lui restait après la disparition de Goupix et celle de son petit Rocabot...

Elle leva les yeux vers la bête assoiffée de sang et imagina le chiot qui renversait la vaisselle, qui partait à l'aventure, qui avait failli périr dans l'estomac d'Empiflor.
Ses larmes auraient attendri n'importe quel Pokémon sur le point de la dévorer. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne se souvenait pas d'elle. Elle eut beau l'appeler doucement, il n'écoutait pas, le museau en l'air. Il attendait un signe de la lune, sa mère. Lilie n'était plus rien.
Une série de larmes s'échouèrent sur le front de Laporeille qui câlinait sa dresseuse comme elle le pouvait. Une chaleur diffuse parcourut les deux amies puis un flash, pareil à celui qu'avait provoqué l’œil de Lougaroc, les aveugla tous. Le loup, habitué à l'obscurité, hurla sous l'effet de l'éblouissement.

Dans ses bras, une fois la lumière dissipée, Lilie trouva un Lockpin. La lapine, sous cette nouvelle forme, se trouva soupeser par le désir lubrique du canidé. Le repas devenait plus consistant. Il se serait jeté volontiers sur cette proie bien plus appétissante que la gamine. Il n'eut plus d'envie que pour Lockpin et laissa de côté Lilie qu'il garderait pour le dessert.

Avec cet examen malsain, la jeune fille comprit que son amie avait prit sa place dans les priorités du bourreau. Elle protégea son Pokémon en écartant les bras pendant une attaque. Les griffes du Lougaroc sectionnèrent le sautoir qui n'avait pas quitté Lilie depuis que Valériane le lui avait offert. La plume qui devait porter bonheur à la propriétaire du collier profita d'une bourrasque pour s'envoler. Il n'est pas nécessaire de préciser qu'aucun des personnages présents sur les lieux remarqua la fuite de cette plume dans les cieux. Ce n'était qu'un détail, une anecdote, qu'on raconterait une fois que le combat serait terminé et seulement si Lilie en sortirait vivante.

Cette interposition alarma Lockpin qui ordonna à sa dresseuse de fuir. Lilie répondit par un regard qui signifiait : "demande-moi tout mais pas ça". Lougaroc se jeta sur Lockpin mais cette dernière le repoussa avec un Pied Sauté qui fit mouche. Le coup, rude à encaisser, blessa gravement l'adversaire au niveau de la mâchoire. Cependant, la fourrure perlée de roches tranchantes avait profondément entaillé les jambes musclées de la lapine. Elle se mit à boiter mais n'en voulut rien montrer à Lilie. Un filet de sang coulait comme la rosée du matin. Lougaroc passa le bout de sa langue sur la plaie qui saignait.

Lilie assista, impuissante, à un échange de coups. Il était difficile de savoir qui prenait le dessus ; tantôt la rage du loup décuplait ses forces, tantôt la volonté implacable de Lockpin arrivait à supporter et à rendre les blessures. Évoluer avait demandé de l'énergie à la lapine qui fut rapidement essoufflée. Avec lucidité, elle prit conscience qu'elle perdrait : il faisait nuit, ce qui favorisait la vue perçante de Lougaroc. De plus, il était sur son territoire. Ce qui importait, c'était de sauver Lilie. Celle-ci espérait je-ne-sais quel miracle qui tirerait Lougaroc de sa folie.

Pendant que Lockpin gagnait du temps, une colère monta jusqu'au cœur de la jeune fille. Elle assistait au massacre de sa dernière amie alors qu'il lui fallait juste demander à Lougaroc de tout arrêter en la tuant et en épargnant la vie de Lockpin. Seulement, essayez de discuter avec un Pokémon sauvage fou furieux, avide de sang et vous comprendrez la difficulté avec laquelle se heurta la jeune fille. L'instance qui avait le pouvoir de tout faire cesser n'était plus ici et ne portait pas de fourrure sur le dos. Celle qui avait tous les pouvoirs était sa mère.
Certainement pas qu'elle irait la supplier d'arrêter tous ces plans mais il leur fallait une discussion. Lilie croyait encore pouvoir raisonner Elsa-Mina. Cet espoir, elle s'y accrocha comme une explication valable à sa fuite.

« Je vais partir chercher ma mère et lui demander d'arrêter tout. Je veux encore te sauver. Elle seule a encore une emprise sur lui. »

Les Desséliande, comme on peut se l'imaginer, ne la laisserait pas fuir aussi facilement. Pendant que Lockpin ripostait aux rixes de son adversaire, Lilie découvrit une brèche dans la muraille qu'avait dressé les spectres. Elle s'y engouffra en faisant une roulade sous les regards médusés des sbires qui attendirent un ordre de leur chef, hélas trop occupé avec Lockpin pour s'apercevoir de quoi que ce soit. Les Desséliande jetèrent un regard à droite vers Lougaroc puis à gauche sur l'ombre de Lilie qui disparaissait dans les fourrés, si bien que leur tête -ou plutôt leur tronc- leur tournait. Ils hésitaient, en bon soldats, sur la marche à suivre ; aucune initiative ne leur était permise en temps normal, ils ne dérogeaient donc pas à la règle.

Lougaroc poussa un hurlement que les arbres spectraux assimilèrent à un ordre. Chose déroutante que la marche d'une armée au milieu de la nuit ; chose plus étrange encore que ces soldats avaient pour bras des branches et pour corps le bois et l'esprit des morts. Lilie entendit un bruit confus derrière elle mais décida de poursuivre sa course ; elle se doutait que la forêt s'était mise en mouvement. Voir une vingtaine d'arbres avancer donnaient l'impression hallucinante que les bois se déplaçaient.

Je vais laisser de côté le combat pour continuer le récit de la course-poursuite. Les chances pour que Lilie ressorte vivante de la forêt et rejoigne la villa où l'attendait Elsa-Mina étaient aussi mince que les chances que le soleil se lève dans la minute. La détermination rendait inutile les pronostics ; Lilie croyait encore pouvoir arrêter la folie meurtrière de Lougaroc, cela seul comptait.
La jeune fille courrait aussi vite qu'il lui était possible de le faire malgré les ronces et autres obstacles naturels qui en faisait une route accidentée. Sans lumière pour la guider, il ne lui restait que son instinct pour trouver la bonne direction et ne pas s'enfoncer davantage dans les bois.

Sa robe blanche s'accrochait aux branches et se déchirait en lambeaux. Quand elle regarda l'état de sa tenue, elle eut l'impression de voir la robe rapiécée de Margie. L'ironie de la situation lui rappelait qu'elle était pourchassée par des Pokémon spectres. Ils ne s'étaient pas encore manifestés mais Lilie n'attendait que ça. Peut-être étaient-ils trop lents ? Après tout, qui peut courir plus vite qu'une enfant qui a la peur au ventre ?

Soudain, une main ferme la tira en arrière. Un des arbres cyclopes la tenait alors qu'un autre, devant elle, avançait comme une araignée, les racines en dehors de la terre. Lilie sentit peser sur elle tous les regards hostiles. Leurs poignets feuillus entouraient leurs membres décharnés, leur écorce qui leur servaient à dévorer les voyageurs égarés craquaient comme les marches d'un vieil escalier. Le son de la victoire qui s'échappait de leur gueule faisait froid dans le dos. Pour s'en sortir, elle dût sacrifier la ravissante robe que lui avait acheté Valériane. Elle laissa derrière elle une étoffe, profita de l'effet de surprise pour se coucher à l'intérieur d'un tronc abandonné.

Là, sans un souffle, elle attendit que la mort vint ou la laisse. Les Desséliande qui connaissaient la forêt de jour comme de nuit ne tardèrent pas à repérer sa cachette. Un des cyclope s'empara du morceau d'arbre mort et le jeta à une certaine distance. La frayeur que causa le lancé du tronc fit craindre le pire pour Lilie. Elle se cramponna aux sinuosités de l'arbre comme elle se serait cramponné à la vie. L'impact que provoqua le tronc mort avec un autre arbre détruisit la cachette éphémère de la jeune fille qui se retrouva à terre, la tête bourdonnante. Quand elle porta les doigts à sa tête, un liquide chaud lui apprit qu'elle saignait. Sa vision se troubla alors qu'elle tentait de se remettre debout. Ses jambes chancelèrent, incapables de la soulever. Au même moment, elle entendit un aboiement qui venait des entrailles de la forêt. Elle l'aurait reconnu entre mille malgré l'évolution de Rocabot : l'intonation qui soulevait les bois était celle de la victoire. Lougaroc était venu à bout de la seule amie qui restait à Lilie.

*****
Quel déplorable spectacle que la carcasse d'un malheureux Pokémon ! Lockpin s'était éteinte après avoir maudit et pleuré le même Pokémon, cette enveloppe de fourrure qui lui avait enlevé son petit Rocabot qu'elle ne cesserait d'aimer. Lougaroc se délecta du corps mourant de son adversaire qui offrait un bon repas après tant d'efforts. Il ne se préoccupait plus de Lilie : ses sbires devaient l'avoir attrapé et dévoré. Il n'en tira aucune amertume puisque cette prise était bien plus satisfaisante que pouvait l'être une gamine de douze ans.

Après avoir mangé les meilleurs morceaux, il décida de rejoindre ses troupes. Les chairs qui pendaient à ses canines démontraient le barbarisme avec lequel il s'était régalé. Le sang perlait aux extrémités de ses griffes qu'il mit dans sa bouche pour ne pas en perdre une goutte.
Il remarqua, à quelques mètres de là où s'était déroulé le combat, un tissu blanc échoué dans un buisson de ronces. Il l'inspecta, renifla l'odeur fraîche qui s'en exhalait. Ce parfum de jeune fille en danger fit émerger quelques bribes de sa vie passée, tout cela dans un brouillard trop confus pour qu'il puisse se rappeler que ces moments étaient heureux.

Il rejoignit les Desséliande qui formaient une section de recherches. Lilie avait de nouveau disparu. Sans doute que l'envoyer contre un arbre n'était pas la meilleure stratégie... Le cyclope coupable de la faute avait cru bon qu'assommer la victime -voire la tuer sur le coup- les aiderait à la ralentir.
Lougaroc laissa au fond de sa gueule le doux goût de Lockpin pour faire la leçon à ses sbires. Il se mit en devoir de la retrouver seul, puisque ces foutus arbres n'étaient pas assez compétents pour mettre la branche dessus.

Un coup de vent assembla un patch de nuages dans le ciel. La lune s'éclipsa tandis que l'orage annonçait sa venue. Les éclairs, lanternes célestes, se préparaient à frapper. Les bourrasques déracinèrent deux arbres à l'orée de la forêt ; cela suffit à Lougaroc pour apercevoir que Lilie avait quitté les bois et rejoignait la villa. Il bondit à ses trousses. Le voir courir à quatre pattes était chose rare. Il gagnait de plus en plus de vitesse et d'espace tandis que Lilie continuait sa course, les jambes balbutiantes. Elle entendit les pas du loup se rapprocher mais ne parvint pas à accélérer la cadence, sous peine de trébucher et de tomber. La porte se dessinait devant elle, même si elle doutait de la trouver ouverte. Elsa-Mina l'avait peut-être fermée.

Elle atteignit l'entrée quelques secondes avant Lougaroc. Secondes qui servirent à vérifier si la porte lui ouvrirait la voie du secours ou celle de la mort. Elle tira la poignée qui résista. Lilie se crut perdue. Elle força la poignée, tira, broya ses mains contre le battant de la porte sans rien faire bouger. Juste derrière son dos, elle sentit l'haleine du prédateur.
Pour rejoindre sa proie, Lougaroc fit un bond de deux mètres, traversant la distance d'une seule traite. Lilie poussa un cri avant de voir s'abattre un éclair entre eux. L'impact repoussa le Pokémon roche qui culbuta à quelques mètres, inconscient. La jeune fille était sauvée. Pendant une fraction de seconde, elle regarda le corps paralysé du loup, traversé d'étincelles, qui gémissait de douleur. Elle eut de la pitié pour son ancien ami, transformé en monstre sanguinaire.

Elle posa son épaule contre un des battants de la porte, soulagée que tout soit terminé. Le poids du corps ouvrit la porte qui avait été verrouillée quelques instants encore. Lilie s'y engouffra avant de la fermer derrière elle.