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La Fin justifie-t-elle les Moyens ? de Vesper-Fenril



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Informations

» Auteur : Vesper-Fenril - Voir le profil
» Créé le 30/06/2017 à 02:00
» Dernière mise à jour le 01/10/2017 à 21:07

» Mots-clés :   Action   Aventure   Hoenn   Présence d'armes   Suspense

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Prologue
L’effervescence échauffait les esprits du Centre Météo.

Pareils à des électrons gravitant autour d’un noyau, des hommes et des femmes affairés couraient en tous sens, piaffaient, s’entrechoquaient quelquefois. Tandis que l’un s’extasiait devant des données nouvellement acquises, un autre pianotait nerveusement sur le clavier de son ordinateur. Tous, en tout cas, faisaient abstraction de l’alarme qui retentissait depuis plusieurs heures déjà. L’on eût cru à l’imminence d’une explosion.

Une voix s’éleva par-dessus le vacarme ambiant. Elle fit état de la situation en des termes peu rassurants :

― Les capteurs sismiques nous rapportent une activité inhabituelle à proximité d’Autequia et du Mont-Chimnée. Restez aux aguets. Cela, et les subites intempéries qui sévissent dans toute la région… Non, non. Impossible. Attendons d’en savoir davantage avant d’émettre quelque hypothèse que ce soit… Mais tout de même… Quelle curieuse coïncidence…

Ses derniers mots moururent étouffés dans le fond de sa gorge, il n’en parvint qu’un inintelligible murmure. Il semblait ainsi débattre de l’origine du cataclysme avec lui-même.

Une main timide se leva, assez que pour attirer sur elle la moitié des regards. L’homme qui avait pris la parole la lui céda aussitôt.
― Se pourrait-il… balbutia un scientifique maigrelet, visiblement embarrassé. Se pourrait-il que nous assistions à l’éveil des deux Titans ?

Un poing s’abattit avec fracas, deux bureaux plus loin.
― Comment pouvez-vous croire à ces fables, enfin ! se récria un chercheur à la voix tonitruante, redirigeant sur lui l’attention. Chassez cette idée de votre tête !

Deux portes s’ouvrirent à la volée, et une jeune femme déboula dans la salle. Un rictus étira ses fines lèvres, lors qu’elle brandit une sphère bicolore. La Poké Ball, banale pourtant, irradia jusqu’à l’autre bout de la salle, transfigurant chaque visage comme l’eût fait un rayon de soleil inopiné.

― Nous avons réussi ! Nous l’avons créé ! s’exclama la scientifique, une lueur démente vacillant au creux de son regard.

Presque aussitôt apparut ce qui ressemblait à un minuscule nuage, gris clair. La chétive créature devint le point de mire de tous les regards. D’aucuns l’étudièrent sous différents angles de vue. Les autres déchaussèrent leurs lunettes pour en nettoyer la saleté avant de se livrer au même examen. Le plus hardi d’entre eux risqua même un commentaire désobligeant sur son aspect pour le moins anecdotique :

― Qu’est-ce que cette chose ? On dirait…

Il se ravisa lorsqu’un faisceau lumineux rappela le Pokémon dans sa Poké Ball. Piquée au vif, sa créatrice et propriétaire tourna les talons avec dédain.

― Nous l’avons baptisé Morphéo, laissa-t-elle échapper en quittant la salle.

Puis, par-dessus son épaule, elle lança un dernier regard à ses collègues désappointés avant d’ajouter :

― Il va nous être précieux en ces temps difficiles. Vous avez commis l’erreur de sous-estimer son potentiel.

La tempête au-dehors redoubla de violence.

Une heure s’était écoulée depuis l’entrée en scène de Morphéo et l’accueil mitigé que lui avait réservé la communauté scientifique du Centre Météo. Plus personne ne commentait l’événement, et tous à présent étaient voûtés devant leur écran d’ordinateur. Un arôme de café flottait subtilement dans la salle et plongeait celle-ci dans un état de concentration fébrile. L’alarme s’était tue – l’on ne sut dire quand – mais son écho bourdonnait encore dans la tête de chacun.

L’un des chercheurs, fourbu, céda alors et s’avachit sur le dossier de sa chaise.

― Je n’en peux plus. C’est foutu, se lamenta-t-il.

L’écran principal, qui recouvrait plus d’un tiers de l’un des quatre murs, vira soudainement au noir avant de diffuser un bulletin d’information spécial.

La présentatrice, malgré les circonstances, ne paraissait pas se départir de son calme. La pierraille qui ornait ses doigts, son cou et ses oreilles réfléchissait ostensiblement les lumières du plateau. Guindée sur son siège, après s’être discrètement éclairci la voix, elle entama sur un ton neutre et posé :

« Chères téléspectatrices, chers téléspectateurs, bonsoir.

Nous apprenons à l’instant qu’un raz-de-marée vient de submerger Nénucrique. Toute la côte est à présent sous les flots, et plus d’un quart de la ville serait atteint par le sinistre. Sans plus tarder, nous tentons de joindre Inès, notre envoyée spéciale.

― Inès, vous me recevez ? »


Des interférences, dues sans doute au chaos des éléments, parasitaient la transmission. Au bout d’interminables secondes, une femme encapuchonnée, cinglée par des rafales de pluie, apparut enfin à l’écran. À l’arrière-plan, arbres, maisons et derniers fuyards étaient littéralement balayés par le cyclone.

« ― Je vous reçois difficilement, Lily. Ici, tout va au plus mal. Les secours tout juste arrivés sur place évacuent les habitants. La zone Est est complètement ravagée par les marées, l’on peut apercevoir des décombres flotter à la surface. Des corps aussi. Quelques survivants sont parvenus à regagner la terre ferme. D’autres n’ont pas attendu pour fuir la ville.

― Connaît-on déjà les causes de la catastrophe ? Peut-on établir un parallèle avec les secousses qui ont agité Autéquia et Vermilava, plus tôt dans la journée ?

― Les deux catastrophes semblent a priori sans lien de cause à effet. Mais des chercheurs dépêchés sur le terrain étudient la question.

― Et à combien estime-t-on le nombre de victimes ?

― Il est encore trop tôt pour se prononcer, mais les secours accueillent une trentaine de blessés toutes les cinq minutes. Ils sont débordés, et nous font savoir que toute aide est la bienvenue.

― Nous vous remercions, Inès. »


La présentatrice porta une main à son oreillette. Un éclair de stupéfaction passa dans son regard, mais elle recouvra presque aussitôt son sang-froid, avant d’enchaîner :

« Nous venons de recevoir une information de la plus haute importance. Le Mont-Chimnée serait sur le point d’entrer en éruption. Nous n’en savons pas davantage, mais nous faisons notre possible afin d’établir la liaison avec… Bzzz… Zzz… »

Coupure de courant.

Les ténèbres jetèrent leur voile opaque sur le Centre Météo. Une rumeur sourde monta ici et là, sans que son foyer ne fût nettement localisé. En signe de protestation, une injonction surplomba la clameur naissante :

— Vérifiez les batteries de secours !

Un objet sphérique rebondit sur le carrelage, roula sur le sol et heurta le pied d’un scientifique. Il en jaillit un flash qui aveugla la salle tout entière. Lorsque l’éclat se radoucit, un Lumivole se tenait en lieu et place de la Poké Ball.

Le halo bleuté qui nimbait la luciole déversa sa clarté tamisée dans la pièce.

— Bien ! Mais cela ne résout toujours pas le problème, ironisa le braillard.

Une atmosphère lugubre planait par-dessus toutes les têtes. Un silence prostré s’abattit alors sur la congrégation scientifique. Même la lueur du Lumivole, gagné par l’angoisse, décrût perceptiblement.

Un choc soudain ébranla les murs du Centre et provoqua un sursaut collectif. L’homme que les circonstances avaient désigné comme chef apposa l’index sur ses lèvres. Sa respiration parfaitement contrôlée, il tendit l’oreille et fut bientôt imité par toute l’assistance.

Une nouvelle percussion succéda à la première, suivie d’une troisième, plus proche, d’une quatrième, encore plus proche. Alors que l’ossature du bâtiment semblait directement en pâtir, les murs résistaient vaillamment à l’envahisseur. À l’intérieur de la salle des opérations, les chercheurs, hagards et dans l’expectative, suspendirent momentanément leur souffle.

Un grincement inattendu, pareil à des griffes rayant un tableau noir, se superposa aux saccades. Tous, par réflexe, portèrent les mains à leurs oreilles pour se protéger les tympans tandis qu’une grimace tordait de douleur leur visage. Certains fléchirent même les genoux, d’autres encore ne purent endiguer quelques larmes.

La cacophonie cessa brusquement. Une éternité figea la salle dans une attitude de souffrance. Lorsque le temps reprit enfin ses droits, chacun détailla ses collègues en quête d’une explication. Au milieu des chuchotements et haussements d’épaules, un cri de terreur souligna un mouvement de bras en direction d’une fenêtre.

Une fissure parcourait le double-vitrage de part en part. De l’autre côté, sur un ciel de suie, se détachait la silhouette altière d’une créature albinos. Perchée sur la cime d’un arbre dénudé, elle avança une patte sur la longue branche qui battait la fenêtre. La faucille de jais qu’elle arborait sur le côté de sa tête réfléchit un éclair et toute une rangée de vitres implosa sitôt.

Les éclats volèrent partout dans la pièce et un vent glacial s’y engouffra. Les scientifiques au premier rang se couvrirent instinctivement le visage, un peu tard toutefois : les débris de verre les avaient frappés de plein fouet.

La mystérieuse créature bondit alors et atterrit lestement au beau milieu de regards éperdus.

— Va-t’en ! s’exclama untel. Tu nous portes malheur ! Va-t’en !

À terre, soutenu par un bras, le jeune chercheur agita convulsivement l’autre devant lui. Ses collègues observaient la scène à une distance respectable, sans mot dire ni oser intervenir. Une peur panique les clouait sur place, tous.

La créature d’albâtre promena son regard dans la pièce, sans s’attarder sur une physionomie en particulier. Ses yeux d’un rouge écarlate semblaient être dépositaires d’un sombre présage. Tout son maintien, à dire vrai, trahissait une certaine tension.

Elle avait un message à délivrer. Et de toute urgence.

Mais lequel ?

— Je ne donne pas foi à toutes ces superstitions ! Messieurs, nous sommes des hommes de science, que diantre ! Reprenez-vous ! somma l’auto-proclamé leader, comme pour se redonner lui-même une contenance.

Une détonation retentit à l’autre bout de la salle et se répercuta en écho sur chacun des murs, avant de se perdre au-dehors. Complètement abasourdis, les scientifiques du Centre Météo s’ébrouèrent tous azimuts. De ce fait, ils ne remarquèrent pas immédiatement la cohorte tout de rouge vêtue qui venait de faire irruption et qui, désormais, bloquait la seule issue.

Capuche rabattue, le commanditaire de l’attentat ricana entre ses dents tandis qu’il s’approchait en faisant crisser une barre métallique contre le dallage.

Tous les regards, cependant, convergeaient vers la créature titubante. La balle perdue – qui en réalité ne l’était pas – s’était logée dans son flanc gauche. Une tache vermeille, pareille à l’éclosion d’une rose, s’épanouissait à présent autour de la blessure et imbibait son poil immaculé.

Au terme d’une ultime seconde, Absol s’affaissa de tout son long. L’éclat de ses prunelles expira, emportant la prémonition dont il était le héraut.