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Cadavre Exquis de Corpus09



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» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 25/06/2017 à 10:59
» Dernière mise à jour le 25/06/2017 à 17:26

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Chapitre 3 : Mr Téquanep (par Suroh)
Je me réveillai quand les rayons du soleil frappaient mes paupières à travers la fenêtre de ma chambre. Immédiatement, je me mis sur mes pieds et fonçai au pas de course pour expédier mon petit-déjeuner à base de baie prine – malgré son odeur peu accommodante, ça vous fortifiait – et d'un jus de banane de Tropius.

Je pris ensuite mon veston de cuir marron et posai mon chapeau sur ma tête, prêt à sortir.

La veille, ce branquignol de Jean-Eude m'avait annoncé qu'il raterait l'un de ses six entraînements de pétanque hebdomadaires ; chose inacceptable. Il devait pêcher un gros Magicarpe, qu'il disait. Comme s'il n'en avait pas pêché suffisamment !

Il ne changerait jamais, celui-là. Ça faisait des années que je l'entraînais et il était toujours aussi peu consciencieux. C'est à croire qu'il le faisait exprès. Il arrivait en permanence en retard à mes cours et ne pouvait s'empêcher de pâlir dès que j'expliquais quels étaient les exercices prévus pour la séance. Il était aussi tout fluet et j'aurais presque peur qu'il se casse en deux si jamais je lui demandais d'exécuter quelques tours de souplesse dorsale trop compliqués.

À côté de ça, je devais tout de même reconnaître que sa volonté était à toute épreuve. Il faisait de son mieux pour me satisfaire et, même s'il ne réussissait que très rarement, cet engouement me faisait plaisir. Je préférais de loin voir des élèves assidus qui mettaient le temps qu'il faut pour réussir que ces branquignols immatures qui couraient les rues en exhibant leurs soi-disant muscles.

Quand on n'a rien dans le crâne, avoir des muscles, la belle affaire.

Et c'est pour ça que je continuais d'entraîner ce gamin. Il avait de la suite dans les idées. Tout le monde se moquait de lui car il voulait pêcher le Magicarpe le plus gros du monde ; moi je saluais cet enthousiasme. Vaut mieux vivre en étant un brave gars content de sa vie qu'en faisant tout pour rentrer dans le moule.

La veille au soir, je réfléchissais donc à la manière dont j'allais pouvoir entraîner le groupe qu'il me restait, tout en regrettant que Jean-Eude ne fut pas des nôtres.

Un drôle de gaillard au teint blafard m'avait abordé et fait cesser le cours de mes pensées. Je ne sais plus vraiment de quoi on avait parlé – le rhum ne fait pas de mal, mais ça vous détruit la mémoire – ; je me souviens toutefois avoir bien ri.

Ce jour-ci, ils auraient droit à cinquante tours de stade, avec un bonus de trente pompes pour le premier qui se mettrait à râler. Les entraînements les plus simples sont les meilleurs ! Ils feront un exercice de réflexion pendant leurs pompes, et je pourrai les lâcher. J'irai voir où en est rendu Jean-Eude à l'heure de manger.

Je poussai un grand râle de satisfaction. Il n'y a rien de tel pour se remettre de bonne humeur que de faire l'entraînement d'une bande d'Escargaume incapables en temps normal de remuer leurs séants autrement que pour aller de leur lit à leur canapé.

J'ouvris la porte et me pris en pleine figure un vent à vous déraciner un arbre. Mon chapeau commença à s'envoler, je décidai donc de le remettre sur son portant, à l'intérieur. Tant pis. Je procédai à un rapide échauffement musculaire. Je m'appliquai à exécuter des grands moulinets avec mon cou, puis avec mes épaules. Je procédais de même avec toutes les autres articulations de mon corps, enchaînai quelques demi-douzaines de pompes et je fus prêt.

Avant de me lancer pour un footing matinal, je saisis délicatement l'un de mes livres, relié et illustré à la manière des anciens manuscrits. Le nom de Beladonis était écrit sur la couverture.

« Quatre mots : boyaudier, guerroyais, rudoyaient, sursoyaient. Qu'ont-ils de particulier ? »

Fort de cette nouvelle énigme, je me lançais à travers les rues de Rivamar.

* * *

Après deux heures de course à pied, je commençais à avoir le souffle court. La réponse à l'énigme s'était frayée un passage jusqu'à moi et j'étais fier de l'avoir trouvée. C'était somme toute évident.

Quoi qu'il en soit, à cet instant, le stade où j'avais l'habitude d'entraîner mes jeunes me faisait face. Mettant ma main droite au-dessus de mes yeux pour me faire de l'ombre, j'évaluais la hauteur du soleil pour trouver l'heure. Huit heures quarante-huit. Ou bien quarante-neuf, mais peu importe.

Mes jeunes allaient arriver d'ici quelques minutes. Ils savaient tous que s'ils n'étaient pas là au moins cinq minutes en avance, la sanction était sévère. J'étais d'ailleurs content de ma trouvaille : il s'agissait de courir pendant vingt minutes avec une boule de pétanque dans chaque main. J'ajoutais cinq minutes de course par minute de retard. Jusqu'à ce jour, à part Jean-Eude, tous étaient des plus ponctuels.

Une voiture arrivait, un de mes gamins en descendait, il embrassait sa mère en rougissant, courait me voir en me disant « Bonjour, Mr Téquanep ». Un grognement faisait office de réponse et il partait autour du stade pour courir pendant quinze minutes, dont cinq en sprint.

Puis une multitude de véhicules se garaient, les uns cédant la place aux autres, et tous ces enfants passaient devant moi, me saluaient, commençaient leur échauffement.

Bien.

Il faut dire, sans Jean-Eude, je n'allais pas vraiment m'amuser. Même si cette bande de branquignols était fort sympathique, elle manquait de personnalité. Mon Jean-Eude, quand il se fracassait le crâne contre un mur en tentant de faire ses lacets, ça égayait mes matinées.

Enfin, assez tergiversé. Ils eurent enfin fini de courir, nous allions pouvoir passer aux choses sérieuses.

– Bande de branquignols des îles, vous allez bien m'écouter. À vous voir, on croirait que l'on a affaire à une bande de Coconbaffe soûlés au lait meumeuh. Vous vous rendez compte ? Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi atroce, alors remuez-vous, et vite ! En piste, il vous reste cinquante tours de terrain !

Ils ne soupirèrent même pas. Nom d'Arceus, c'est à croire qu'ils avaient fini par comprendre qu'il ne fallait pas discuter. Déjà que Jean-Eude était absent, il fallait maintenant qu'ils soient obéissants !

– Nom d'un Castorno asthmatique, qui vous a dit que j'avais fini de vous donner les consignes ?

J'avais crié. Et ils rappliquèrent tous au pas de course ; ils échangeaient des regards exaspérés. Enfin !

– J'avais prévu quelque chose de sympa pour vous – quelques trente pompes après la course – mais vous m'avez agacé. Vous m'en ferez cinquante. Avec les tours de stade, ça fera cinquante cinquante ! Ah !

Ils se regardèrent avec circonspection. Elle était pourtant bonne, cette blague. Cinquante cinquante. Ça fait cinquante pour cent et cinquante pour cent, donc cent pour cent, et puis…

– Jérémy, pourquoi tu rigoles ? Tu te moquerais pas de moi, j'espère ? Bien, tu en feras cent. Et maintenant, courez ! Mais qui m'a refourgué des branquignols pareils !

Ils partirent donc sur la piste pendant au moins une heure, suite à quoi ils revinrent vers moi avant de se mettre en position pour enchaîner les pompes. Plus aucun ne grogna, même si j'avais pu remarquer des haussements de sourcils lorsque je leur posais l'énigme que j'avais résolue plus tôt.

– Vous connaissez la tradition. Une énigme par séance. Ce matin, c'est une curiosité lexicale. Voilà les quatre mots : boyaudier, guerroyais, rudoyaient, sursoyaient. Alors ? Donnez-moi donc leur particularité, jeunes hommes.

Ils la résolurent après quelques minutes – ils étaient assez vifs d'esprit. Peu après, épuisés, ils se relevaient pour aller s'adosser à un arbre en attendant que Jérémy eut achevé ses pompes. Suite à quoi, il s'écroula ensuite par terre, mais se releva bien vite pour foncer vers le stade et cavaler pendant une dizaine de minutes, avec tous les autres à sa suite. Enfin, revenant de leur dernière course, tenant à peine sur leurs jambes, le souffle court et la langue pendante, ils effectuèrent quelques étirements. Aucun ne se rassit, alors. Ils savaient à quoi cela les exposait.

Les regardant avec délectation, je les autorisais finalement à partir, sans oublier de lâcher l'habituel « Dites donc, bande de branquignols, vous n'avez pas l'air d'avoir transpiré. Vous êtes sûrs que vous avez fait du sport, là ? ». Étrangement, ils ne riaient pas. Ça me donnait envie de leur ordonner d'exécuter des abdos mais au vu de leurs visages larmoyants – ou en sueur, ils en étaient rendus à un stade, ah ah, un stade, où il était compliqué de déterminer si c'était de la sueur ou des larmes.

Il était environ onze heures. Je me mettais en chemin vers l'endroit où avait lieu habituellement la compétition de Jean-Eude quand je vis passer devant moi deux de ses Pokémon. C'était son Draco au nom alambiqué et Chenipotte, son Banshitrouye.

Des fois, je me demandais comment Jean-Eude pouvait être à se point un branquignol : on n'appelle pas un Branshitrouye « Chenipotte ». Il y a une limite à la bêtise, et là il l'avait allégrement franchie. Enfin. Quoi qu'il en soit, les deux Pokémon venaient de me remarquer et s'étaient arrêtés à ma hauteur.

Ils me connaissaient bien, puisque cela faisait maintenant des années qu'ils me regardaient entraîner Jean-Eude à la dure.

Avec un air de Nidoking apeuré – ce qui est une chose bien plus fréquente qu'on ne le croit - , le Branshitrouye s'approchait de moi tandis que le Draco restait en arrière, hautain.

Il n'alla toutefois pas bien loin, car il ne manqua pas de trébucher sur l'unique feuille qui nous séparait. Devant sa mine déconfite, je ne pus m'empêcher de rire à gorge déployée tandis que le Draco, avec un air profondément exaspéré, se lançait dans l'admiration de l'une des passantes ; il ignorait royalement son compagnon. Il poussa un hoquet de stupeur. Venant d'un Pokémon, c'était assez comique, car des flammèches bleutées lui sortirent des narines. Ce qui renforça la barre que je ne pouvais réprimer, et semblait l'offusquer. L'autre maladroit de Branshitrouye, quant à lui, était en train de s'extirper du sol après s'y être enfoncé lors de sa chute.

Me remettant de ce fou rire, j'interpellais ces deux branquignols de Pokémon :

– Dites-moi, vous êtes les dignes Pokémon de Jean-Eude ! Je suis habitué à l'étrangeté du gamin, mais la vôtre fait aussi plaisir à voir. Eh, toi, j'comprends bien que tu ne piges rien à ce que je te raconte mais… Eh !

Skylubidule s'éloignait de moi pour foncer en ondulant sur le sol vers l'inconnue qui, à sa vue, prit peur et se mit à courir, le Pokémon dragon à sa suite. Un petit bruit à mes pieds m'interpella, et je découvris en baissant la tête le Branshitrouye qui, voyant trente-six chandelles, claudiquait pour tenter de poursuivre son camarade Draco à travers la ville. Pris d'un hoquet, il laissait tomber derrière lui des sortes de graines qui donnaient naissance à des fleurs en forme de clochettes roses.

C'était un tableau grotesque. Tous les trois semblaient prendre la direction de l'endroit où se déroulait la compétition de Jean-Eude. Mais ce que ces trois branquignols ne savaient pas, c'est que moi, Roger Téquanep, j'avais couru pendant plus d'une heure quelques heures auparavant ; j'étais au mieux de ma forme. Et je ne tolérais pas que l'on me coupe dans une discussion.

Je me lançais donc à travers Rivamar en empruntant l'un de ces raccourcis que seuls les vieux loups de mers tels que moi connaissaient. Je sentais perler le long de mon cou des gouttes de sueur salées, ce qui m'encourageait à poursuivre cet effort pour atteindre le lieu du tournoi avant les deux Pokémon et l'autre gamine. Cette mobilisation intensive de mes forces porta ses fruits car j'arrivais devant le plan d'eau juste avant qu'ils ne dépassent la dernière des maisons de Rivamar.

Je m'arrêtais pour pouvoir leur poser deux ou trois question une fois qu'ils m'auraient rejoint quand l'un de ces Limonde sur deux pattes apparut devant moi.

Il s'appelait Axel, et son air niais n'avait d'égal que sa profonde idiotie. Je l'avais entraîné pendant quelques temps et, une semaine plus tôt, il m'avait demandé l'un de mes cochonnets en or massif. Comme si j'allais le prêter à un branquignol des îles pareil ! Je lui en avais donné un en toc – ça ne m'étonnerait pas qu'il l'ait revendu. J'aurais été curieux de voir sa tête quand son acheteur se rendrait compte que ça n'est pas de l'or, tiens.

Il fonçait à toute vitesse vers Rivamar comme s'il avait le diable à ses trousses. Sur un vélo à roulettes. Comme si ce n'était pas assez ridicule, les trois après lesquels je courais allaient faire leur apparition d'un instant à l'autre. Ils n'allaient tout de même pas…

… Nom de nom, mais non ! Cet idiot d'Axel venait de me remarquer, et écarquillait les yeux d'une telle manière qu'il ne regardait plus devant lui. Il fonçait vers l'angle d'une maison à l'instant où la jeune fille sortait de Rivamar en se jetant par terre pour éviter ce qui ressemblait à une attaque Cage-éclair.

Le rayon de l'attaque toucha le bras d'Axel, ce qui le freina brusquement tandis que l'autre gamine chutait devant les roues du vélo, qui avait pilé juste à temps. Alors que la situation se stabilisait et que l'adolescente allait se relever, le Draco, pas bien loin derrière, glissa sur le bitume pour venir s'écraser contre ces deux branquignols. Sa tête frappa la gamine tandis que sa longue queue fauchait les roues du vélo d'Axel qui s'écroula sur le sol les quatre fers en l'air.

Pour ne rien arranger, le Branshitrouye arriva en sautillant d'un pied sur l'autre et, croyant que c'était là un jeu, se jeta au milieu de ce capharnaüm en créant tout autour de lui des Vampigraine qui les attachèrent tous ensemble dans des positions pour le moins inattendues.

J'étais pour le moins éberlué devant un concentré de sottise pareil. Lâchant un profond soupir, je m'avançai vers eux pour les sortir de là. J'arrivai vite devant le vélo, que je déplaçai derrière moi pour n'avoir qu'à démêler ce mélange de corps, bras et jambes. Pour m'aider dans cette tâche musclée, j'appelai mon fidèle Fabrice :

– Racaillou, viens donc m'aider à sortir de là cette bande de guignols !

Dans un flash de lumière, il apparut devant moi et tira sur les uns et les autres pour les sortir de là. Je faisais de même de mon côté, et nous arrivâmes – au terme de plusieurs longues minutes – à remettre sur pieds Axel, la jeune fille, le Draco ainsi que Chenipotte.

Sitôt qu'ils eurent retrouvé leurs esprits, ils formèrent comme deux camps : Axel – qui était parcouru de temps à autres de spasmes – et les Pokémon d'un côté et la gamine de l'autre.

Elle ne m'inspirait pas confiance, celle-là. Avec ses dreadlocks roses dépassant de sa chevelure blonde, sa veste en cuir déchirée et ses bas aux motifs de Pokémon spectres aux allures inquiétantes, elle se donnait un genre qui me faisait pitié. Elle n'avait pas d'allure : sa main sur sa hanche dans une pose provocatrice me répugnait. Une vraie gamine qui se prenait pour ce qu'elle n'était pas, surtout qu'avec sa belle bosse sur le front, elle perdait toute crédibilité.

Mais maintenant que j'y faisais attention, elle portait aussi un petit sac-à-dos duquel sortait une canne-à-pêche qui avait miraculeusement survécu à la cascade.

– Qu'est-ce que v… v… vous me v… v… voulez ? dit la petite.

– Et toi ? Depuis quand tu rates le début d'une compétition, la bègue ? sourit Axel.

– En quoi ça t… t… te regarde ?

– Tu dois sûrement être en train de préparer un mauvais coup et…

Il jeta un coup d'oeil a son téléphone, eut un spasme qui lui fit tirer la langue et cria  :

– Courez ! Vite ! Partez de là !

Il faut dire qu'il avait la fâcheuse habitude de manquer de se prendre des pianos sur le coin de la figure au moins deux fois par jour. Il paraissait que c'était Arceus qui les lui envoyait ; j'avais beau lui répéter d'arrêter de fumer des feuilles de Tortipouss, rien n'y faisait : il persistait dans son délire.

J'étais toutefois réaliste et, si sa santé mentale n'avait pas l'air optimal, je ne tenais pas à recevoir pour autant un objet du poids d'un piano en pleine figure. Alors j'ai couru. Encore.

Et ce qui devait arriver arriva : dans une immense détonation, un piano tombé du ciel vint s'encastrer dans le sol précisément là où nous étions en train de parler à l'instant.

– Dis-moi Axel, t'as encore failli tuer quelqu'un on dirait, dit la voix de Jean-Eude qui venait d'arriver, tenant la main d'un illustre inconnu. Ah ! Tu as retrouvé Skyluli et Chenipotte, merci à t…

Fonçant comme une furie, la gamine le bouscula pour se précipiter vers l'entrée du tournoi.

Chose que je n'allais pas laisser faire : j'avais deux ou trois questions à lui poser et tout ce fichu bazar m'agaçait sérieusement, alors je sprintais pour la rattraper – je n'étais plus à une course près ! Arrivé à sa hauteur, j'empoignai son bras pour la stopper net. Elle manqua de déraper et me jeta un regard noir.

– Désolé petite, mais il y a certaines choses qu'il va falloir mettre au point. Je déteste qu'on me fasse perdre mon temps et vos idioties à tous m'en ont fait perdre bien trop. Alors soit tu me suis et tout le monde s'explique soit je t'explique la vie.

Malgré son air supérieur, elle eut le bon sens de retourner avec moi voir la bande de branquignols qui nous attendait.

– Bien. Axel, est-ce que ton ami imaginaire a décidé de se tenir tranquille ?

– …

– Je crois ne pas avoir bien entendu.

– Oui, monsieur Téquanep, répondit-il avec une grimace après avoir regardé fugacement son téléphone.

– Voilà qui est pour le mieux. Jean-Eude, tu pourrais m'expliquer pourquoi tes deux branquignols de Pokémon couraient après cette gamine ?

– C'est Zoé, ma plus grande rivale. Elle est méchante, cupide et ferait tout pour que je perde car j'arrive toujours premier et elle deuxième à ce tournoi. J'imagine que lorsque Skyluli et Chenipotte ont remarqué son absence, ils sont allés voir pourquoi elle n'était pas là.

– Il se trouve, mon cher J… J… Jean-Eude, que je fais bien ce que je veux ! Ne va pas t'… t'… t'imaginer des choses : je t'...t'...t'ai toujours laissé gagner ! Mais cette année, ça va ch… ch… changer, j'ai préparé un plan redoutable pour être sûre de t… t… te battre ! Oh, et puis apprends donc à tenir ta la… la… langue, cette absence de filtre me fait vraiment ch…

– Trente-cinq pompes.

Je l'avais coupée net dans son élan. Je souris intérieurement. Le seul autorisé à enquiquiner Jean-Eude, c'était moi, pas cette Zoé.

Jean-Eude et son ami prirent un air résigné – à croire que ce dernier savait à qui il avait affaire – tandis qu'Axel levait les yeux au ciel. Mais c'était la réaction de la gamine qui était la plus impressionnante.

– Vous vous f… f… foutez de moi ? crachait-elle.

Je la foudroyai du regard et elle se mit en position après un glapissement. Jean-Eude et Axel avaient déjà commencé ; ils avaient appris que ne jamais me contredire était le meilleur moyen de rester en vie. L'ami de Jean-Eude avait prestement suivi leur exemple.

– Tenez, utilisons à bon escient ce silence que vous m'offrez enfin, voilà qui devrait vous remuer les méninges. Mettons que vous disposiez de cinq bergeries de dimensions égales…

– Humpf ! réagit Axel.

– Merci de cette intervention, Axel. Je disais donc : vous disposez de cinq bergeries de dimensions égales. Je vous le demande donc : comment faut-il répartir treize Wattouat de façon à ce que chaque enclos enferme le même nombre de bêtes ? Bien entendu, vous n'en couperez aucune en morceaux, vous restez des honnêtes branquignols.

Je ne saurais dire s'ils réfléchissaient à mon énigme mais, à peine avais-je fini ma phrase que, les muscles tremblants, la gamine se laissa tomber sur le sol. Son sac s'ouvrit alors et laissa s'échapper une grande poche remplie de cuillers, juste à côté de Jean-Eude.

Qui poussa un hurlement perçant.