Team Rocket X-Squad de Malak

Arthur dut hurler pour se faire entendre dans le chaos qu’avait provoqué l’apparition d’Enviathan.

- Virement de bord ! Réacteurs à pleine puissance ! Éloignez-nous de…

La suite de ses ordres fut rendue inaudible par le bruit des batteries de canons des deux corvettes de la Confédération qui criblèrent le gigantesque Pokemon marin. Mais ça le blessa moins que ça ne l’énerva davantage. Il envoya sur un des vaisseaux une attaque Hydrocanon qui broya la taule de l’appareil et le coupa proprement en deux, avant qu’il n’explose totalement.

- Nom d’Arceus… marmonna Mercutio.

Il ne s’était pas encore remis de l’apparition de Tuno et de ses paroles dans ce cauchemar, et son cerveau était toujours obscurci par l’alcool du dîner. Il tâcha d’invoquer le Flux pour garder l’esprit clair, tandis que le bateau de la Team Aqua faisait un demi-tour complet pour s’éloigner au plus vite du champs de bataille. La mer était déchaînée à cause d’Enviathan et des explosions, et il semblait à Mercutio que son estomac faisait du yoyo.

- Qu’est-ce que cette bestiole fout là ?! Demanda Arthur en aidant un de ses marins à se relever.

- J’suis pas au fait des déplacements des Démons Majeur, répondit Mercutio. C’est la guerre ici, au cas où ça vous aurait échappé !

- Vous avez promis de nous protéger si on vous prenez !

- Contre des militaires, pas contre ces trucs là ! Même au meilleur de ma forme, je galère comme un fou contre eux, et je ne suis clairement pas au meilleur de ma forme là…

La dernière corvette de la Confédération continuait de mitrailler Enviathan avec des canons gros calibres, mais le Démon Majeur de l’Envie semblait se gausser de ces attaques. Il s’approchait du navire avec l’intention de l’achever au plus près, sans attaque à distance. Mercutio plaignait l’équipage du navire, des gars qui étaient du même camp que lui, mais ça arrangeait quand même ses affaires. Peut-être Enviathan ne les avait pas remarqué eux, tout occupé qu’il était sur les vaisseaux de la Confédération.

- Mercutio Crust, ne devrions-nous point les aider ? Demanda Djosan.

- Euh… c’est une mauvaise idée. Mais du genre très, très mauvaise. Ils sont foutus, et nous aussi si on ne dégage pas assez vite. Même avec le Septième Niveau, je ne peux pas tenir un combat sur la mer contre ce monstre.

- J’entend vos propos, mais les vaillants soldats sur ce navire ne sont point les seuls concernés. Que nous dussions point être loin des côtes. Que ce vil serpent de mer géant comptât s’en prendre à Hoenn, assurément.

À travers la houle et le navire qui tanguait, Mercutio avança jusqu’à Arthur qui braillait des ordres à ses sbires qui courraient partout.

- On est où là ?

- Comment ?! Hurla Arthur.

- NOTRE POSITION ! On est où sur la carte d’Hoenn ?!

- Pas loin de Poivressel j’imagine.

Il retourna à ses tâches, laissant Mercutio embêté. Il avait lui-même participé à la reprise de Poivressel il y a quelque mois, et ne tenait donc pas à ce que la ville portuaire, d’une importance capitale et stratégique, soit détruire ou reprise par Venamia.

- Bon, tant pis… soupira-t-il à Djosan. Je vais essayer d’occuper cette vilaine bestiole le temps que vous, vous déguerpissiez loin, et que la corvette de la Confed envoie un message à Poivressel pour qu’ils puissent préparer leurs défenses. Mais on ne peut pas faire plus.

- À la bonne heure, Mercutio Crust. Vous avez moult vaillance, comme d’habitude.

- Ouais, et c’est pour cela que je risque de ne pas faire de vieux os.

Il quitta le pont du navire Aqua en utilisant le Cinquième Niveau du Flux pour voler au dessus des eaux déchaînées. Il fit également appel à l’un de ses Pokemon, son dernier venu, Pixagonal. Ce Pokemon artificiel, qui ressemblait à des figures géométriques flottantes aux contours violet qui formaient un être humanoïde, avait été crée par le professeur Lirian pour défendre son laboratoire où il stockait les formules Sygma. Il avait été capturé par Vrakdale, un Agent de la Corruption, et Mercutio en avait pris possession à son tour il y a un an à la mort de ce dernier. Il n’était pas très puissant, comme Pokemon, mais son intérêt était ailleurs. Outre le fait de savoir parler et d’être très intelligent, il possédait aussi un nombre de PV surréaliste qui le rendait quasiment invincible. Le Pokemon se matérialisa sur le corps de son dresseur, en petits carrés et rectangles qui bougeaient lentement tout autour.

- Je suis à votre disposition, maître, fit-il de sa voix artificielle. Quels sont vos ordres.

Depuis un an qu’il le possédait, Mercutio avait maintes fois tenté d’établir un lien d’amitié et de confiance avec Pixagonal, mais le Pokemon ne réagissait à rien. Il n’avait quasiment aucune personnalité. Il était comme une machine intelligente qui exécutait les ordres à la lettre, sans question ni émotion.

- Tu vas me servir de bouclier, lui dit Mercutio. Si jamais Enviathan lance une attaque vers moi, tu l’interceptes. Pareil si tu peux protéger la corvette de la Confédération sans me laisser me faire buter.

Puis il ajouta, comme pour s’excuser :

- Désolé de te demander ça, mais avec tes PV de ouf, tu peux facilement encaisser ses attaques. Moi, une seule, et je suis en miette, et c’est pareil pour le bateau.

- Ordre compris et enregistré. Début du module de défense.

Pixagonal se divisa en plusieurs cubes épais qui se mirent à tournoyer autour de son dresseur, prêt à lui servir de bouclier. Mais Enviathan ne l’avait pas remarqué, et continuait à s’approcher du navire de la Confédération. Il pencha sa gueule énorme, sans doute dans l’idée de le dévorer. Mercutio put voir de là des soldats qui se jetaient à l’eau dans l’infime espoir de fuir. Le Mélénis créa donc une attaque de Sixième Niveau au creux de sa main et l’envoya sur le Démon Majeur. Ça lui fit clairement plus d’effet que les batteries de canon de la corvette, et il tourna son horrible gueule vers Mercutio.

- Yo le moche, lui dit ce dernier. Toujours aussi envieux ? La jalousie est un vilain défaut, en plus de rendre toujours de mauvaise humeur. Regarde-toi, vieux !

Mercutio crut qu’avec ses provocations, Enviathan allait immédiatement tenter de le bouffer. Mais à la place, le Serpent de l’Envie ricana, et dit, d’une voix grave et lente :

- Mercutio Crusssssst. Toi-même, tu ne cessssssssse de jaloussssser les autres. Tu ne peux rien cacher à mon sensssss de l’Envie.

Mercutio reçut alors comme une onde mentale en provenance du Pokemon. Ce n’était pas le signe d’une quelconque attaque Psy, mais la façon dont les Démons Majeurs propageaient leur Péché Capital aux alentours. Bien malgré lui et alors qu’il n’y pensait pas du tout, Mercutio eut en tête le souvenir d’Erend Igeus qui dansait joyeusement avec Eryl lors de la Conférence d’Almia, et une vague mortelle de jalousie l’envahit. Conscient que cette émotion était provoquée par Enviathan, il tâcha de se reprendre.

- Ça c’était un coup bas, marmonna Mercutio.

- Tu hais ccccet homme, car il t’a volé la femme que tu aimais, dit Enviathan. Tu l’envies, car elle sssssemble heureussssse et complète avec lui. Et je le sssssssens. Oui… tu jalousssses aussssssi ta ssssssoeur, toujours aussssssi joyeussssse et ouverte aux autres. Tu jaloussssses ccccette fille Mélénissssss à qui tu as donné un enfant, car elle est avec lui, et toi tu es loin, tu n’en profites pas. C’est bien. Laissssse toute cette jalousssssie t’envahir, te conssssumer. Il n’y aura alors que la destruction de cccccce que tu jalousssses qui te soulagera.

- Désolé l’ami, je ne compte pas basculer du côté obscur du Flux et jouer aux Hunger Games avec mes potes. Mais ouais, j’avoue, je suis envahi par le péché moi aussi. D’ailleurs j’ai toujours évité les confessions forcées que ces dingues de Blancs Manteaux imposaient à la base. Ces débiles n’ont pas encore capté que c’est justement parce qu’on connait les péchés qu’on peut vous combattre sans se faire avoir par les émotions négatives que vous projetez autour de vous, vous autres les Démons Majeur.

- Pauvre idiot ! L’ampleur de ton envie ne fait que me renforcccccer davantage. La jalousssie nourrit la colère, et la colère rend plus fort. Moi, je jaloussssse toutes chosssses en cccccce monde. Ccccccette envie ssssans limite, ccccette envie qui me ronge ssssans arrêt, elle ne ssssse ssssoulagera que lorssssssque j’aurai tout détruit, tout cccccce qui exisssste !

- Bah c’est très con, commenta Mercutio. Qu’est-ce que tu jalouseras quand il n’y aura plus rien ?

Enviathan fut visiblement lassé de parler, car en guise de réponse, il envoya une autre de ses attaque Hydrocanon à très haut débit. Sa vitesse et sa puissance étaient telles que l’attaque aurait facilement pu transpercer une montagne et ressortir de l’autre côté, aussi Mercutio ne perdit pas de temps à tenter de la dévier avec le Flux. Il renforça plutôt la défense de Pixagonal qui avait placé ses cubes devant lui pour le protéger.

Le Pokemon artificiel tint bon, mais du fait de ses défenses très faibles et de la puissance de l’Hydrocanon, il perdit un nombre de PV à cinq chiffres. Ça aurait suffit à tuer dix fois un Pokemon normal, mais sur Pixagonal, ça n’équivalait qu’à un très faible pourcentage de ses PV total, qui avoisinaient les deux milliards et quelque millions. Cela étant, le choc en lui-même désarçonna Mercutio, qui se trouvait juste derrière Pixagonal, et il failli tomber à l’eau avant de remonter avec le Flux.

Mais il n’eut pas le temps de se replacer derrière la protection de Pixagonal. Enviathan venait de surgir et de l’emprisonner entre ses griffes. Mercutio passa directement au Quatrième Niveau, qui lui conférait force et résistance, pour empêcher le Démon Majeur de l’écraser dans sa main. En revanche, il ne put l’empêcher de le pousser dans la mer déchaînée. Mercutio aurait pu lutter avec le Quatrième Niveau, mais sans point d’appui derrière lui, il n’avait pas assez de Flux pour maintenir à la fois le Quatrième et le Cinquième Niveau à toute puissance.

Il se laissa donc entraîner sous la mer, de plus en plus profondément. Il pouvait bien sûr résister à la pression grandissante avec le Flux, mais il avait déjà à empêcher Enviathan de l’écrabouiller. Il laissa donc la pression agir, et se concentra sur sa propre prise : une des griffes d’Enviathan. Avec le Flux, il lut exactement où utiliser toute sa force, et serra. La griffe se brisa en quelque secondes, et Mercutio put s’échapper. Il remonta à la surface rapidement en usant du Cinquième Niveau, et regarda autour de lui. La corvette de la Confédération faisait demi-tour vers la côte. Bonne chose. Moins rapide, le navire de la Team Aqua prenait plus de temps à s’enfuir. Enviathan, lui, n’avait pas réemergé. Mercutio en profita pour revenir sur le navire à toute vitesse.

- Que vous l’eussiez vaincu, Mercutio Crust ? Lui demanda Djosan quand il atterrit sur le pont.

- À moins qu’il ait caché son cœur dans une de ses griffes, j’en doute. Je lui ai peut-être fait assez mal pour qu’il reste planqué un moment. C’est comme si à nous, on nous arrachait un ongle. C’est pas agréable du tout. Et euh… pourquoi y’a personne ? Ils sont passés où, les Aqua ?

- Ils ont un sous-marin dans la cale, répondit Djosan. Qu’il fut assurément plus sûr d’embarquer dedans si jamais leur navire subissait une attaque. Le capitaine vous adresse ses remerciements pour avoir retenu le Démon Majeur, et nous souhaite bonne chance.

- Ils nous laissent le bateau ?

- Il m’est apparu qu’ils nous laissent plutôt jouer le rôle d’appât pendant qu’ils s’enfuient avec moult célérité.

En effet, Enviathan se remontra bien vite, et cette fois, devant le paquebot. Et il semblait encore plus furax que d’habitude. Mercutio soupira de fatigue.

- Djosan mon vieux, il serait temps de sortir ton Gueriaigle. Prends mon Pegasa également, et prenez le large.

- Il y a une limite à laquelle nos Pokemon Vol pourront nous transporter, le prévint Djosan. Et au dessus de la mer, ils ne pourront point atterrir pour se reposer.

- Ça ne m’avait pas échappé, mais la nage est déconseillée pour le moment.

Mercutio ponctionna tout le Flux qui lui restait pour faire apparaître son Septième Niveau, sous la forme de ce géant de feu bleue, armé d’une épée et d’un bouclier. Évidement, sur l’eau, il coulait peu à peu, mais Mercutio ne l’avait pas invoqué pour se battre. Il bloqua la première attaque d’Enviathan avec son bouclier - qui se désagrégea - puis s’empara du navire et le souleva hors de l’eau. Enviathan ne s’était pas attendu à ça, et tenta de filer, mais Mercutio lui avait attrapé le bout de sa longue queue.

Alors, avec toutes ses forces, il lui fracassa le bateau de la Team Aqua sur la tête. Un choc des plus appréciables. Enviathan hurla, puis se mit à couler. Mercutio sut très bien qu’il ne l’avait pas vaincu, seulement temporairement assommé, mais il ne pouvait pas faire plus. Déjà, le Flux le quittait, et son Septième Niveau se dissipait. Mercutio se sentit vaguement couler à travers les flots avant de s’évanouir de fatigue.


***


Mercutio se réveilla avec le son des Goelise et Bekipan qui volaient dans le ciel, et celui de la mer sur le sable. Une façon on ne peut plus agréable de se réveiller, d’autant qu’il ne pensait plus rouvrir les yeux un jour. Il s’assit. Il était effectivement sur une plage ensoleillée. La topographie des lieux lui indiqua qu’il devait se trouver sur une sorte d’île déserte. Le Flux lui appris qu’il n’y avait effectivement personne aux alentours, à part Djosan. Mercutio se leva et alla à sa rencontre. Le chevalier était en train de faire cuire deux Magicarpe sur un feu de camps improvisé.

- Content de vous revoir sur pieds, Mercutio Crust.

- Je le suis encore plus. Tu es allé me repêcher ?

- C’est votre Pokemon à l’allure si distinguée, Pixagonal. Votre Pegasa vous a ensuite pris sur son dos, jusqu’à que l’on tombe fortuitement sur cette charmante île où atterrir. Nos Pokemon ont beaucoup volé, et se reposent depuis dans leurs Pokeball.

- Et Enviathan ?

- Il n’est point réapparut.

- Bon, on ne s’en sort pas trop mal alors. J’espère que nos amis de la Team Aqua ont pu filer, et que Poivressel est intact. Tâchons de profiter de ce petit coin de paradis avant de reprendre la route.

Il s’assit dans le sable, se déchaussa, et mit les pieds dedans pour profiter de la chaleur et de la sensation.

- Soit, mais reprendre la route vers où ? Demanda Djosan. Nous ne savons point où nous sommes, assurément, et encore moins où nous devons aller.

- Ça, je ne le savais déjà pas dès qu’on a quitté Algatia. Et je te l’ai bien précisé, mais tu as quand même insisté pour m’accompagner.

- Que je ne le regrettasse point. Votre compagnie m’est agréable, et que j’appréciasse de pouvoir m’éloigner un temps du front. La guerre est une fort vilaine chose.

- Mouais… En parlant de vilaine chose, je pense que je dois te mettre au courant. Quand nous étions dans le bateau, j’ai fait un… cauchemar.

Mercutio lui raconta alors sa rencontre avec Tuno, ce qu’il était devenu et ce qui lui avait dit. Comme il l’avait prévu, la réaction de Djosan fut si émotive qu’elle en devint comique.

- Las, quel malheur nous pourfend à cette heure ! S’exclama-t-il les larmes aux yeux. Cher colonel, que vous eussiez donc abandonner votre humanité pour vous plonger dans le poison de la vengeance ?! Quel est donc ce désespoir qui nous étreint ?!

Mercutio laissa Djosan à son verbiage théâtral tandis qu’il grignotait son Magicarpe. Ne sachant pas où aller pour trouver les Shadow Hunters, il aurait bien volontiers changé ses plans pour aller trouver Tuno et le ramener à la raison. Lui au moins, il savait où il se trouvait si c’était bien lui le boss des Réprouvés : la forteresse du Pic Démoniaque. Mais Mercutio avait dans la vague idée que Tuno ne l’écouterait pas, si d’aventure il réussissait avant à se frayer un chemin à travers sa bande de terroristes dont certains apparemment étaient des surhumains.

Ce n’était sans doute pas le moment, mais il faudrait bien s’occuper des Réprouvés un jour. Et alors que Mercutio était obligé de combattre sa propre sœur Siena, il ne voulait pas en plus avoir à affronter son ancien supérieur, un ami de la première heure, celui grâce à qui Mercutio avait intégré la X-Squad. Au final, tout était de la faute d’Horrorscor. Tuno avait perdu la raison à cause de la perte de sa famille. C’était bien sûr Venamia qui avait donné les ordres, mais si elle, elle était devenue ainsi, c’était du fait d’Horrorscor. C’était lui, le premier responsable de toute cette haine et cette folie. C’était lui qui avait détruit toutes ces vies. Mercutio n’aurait jamais cru pouvoir haïr un Pokemon comme il le faisait aujourd’hui.

Ils prévirent de partir demain à l’aube, même s’ils ne savaient pas pour où. Quand la nuit tomba, Mercutio mit un certain temps à s’endormir. Il avait peur de se retrouver à nouveau dans cette plaine sombre et vide, avec cet arbre mort en haut d’une colline, où le Maître des Cauchemars l’attendraient. Mais finalement, le doux bruits des vagues contre le sable eut raison de lui, et il sombra dans un profond sommeil. Et quelqu’un vint effectivement lui parler dans ses songes. Mais ce n’était pas Tuno cette fois ci.

- Ça faisait longtemps, mon fils. Je te sens troublé.

Cette voix, Mercutio la connaissait, bien qu’il n’ait jamais rencontré son propriétaire de face. Et elle provoquait en lui toujours le même sentiment complexe, mélange de fébrilité, d’enthousiasme et de dégoût.

- Ça fait effectivement un bail, crétin de paternel, répondit Mercutio. Même pas un petit coucou pour les anniv. Tu viens de te souvenir que tu avais des gosses ou quoi ?

Mercutio ne perdait jamais une occasion de rabrouer Elohius quand il le pouvait, malgré la rare fréquence à laquelle il discutait par les rêves avec lui. Ce type était apparemment le tout premier des Mélénis, voir même une espèce de dieu. Et pourtant, il n’avait jamais tenté de rencontrer ses propres enfants. Il les avait vendu à la Team Rocket, et n’avait même pas su protéger leur mère Livédia. Il n’avait engendré les jumeaux que pour respecter une obscure prophétie comme quoi sa descendance pourrait un jour venir à bout de l’Endless, une entité cosmique qui représentait le Néant. Il se fichait royalement d’eux, ou du moins, il n’avait jamais fait quoi que ce soit pour les persuader du contraire.

- Tu sais que je ne peux pas te parler comme je le voudrais, répondit la voix profonde d’Elohius. Un jour, tu comprendras le sens de mes actions.

- C’est ça. Et sinon, que me vaut l’honneur de ta visite ? J’suis pas vraiment d’humeur là.

- Tu es plein de haine et de ressentiment envers Horrorscor. À juste titre. Mais ce Pokemon se nourrit justement de ça pour devenir plus fort. La haine est le terreau avec lequel il propage la corruption. Tu ne vaincras pas la haine par la haine. Il n’y a que l’amour qui peut le stopper, comme Erubin a su le faire il y a longtemps.

- T’es venu juste pour me dire ça ? Tu veux que je porte la défroque des Blancs Manteaux d’Eryl et que je renonce à tout pour ne pas sombrer dans le péché ?

- Vous combattez Horrorscor et ses sbires par les armes. C’est totalement contre-productif.

- Et qu’est-ce que tu veux qu’on fasse, Ta Divinité ? Qu’on laisse ses Démons Majeurs détruire régions par régions, ou qu’on laisse Venamia instaurer sa dictature mondiale ? Il parait qu’Horrorscor a été crée par le Flux. T’es une espèce de dieu du Flux non ? Tu ne peux pas le faire disparaître d’un claquement de doigt ?

- Horrorscor est l’une des créations de mon frère Asmoth. Il a créé ses Pokemon avec le Flux Noir. Je ne peux pas les défaire.

- Mais tu peux nous aider, bon sang ! S’agaça Mercutio. Maître Irvffus n’arrêtait pas de nous dire combien tu es puissant. Tu pourrais au moins nous débarrasser des Démons Majeurs ! Qu’est-ce que tu fais, pendant tout ce temps ? Où tu es ?

- Je fais des choses qui sont nécessaires, pour nous tous. Je ne peux pas t’en dire plus pour le moment, mais crois-le, j’aimerai bien être ailleurs, comme auprès de vous. D’ailleurs, tu ressens la même chose en ce moment, n’est-ce pas ? Je suis au courant pour ton enfant avec Miryalénié. Tu l’as fait par sens du devoir, et tu l’as laissé partir loin de toi pour les mêmes raisons. Tout comme moi avec vous…

- Enfoiré ! Ça n’a rien à voir !

Mercutio était en colère, mais uniquement parce qu’il savait qu’Elohius avait raison. Il avait fait avec Myri et leur fille exactement la même chose qu’Elohius avait faite avec Livédia Crust et ses jumeaux. Il était comme son père, un salaud irresponsable, et ça le mettait en rogne.

- Tu perçois un peu la douleur qui a été la mienne toutes ces années, poursuivit Elohius. La douleur de vous savoir loin, de ne pas être avec vous, de ne pas pouvoir vous protéger, de ne pas pouvoir être un père pour vous. Mais moi au moins, je pouvais vous voir à tout moment avec mes pouvoirs. Tu n’as pas cette chance…

- Oui, oui, c’est bon, tu es content ? Tu as réussi à me plomber le moral encore plus que quand je me suis endormi. Tu…

Mercutio eut alors une vision, quelque chose né du Flux qu’il n’avait aucunement invoqué. Elle montrait un bébé aux fins cheveux cyans, reposant dans les bras d’une femme que Mercutio reconnu immédiatement comme étant Myri. Il se rendit compte alors qu’il voyait pour la première fois sa fille, et que c’était Elohius qui lui envoyait ces images. Il ne savait pas alors ce qu’il ressentait : de la joie, ou de la douleur ?

- Je l’ai vue au Refuge, dit Elohius. J’ai perçu une partie de son futur quand je l’ai touchée. Elle sera une grande Mélénis, dotée d’un destin hors du commun.

Qu’Elohius ait pu toucher sa fille avant lui le fit se sentir encore plus mal, si c’était possible.

- Elle aura le futur qu’elle veut, protesta Mercutio. J’en ai assez de ce destin qui choisit à l’avance la vie que mèneront les membres de notre famille.

- Le destin n’est pas chose mauvaise. Il est régulé par le souhait des hommes et des Pokemon d’avancer, de progresser et de faire le bien. Il serait peut-être bon que tu rencontres Provideum, le Pokemon de la Destinée. Ton frère te l’expliquera mieux que moi.

- Navré de ne pas considérer un Pokemon que tu as crée par magie comme mon frère, répliqua Mercutio.

Mercutio songea justement que parmi la Trinité des Lumières qu’Elohius avait crée avec le Flux, il y avait justement Erubin. Et comme Eryl était une sorte d’incarnation d’Erubin, ça en faisait quoi pour lui ? Une espèce de sœur éloignée ? Mercutio secoua la tête. Les histoires familiales de Mélénis, ça devenait vite malsain et compliquée, surtout quand on avait Elohius comme géniteur.

- Au fait, en parlant de famille non-désirée… J’ai rencontré ce gosse là, Yonis. Il se dit le fils d’Asmoth et l’Elu des Ténèbres. C’est vrai ?

- On ne peut pas savoir à l’avance qui est l’Elu des Ténèbres, mais oui, ce Yonis est effectivement le fils d’Asmoth. Un demi-Mélénis, comme toi, qu’il a engendré avec une Favorable. Il a eu vent de la prophétie de Mew, et a voulu faire comme moi. Il ne voulait pas laisser à la seule lumière la possibilité de vaincre l’Endless.

- Mais pourquoi ? L’Endless doit être vaincu pour que l’univers soit sauvé non ? On s’en fiche, de qui le bat.

- On ne s’en fiche pas, non. Si c’est l’Elu de la Lumière qui le bat, notre monde deviendra alors un havre de lumière pour des centaines d’années à venir. Mais si c’est l’Elu des Ténèbres, ce sera alors les ténèbres qui triompheront. J’étais le premier Elu de la Lumière. Mon frère Asmoth était celui des Ténèbres. Nous vous avons créé, Yonis et toi, pour vous transmettre ce titre et ce destin. Mais je le répète, même si y’a de grandes chances que les seconds Elus soient vous, ce n’est pas une certitude à l’heure actuelle.

- Ce Yonis est de mèche avec les Pokemon Méchas, cracha Mercutio. Ils auraient donc un lien avec Asmoth ?

- C’est possible oui. Asmoth déteste autant les humains que les Pokemon. Vouloir commander à des êtres surpuissants qui ne sont ni l’un ni l’autre lui ressemblerait bien.

- Et Horrorscor est une création d’Asmoth, ajouta Mercutio. Tout remonte toujours à lui.

- Horrorscor ne sert que lui-même. Ne te trompe pas d’ennemi pour le moment. L’heure n’est pas venue pour toi d’affronter Asmoth et son fils, encore moins l’Endless. L’ennemi de l’humanité à l’heure actuelle, c’est bien Horrorscor. Je sais ce que tu veux faire, par ce voyage que tu as entrepris. Tu veux acquérir un nouveau genre de puissance, qui pourrait t’aider à vaincre les hôtes actuels d’Horrorscor, que ce soit le Marquis ou ta demi-sœur. Je n’ai rien à y redire, mais je me dois de te mettre en garde : les Découpeurs, comme celui à qui tu t’apprêtes à demander son aide, sont immensément dangereux.

- Sans déconner ? Je ne l’avais pas du tout remarqué, même après avoir perdu un bras…

- Si tu es sûr du chemin que tu veux emprunter, je ne peux que t’y encourager. C’est d’ailleurs la raison première de ma prise de contact avec toi. Je peux te montrer la bonne direction.

Quand Mercutio se réveilla le lendemain matin, il dit à Djosan :

- Je sais où se planquent les Shadow Hunters.

Le chevalier le regarda sans comprendre.

- Par quel miracle ?!

- Intervention divine.