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Malsaine de M@xime1086



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» Auteur : M@xime1086 - Voir le profil
» Créé le 09/06/2017 à 20:46
» Dernière mise à jour le 10/06/2017 à 09:34

» Mots-clés :   Drame   Kanto   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Terreur

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L — comme Litiges
Rocabot avait un appétit qui parvenait à redonner le sourire à la jeune fille. Il mordait dans ses croquettes avec un amour évident pour les bonnes choses de la vie. Pendant ce repas improvisé, Lilie rêvassait. Ses doigts glissaient dans la fourrure du Pokémon roche ; celui-ci répondait par de petits grognements affectueux. L'heure de la sieste approcha ; Rocabot montrait des signes de fatigue malgré sa queue remuante. Lilie avait prit avec elle la Pokéball mais préférait ne pas à avoir à l'utiliser. Toute forme de séquestration, même temporaire, l'angoissait. Elle reportait sa claustrophobie sur les Pokémon qu'elle imaginait malheureux dans leur sphère.

Elle était consciente que les Pokéball avait ça d'avantageux qu'elles permettaient de transporter aisément une grande quantité de Pokémon dans un minimum d'espace. De les protéger contre les agressions extérieurs, en dehors des combats. Mais jamais il ne lui était venu à l'esprit, il y a quelques mois encore, d'enfermer Doudou dans une de ses machines rondes. Le sac de sport lui avait semblé une bien meilleure alternative.

Rocabot avait fini par se calmer et venait de sombrer dans l'inconscience. Elle remit de l'ordre dans la cuisine malmenée par le chiot puis le porta jusqu'à son lit et le coucha.

Que pouvait bien raconter Léo à sa mère ? Sa mâchoire se crispa dans le dilemme qui devait la pousser à écouter à la porte de la chambre de sa mère ou à rester bien sagement assise ici. Maintenant qu'Euphorbe lui avait posé la question, elle réalisa qu'elle s'ennuyait comme un Rattata mort. Elle avait la bibliothèque de Léo qu'il avait laissé à sa disposition et dans laquelle elle piochait de bons ouvrages scientifiques, quoique complexes. Le chercheur n'était pas amateur de fiction, ce qui était dommage. Lilie préférait de loin les romans. L'évasion que lui procurait un saut dans les aventures d'un personnage ne valait pas celle de cellules ou autre organisme vivant dont les dessins l'étourdissaient au fil de sa lecture pourtant attentive. Combien de fois elle avait remis à sa place un livre, déçue de ne pas avoir saisi la moindre information. Expliquer que les schémas manquaient de clarté à un professionnel comme Léo l'intimidait mais il était tout à fait normal qu'une fille de son âge ne comprenne pas l'enjeu du psychisme télépathique de Kadabra et Alakazam.

Ils ne discutaient jamais de ces livres : Lilie tenait difficilement une conversation de ce genre avec un éminent chercheur tel que Léo. Ce dernier, à table, préférait aborder des sujets plus terre-à-terre et quotidiens : le temps qu'il faisait, les Pokémon -en général-, la journée qui venait de s'écouler.
Même si ça restait des discussions en surface banales, il leur arrivait d'échanger des idées.

Lilie avait l'esprit vif des jeunes adolescents et ne cachait pas son engagement envers la protection des Pokémon. C'était bien le seul héritage qu'elle acceptât de la part de sa mère, une des seules valeurs positives qu'elle lui avait transmis en douze années. Une fois le rétablissement avéré de sa mère, Lilie aurait deux grandes routes qui élargissaient leurs horizons : la première, depuis gamine, était de gérer les projets d'Aether, rejoindre son frère aîné à la tête de la fondation. Cela la rassurait de ne pas avoir à s'investir auprès de sa mère de cette tâche. Rejoindre les rangs de son frère les rapprocherait assurément ; ils n'avaient jamais été suffisamment fusionnels à ses yeux.

La seconde route, bien plus ouverte et large, était celle du dressage. Pour Lilie, il s'agissait de confirmer ses impressions de voyage qu'elle avait partiellement vécu avec Sun au moment de rejoindre l'autel du Soleil. Elle aimait les Pokémon ; en cela c'était une seconde manifestation de son amour pour eux que de parcourir les routes et de les rencontrer. Pour ce qui était des combats, elle verrait bien, mais ce n'était pas son objectif premier si elle empruntait de nouveau les routes sablonneuses d'Alola.

Cependant, si elle devait partir à l'aventure, son choix se porterait plutôt pour Kanto. Elle connaissait sa région natale par cœur ; elle avait guidé Sun pendant son aventure. Lui servir de guide l'avait amusé. Pourtant, elle préférait ne pas connaître le terrain de jeu dans lequel elle évoluerait. Ne pas savoir où elle s'aventurerait faisait grimper dans sa poitrine un niveau d'excitation qu'elle avait rarement ressenti encore. Les villes, les routes, les Pokémon ouvraient leurs bras pour la prendre et la garder pour eux, au lieu de la voir quitter cette terre d'accueil. Et puis, si sa mère repartait à Alola, autant ne pas la suivre tout de suite et rester là...

La curiosité dont elle faisait preuve à l'égard de la région de Kanto faisait naître de grandes conversations entre le chercheur et elle. Ces conversations se terminaient tard mais ne faiblissaient nullement avec l'approche de la nuit. Bien au contraire, voir les étoiles poindre dans le ciel, malgré la pollution des grandes villes de la région, faisait l'effet d'un flot d'idées qui traversait Lilie comme une pluie torrentielle.

Léo délivrait des conseils, des anecdotes, qu'il tenait de ses plus proches amis. Il avait voyagé dans toutes les régions découvertes à ce jour et était né à Doublonville, métropole de Johto. Sa vie ici, à l'écart de la tranquille agitation d'Azuria, faisait de lui un homme très calme et consciencieux. Lilie l'appréciait pour cela, d'ailleurs. Malgré sa timidité de jeune fille, elle connaissait encore la véritable fougue, celle des enfants. Lui, quand une grande découverte s'annonçait, en retrouvait un morceau, le goût de cet élan. Le contraste était saisissant, quoique comique. Il lui arrivait alors de courir partout, de ne plus tenir en place, lui toujours vissé sur son fauteuil. Ses yeux noisettes étincelaient. Lilie pensait naïvement que dans ces moments-là, les étoiles étaient moins nombreuses dans le ciel parce qu'elles avaient rejoint les paupières brillantes du scientifique.

Léo approchait de la trentaine. Qui l'eut vu, n'aurait pas songé qu'il était sorti depuis un moment de la vingtaine. Les habits qu'il portait le vieillissait surtout. Même s'il ne sortait pas systématiquement, une cravate se trouvait nouée au col d'une chemise ou d'un polo. Ses pantalons unicolores verts ou bleus marine élargissaient ses jambes ; il préférait porter des pantalons dans lesquels il était à l'aise. Les slims n'étaient pas pour lui. Il en avait bien porté une fois.
A cause de ses études, de son refuge qu'il s'était bâti au fil des années, Léo avait tous les critères d'une ermite. Heureusement que Lilie et sa mère étaient venues déranger son quotidien de vieux garçon. La solitude et le travail intensif avaient fini par tracer une grande ride à son front ; lorsqu'il réfléchissait, cette ride se creusait davantage. Quand on le voyait réfléchir, il paraissait faire son âge.

Le seul brin de folie que Lilie trouva dans cet homme trop sage fut sa coupe de cheveux. Elle était tout à fait désordonnée et cela ne lui déplaisait pas. Elle s'en étonna même. Un homme aussi soigneux qui n'a pas une coupe de cheveux aussi impeccable ? Entre la ride et ces cheveux bruns à la limite de livrer bataille, il y avait un fossé : soit il vieillissait, soit il rajeunissait. C'était deux extrêmes auxquels on ne savait où tendre. Cet étrange mélange rendait son visage atypique. Léo était déjà vieux à l'intérieur mais son corps semblait livrer un combat pour garder une poussière de jeunesse.

Lilie avait bien tenté de faire ressortir des souvenirs de son passé pas si lointain mais Léo n'était pas homme à se confier ouvertement. Non pas qu'il ne faisait pas confiance à la jeune fille ; seulement, il doutait que ses souvenirs puisse l'intéresser. C'était une autre époque.
En posant des questions qu'elle voulait innocentes, Lilie souhaitait forger un lien. Il avait été si gentil de l'accueillir, de s'occuper de sa mère sans la laisser de côté, elle aussi. Apprendre à le connaître était la première étape pour le compter parmi ses amis. Après tout, il n'y a pas d'âge pour les amis !

C'était là, ce qu'il y avait de comique entre la jeune Lilie et le vieux Léo. L'un passait ses journées dans son bureau, soit pendu au téléphone dans le but de partager ses dernières découvertes, soit absorbé par l'écran de son ordinateur ; l'autre sortait tous les jours pour ne pas devenir dingue, entre les quatre murs de cette magnifique villa. La demeure du chercheur pouvait très vite exhaler des relents de renfermé qui l'étouffait. Un besoin de boire les verres de pureté et de liberté qu'offrait cet immense jardin la poussait littéralement dehors comme une main qui l'eut prise et porté dans l'herbe pour la fouler.
En effet, la villa de Léo se trouvait isolée de toute civilisation à moins de dix kilomètres. Azuria et ses toits bleus germaient depuis un col herbeux mais la vie urbaine semblait bannie ici. Pour les recherches et les Pokémon, cet air sauvage plaisait à Léo. Il avait envie de calme et d'oubli, ce que n'offraient pas les villes. Il en savait bien quelque chose, ayant grandi et vécu à Doublonville.

Egalement à propos de la guérison d'Elsa-Mina, cet air était ce qu'il y avait de mieux. Même si elle ne sortait pas encore, sentir le vent battre les rideaux de sa fenêtre n'avait pas la même incidence que si elle avait été à Safrania.

Pendant les sorties, Lilie avait sympathisé avec nombre de Pokémon sauvages. Notamment, un petit Goupix au pelage ardent qui l'avait tenue à distance lors de leur rencontre. Elle connaissait les Goupix blancs mais ceux-là, quoique le profil ne changeait pas, étaient différents. Le soir, elle était allée trouver Léo pour lui poser une somme de questions qui les avait tous les deux étourdis.
Il lui avait répondu comme un grand-frère répondrait aux interrogations de sa jeune soeur, avec une tendresse non-dissimulée.

« Ici les Goupix sont de type feu et leur fourrure brune. Ils évoluent à l'aide d'une pierre feu là où les Goupix d'Alola ont besoin d'une pierre glace pour atteindre leur forme finale. »

Là encore, il lui montra des photos de Feunard de Kanto. Ce dernier possédait un pelage beige/doré qui fit briller les paupières de la jeune fille, même lorsqu'elle rêva de cette découverte impromptue la nuit suivante. Elle savait qu'ailleurs il existait des formes différentes de celles qu'on pouvait trouver à Alola. Elle n'avait pas pensé tomber sur l'une d'elle aussi rapidement. Cela lui laissa une profonde marque pendant son séjour chez Léo.
Un monde nouveau, inconnu, mystérieux et totalement dépaysant, la poussa ce jour-là à choisir Kanto comme destination du voyage qu'elle entreprendrait si elle choisissait le chemin du dressage.

Depuis, elle tentait par tous les moyens, stratagèmes, procédés, de retrouver ce petit Goupix pour s'en faire un ami. Malheureusement, elle ne le revit pas. Il avait esquissé une approche en exhibant ses six queues rouges puis s'en était allé. Cette rencontre fugitive rendit Lilie mélancolique. L'envie de sortir lui passa ; la météo capricieuse la dissuada pendant quelques jours. Elle se consola en trouvant un compagnon de jeu en Rocabot, toujours d'attaque pour se défouler et s'entraîner. Le chiot passait pour un monstre de destruction. Il ne faisait pas bon de le laisser approcher la vaisselle ou tout objet fragile. Il prenait une assiette pour une cible et la culbutait dans un grand fracas de porcelaine brisée. Lilie s'était mainte fois excusée pour toute cette vaiselle fracassée mais enfermer Rocabot dans une pièce ne lui semblait guère mieux que le ramener dans sa Pokéball. Chacune des pièces de la villa avait son objet à mettre par terre, aucun meuble n'était épargné. Seul les plus résistants sortaient vainqueurs de cette hécatombe ménagère.

Les oreillers, les tables, les papiers, tout finissaient en miettes après le passage de la tempête Rocabot, comme ils le surnommaient avec une pointe de relativisme. Après tout, c'était des signes qu'il se portait bien, qu'il était vigoureux et par conséquent, que le garder dans sa Pokéball ne l'aiderait pas à le canaliser. Il était hors de question et même impensable pour Lilie de le renvoyer chez Euphorbe ; elle préférait prendre sur elle les bêtises. La pluie des derniers jours ne permettait pas au petit Pokémon de sortir ; heureusement les beaux jours revinrent assez vite.

L'entendre aboyer après les Roucool faisait rire la maisonnée. Il épargnerait peut-être les quelques meubles qui restaient encore debout. Lilie l'accompagnait au début de leur balade mais il la perdait vite, trop fougueux pour rester tranquille. Elle le voyait s'éloigner sans réellement s'inquiéter ; Euphorbe l'avait bien entraîné. De plus, les Pokémon qui vivaient aux alentours n'avaient pas de quoi l'intimider. Il ne tarderait pas à évoluer. Lilie attendait ce jour qui viendrait assurément et elle serait là pour le voir changer de forme. Ils avaient l'habitude de se balader dans un bois non loin de la villa.

La jeune fille se promenait donc seule ; ses mains écartaient les branchages qui se dressaient sur sa route, ses yeux interrogeaient les buissons d'où elle espérait voir surgir le petit Pokémon feu de l'autre jour. Mais rien. Les jours suivants, rien. Elle désespérait. Une personne qui aurait observé cette fille blonde et Rocabot marcher côte à côte aurait remarqué une différence dans leur physionomie ; le Pokémon glapissait et remuait la queue, prêt à bondir sur la moindre feuille tombant d'un arbre ; sa camarade jetait des regards inquiets, ardents et mécaniques à gauche comme à droite. Puis la déception lui faisait baisser les yeux. Ainsi, il en allait de même à chaque balade. Le parcours et les habitudes se trouvaient rodées comme une représentation théâtrale, comme le petit drame quotidien de Lilie, comme une comédie champêtre pour Rocabot.

Il arriva qu'un jour, Lilie perdit la trace de Rocabot. Ce dernier connaissait le chemin par lequel ils traversaient les bois entourant la villa mais ne revint pas. Lilie, inquiète de sa disparition, commença une traversée plus profonde des bois qui devait la mener vers un endroit dangereux et inconnu. En effet, Léo avait mis en garde les deux inséparables que le bois était habité par quelques Pokémon dont le niveau dépassait ceux qu'on avait l'habitude de trouver dans les environs.

Un véritable mur de ronces fit barrage pendant sa recherche. Elle décida de rebrousser chemin, n'ayant pas remarquer de petit passage par lequel aurait pu se faufiler le chiot, lorsqu'elle entendit un aboiement qui lui fit dresser les cheveux sur la tête. Ce cri d'horreur, de terreur, de désespoir, provenait de derrière ce mur épineux. Lorsqu'elle leva la tête pour voir par quel moyen elle franchirait le tas de ronces, elle crut voir grimper la montagne davantage. Un vertige la maintint les pieds dans le sol, sans pouvoir bouger. Un second appel puis un dernier, plus faible, lui parvint. Elle devait y aller.

Elle remarqua un arbre plus grand que les autres qui faisait la liaison entre les deux bords qui la séparait de Rocabot. Il fallait pour cela escalader puis faire en sorte que la liane qui pendait puisse l'amener à bon port.
Elle était moins douée en escalade que son frère qui avait passé ses journées d'enfance dans une cabane qu'il avait bâti de ses mains et qui avait fait enrager leur mère quand elle devait aller les coucher. Ils refusaient alors, dans un pacte commun, de céder l'un comme l'autre. Ils préféraient dormir en hauteur, avoir le toit du ciel à porter de main, plutôt que d'être des enfants normaux.

A mesure qu'elle grimpait, les conseils de Gladio lui venaient en tête. Il fallait placer le pied ici pour ne pas perdre l'équilibre, tandis que la main ne devait pas être placée trop haute pour ne pas à avoir à perdre de vu son appui... Elle entendait sa voix ferme la pousser en même temps qu'elle escaladait. Le soutien psychologique de son aîné la galvanisa une fois en haut des feuillages. Là, elle eut de nouveau le vertige. Elle ne perdit pas un instant et vérifia si la liane serait assez solide ; cela fait, elle s'y agrippa et sauta de tout son élan pour atteindre l'autre côté des bois. L'énorme surface de ronces lui faisait songer à une mer dentues dans laquelle des Carvanha n'attendaient qu'une seule chose : la voir chuter pour la dévorer.

La liane ne supporta pas son poids bien longtemps et elle chuta, heureusement, hors du champ d'épines. Lorsqu'elle se releva, elle découvrit une scène qui la fit pâlir. Un gigantesque Empiflor tenait dans sa gueule imbibée d'acide le petit chiot qui ne se débattait plus. Que pouvait-elle faire, hormis regarder ce spectacle désolant ? La jeune fille ramassa une branche d'arbre, l'abattit sur le monstre végétal qui ne broncha pas. Il n'en avait que faire, une proie lui suffisait. Pourtant cela ne découragea pas Lilie qui persista ; elle frappait, cognait, fracassa même le bâton sur le bidon plein d'acide qui attendait Rocabot si elle ne le libérait pas très vite.
Les traits de ce dernier étaient crispés sous les effets du poison. Son corps n'était qu'une charpie, aucun muscle ne réagissait, ses pattes pendaient lamentablement.

Voyant que la gamine ne cesserait pas de l'importuner, le Pokémon sauvage la repoussa à l'aide de sa liane dorsale. Le coup de fouet la renversa. Une meurtrissure marqua sa joue. Elle bondit sur lui, donnant des coups de pieds sans parvenir à le faire réagir. Essoufflée, elle recula pour évaluer la situation.
Il était évident que sa méthode ne portait pas ses fruits ; il fallait être amateur pour ne pas voir que ses efforts seraient vains jusqu'au bout. Aller prévenir Léo n'était pas une bonne initiative ; le temps ne jouait pas en sa faveur. De plus, la liane qui l'avait porté se trouvait échouée sur l'herbe et le mur de ronces ne s'écarterait pas à son passage.

Une odeur la tira de sa réflexion. Elle se retourna et entrevit une lueur rouge au milieu du lac que formait la végétation épineuse. Un incendie se déclarait. Il ne manquait plus que ça !
Étrangement, cela ne l'inquiéta pas outre mesure. Si le feu pouvait faire fuir Empiflor, elle n'aurait pas dit non. Mais plus le feu se propageait, plus elle eut conscience que c'était elle qui finirait en tas de cendre si elle ne faisait rien pour sauver Rocabot. Elle n'en eut pas le temps. Un feulement la paralysa. Une ombre sauta des flammes propagées par l'incendie et vint heurter le ventre du Pokémon plante. Un jet de flammes le brûla sévèrement. Il relâcha quelque peu son emprise sur Rocabot qui aurait pu se faire englotir par les acides gastriques sans l'intervention de Lilie qui s'était jetée sur le Pokémon en feu.

Lorsqu'elle rouvrit les paupières, elle trouva son compagnon dans un état critique. Le pelage faisait pâle figure, saccagé par l'acide qui l'avait troué ci et là. Lilie porta le Pokémon dans ses bras, à défaut de l'abriter dans sa Pokéball. Elle regretta de ne pas l'avoir prise avec elle.
Empiflor déserta le champ de bataille piteusement. L'ombre qui avait libéré Rocabot se révélait être le fameux Goupix. Elle resta figée devant la petite silhouette qui avait fait fuir la plus grosse ; pendant ce temps, le feu gagnait du terrain. Lilie paraissait inquiète de ce qui allait advenir de la flore après le passage de cet incendie.
Goupix poussa un rugissement, plutôt qu'un aboiement, qui résonna dans les bois alentour. Un long temps passa avant de voir surgir des Bekipan le bec plein d'eau. Lilie, en même temps qu'elle regardait l'eau éteindre les gerbes de flammes, se souvint que la mer se trouvait non loin d'ici. Le ballet des oiseaux sauvant la forêt fit remonter des souvenirs. Le vol de Pokémon tels que Bekipan et autres Goelise étaient fréquents voire une habitude lorsqu'un bateau accostait sur une île de l'archipel d'Alola. Les voir là, lâcher leurs jets d'eau et peindre les hauts arbres de leur plumage clair, fit l'effet d'une bombe dans sa poitrine. Elle crut manquer d'air, comme après avoir escalader l'arbre. Ses jambes n'allaient plus la porter, l'émotion, trop forte, la submergeait. Comme les flammèches qui finissaient de mourir, elle se noyait sous les fumées de ses souvenirs, de récits de loups de mer qui brouillaient ses paupières.
Elle ne sut si c'était à cause de la poussière des ronces brûlées ou bien par mélancolie, mais elle sentit des larmes monter et couler sur son visage encore meurtri par le coup d'Empiflor.

Puis le reste fut recouvert par un voile. Elle ne se souvint de presque rien, si ce n'est qu'elle suivait Goupix qui la ramenait à l'orée du bois. Là, sa volonté s’éclipsa. Elle avait tant voulu revoir le renard ; maintenant qu'il était là, elle ne fit rien pour le retenir. La fatigue la rendait aussi impuissante qu'un Ramoloss au repos. Elle quitta la forêt sans se retourner, Rocabot dans les bras, les mains et la figure écorchées.

*****
Cette aventure servit de leçon à la jeune fille. Elle n'osa plus s'aventurer dans les bois. Ils lui faisait presque horreur, tant elle redoutait de rencontrer à nouveau l'Empiflor qui l'avalerait, elle et Rocabot. Celui-ci reprenait des forces et ne saccageait plus les objets fragiles de la maisonnée. Cela manqua à Léo de ne plus avoir à gronder quelqu'un pour la vaisselle répandue par terre. Lilie se rendait au chevet du Pokémon bien plus souvent qu'à celui de sa mère, qu'elle fuyait. Elsa-Mina restait toujours alitée ; Lilie ne préférait pas éveiller de vieilles rancunes et s'en tint éloigner le plus possible. Elle redoutait que sa mère ne la demanda ; quelle posture adopterait-elle alors ?

Goupix restait un vague épisode de la péripétie de sa vie. Il lui arrivait de songer à lui, au milieu de la nuit, après un cauchemar. Elle se levait alors et postée à la fenêtre, elle imaginait sa forme émergée du sombre coin qu'était le bois dans lequel elle ne voulait plus mettre les pieds seule.
Les promenades se firent plus rares. Il y avait bien d'autres endroits à visiter mais rien de comparable à la paisible forêt. Il fallut se faire une raison.

La guérison de Rocabot permit à Lilie de reprendre les balades. Le chiot démontra par son entrain ordinaire qu'il était définitivement hors de danger. Il déplora à sa façon l'interdiction que Lilie s'était imposée de ne pas retourner dans les bois. C'était son terrain de jeu préféré : il pouvait se rouler dans l'herbe folle, sauter dans les buissons et faire peur aux oiseaux. La prairie qu'offrait le côté ouest de la villa lui semblait bien ennuyante. A côté du tableau vivant que représentait la forêt, l'étendue plate et herbue de la prairie faisait pâle figure. Il y avait bien quelques Pokémon mais aucun ne se laissait prendre à son jeu et tous fuyaient à son arrivée, remarquant son apparition à des centaine des mètres. Ce n'était pas drôle.

Lilie paraissait plus calme, voire accablée. Elle n'osait se l'avouer mais la forêt lui manquait. Son nouveau parcours avait un tracé mécanique, tout comme sa volonté. La moindre impression de bien-être passait sur elle sans l'imprégner, si bien qu'elle ne souriait plus devant la venue d'un Pokémon.
A présent le duo ne contrastait plus d'une joie démesurée et d'un état d'anxiété ; les deux physionomies s'alliaient dans un pareil découragement du quotidien.

Bientôt, l'entrain de Rocabot disparut. Il marchait aux côtés de Lilie le museau à terre, la queue ne remuait plus. Il restait sage et ne courait plus à la recherche de Pokémon à effrayer. A quoi bon ?
Dans ce ciel couvert de leur vie, il vint un rayon de soleil qui perça les gros nuages. Goupix, qui constatait l'absence de ceux qu'il avait sauvé, leur rendit visite. A l'occasion de cette première visite depuis la guérison de Rocabot, ils échangèrent quelques signes annonçant une future amitié. Goupix n'était pas démonstratif ; Lilie non plus. Il lui arrivait de prendre dans ses bras le renard et de regarder la prairie balayée par les vents. Lilie avait trouvé un siège en un rocher qui surmontait le terrain. De là, elle apercevait tout.

L'arrivée d'un compagnon rendit son enthousiasme à Rocabot. Avec Goupix, ils partaient explorer les coins inconnus. Ils s'entendaient à merveille, on aurait dit deux chiots de la même portée. Rocabot était le cadet foufou, Goupix l'aîné protecteur. Ils ne se chamaillaient jamais ; le respect tenait toutes les bêtises du chiot éloigné du renard. Il se sentait en sécurité avec un ami de sa trempe ; il lui arriva une fois de lui proposer un combat mais l'intimidation qu'il lui imposait le fit renoncer.

Puis, la dernière étape de cette amitié naissante fut l'introduction du Pokémon feu dans la villa de Léo. Goupix vint se joindre aux soirées autour de la table. Dans la chambre de Lilie, un petit panier était aménagé dans lequel s'endormait Rocabot. Ce dernier fit une place au renard et tous deux s'assoupissaient après leurs jeux extérieurs. Lilie remarquait alors que la queue des Pokémon se mêlaient dans leur sommeil, Rocabot dormait la tête contre le flanc du Goupix plus grand que lui. Giovanni de la Team Rocket aurait été attendri de ce duo si bien assorti.

Il est temps pour le lecteur de songer à d'autres choses bien moins gaies que cette amitié. Nous avons mis de côté le personnage principal de cette histoire, à savoir la mère de Lilie. Il est temps de s'intéresser de nouveau à la dame malade. Il est malheureusement impossible de retranscrire la conversation qu'ont eu cette dernière et Léo au sujet de la folie soupçonnée par Lilie. Comme elle, je n'ai pas été autorisé à pénétrer entre les murs de la chambre calfeutrée de l'ancienne directrice de la fondation Aether. Je le déplore. Car la pièce où se trouvait alitée Elsa-Mina était bien une chambre coupée du monde, invisible pour qui ne la connaissait pas. Aucun passage ne trahissait son existence. Léo s'occupait de lui amener ses repas quotidiens et les autres taches qu'il incombe à un "docteur" de fournir à sa malade. Comme nous l'avons dit, Lilie ne venait plus. Elsa-Mina parut s'y faire, quoiqu'elle paraissait morose en y pensant. Elle gardait rancune de cette absence de compassion chez sa fille ; cela confirmait ses dires : elle ne se préoccupait pas de son état. Cependant, elle allait mieux de jour en jour. Il fallait prouver à cette petite peste blonde qu'elle s'en sortait sans elle, qu'elle n'était pas indispensable à sa guérison.

Il arriva un drame qui changea le comportement de Rocabot. Ce dernier ne montait à l'étage de la villa que pour rejoindre la chambre de Lilie ; un jour il entendit des toussotements provenant d'une pièce qu'il ne connaissait pas. Curieux, il s'avança vers la porte qui laissait passer le bruit. Elle était ouverte sur un lit dans lequel était couchée une femme blonde qu'il n'avait jamais vu. Elle paraissait visiblement malade et cela l'attrista. Il n'entra seulement pas, de peur de se faire houspiller. Si on ne lui avait pas parlé de cette femme, il devait y avoir des raisons. Il rebroussa chemin, désolé par la vue de la malheureuse femme.
Lilie remarqua le changement d'attitude de son ami. L'inquiétude se lisait sur son museau. Malheureusement, Lilie n'arrivait pas à faire parler les Pokémon.
L'état morose dura plusieurs jours jusqu'à l'annonce d'un fait nouveau dans la petite vie tranquille de la maisonnée.

Un soir, Lilie trouva sa mère assise à table. La surprise ne s'arrêta pas là. Pendant que Léo cherchait ses mots, Rocabot jetait un regard curieux et compatissant à la quarantenaire. Il semblait soulagé de la savoir ailleurs que dans un lit.

« Ta mère pourra sortir dès demain. Elle est guérie. »

Lilie, qui tenait Goupix, dénoua ses bras et laissa tomber le renard. Elsa-Mina leva un verre, le visage rayonnant d'un plaisir qu'elle voulait faire durer.