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Atlas de Eliii



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» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 16/04/2017 à 14:49
» Dernière mise à jour le 16/04/2017 à 14:49

» Mots-clés :   Drame   Policier   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense

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007 : Fort photogénique
Prendre quelqu'un en filature pour le surveiller, j'ai toujours su le faire. C'est dans mes cordes depuis plusieurs années, mais je dois admettre que cette cible-là m'a donné du fil à retordre. J'imagine que travailler pour un homme immensément riche a son lot de complications. Surtout quand l'homme en question a des choses à cacher...
— A. Meltzer —



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Boardwalk Empire OST (Catherine Russell) - Crazy Blues

Rivamar, 18 mai 1960

Les doigts fins et graciles remuaient avec une aisance remarquable, entortillant le ruban vert émeraude de telle sorte qu'il fût attaché en à peine quelques secondes, servant d'ornement sur la chemise d'un blanc terne. La femme examina scrupuleusement sa tenue, s'observant dans le miroir de la chambre d'hôtel, et sourit. La jupe noire plissée qu'elle portait, accompagnée par une paire de collants du même vert que le ruban, et de bottines brunes montant un peu plus haut que la cheville... oui, elle était très apprêtée dans cette tenue, et y avait mis plus de soin qu'à l'ordinaire. Il fallait dire que des circonstances particulières l'exigeaient, pour une fois.

Angela Meltzer n'avait jamais été femme à s'embarrasser de problèmes triviaux comme les vêtements qu'elle allait porter ou la coiffure qu'elle arborerait le lendemain ; elle s'habillait confortablement et ne voyait pas la nécessité de se conformer à la société. On attendait d'elle certaines choses, mais elle crachait volontiers à la figure des éventuels détracteurs. Pour cela, on la qualifiait souvent d'excentrique, même sur son lieu de travail où se trouvaient quelques autres employés dans son genre. Un esprit libre, voilà ce qu'elle était. Et en cela, elle allait bien avec l'homme qui la courtisait depuis un bon moment. Elle avait récemment fini par céder à ses avances, mais elle n'était pas aussi attirée que lui pouvait l'être.

Oh, elle n'allait pas le nier, Robert Marlowe était loin de ne pas être bel homme, mais il y avait quelque chose, une arrogance et un dédain certains qui ne lui plaisaient pas tellement chez lui. Mais avant d'être son amant, ou quelle que fût la dénomination qui lui conviendrait, il était avant tout son supérieur hiérarchique direct au sein du Sinnoh News. Angela n'était pas journaliste à proprement parler ; à dire vrai, elle exerçait davantage la profession de photographe, même s'il lui arrivait de temps à autre de rédiger quelques articles. Ces derniers temps, elle avait pris des vacances à Verchamps, un peu à l'ouest de la cité maritime, mais son patron l'avait appelée à le rejoindre à Rivamar pour un "travail important" dont elle ne savait finalement rien du tout. Mis à part que cela avait un rapport avec John Sullivan, le magnat des hôtels et des casinos, que tout un chacun connaissait au moins de réputation dans la région.

La photographe en milieu de trentaine passa une main nerveuse dans sa chevelure coupée mi-longue, d'un rouge flamboyant, et dégagea une mèche récalcitrante de son front au teint hâlé par le soleil de Verchamps ; on avait beau qualifier cette ville de marais dégoûtant, au moins, on y bronzait en un temps record. Ses yeux noisette se détournèrent de son reflet renvoyé par le miroir, pour se poser sur l'homme aux cheveux blancs qui était occupé à nouer sa cravate ; avec moins d'adresse qu'elle avait attaché son ruban, il fallait l'admettre. Elle laissa un soupir s'échapper de ses lèvres recouvertes de rouge, et plissa légèrement son nez fin, signe évident de nervosité chez elle.

« J'ai toujours détesté m'habiller avec autant de soin. C'est inconfortable et ça entrave mes mouvements.
— Ce n'est pas comme si tu allais te rendre en pleine nature pour prendre des clichés splendides dans quelque région sauvage, ricana Robert. C'est juste un entretien avec un homme riche qui va te demander un service, et cela parce que je t'ai recommandée à lui. Tu as le droit de dire non, mais à mon avis, en voyant la liasse de billets qu'il va te donner...
— Es-tu en train de dire que je serais uniquement attirée par l'argent ? s'indigna-t-elle faussement, un large sourire étirant ses lèvres.
— Qu'Arceus me pisse dessus si nous ne sommes pas tous comme ça ! »

Angela esquissa une moue piteuse, qui donnait un aspect enfantin à son visage de femme pourtant plutôt mûre, et entoura le bras du journaliste des siens, se collant contre lui quelques secondes, puis s'en éloignant pour s'asseoir tranquillement sur le fauteuil de cuir noir placé dans un coin de la chambre. Elle n'avait jamais tenu en place, et ça n'allait pas changer de sitôt.

« Moi, je connais quelqu'un qui n'est pas comme ça ! »

Elle avait affirmé cela avec un regard fier, la tête haute et les jambes croisées, comme si elle se prenait pour une grande dame du monde. Cette vision somme toute assez ridicule fit sourire l'homme, qui voulut se prêter au jeu.

« Ah oui, et qui est-il, ce quelqu'un ? Un être imaginaire que tu as vu en rêve, peut-être ?
— Je ne sais pas comment il s'appelle en réalité, et je ne l'ai jamais vu. D'ailleurs, personne ne l'a jamais vu ; tout du moins, personne ne connaît sa vraie identité. Tu vois où je veux en venir ?
— Atlas, oui, je saisis. Tout le monde m'en parle, de ce rigolo-là. Ce n'est pas parce qu'il a fait placarder des affiches à Unionpolis, ou que quelqu'un l'a fait en son nom sans le consulter, qu'il est forcément dangereux. Certes oui, je me méfie de lui et de ce qu'il représente, mais il m'a plus l'air d'un type un peu perdu que d'un terroriste ou un tueur. De toute façon, je ne vois pas pourquoi tu te préoccupes de cette affaire... je m'en charge, va, tu auras bientôt d'autres soucis, avec ta nouvelle mission », admit-il.

Angela leva les yeux au ciel, mais ne répliqua rien directement. Son regard se perdit par la fenêtre ; un Etourmi venait de se poser sur le rebord, et de son petit bec jaune, tapotait doucement contre la vitre solide. La photographe aux cheveux flamboyants s'attendrit un moment devant ce spectacle paisible et simple que la nature de Sinnoh pouvait offrir, puis se tourna de nouveau vers l'homme, qui enfilait sa veste de costume, sans doute dans l'optique de sortir.

« Je suis plutôt étonnée que tu ne voies aucun inconvénient à ce que j'accomplisse une "mission", quelle qu'en soit la nature, pour un type comme John Sullivan. Je veux dire, les hommes riches comme lui doivent avoir beaucoup d'ennemis, et ce n'est sans doute pas sans risque de me mêler de ses affaires. Habituellement, tu es plus... protecteur.
— Je n'ai pas vraiment de raison de m'en faire, à vrai dire. Sullivan ne t'impliquera pas dans ses affaires, je connais assez bien le personnage pour te l'affirmer. Et toi aussi, je te connais. Tu sais y faire et je ne doute pas de tes capacités.
— Moi qui m'attendais à ce que tu m'exhortes à ne pas prendre de risques ! sourit-elle.
— Evidemment, j'avais en tête de te le dire, mais je sais que tu ne m'écouterais sûrement pas, autant ne pas perdre mon temps en sermons inutiles. »

Elle sourit, et vint embrasser la joue de l'homme aux cheveux blancs, avant de quitter la chambre d'hôtel, bien décidée à engloutir un copieux déjeuner avant son entretien avec le maître des lieux.


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Le commissariat de Rivamar était l'une de ces bâtisses datant de la fin du siècle dernier, qui détonnait avec les immeubles art déco qui constituaient la majeure partie de la ville. Une grande salle où se trouvaient une multitude de bureaux servait de hall d'entrée. A partir de là, on pouvait emprunter l'une des deux cages d'escalier, situées d'un côté et de l'autre du bâtiment, pour accéder aux étages supérieurs, abritant les bureaux des officiers plus haut-gradés, à l'instar des lieutenants ou du commissaire. Celui-ci se trouvait assis dans son fauteuil, nonchalamment installé, une cigarette à la bouche.

Le commissaire Tyrell Avery était en fonction depuis une quinzaine d'années ; jamais quelqu'un n'avait conservé ce poste aussi longtemps, dans la cité portuaire. Soit les commissaires démissionnaient d'eux-mêmes, soit ils finissaient par être remplacés à cause de leur incapacité. Lui avait une volonté de fer et faisait preuve d'une compétence jugée rare parmi la police de Sinnoh. On lui avait maintes fois offert une place dans la police fédérale, mais il l'avait toujours refusée, se jugeant bien trop inapte pour cela et préférant rester à Rivamar.

Tyrell avait maintenant une cinqantaine d'années, et ses cheveux gris, parsemés de restes de mèches noires, en témoignaient. Un teint cadavérique et une barbe de trois jours étaient ses caractéristiques les plus reconnaissables. Il portait, par dessus une chemise noire rehaussée d'une cravate blanche, un long imperméable gris simplement posé sur ses épaules. Un regard gris d'une dureté impressionnante complétait le tableau.

Face à cet intransigeant représentant de l'ordre, le jeune agent fédéral Nate Wilde se sentait tout petit. Lui, d'habitude si arrogant et prompt à la plaisanterie, gardait ses yeux baissés vers ses mains, posées sur ses genoux légèrement tremblants. Le rouquin se mordillait la lèvre inférieure, et n'osait pas lever le regard vers le commissaire, qui semblait le jauger, de ses pupilles inquisitrices. La voix de Tyrell, rendue rauque par des années passées à fumer souvent, finit par se faire entendre dans la pièce mal rangée.

« Il est inutile de vous sentir si mal à l'aise, agent Wilde. Je ne vous demanderai qu'une chose, et quelle que soit votre réponse, je vous laisserai partir juste après. Prenez votre temps si nécessaire. »

Loin de le rassurer, le ton monocorde du commissaire fit, imperceptiblement, frissonner l'agent du gouvernement, qui s'efforça de ne rien laisser transparaître. Il daigna cependant lever son regard brun vers l'autre homme, et tenta de lui répondre, le plus calmement possible. Il se souvenait avec exactitude de ce qu'il avait vu, mais qu'y avait-il à en dire ? Assurément pas grand chose. Tant pis. Il ferait avec.

« L'agent Sutton et moi... on patrouillait près de la place Artémis, histoire de repérer d'éventuels individus suspects. On discutait, et puis, le centre Pokémon a explosé. Le bruit était insupportable, et ça a commencé à sentir un peu le brûlé. Des passants ont hurlé et ont couru dans tous les sens, des morceaux de cadavres de Pokémon et de quelques humains sont venus s'ajouter à la fête. Un Capumain qui se promenait dans les environs s'est retrouvé blessé à quelques mètres de nous, et Sutton est allée le secourir. On l'a amené au centre situé près de l'arène, et sitôt après, je suis venu ici... je sais même pas pourquoi, à vrai dire, j'ai rien à voir là-dedans. Mais j'ai comme ressenti le besoin de faire mon devoir, et de dire ce que je savais à la police locale. »

Un soupir nerveux s'échappa d'entre ses lèvres, et il ricana doucement, tentant de faire abstraction du mal-être qui le rongeait depuis qu'il avait posé un pied dans ce bureau désordonné.

« Il se passe trop de choses louches, en ce moment, ici. Je mentirais si je disais que je suis content d'être là. A vrai dire, j'ai qu'une envie, c'est de retourner chez moi, à Vestigion. On n'a pas autant de problèmes là-bas que dans une ville aussi animée et urbaine.
— Vous devriez prendre en compte le fait qu'une mission fédérale est d'une importance capitale, agent Wilde. Rentrer chez vous ? C'est encore un doux rêve, tant que vous n'aurez pas accompli ce pourquoi vous êtes ici. »

Tyrell Avery consulta sa montre, après avoir tiré une bouffée de sa cigarette, et soupira.

« Vous pouvez y aller. Il serait peut-être bon de prendre des nouvelles de votre partenaire. »

Nate hocha tranquillement la tête. Passer au centre Pokémon pour voir Nellie se morfondre devant le corps abîmé d'un petit Pokémon ? Sur le papier, ça n'avait rien de réjouissant. Pourtant, il se sentait le besoin de le faire. Comme si sa conscience lui dictait d'agir humainement, pour une fois. Avait-il déjà ressenti ce tiraillement dans son esprit ? Il en doutait fort. Ses jambes le conduisirent hors du bureau du commissaire, sans même qu'il ne s'en rendît compte, tout absorbé par ses interrogations qu'il était.


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Le bip sonore d'une machine volumineuse empêchait Nellie Sutton de réfléchir correctement. Elle avait beau essayer, elle ne parvenait pas à se concentrer sur autre chose que ce rythme régulier, ce clignotement auditif qui l'agaçait et la rendait nerveuse tout à la fois. Ses cheveux noirs courts étaient désordonnés, comme si elle venait de se réveiller, et elle avait les yeux bouffis par le manque de sommeil. Elle avait déjà vu la mort une fois, et elle ne souhaitait pas refaire cette expérience. Pas de sitôt, en tout cas.

Le petit primate au pelage violet gisait, inerte, dans un lit d'hôpital trop grand pour lui. Un drap blanc recouvrait la partie inférieure de son corps, et le reste était relié à des perfusions diverses, qui l'alimentaient en nutriments et médicaments. Ses paupières closes lui rappelaient cette scène qu'elle souhaitait à tout jamais oublier. Le corps de son père, étendu dans un cercueil d'ébène, dans un somptueux smoking. Qu'avait-il besoin d'un smoking, il était mort, doux Arceus ! Nellie se surprit à verser une larme, qui tomba sur sa main qui serrait la croix arcésienne. Elle ne cessait de prier pour que le Capumain se réveille au plus tôt, mais le seigneur entendrait-il ses plaintes ? Elle n'avait aucun moyen de le savoir, et ne pouvait qu'attendre que la vie revienne habiter ce frêle corps.

Un peu plus tôt, l'infirmière qui s'occupait de ce patient lui avait certifié qu'il s'en sortirait, ne souffrant qu'une d'une patte cassée et d'un endommagement partiel des conduits auditifs. Cela aurait pu être pire, certes. Mais cela aurait pu être mieux, avait songé la fédérale, amère. Et en voyant cette pauvre créature étendue là, plus morte que vivante, même si ses fonctions vitales n'avaient pas trop souffert, la jeune femme se sentait piteuse. Elle croyait l'avoir sauvé, mais l'était-il vraiment ? Non. Assurément, non. Il y avait de fortes chances que ses capacités auditives se perdent totalement, et il ne serait jamais plus aussi agile, au vu des séquelles qui risquaient d'atteindre sa patte cassée.

« Ô seigneur Arceus, Père de toute chose, Créateur de ce monde, entends ma prière et viens en aide à cette âme en peine. Il n'y a point de péché dans la mort, et point de complaisance dans une vie misérable. Mais je t'en supplie, ne laisse pas... »

Elle n'acheva pas sa litanie, car le son de la porte coulissante de la petite chambre la fit sursauter ; elle en lâcha sa croix, qui tomba au sol dans un cliquetis désagréable. Le néon fixé au plafond éclairait le petit bijou doré et renvoyait des reflets éclatants. Une silhouette familière se tenait dans l'embrasure de la porte, l'épaule appuyée contre le mur, les bras croisés. Jamais Nellie n'avait vu son collègue si obséquieux ; les sourcils froncés, les yeux baissés, il ne semblait pas être la même personne.

« Désolé de te déranger, je savais pas que tu... que tu priais. »

La jeune agente se serait attendue à ce qu'il lâche un ricanement arrogant, mais il n'en fit rien. Habituellement, lorsqu'il était question de religion, il n'hésitait pas à se moquer ouvertement d'elle et des croyances ; un flic porté sur la religion, c'était chose assez rare, puisqu'habituellement, ils avaient une vision des choses plus scientifique et basée sur les preuves tangibles. Or, quelle preuve y avait-il que le seigneur Arceus existait réellement ?

« C'est bon, ça ne fait rien. Ce n'est pas comme si mes prières avaient une chance d'être entendues et exaucées par le seigneur, soupira-t-elle, lasse.
— Eh bien, pour l'optimisme, on repassera... t'as passé combien de temps au chevet de ce Pokémon ?
— Je n'ai pas compté les heures, à vrai dire. Et toi, où tu étais ?
— Ca peut sembler étrange, mais je suis allé témoigner auprès du commissaire, au sujet de l'incident d'hier soir. Je sais même pas pourquoi je l'ai fait, à vrai dire. Un besoin idiot de faire mon devoir de citoyen, pour une fois. »

Nate ricana, et sa collègue esquissa un très léger sourire ; bien qu'elle refusât de l'admettre, la présence du rouquin la rassurait un peu, et le fait qu'il vienne la voir la touchait d'une certaine manière. S'inquiétait-il pour elle ? Elle n'en savait rien, et de toute façon, d'autres questions assaillaient son esprit tourmenté. L'homme s'installa sur la chaise inoccupée près du lit, et resta quelques temps là, à observer le primate violet inconscient.

« Tu sais de quoi il souffre, exactement ? questionna-t-il.
— Une patte cassée et un problème au niveau des conduits auditifs. Il y a des risques qu'il ne retrouve plus l'usage de son oreille droite.
— En somme, ça aurait pu être pire.
— C'est aussi ce que l'infirmière a dit. Mais en le voyant, là, comme ça, je me rappelle l'enterrement de mon père, étrangement... Je ne veux pas qu'il suive le même destin. »

L'homme en costume-cravate bleu haussa un sourcil. Son père ? Maintenant qu'elle en parlait, ce serait peut-être le moment de lui en demander plus à ce sujet. Car il se questionnait à propos de cela ; était-elle la fille du défunt sénateur Winzer Sutton ? Il y avait de fortes probabilités que ce fût le cas, mais Nate préférait ne pas trop s'avancer. En y réfléchissant bien, ce n'était pas le moment idéal, vu son état. Elle semblait trop nerveuse à cause de l'incident, et il la comprenait. Voir des dizaines de morts dans une explosion pareille, ça avait de quoi chambouler.

« Navré d'avoir à te dire ça, Nellie, mais on a du travail, et je crois que ni toi ni moi n'avons envie de rester trop longtemps dans cette ville dangereuse. On repassera voir ce Capumain plus tard dans la journée, d'accord ? »

La jeune femme aux yeux bleus se laissa convaincre par le ton doux et rassurant du rouquin, et tous deux quittèrent la chambre, gardant un silence religieux. Il ne restait plus que ce bip sonore et la respiration faible du Pokémon.


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Angela Meltzer respira à fond, un peu plus nerveuse qu'elle ne l'aurait imaginé au départ. Elle rajusta une énième fois sa jupe plissée et ses collants, pour s'assurer que tout était parfait, et frappa trois coups nets à la porte de John Sullivan. Celui-ci vint lui ouvrir, avec ce sourire suffisant qu'elle lui connaissait, l'ayant vu arborer cette expression plus d'une fois dans les journaux. Impeccable dans son costume gris foncé, il lui sembla charmant, quoiqu'un peu trop hypocrite. Elle savait bien que les gens riches comme lui devaient se composer une façade pour plaire au public. Cela dit, elle devait l'admettre, il avait un sens de la décoration très appréciable ; son bureau restait sobre, malgré les tableaux disposés ça et là et les bibelots posés sur les meubles.

« Mademoiselle Meltzer, bienvenue à vous, sourit-il tout en la faisant installer dans un canapé fort confortable. Voulez-vous du thé, du café ?
— Un café suffira, merci beaucoup, monsieur. »

John acquiesça tranquillement et lui servit le liquide brûlant, dans une jolie tasse en porcelaine, qu'elle prit en coupe dans ses mains. Elle aurait cru trembler, mais il n'en était rien ; cela la rassurait, elle ne tenait pas à sembler mal à l'aise en sa présence. L'homme d'affaires s'installa en face d'elle, et attendit qu'elle se fut un peu détendue pour engager la conversation.

« Monsieur Marlowe m'a fait de vous un portrait élogieux. Il paraît que vous vous y connaissez, en filature.
— C'est le cas, monsieur, mais s'il s'agit de filer quelqu'un d'impliqué dans la politique du pays ou ce genre de choses, je préfère m'abstenir. Vous savez, j'ai beau avoir l'air d'aimer les ennuis, ce n'est pas le cas, admit-elle, portant à ses lèvres le délicieux café.
— Rassurez-vous, il n'en est rien. Il s'agit de Nellie Sutton, une jeune femme qui travaille pour la police fédérale de Sinnoh. Elle n'a pas de grade élevé, aussi n'aurez-vous aucun problème à vous en occuper, n'est-ce pas ?
— Il me faudrait peut-être une photographie ou une description, pour que je puisse... »

Il ne la laissa pas finir sa phrase, et lui tendit le dossier qui était posé sur la table basse. Elle le feuilleta sommairement, et, voyant à quoi ressemblait sa future cible, hocha la tête.

« Je crois que je peux me débrouiller. Vous voulez que j'espionne ses conversations, que je voie qui elle rencontre ?
— Tout ce que vous pouvez trouver me sera fort utile, mademoiselle, je vous remercie de votre implication. Faites profil bas et soyez prudente, surtout.
— Ne me dites pas comment faire mon travail, monsieur, s'il vous plaît. Je crois que je suis assez compétente pour savoir ce que je dois faire. »

John eut un sourire pincé, puis se leva, sortant quelque chose de sa poche de pantalon. Il s'agissait d'une liasse comptant une vingtaine de billets, qu'il tendit à la photographe aux cheveux rouges. Elle compta tranquillement les billets, et écarquilla les yeux en se rendant compte de la somme qu'elle avait entre les mains.

« Dix mille pokédollars ?!
— C'est une avance sur votre salaire. Vous aurez dix mille de plus une fois que je vous congédierai. J'ose espérer que cela vous convient, sourit-il.
— Je n'ai pas à me plaindre », répondit-elle.

En réalité, c'était bien plus que ce à quoi elle se serait attendue pour une simple mission de filature. Sans doute que les hommes riches ne regardaient pas à la dépense, lorsqu'ils avaient besoin de services. Et, au vu de cette somme d'argent, Angela aurait fort à parier qu'il avait quelque chose d'important à cacher aux agents du gouvernement...

Elle quitta prestement le bureau de Sullivan, tenant fermement les billets de banque entre ses mains. Robert avait eu raison, finalement ; elle avait été irrémédiablement attirée par l'argent que lui promettait son client.

« Qu'Arceus me pisse dessus si nous ne sommes pas tous comme ça... » récita-t-elle, se souvenant de l'expression employée plus tôt par le journaliste.