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Après la fin de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 03/04/2017 à 08:56
» Dernière mise à jour le 11/05/2017 à 13:59

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Chapitre 9 : La fin
« Je te regarde partir
Comme on se voit mourir »


La fin - Emmanuel Moire



Chloé se réveilla en sursaut lorsqu'elle entendit des bruits de rejet successifs. Elle consulta le réveil numérique posé sur la table de nuit. Il indiquait trois heures de l'après-midi. La jeune femme étouffa un bâillement dans sa main. Elle n'avait pas dormi depuis des jours et elle n'avait jamais le temps d'achever une sieste.

Cela se lisait sur son visage, dont la pâleur intensifiait les cernes qui soulignaient ses yeux bleus. Elle passa une main sur ses joues et sur sa mâchoire carrée, avant de tenter de donner un peu d'ordre à ses cheveux noirs, qu'elle avait récemment coupés. Ils étaient ternes et cassants, à l'image de son apparence.

Chloé repoussa la couverture tiède, frissonna légèrement au contact de l'air, bien qu'elle ne soit pas frileuse, puis se précipita sur le palier de la maison qu'elle occupait à Azuria. Les sons qu'elle percevait provenaient de la salle de bain, à la porte de laquelle elle toqua précipitamment

- Mandy, ouvre ! ordonna-t-elle en constatant que le verrou était tiré.

Elle n'obtint aucune réponse, mais elle continuait à écouter les vomissements, de l'autre côté du panneau. Elle insista, en vain. Sa soeur aînée semblait déterminée à ne pas la laisser entrer.

- Amanda, tu sais très bien que je ne veux pas que tu t'enfermes toute seule à l'intérieur. Ne sois pas stupide !

Chloé eut beau hausser la voix, cela ne suffit pas à obtenir un quelconque résultat. Elle patienta une longue minute, puis réitéra sa demande, sans le moindre succès. Agacée, elle menaça :

- Je te préviens, si tu n'ouvres pas dans les secondes qui suivent, je défonce cette fichue porte.

La nageuse l'avait déjà fait, quelques semaines auparavant, et elle n'hésiterait pas à recommencer si cela s'avérait nécessaire. Elle pouvait comprendre que sa soeur n'aime pas être vue dans l'état dans lequel elle se trouvait actuellement, mais elle n'arrivait pas à se résoudre à la laisser sans surveillance, en particulier après qu'elle eut manqué de s'étouffer à deux reprises.

Sur le carrelage de la salle de bain, quelqu'un se traîna pour venir déverrouiller l'accès à la piécette. Chloé put enfin pousser la porte, dévoilant Amanda Summer affalée sur le sol, moite de sueur, le teint blafard, les traits creusés et fatigués. Des larmes ruisselaient sur ses joues émaciées.

- Je suis désolée, Chloé. Je suis...

Elle n'eut pas le temps d'achever sa phrase. Il lui fallut se précipiter aussi vite que le lui permettait sa faiblesse au-dessus de la cuvette des toilettes pour y cracher encore un peu de bile jaunâtre, car son corps vidé de tout aliment n'avait plus rien d'autre à rejeter. Un tremblement nerveux la parcourut entièrement.

- Ce n'est pas ta faute.

Chloé s'accroupit à côté d'elle et passa un bras autour de ses épaules décharnées. Amanda lui ressemblait beaucoup. Elle avait des prunelles de même couleur et un nez identique au sien, mais elle avait toujours été la plus jolie, du moins autrefois, avec son visage plus fin et sa silhouette plus galbée que sa cadette. À présent, elle était maigre et exténuée, ce qui contrastait avec la silhouette athlétique de Chloé.

L'odeur rance du vomi parvenait aux narines de la nageuse, qui l'ignora. Elle commençait à y être habituée. En observant Amanda de près, elle remarqua que celle-ci en avait dans les cheveux, sans doute à cause des éclaboussures.

- Donne-la-moi, ordonna Chloé, la main tendue.
- Je... Non...
- Il faut la nettoyer, sinon elle va empester. Donne-la-moi.
- Il n'en est pas question ! se braqua Amanda.
- Je ne te regarderai pas, je te le promets, mais tu ne peux pas rester comme ça. Plus vite je la passerai à l'eau et plus vite tu la récupéreras.

L'aînée s'accorda un instant de réflexion, avant de faire signe à sa soeur de lui tourner le dos. Elle retira ensuite la perruque qui recouvrait son crâne nu et la glissa entre les doigts de Chloé, tout en secouant la tête avec dégoût.

- Dépêche-toi. Je n'aime pas ne pas...
- Je sais.

Le cancer d'Amanda avait été diagnostiqué plusieurs mois auparavant et la chimiothérapie qu'elle subissait dans le but de le combattre l'affaiblissait de jour en jour. Si elle s'était montrée forte au début, son courage déclinait lentement, tout comme sa santé. Elle détestait se sentir diminuée de la sorte, et surtout devoir contraindre sa petite soeur à prendre soin d'elle.

À l'annonce de sa maladie, Chloé avait décidé de mettre sa carrière d'athlète de haut niveau entre parenthèses, en dépit des nombreux titres qu'il lui restait à obtenir et ceux qu'elle méritait de conserver, de façon à se consacrer uniquement aux soins dont Amanda avait besoin.

Chloé ne pouvait s'empêcher de remarquer l'ironie de la situation. Elle avait côtoyé des humains et des pokémon légendaires, et certains, parmi eux, avaient probablement les moyens de guérir Amanda. Elle ne pouvait cependant pas leur demander d'intervenir en sa faveur.

Non seulement ils refuseraient, arguant qu'il s'agissait d'une question d'équilibre et que les mortels, comme leur nom l'indiquait, naissaient tous pour mourir, mais surtout, Chloé ne les portait pas dans son coeur. Tout comme Marion, elle avait le sentiment que la Confrérie n'était qu'un jouet entre leurs mains, que ce soit celles des Renégats ou d'Athéna.

Si elle avait accepté de se battre à la Cave d'Hadès huit ans plus tôt, en dépit de sa volonté première, c'était moins parce que Satan avait tenté de la convaincre que par loyauté envers ses amis. Elle avait persuadé Marion d'en faire de même parce qu'elle savait que, réunis, les chances de réussite de la Confrérie, et par conséquent leur survie, seraient plus élevées.

Même s'ils acceptaient de soigner Amanda, Chloé refusait d'avoir une dette envers eux. Elle ne se souvenait que trop bien de ce qui s'était produit lorsque Circé avait sauvé la vie de Tina. Elle avait exigé de garder Léa auprès d'elle pour en faire sa disciple et, en raison de cela, le glyphe plante avait mal tourné, au point de renier sa nature humaine et de disparaître avec les dieux pour prendre la place de la précédente maîtresse des poisons.

- C'est bon, elle est comme neuve, déclara-t-elle après avoir passé la perruque sous le robinet du lavabo.

Comme Chloé n'avait mouillé que quelques mèches, Amanda put la remettre sans attendre. Dès que cela fut fait, elle autorisa sa soeur à lui faire face à nouveau. Cette dernière lui tendit une serviette, afin qu'elle essuie sa peau luisante de sueur.

- Je crois... Je n'ai plus de pastilles à la menthe, murmura l'aînée.
- Je vais aller en acheter. Est-ce que tu te sens en état de rester seule jusqu'à mon retour ?

Amanda acquiesça. Ces bonbons étaient quasiment l'unique aliment qu'elle mangeait avec plaisir, aussi aurait-elle été prête à accepter n'importe quelle condition pour être certaine d'en avoir toujours un paquet à portée de main. Comme la petite supérette située à trois rues de chez elles en vendait, Chloé n'aurait pas à s'absenter trop longtemps.

Azuria était calme, pour ne pas dire déserte. Hormis les spectacles que donnaient régulièrement les Soeurs Sensationnelles à l'Arène, il n'y avait presque pas d'activité en ville et les gens préféraient rester chez eux plutôt que d'avoir à mettre le nez dehors par un froid pareil. Les hivers étaient assez rudes, au nord de Kanto.

Chloé fit un détour pour ne pas avoir à passer devant le centre aquatique, qui lui aurait arraché un soupir de nostalgie. La natation lui manquait terriblement, de même que la compétition. Comment aurait-elle pu avoir le goût au sport, cependant, quand celle qui l'entraînait et la soutenait depuis plus de vingt ans était au plus mal ?

Alors qu'elle se perdait dans de sinistres pensées, un cliquetis métallique se fit entendre. Au début, la jeune femme n'y prêta pas attention, mais il s'intensifia, comme s'il se rapprochait. Intriguée, elle se retourna, mais elle ne vit rien d'anormal. Elle haussa les épaules, puis reprit sa route.

Le son persistait. Chloé s'attendait à le laisser derrière elle lorsqu'elle bifurqua dans une venelle étroite, mais il continua. Elle avait un mauvais pressentiment. C'était presque comme s'il la suivait. Elle secoua la tête, se blâmant pour sa paranoïa. Elle n'avait plus de raison de craindre pour sa vie depuis huit ans.

Malgré cela, elle s'accorda un dernier regard par-dessus son épaule, et elle le vit. Elle fut si surprise qu'un cri lui échappa. Un Élecsprint se tenait dans son dos. Il était gigantesque et des étincelles parcouraient son corps. Chloé l'observa, désemparée. Il y avait quelque chose d'anormal, chez ce pokémon, en particulier ses yeux rouges qui scintillaient d'une lueur menaçante.

Il entrouvrit la gueule pour pousser un rugissement féroce. La nageuse porta aussitôt une main à la poche de sa veste, dans laquelle se trouvaient ses pokéball. Elle en dégaina une. Akwakwak se matérialisa juste à temps devant elle pour la protéger de l'Onde de Choc qui convergeait dans sa direction.

Chloé passa une main dans ses cheveux, réfléchissant à toute vitesse. Pourquoi cette créature l'attaquait-elle ? Non... Elle ne se contentait pas de l'attaquer, elle l'avait d'abord traquée, la nageuse en était certaine. À quelle fin ? Leurs ennemis avaient tous été vaincus par le passé ; qui pouvait encore lui vouloir du mal ?

- Choc Mental ! ordonna-t-elle à son pokémon.

La capacité n'eut aucun effet sur l'Élecsprint, à son grand étonnement. Seuls les légendaires étaient assez résistants pour encaisser des attaques et ne pas paraître ébranlés. Ce n'était pas à la portée d'un pokémon commun.

- Casse-Brique !

Utiliser une stratégie aquatique, bien qu'il s'agisse de sa spécialité, n'aurait pas été très malin face à un type électrique, aussi Chloé devait-elle tabler sur les autres atouts que possédait son Akwakwak. Cette fois, elle obtint un résultat. Le quadrupède fut projeté vers l'arrière. L'un des ses membres antérieurs, où il avait été touché, formait un angle étrange avec le reste de son corps.

Un Coup d'Jus déferla sur eux. Le canard bleu dressa un nouvel Abri, mais celui-ci vola en éclats sous la puissance de l'attaque. Son corps fut parcouru par la décharge électrique, qu'il encaissa à la place de Chloé. Il tenait encore debout, mais péniblement. Sa maîtresse le rappela et envoya son Axoloto combattre à sa place.

Elle pensait qu'en usant de capacités sol, cela lui permettrait d'affaiblir son adversaire, mais elle désenchanta rapidement. Une attaque Boue Bombe n'avait pas plus d'effet sur la créature qu'un Pistolet à O, ce qui était irrationnel.

L'Élecsprint était en train d'accumuler de l'énergie pour préparer un nouvel assaut lorsqu'elle décida de tenter le tout pour le tout avec un Séisme, en dépit des maisons alentour. Le sol de la venelle se mit à trembler, les secousses s'étendant jusqu'aux bâtiments, et l'asphalte se fissura sous les pattes de pokémon. Celle qui avait été probablement brisée par Akwakwak s'enfonça dans une fente, mais il ne poussa aucun cri. Il ne semblait même pas souffrir.

Chloé s'interrogeait sur la véritable nature de son adversaire, car elle supposait qu'il ne s'agissait pas d'une créature ordinaire. En dépit de sa curiosité, elle ne demanda pas son reste et s'enfuit avec Axoloto. Elle regrettait d'avoir laissé ses gants de combat chez elle, qui lui aurait permis de disparaître plus aisément encore, mais elle n'avait pas songé, au moment de partir, qu'elle se ferait agresser par un Élecsprint atypique.

Le pokémon parvint à se libérer avant qu'elle ait atteint l'extrémité de la ruelle, mais plutôt que de la prendre en chasse, il tourna le flanc et s'éloigna dans la direction opposée. Chloé fronça les sourcils. Cela lui paraissait presque trop facile.

Elle avait raison de se méfier. Là, sur le mur d'une maison, alors qu'elle était sur le point de rejoindre le boulevard, elle repéra un message à l'encre rouge qui n'était pas signé. Elle n'en avait pas besoin pour savoir que non seulement il lui était adressé, mais surtout que ses ennuis ne faisaient que commencer.

Je sais qui vous êtes.