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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 01/03/2017 à 09:07
» Dernière mise à jour le 27/02/2018 à 23:55

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 2 : Des érudits et des rebelles
Diplôtom



L’Atlas de la Connaissance était un énorme bâtiment qui ressemblait à un pilier en forme de spirale, et qui se trouvait dans la ville haute de la capitale impériale Axendria. L’Atlas était le regroupement de toutes les connaissances de l’Empire, de celles qui furent et de celles futures. Tous les Pokemon érudits s’y rassemblaient et y travaillaient. L’Atlas possédait aussi la plus grande bibliothèque de tout l’Empire, ouverte au public. C’était un lieu saint de savoir et de recherche. Et moi, Diplôtom, j’y étudiais depuis maintenant trois ans. L’Atlas de la Connaissance était ma maison.

Que vous dire sur moi ? J’étais un jeune Pokemon avide de savoir. C’était dans ma nature, celle de ma race. La famille des Diplôtom, qui comprenait moi et mes deux évolutions, a toujours été considérée comme l’excellence même en matière d’étude et de connaissances. Nous emmagasinions le savoir, nous en créons de nouveaux, et nous l’apprenions ensuite aux jeunes générations. Les Pokemon de ma race étaient rares, de nos jours. J’étais le seul dans l’Atlas de la Connaissance, et donc j’étais connu parmi mes pairs étudiants.

Je venais d’une petite colonie de Pokemon Spectres de la cité fantôme d’Ivushi. J’ai toujours été différent des autres Pokemon Spectres. Eux ne pensaient qu’à effrayer les gens ou se complaire dans les ténèbres. Mais moi, en plus de mon type Spectre, j’étais aussi Psy. Je n’étais pas fait pour demeurer dans une ville désolée où rien ne se passait. C’était pourquoi j’étais partie pour la capitale, afin d’intégrer l’Atlas de la Connaissance, pour y passer mes journées à lire. Je n’avais nulle autre ambition que de passer le restant de mes jours ici pour y étudier à satiété. J’étais satisfait de ma vie. Enfin, façon de parler, vu qu’en tant que Pokemon Spectre, je n’étais pas vraiment vivant…

Cette année était l’année de ma thèse. Pour être reconnu comme réel chercheur et savant de l’Atlas de la Connaissance, les apprentis devaient rédiger une thèse sur un sujet de leur choix. Le choix du sujet se révélait souvent plus difficile que la rédaction en elle-même. Ce n’était pas tout que d’écrire quelque chose d’intelligent ; il fallait d’abord que le sujet soit intéressant. L’Atlas de la Connaissance regorgeait de livres sur les Pokemon en général, sur chaque race spécifiques, sur leurs pouvoirs, sur leurs habitats, etc… On ne trouvait aucun ouvrage sur les anciens Pokemon Légendaires bien sûr, car ce genre d’étude était interdite par l’Empire.

Le Seigneur Xanthos, et l’Empereur Daecheron après lui, n’aimaient pas qu’on gratte trop le passé. Je savais pourquoi, bien sûr. L’époque d’avant la Guerre de Renaissance avait été marqué par le règne des humains sur les Pokemon et l’esclavage de ces derniers. Peu de Pokemon de nos jours le savaient, mais les érudits de l’Atlas n’en ignoraient rien. Parler de ces temps là était tabou, que ce soit des humains qui capturaient les Pokemon, ou des Dieux qui n’avaient rien fait contre ça. Il fallait juste retenir que les Seigneur Xanthos et Daecheron avaient vaincu les humains et libéré les Pokemon afin de créer l’Empire Pokemonis. Point.

Même si j’étais un érudit, je n’étais pas un contestataire. Je me cantonnais aux ordres des autorités impériales. Donc, pas de thèse sur les Pokemon Légendaires ou sur l’ère d’avant la Guerre de Renaissance. Toutefois, j’avais choisi un sujet peu commun, qui n’était pas spécialement bien représenté dans l’Atlas : les humains. Je m’étais toujours posé cette question : pourquoi l’Atlas de la Connaissance, qui regorgeait d’informations sur les Pokemon, n’avait quasiment aucun ouvrage digne de ce nom sur les humains ? Le sages qui gouvernaient l’Atlas se contentaient d’adopter la vision de l’Empire : les humains étaient une race violente et idiote qu’il fallait strictement contrôler par le biais de l’esclavage. Mais ensuite, pour trouver des renseignements sur leur mode de vie, sur leur organisme, sur leur esprit, là, ça devenait compliqué.

Ce désintérêt des Pokemon pour l’être humain me consternait. Bien sûr, les humains étaient plus ou moins des animaux, mais tout animal était bon à étudier, n’est-ce pas ? Voilà pourquoi j’avais fait de mon sujet de thèse : « L’être humain : forme de vie primitive ou esprit incompris ? ». Nombre de mes professeurs m’ont conseillé d’abandonner ce sujet et de prendre quelque chose de plus classique, mais je m’en fichais. Je voulais être le premier à écrire un ouvrage complet sur les humains.

Bon, évidement, je ne pourrai pas écrire ma thèse avec la seule aide des ouvrages de l’Atlas de la Connaissance, vu qu’il n’y avait quasiment rien de bien intéressant. Pour étudier les humains, le mieux était d’en avoir un près de soi et de l’observer. Le problème, c’était que les esclaves, ça coûtait cher, et en tant qu’étudiant de l’Atlas, si j’étais logé et nourri, je ne touchais aucun revenu. Et inutile de chercher un humain dans le bâtiment : les grands sages ne toléraient pas leur présence. Même des esclaves pour ranger les livres à leur place, ils n’en voulaient pas.

Si j’avais vraiment été seul dans mon projet, il serait tombé à l’eau. Mais heureusement, tous les Sages de l’Atlas n’étaient pas aussi étroits esprits que d’autres. J’avais un professeur qui me soutenait. Un excentrique notoire parmi ses pairs, qui n’était jamais vraiment pris au sérieux, et qui n’aimait rien de mieux que d’aider de jeunes érudits comme moi qui s’écartaient un peu trop des sentiers battus. Étudier avec lui était le meilleur moyen de foutre en l’air sa future carrière dans l’Atlas, mais je ne m’étais jamais trop soucié du regard des autres. J’allais faire ma thèse, et avec l’aide de qui je voulais.

Justement, tandis que je lévitais parmi les grands rayonnages de la bibliothèque, cherchant un ouvrage que j’avais loupé qui aurait pu m’aider sur mes recherches concernant les humains, le professeur en question me héla du haut d’une étagère. C’était un Gouroutan, et malgré des décennies passées dans l’Atlas de la Connaissance, il n’avait jamais perdu son habitude de grimper un peu partout.

- Professeur, lui dis-je avec respect.

Le professeur Gouroutan me fit un sourire édenté. Il était si vieux que même ses poils d’ordinaires violets sur son dos blanchissaient. J’ignorai son âge exact, et l’espérance de vie avait tendance à beaucoup fluctuer en fonction des races de Pokemon, mais le professeur Gouroutan était probablement le doyen de tous ceux de son espèce.

- Ohhhhh, Neitram, tu es là…

- Je suis Diplôtom, professeur.

- Mais oui, bien sûr que tu l’es, Kadabra.

Je ne pris pas ombrage du fait que le professeur Gouroutan me confondait toujours avec d’autres Pokemon Psy ou Spectre qu’il avait eu comme élève il y a des années. La sénilité était un grand mal, même pour un esprit aussi affûté…

- Alors, comment se déroule ton projet de thèse sur les humains, Feuvorêve ?

Si le professeur Gouroutan ne parvenait plus à différencier les Pokemon entre eux, il ne perdait en revanche pas la boule en ce qui concernait les sujets d’études.

- Je patine, avouai-je. J’ignore où commencer. J’ai bien trouvé des données biologiques sur les êtres humains : leur organisme, leur reproduction, ce genre de choses… Mais il n’y a rien, strictement rien, sur leurs façons de penser et leurs mœurs sociales. C’est totalement fou ! On doit pourtant bien avoir une vingtaine d’ouvrage sur ce que pensent les Magicarpe en nageant, mais rien en ce qui concerne les humains !

- Ah ah, c’est normal, mon jeune Tenefix, répondit Gouroutan en agitant son vieil éventail en feuille. Pour un érudit, étudier les humains pourrait être pris comme une forme d’intérêt pour eux, et donc de défi à l’égard de l’Empire, qui veut les réduire à l’état de moins que rien.

- C’est absurde, rétorquai-je. Les érudits ont pour mission de récolter le savoir et la vérité, pas de les juger. Depuis quand doit-on nous cantonner au bon vouloir de l’Empire ?!

- C’est l’Empire qui nous finance, et qui autorise nos recherches. Sais-tu qui est le premier des Sages de l’Atlas de la Connaissance, celui qui a le plus de pouvoir ici ?

Je le savais bien sûr.

- C’est Son Excellence Quetzurbis.

- Et quelle est la place de Son Excellence dans la hiérarchie impériale ?

- Il est le chef du département des sciences et de la recherche… et l’une des Cinq Etoiles Impériales.

- Comme tu dis, Natu, approuva Gouroutan. Son Excellence Quetzurbis ne rigole pas avec ce qui peut-être étudié et ce qui ne doit pas l’être. Avant lui, le précédent chef du département des sciences, Son Excellence Anthroxin, nous permettait plus d’écarts. Mais c’est terminé maintenant. Toute recherche en contradiction avec l’esprit de l’Empire est considérée comme hérétique.

- J’ai bien vérifié, professeur, et rien n’interdit les recherches sur les humains, tant qu’on ne sous-entend pas qu’ils puissent être les égaux des Pokemon.

- C’est vrai, mais ça reste quand même mal vu.

- Ça m’est égal, renchéris-je. Je n’étudie pas pour être bien vu. Je le fais pour moi-même, et pour tous ceux qui voudront bien lire mon livre le moment venu.

Gouroutan essaya de me tapoter le dos pour m’encourager, mais sa main passa évidement à travers moi.

- Bien dit, mon jeune élève ! C’est comme cela que devrait résonner un vrai érudit. Pas comme tous nos vieux sages vénaux et soumis à la botte de l’Empire ! Qu’est-ce que l’argent ou la célébrité, pour nous ? Tant que ce n’est pas du savoir, ça ne nous sert à rien ! Enfin, l’argent peut servir bien sûr… mais uniquement à engranger encore plus de savoir. Et à ce propos…

Le professeur se pencha vers moi comme pour échanger un secret.

- Bien qu’on me prenne pour un cinglé sénile, j’ai encore mon petit réseau de connaissances. Je connais un groupe de Pokemon dans la ville basse qui joue un peu avec la loi de temps en temps.

Cette révélation m’étonna. Le professeur Gouroutan ne donnait pas vraiment l’impression d’avoir des contacts dans un lieu aussi peu recommandable que la ville basse.

- Leur chef se nomme Immotist, poursuivit le sage. Un gredin, certes, mais un gredin immensément cultivé, et surtout un Pokemon des plus intéressants, d’une race qu’on ne croise pas souvent. J’ai eu l’occasion de l’étudier un temps contre un salaire substantiel. Par la suite, je lui ai déniché un objet antique, une vieille coiffe mortuaire, qui lui a permit de verser une partie de son âme dedans pour se créer un fils, Phamôme… Bref, Immotist me doit un service. Je sais qu’il a pas mal d’humains esclaves non déclarés. Peut-être pourrai-t-on lui en louer un à prix réduit. Pour sujet d’étude pour ta thèse.

Je n’en crus pas mes oreilles.

- V-vraiment, professeur ? Vous pourriez faire ça pour moi ?!

- Oh oh oh, naturellement, mon petit. Il n’y a rien de plus que j’apprécie que de voir de jeunes esprits brillants motivés.

Un humain à lui pour étude ! Le rêve ! Mais il y avait un point problématique.

- Mais… je ne pourrai pas l’amener ici. Le règlement l’interdit…

- Pas d’inquiétude. J'en parlerai au directeur. Tant qu'il s'agit pour un de ses élèves d'apprendre quelque chose, il acceptera tout.

- Je… C’est trop d’honneur que vous me faites, professeur, mais je ne peux…

- Balivernes, coupa Gouroutan. Il n’y a nul honneur, seulement du désir de connaissance. Je fais mine de t’aider, mais en réalité, c’est l’Atlas de la Connaissance tout entier que j’aide. Chaque projet de recherche, quel qu’il soit, se doit d’être soutenu.

Je hochai humblement la tête.

- Je tâcherai d’écrire la plus brillante thèse que vous n’ayez jamais vu, professeur !


***

Kashmel


- Diable ! Cette ville ne m’a pas du tout manqué…

Tels furent mes premiers mots juste après que, mon partenaire Pokemon et moi, nous eûmes passé les grandes portes des remparts d’Axendria. Ça faisait quoi ? Dix ans que je n’étais plus revenu à la capitale ? Eh bien, sa vision m’était toujours aussi puante. Le plus triste, c’était que j’étais né et que j’avais passé toute mon enfance ici. Le soi-disant joyau de l’Empire, son cœur, la cité la plus resplendissante qui fut et qui sera… Tout un gros tas de conneries sans nom ! Axendria était la fosse septique de l’Empire : en clair, plus vous vous en approchez, plus ça sentait la merde. Je fis d’ailleurs mine de me pincer le nez.

- Son odeur non plus, apparemment…

- Je ne sens rien de particulier moi, fit Furaïjin en pointant son museau de droite à gauche. Et mon odorat est bien plus développé que le tiens.

- Oh si, ça pue, affirmai-je. La morosité, la tristesse, l’esclavage, la souffrance, la mort… et la fichue odeur de ce fichu Empereur de mes deux !

Je pointais du doigt le Palais Impérial qui trônait tout en haut de l’immense colline qui formait la ville.

- Savoir qu’il est dans la même ville que nous me donne envie de gerber, poursuivis-je. Lui, et ses laquais d’Etoiles Impériales, la Trigarde, les G-Man…

Furaïjin eut une moue à la fois amusée et accablée. Mon partenaire de toujours était un petit Pokemon à l’allure d’un rongeur, mais il se tenait sur deux pattes. Il possédait une crinière jaune électrique qui était constamment ébouriffée et gonflée, et une queue toujours relevée. Il ne payait pas de mine, mais c’était pourtant un Pokemon très puissant. Chez les Paxen, peu sont ceux qui peuvent rivaliser avec lui en combat.

- Retiens-toi donc un peu, me dit-il. Si ton plan fonctionne, ce sera la dernière fois que nous respirons l’air de cette ville.

Je hochai la tête. Oui, mon plan. Ce pourquoi Furaïjin et moi, qui comptions parmi les Paxen les plus recherchés du territoires, nous nous sommes rendus droit dans la gueule du loup, sans même signifier nos intentions à notre hiérarchie. Bon, Cernerable et ce gamin d’Astrun nous faisaient confiance, et avaient l’habitude que nous n’en fassions qu’à notre tête. Car Furaïjin et moi, Kashmel, nous étions le duo phare des Paxen, le plus efficace. Et le plus vieux également. Ça faisait vingt-sept ans que nous nous battions ensemble contre l’Empire. Pas un Paxen, qu’il soit humain ou Pokemon, n’avait conservé son partenaire aussi longtemps. Mais nous, nous étions différents. Nous étions les meilleurs, tout simplement.

Nous étions recherchés partout dans l’Empire, mais nous sommes parvenus à passer l’air de rien la porte de sa capitale sous les yeux des gardes. Pourquoi ? Parce que les impériaux étaient des idiots. Ils avaient du mal à distinguer un humain d’un autre, et il suffisait d’un peu de déguisement pour les leurrer. De plus, Furaïjin et moi sommes passés en nous présentant comme un noble Pokemon venu faire affaire et son esclave. Les impériaux avaient une drôle d’idée qui consistait à croire que les tous humains Paxen étaient trop fiers pour faire semblant d’être des esclaves. Sans doute était-ce vrai pour certains, mais pas pour moi. Ça faisait longtemps que je passais pour être l’esclave de Furaïjin quand on devait s’infiltrer ci et là.

Nous traversions le pont qui reliait l’entrée principale de la cité à la ville haute, à coté de dizaines de Pokemon et d’esclaves humains qui déambulaient. Il n’y avait pas d’entrée reliant la ville basse. On ne pouvait y accéder qu’à l’intérieur, mais on pouvait la voir d’ici en regardant en bas du pont. Ses rues sordides, ses enchevêtrements de taudis… Bref, un coin puant où la mort pouvait venir vous faucher du jour au lendemain. La majorité des habitants de la capitale vivaient en bas. Seuls 30% habitaient la ville haute, et 5% à peine pour la Citadelle. Voilà pourquoi Axendria n’était que de la poudre aux yeux, un décor somptueux de loin qui cachait un intérieur pourri et gangrené. Comme l’Empire en lui-même, d’ailleurs…

- Nous montons directement à la Citadelle ? Me demanda Furaïjin.

- J’ai pas spécialement envie de faire du tourisme, alors oui.

- Tu es certain que Stuon est toujours là-bas ?

- Et où pourrait-il bien être ? Les G-Man déménagent rarement ici…

En tant que Paxen, je me battais principalement pour mes pairs humains. Mais il y avait une catégorie spéciale d’humains que je méprisais par-dessus tout et qui étaient mes ennemis jurés. Les G-Man, ces nobles orgueilleux et hautains possédant des pouvoirs de Pokemon, qui furent les chiens de garde du Seigneur Xanthos. Les G-Man étaient les seuls humains à ne pas être considérés comme des esclaves par les impériaux. Ils bénéficiaient de privilèges en échange de leur loyauté à l’Empire. La majorité d’entre eux vivaient ici, à Axendria, dans une partie de la Citadelle qui leur était dédiée.

Les G-Man étaient donc des ennemis des Paxen, mais pour moi, ils étaient plus que ça. Pour moi, c’était une affaire personnelle, et la raison qui m’amenait à nouveau à Axendria. Je voulais les détruire, exterminer leur ordre odieux à jamais. Et pour cela, je pouvais bénéficier de l’aide de l’un d’entre eux. Il s’appelait Stuon Jarmival. C’était un vrai G-Man pur sang, de la noble famille des Jarmival. Il passait pour être un visage respectable dans l’Empire, quoi qu’un peu excentrique pour ses pairs. Mais en réalité, il était un informateur des Paxen. Enfin, de moi, plus précisément. Je doutais qu’un seul Paxen connaisse son existence. Mais il adhérait aux idées de la rébellion, et à la mienne : la destruction de l’Ordre G-Man. Stuon était une pièce maîtresse de mon plan. Sans lui, je ne pourrai rien faire.

Ce fut donc dans l’optique de le voir que Furaïjin et moi nous rendions dans la Citadelle, la plus haute partie de la ville, qui contenait les demeures les plus luxueuses. Le Quartier G-Man y avait une place à part. Les G-Man d’Axendria étaient plus ou moins une cinquantaine, et ils vivaient uniquement entre eux, n’acceptant pas que des Pokemon non accrédités par l’Empereur ne les dérangent. En revanche, ils toléraient les esclaves humains. Ils en avaient plein, d’ailleurs. Pour un Seigneur G-Man, il fallait compter minimum cinq esclaves. Voir des humains traiter d’autres humains comme esclave me révulsait au plus profond de mon être, et je dus retenir mon envie de tout casser jusqu’à ce que nous arrivions dans le manoir de la famille Jarminal.

Chaque famille G-Man avait un manoir attitré, depuis maintenant des générations. La famille Jarminal était plutôt bien classée dans la noblesse G-Man, mais depuis que Stuon l’avait prise en main, elle n’avait cessé de baisser. Stuon était un G-Man que ses pairs préféraient éviter, le jugeant trop bizarre. Il assistait rarement aux fêtes que les G-Man avaient coutumes de donner entre eux chaque semaine, et n’avait pas encore pris femme. Il vivait donc seul, dans ce grand manoir poussiéreux qu’il n’entretenait pas, faute d’esclaves. Sachant donc que personne n'irait nous arrêter, nous frappâmes donc et nous entrâmes.

Le parfum de ce manoir m’était familier, et me rappelais de mauvais souvenirs. En revanche, son intérieur me fit toujours autant sourire. Si Lord Newfon Jarminal, le défunt père de Stuon, voyait ce que son fils avait fait de sa noble demeure, il se serait retourné dans sa tombe. Toutes les statues, portraits et autres bibelots à la gloire de l’Ordre G-Man qu’on retrouvait volontiers dans leurs manoirs avaient fichu le camps, remplacés par les propres chefs d’œuvres de Stuon.

Le G-Man aimait se qualifier comme un artiste ; il peignait, fabriquait des objets, taillait des statues dans la roche. Mais depuis que je le connaissais - et y’a de ça un bail - je n’ai jamais saisi une parcelle de son soi-disant art. Ses peintures ne ressemblaient à rien, de même que ses gravures. À chaque fois qu’il me montrait une de ses pièces, j’avais bien du mal à lui dire ce que j’en pensais, car ça ne représentait absolument rien pour moi. Mais je préférait tous ces trucs étranges à l’art G-Man habituel, qui consistait généralement en des portraits des anciens chefs de famille, ou à des statues des plus célèbres Seigneurs G-Man.

Chez Stuon, un seul portrait de G-Man subsistait ; celui que chaque G-Man devait absolument avoir dans sa demeure : Sacha Ketchum, le légendaire G-Man de Ho-oh qui avait rallié la cause de Xanthos six cent ans plus tôt. Considéré comme l’équivalant d’un dieu par les G-Man actuels, et comme le pire traître de l’Histoire par les Paxen. Ils devaient se compter sur les doigts d'une main, ceux qui savaient ce qui s'était passé à l'époque et qui étaient encore là pour le dire. Tout le reste, ce n'était que des rumeurs, des récits légendaires maintes fois revisités, ou carrément de la pure fiction. En revanche, une chose est sûre : Sacha Ketchum était et demeure le plus puissant G-Man qui ait foulé cette terre depuis le grand Sparda, le tout premier d’entre eux.

Le Grand Maître G-Man actuel, Bradavan Irlesquo, se plaisait à déclarer qu’il était un descendant de Ketchum. C’était totalement invérifiable, mais comme il était le Grand Maître, personne n’osait le contredire. Seul Xanthos avait dû le savoir, vu que lui avait réellement connu Sacha Ketchum et avait même apparemment été son ami. C’est en son souvenir que Xanthos a continué d’accorder droits et privilèges aux descendants G-Man de l’époque. Mais Xanthos était mort maintenant, et l’Empereur Daecheron était bien moins disposé que lui à l’égard de ces surhommes. Sur ce point là, on pouvait dire que je partageait le point de vue de l’Empereur.

- Ça n’a pas changé ici, commenta Furaïjin. Ah si, c’est plus poussiéreux. Et il y a de nouvelles… choses qui ressemblent à rien.

- Des choses qui ressemblent à rien ?! S’exclama une voix outrée.

Le maître des lieux venait de descendre d’une échelle qui semblait mener dans le grenier. Stuon Jarminal approchait la cinquantaine. Il avait des cheveux poivre et sel qui lui tombaient sur les épaules, et une petite barbichette. Il était toujours vêtu d’une tenue flamboyante et de son éternel béret blanc de peintre. À sa ceinture pendait sa Lamétrice, l’épée rituelle des G-Man.

- Sache, insolent Pokemon, que toutes ces choses comme tu dis, sont de véritables chefs d’œuvre ! Nombre de Pokemon plus cultivés que toi m’en donneraient beaucoup pour les acquérir !

- Ils ne voudraient pas te vexer, surtout, fis-je avec un sourire.

Je serrais fermement la main de Stuon. Ce dernier alla plus loin en me donnant l’accolade.

- Content de te revoir, vieux grigou, me dit-il. Toujours en vie à ce que je vois.

- On dirait que ça t’étonne à chaque fois.

- Certainement, étant donné la vie que tu mènes.

Il m’examina plus en détail.

- Ah, tu as de nouvelles cicatrices. Et ton nez semble encore plus de travers que la dernière fois. Et tu as grossi.

- Que veux-tu ? C’est l’âge qui se fait ressentir.

- Et c’est pour retrouver ta jeunesse perdue que tu es revenu à la capitale ? Demanda Stuon. Je croyais que tu en avais fini avec les G-Man, et eux avec toi. C’est ce que tu as dit, la dernière fois.

- La dernière fois, Xanthos était toujours en vie. Aujourd’hui, il n’est plus là. C’est l’occasion de porter un coup fatal aux G-Man.

Stuon fit la moue et tapota son chapeau.

- Mouais, il parait que vous avez fait fort à Balmeros. Comment diable des primitifs armés de bâtons comme vous avez-vous pu venir à bout du vieux masqué ?

- J’y étais pas, à Balmeros, avouai-je. C’est la jeune Ludmila Chen, la gamine de Braev, qui s’en est chargée. Xanthos a sous-estimé l’effet que la vengeance pouvait avoir dans le cœur d’un Chen.

Stuon pouffa.

- C’est ironique que ce soit un Chen qui ait descendu le vioque, étant donné tout ce qu’il a fait à cette famille… En tous cas, sa mort a tout déstabilisé ici. Pour beaucoup de monde, et plus particulièrement les G-Man, Xanthos était une figure immortelle, un dieu. Lord Irlesquo a toujours bénéficié des faveurs du vieux masqué, et voilà qu’ils doivent à présent traiter uniquement avec cette vieille chauve-souris de Daecheron, qui est loin de posséder le même intérêt que son ex-dresseur pour les G-Man.

- Quelle est la situation actuelle ? Demanda Furaïjin. Chez le ressenti des G-Man, je veux dire ?

- Eh bien, ils n’en sont pas encore à parler de rébellion, mais ils ne sont pas contents, ça c’est sûr. Daecheron se sert de moins en moins d’eux et limite de plus en plus leur liberté de déplacement. On continue nos petites fiestas chaque semaine, mais le cœur y est moins. On parle aussi d’un tout petit groupe de G-Man qui eux seraient bel et bien en train de comploter directement contre l’Empereur. Je voulais essayer de m’y infiltrer, mais c’est à ce moment que j’ai eu votre message disant que vous arrivez. C’est quoi ton projet, Kashmel ?

Je me lissais ma barbichette touffue.

- Le fruit est mûr pour être cueilli, comme on dit. Je compte me servir de l’Ordre G-Man pour porter un coup mortel à l’Empire, et peut-être même en tuant Daecheron lui-même. Ce sera une opération complexe. Il nous faudra manipuler directement l’Ordre, et j’aurai besoin de toi, mon vieil ami. Tu es avec nous ?

- Bah, tu me connais. Ce train de vie luxurieux et peinard n’a jamais convenu à un homme tel que moi. J’aime l’excitation et les grands chamboulements. Puis je suis pas spécialement un grand amoureux de l’Ordre G-Man ou de l’Empire, même si j’en fait partie, un peu malgré moi.

- On ne décide pas de nos parents, dis-je avec philosophie.

Ce n’était que trop vrai. J’en savais quelque chose.

- Quels seront les… victimes occasionnées pour la cause ? Demanda Stuon.

J’échangeai un regard rapide et attendu avec Furaïjin, puis je répondis d’un ton qui se voulait naturel :

- Tous les G-Man qui resteront loyaux à l’Empire. Et bien sûr, le Grand Maître Irlesquo.

- Bah, lui, je serai ravi de le descendre moi-même. Tâchez juste d’essayer d’éviter de zigouiller nos jeunes G-Man. Ils sont trop peu nombreux pour qu’on se permette de les perdre, puis ce n’est pas leur faute si on leur a lavé le cerveau. En parlant de jeunes… j’ai récemment eu connaissance de l’existence d’un gamin particulier dans la ville basse. Je crois qu’il pourrait t’être utile…






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Images de Diplôtom et Furaïjin :