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Fer de Lance de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 22/01/2017 à 23:54
» Dernière mise à jour le 12/09/2017 à 18:52

» Mots-clés :   Drame   Famille   Johto   Romance

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Chapitre 2 : L'un sans l'autre
M. Herman enseignait la biologie à l'École des dresseurs de Mauville. C'était un homme âgé de trente-cinq ans, de taille moyenne et le cheveu châtain. Son front commençait à se dégarnir, les commissures de ses yeux à se strier de rides, mais l'étincelle de son regard prouvait qu'il possédait encore une âme jeune.

Son sens de la pédagogie et son empathie à l'égard des élèves lui avaient valu de se voir nommé par le directeur professeur principal des premières années. Avenant et compréhensif, les enfants qui intégraient l'établissement apprenaient vite à lui faire confiance, et n'avaient pas peur de s'adresser à lui en cas de problème. Il se conduisait en second père pour eux, sans pour autant lésiner sur l'autorité si la situation l'exigeait.

Ce jour-là, dans la cour, il observait un garçon qui l'avait intrigué dès son arrivée. Ce n'était pas à cause de ses origines, car il était le fils de Nicolas Lance, le Champion de l'Arène d'Ébènelle, mais de son caractère.

Le jeune Peter était un écolier studieux et brillant, apprécié par tous ses professeurs. Il était respectueux, ne se faisait jamais remarquer et les résultats qu'il obtenait à chacun de ses devoirs étaient excellents. Parfois un peu étourdi, il égarait un exercice ou un cahier, mais du fait de son comportement exemplaire, nul ne lui en tenait vraiment rigueur. C'était l'élève dont rêveraient tous les enseignants.

Il semblait néanmoins toujours en proie à une profonde tristesse et s'isolait de ses camarades. Il ne parlait à personne, prenait ses repas seul à la cantine et passait ses récréations à l'écart. M. Herman avait déjà tenté d'établir le contact avec lui à plusieurs reprises, mais Peter le repoussait poliment à chaque fois et se renfermait encore davantage.

- Dis-moi... Que penses-tu du petit Lance ? demanda-t-il à M. Lornet, professeur de géographie, lorsque celui-ci le rejoignit en lui apportant une tasse de café.
- C'est un bon garçon, il a du talent. Il ira loin, s'il apprend à se concentrer et à être un peu moins distrait.
- Non, je veux dire... Tu ne le trouves pas introverti ?
- C'est vrai qu'il n'est pas très bavard et que je le vois rarement avec de la compagnie, mais ça ne fait que deux mois qu'il est ici. Il faut parfois du temps pour s'intégrer, d'autant qu'il m'a l'air d'être plutôt timide.

M. Herman ne releva pas et son regard se posa sur l'élève modèle, assis à une dizaine de mètres d'eux, sous un arbre. Il était adossé au tronc, la tête penché vers l'arrière, et contemplait le ciel d'un air mélancolique. L'enseignant aurait aimé savoir ce qui lui traversait l'esprit.

***
« Sandra. »

Ce nom ne quittait jamais Peter. Comment aurait-il pu l'oublier quand il lui suffisait de lever les yeux vers le firmament pour avoir l'impression de croiser la profondeur des prunelles de sa cousine ? Elle lui manquait tant. Il n'avait pas réussi à se réconcilier avec elle avant son départ pour Mauville et, à présent, il était trop tard.

Il s'était réjoui de venir étudier dans cette École de dresseurs, la meilleure de Johto selon sa réputation, mais son enthousiasme l'avait abandonné. Comment pourrait-il être heureux de se trouver quelque part où Sandra n'était pas ? Sans elle, même le paradis devenait l'enfer. Il ne l'avait jamais quittée et ces deux mois passés loin d'elle étaient un supplice.

Il recevait des lettres de son père, de son oncle et de sa tante, mais d'elle, rien. Pas une ligne, pas un mot de sa main. Le regrettait-elle autant que lui ? Peter l'ignorait. Il espérait que oui, mais il craignait que la colère provoquée chez Sandra par son départ n'ait fini par l'emporter sur l'affection qu'elle lui portait.

Il comptait les jours qui le séparaient des prochaines vacances. Novembre devait encore s'écouler, puis les deux tiers de décembre, après quoi il serait enfin libre de rentrer chez lui et de la retrouver. Il appréhendait cependant ces retrouvailles. Et si sa cousine ne voulait plus jamais lui parler ? Comment parviendrait-il à la raisonner ?

Peter était un garçon très intelligent, mais dès qu'il était question de communiquer, il éprouvait quelques difficultés. Il n'était pas doué pour s'exprimer. Au moment de la quitter, il aurait dû lui dire ce qu'il ressentait, combien il déplorerait son absence, mais tout ce qu'il avait réussi à faire, c'était lui offrir ce misérable caillou. Un bien piètre cadeau pour se faire pardonner les deux années qu'il passerait séparé d'elle.

La sonnerie retentit, lui indiquant qu'il était l'heure de retourner en classe. Peter en fut presque soulagé. Au moins, pendant qu'il étudiait, il ne songeait ni à sa solitude, ni à la peine que lui causait l'éloignement. Il travaillait dur, mémorisait par cœur toutes ses leçons, de sorte qu'elles parviennent à remplacer un temps la pensée de Sandra, qui refusait autrement de le quitter.

***
Sandra retira ses chaussures, déposa ses chaussettes à l'intérieur et s'assit dans l'herbe boueuse pour plonger ses jambes dans l'eau froide de la mare, devant l'Antre du Dragon. Elle frissonna au contact du liquide, mais ne renonça pas à enfoncer ses mollets plus profondément, presque jusqu'aux genoux.

Contrairement au lac souterrain, à l'intérieur de la grotte, ce bassin ne contenait pas de pokémon plus dangereux que des Magicarpe ou des Ptitard. Sandra avait l'habitude de venir s'y baigner, l'été, lorsque les températures étaient suffisamment clémentes, avec Peter.

Peter... Elle sentit monter en elle une vague de colère et frappa la surface avec le plat de sa main, qui fit voler une gerbe d'éclaboussures. Des gouttelettes giclèrent par son visage et s'accrochèrent à ses cheveux, semblables à de minuscules diamants.

Elle ne supportait pas de penser à son cousin, ce traître qui l'avait quittée sans aucun remords. Il devait passer d'incroyables moments, à Mauville, et s'être fait quantité de nouveaux amis, pendant que Sandra demeurait seule ici, avec son chagrin et sa rancœur. Pensait-il encore à elle, parfois ? Sans doute était-il trop occupé pour en avoir le temps.

Elle grinça des dents. Elle le détestait ! Elle n'avait pas l'intention de lui reparler un jour, et encore moins dans un mois, lorsqu'il reviendrait pour la durée des vacances de Noël. Qu'il ne compte même pas sur elle pour lui faire un cadeau, car il n'en méritait aucun !

Sandra croisa les bras sur sa poitrine, la mine boudeuse, puis tira la langue à son propre reflet dans une attitude puérile. Si ses jambes, désormais engourdies, ne ressentaient plus la froideur de l'eau dans laquelle elles étaient plongées, sa main, elle, était glacée. Afin de la réchauffer, la fillette la glissa dans sa poche.

Ses doigts rencontrèrent un objet de petite taille, lisse, sur lesquels ils se refermèrent. Une douce tiédeur semblait s'en dégager. Sandra le sortit de son manteau et le contempla. Il s'agissait de la pierre que Peter lui avait offerte avant son départ, dans une piètre tentative pour l'amadouer et essayer de lui faire oublier l'affront qu'il lui infligeait.

Sandra poussa un cri de rage et visa l'image d'elle-même que l'onde lui renvoyait. Le caillou traversa la surface limpide, qui fut aussitôt parcourue par des cercles réguliers. Lorsque l'enfant prit conscience de son geste, elle porta ses mains à sa bouche, coupable.

Impulsive et colérique comme elle l'était, il lui arrivait souvent de commettre des actes qu'elle regrettait dans la minute qui suivait, mais auxquels elle ne prenait pas le temps de réfléchir sur le moment. Elle avait déjà cassé des jouets ou déchiré des habits sous le coup de la fureur, néanmoins ce n'était rien à côté de ce qu'elle venait de faire.

La haine que Sandra se contraignait à éprouver depuis l'annonce du départ de Peter pour l'École des dresseurs n'était qu'une façade, un moyen pour elle de dissimuler à quel point cela la peinait. Dans le fond, elle aimait toujours autant son cousin, et sa violence n'était qu'une façon parmi tant d'autres de masquer sa souffrance.

Sans hésiter, la fillette plongea dans l'eau, qui lui infligea une morsure glacée. La mare était profonde à cet endroit, environ deux mètres, mais cela n'effrayait pas Sandra. Elle nageait aussi bien qu'elle escaladait des falaises. Ce qui l'embêtait, en revanche, était la vase qu'elle soulevait en agitant ses bras et ses jambes. Elle troublait l'onde et, au milieu de ces nuages boueux, elle allait avoir du mal à retrouver sa pierre.

À tâtons, elle explora le fond du bassin. Ses doigts ne rencontrèrent rien que de la terre détrempée et ses yeux commençaient à la brûler, au fur et à mesure que des corps étrangers s'y engouffraient. Elle avait encore un peu d'air en réserve dans les poumons, mais elle ne pourrait pas s'attarder plus d'une vingtaine de secondes. Elle allait devoir faire vite.

Quand elle aperçut enfin son caillou, un Ptitard le tenait enroulé dans sa queue. Sandra fondit immédiatement sur lui, mais le malheureux prit peur et s'empressa de s'éloigner en toute hâte. Il regagna la surface, jusqu'où l'enfant le poursuivit. Dès qu'elle eut retrouvé l'air libre, elle avala une grande bouffée d'air frais, puis rejoignit la rive, que le pokémon avait déjà atteinte.

- Reviens ici, sale bestiole !

Quand elle s'exprimait, en particulier lorsqu'elle était énervée, ce qui représentait les trois quarts du temps, Sandra ne mâchait pas ces mots. Cette façon de parler déplaisait à sa mère, qui s'échinait en vain à lui apprendre les bonnes manières. Si la fillette parvenait à se montrer polie dans certaines situations, son naturel reprenait vite le dessus.

- Reviens ! s'égosilla-t-elle.

Elle attrapa l'une de ses chaussures qu'elle avait abandonnée au bord de la mare et la jeta sur le Ptitard. Elle atteignit sa cible. Le pokémon, très léger, fut jeté à terre par l'élan et lâcha le caillou, qui roula sur le sol. Sandra se jeta à plat ventre vers l'avant pour se laisser glisser jusqu'à lui dans l'herbe humide, en poussant un cri de triomphe.

La créature, apeurée et sonnée, s'enfuyait du mieux qu'elle le pouvait lorsque l'enfant se remit debout. Sandra ne lui adressa qu'un regard dédaigneux, trop heureuse d'avoir pu récupérer sa pierre. Elle la contempla avec le sourire aux lèvres durant un bref instant, avant de se renfrogner.

- Pff... Peter ne mérite même pas que je me donne autant de mal pour sa babiole.

Malgré cela, elle glissa l'objet dans sa poche et s'assura qu'il ne risquait pas d'en tomber. Après quoi, elle ramassa sa chaussure, revint sur la rive récupérer l'autre, et les enfila. Elle était dans un état lamentable. Trempée et crottée de la tête au pied. Si sa mère la voyait, elle qui était toujours bien mise, elle ferait sans doute une crise cardiaque.

- Mon Arceus ! Si ta mère te voyait, elle ferait sans doute une crise cardiaque !

Sandra sursauta. À cause de la brume qui régnait sur les hauteurs d'Ébènelle, où était située l'Arène, elle n'avait pas vu s'approcher la silhouette qui venait de s'adresser à elle. Gabriel franchit la distance qui la séparait de sa fille de sa démarche nonchalante, les mains dans les poches de son anorak.

Il ne paraissait pas en colère, ce qui surprit Sandra. Malgré la tolérance excessive de son père, il lui arrivait de la gronder quand elle commettait de grosses bêtises, comme par exemple plonger dans une mare alors que les températures frôlaient le zéro et en ressortir toute crasseuse.

- Qu'est-ce qui a bien pu te passer par la tête ? se contenta-t-il de demander. Cette eau doit être gelée !
- J'ai fait tombé un truc... Il fallait que je le récupère.
- De quoi s'agissait-il ?

Sandra hésita, mais saisit finalement son précieux caillou et étendit le bras devant elle pour le montrer à Gabriel. Il avait déjà eu l'occasion de le voir à maintes reprises entre ses doigts et, même s'ils n'avaient jamais abordé le sujet ensemble, il savait qu'il s'agissait d'un présent de Peter.

- Ton cousin te manque, n'est-ce pas ? interrogea-t-il d'un ton compréhensif.
- Ah non, certainement pas !

La fillette clama cette phrase aussi fort qu'elle put, puis détourna la tête en pointant le nez vers le ciel gris, presque blanc, avec arrogance. Gabriel eut un sourire triste. Si jeune et déjà orgueilleuse... Il lui arrivait parfois de se demander qui avait pu lui transmettre un tel défaut, car ni lui ni Isabelle n'étaient ainsi.

- Ce serait normal, pourtant. Tu as grandi avec lui, et maintenant, il est loin de toi. Il...
- Il ne me manque pas ! aboya Sandra. Au contraire, je suis contente qu'il soit dans sa stupide école. Ça me débarrasse de lui.

Gabriel soupira en secouant la tête. Il n'était pas dupe : les fugues de sa fille s'étaient multipliées depuis que Peter était parti pour Mauville et il lui arrivait fréquemment de ne pas se rendre en classe. Au début, il avait tenté d'endiguer cette situation à grands renforts de punitions, avant de décider de se montrer plus pédagogue. Sandra souffrait, même si elle ne l'admettrait jamais.

- En parlant de débarrasser, capitula-t-il, nous devrions t'enlever ces vêtements mouillés avant que tu attrapes une pneumonie, tu ne crois pas ? Nous allons passer par la porte de derrière pour que ta mère ne te voie pas dans cet état et nous ne lui dirons rien de ce qui s'est passé aujourd'hui. Ce sera notre petit secret, d'accord ?
- D'accord, accepta Sandra.

Elle se montrait tout de suite beaucoup plus docile lorsqu'on s'appliquait à la prendre dans le sens du poil. Puisque ni la sévérité ni les sanctions n'avaient d'effet sur elle, Gabriel avait appris à utiliser cette méthode de plus en plus fréquemment. Il offrit sa main à l'enfant, qui referma autour de la sienne celle qui ne tenait pas le caillou de Peter, puis ils prirent ensemble la direction du village, en contrebas.