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Freeze de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 14/01/2017 à 22:09
» Dernière mise à jour le 14/01/2017 à 22:42

» Mots-clés :   Action   Drame   Science fiction   Suspense   Unys

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040 - La trahison coûte cher
Le soleil se coucherait bientôt sur Parsemille ; on le voyait déjà décliner derrière l'épaisse couche de nuages qui tapissait le ciel. Un vent frais régnait dans la bourgade en harmonie avec la nature. Quelques Pokémon oiseaux chantaient, mais hormis ce mélange de sons qui donnait un résultat plutôt disgracieux et désagréable à l'oreille, il n'y avait rien d'autre qu'un silence de plomb.

« Tout le monde est mort, ici, ou quoi ? »

Des regards consternés répondirent à la remarque de Walter Leary. Ils sortaient tout juste d'une situation désastreuse, et tout ce que le voleur trouvait à dire... Non, décidément, il ne prenait jamais rien au sérieux ; ça en deviendrait presque effrayant. Liz aurait bien voulu le frapper — pas juste un petit coup, non, elle aurait voulu lui faire bien mal pour qu'il la ferme un peu, pour une fois.

Seulement, elle s'en trouvait incapable. Ses forces commençaient à l'abandonner ; elle avait envie de se laisser tomber sur un lit, un canapé, un fauteuil ou peu importe, et s'endormir comme une masse, sans se soucier de quoi que ce fût jusqu'au lendemain. Elle aimait sa vie dangereuse, et elle aimait l'adrénaline qui courait dans ses veines lorsqu'elle affrontait d'autres criminels afin de sauver sa peau, mais parfois, il lui fallait juste un peu de sommeil. Elle n'était qu'une humaine comme les autres, au fond.

Will se murait dans un mutisme habituel ; il n'était jamais très enclin à bavarder, de toute façon, mais cette fois-ci, il y avait autre chose. Un peu plus tôt, dans ce satané manoir... Il avait vécu, une nouvelle fois, ce meurtre — le meurtre qu'il avait commis, lui. Après l'avoir vu des dizaines de fois en rêve, ça avait fini par s'estomper, puis s'arrêter, mais là, c'était revenu, et ça le rongeait comme une horrible maladie infectieuse. Il avait presque envie de vomir, mais conservait un air stoïque pour ne pas inquiéter les autres ; il détestait inquiéter les autres, vraiment, plus que tout.

Quant à Linda, étonnamment, elle semblait sereine. Vraiment sereine, comme si elle n'avait jamais été enlevée par un assassin étrange, comme si elle n'avait jamais senti son cœur se contracter douloureusement dans sa poitrine à cause de la peur, comme si elle n'avait jamais attendu le secours de ses amis... Son cerveau préférait peut-être oublier, au fond ; à quoi bon se rappeler de ces choses nocives qui la plongeraient dans une atroce terreur lorsqu'elle y repenserait ? Non, Linda voulait aller de l'avant, et elle ferait en sorte de ne plus être un fardeau. Elle se persuadait qu'elle y parviendrait — elle l'espérait.

« Euh, juste pour savoir, Walter, où est-ce qu'on va, comme ça ? C'est bien gentil de nous amener jusqu'ici, mais sauf erreur, y'a rien à Parsemille qui soit très intéressant... soupira Liz, fatiguée.
— A l'aéroport », répondit simplement le brun.

La jeune femme haussa un sourcil, surprise. Il se montrait bien froid, tout à coup, et ça n'avait sans doute rien à voir avec sa température corporelle anormalement basse. Elle aurait bien envie de le secouer un peu, de lui dire ses quatre vérités, mais elle se retint. Elle voyait bien qu'il était inquiet ; probablement pour elle, ainsi que pour Linda et Will. Elle le savait, il ne voulait pas les mettre en danger. S'il croyait s'en tirer comme ça, sans leur aide, il se mettait le doigt dans l'œil ; un homme seul ne pourrait rien contre le ministre de la justice en personne.

Même pour un groupe de quatre, l'ennemi était trop puissant, et de très loin. Quelles chances avaient-ils, au juste ? Pas beaucoup. Se débarrasser de deux assassins — non, de trois, elle se souvint brusquement qu'Edward était un policier infiltré —, d'accord, mais Asher avait à sa botte une organisation entière, sans parler de toute la police de la région qui lui mangeait dans la main !

Il pouvait lancer un mandat contre eux à tout moment, quand bon lui semblait. La pirate informatique était d'ailleurs franchement étonnée qu'il ne l'ait pas encore fait. Sans doute avait-il envie de s'amuser un peu ; plus rien ne pourrait la surprendre, de toute façon, après qu'elle eut retrouvé Sander dans de telles circonstances.

Pas une parole ne fut échangée jusqu'à ce que le groupe eut atteint l'aéroport de la ville. Un grand bâtiment, moderne, aux grandes vitres de verre ; une piste de décollage et d'atterrissage était située juste à gauche de la bâtisse. Walter soupira, et regarda très sérieusement Linda. Ses prunelles d'un bleu glacial ne reflétaient plus du tout sa malice habituelle. La blonde se raidit ; elle ne le sentait pas du tout, ce coup-là.

« Ne me dis pas que tu penses sérieusement à... commença-t-elle.
— Tu rentres à Port Yoneuve. Je ne peux pas me permettre de te laisser courir un danger pareil. Tu ne fais pas partie de notre milieu, Linda. Le monde criminel, ça t'est inconnu, on ne va pas t'impliquer là-dedans plus longtemps. Tu risques de mourir à tout mo—

Il ne termina pas sa phrase, car une main rageuse s'abattit sur sa joue mal rasée. La colère se lisait très nettement sur les traits de la femme. Liz et Will observaient la scène avec un mélange d'étonnement et de circonspection ; de toute évidence, ils ne savaient pas de quel côté se placer. Le jumeau de Linda prit la parole, nerveux. Le voleur, quant à lui, massait son visage douloureux et rougi.

« Ecoute, je crois que, dans un sens, il a raison. C'est le mieux à faire pour que tu restes en sécurité.
— Mais j'en ai rien à faire ! On dirait que vous me prenez pour une gamine inconsciente ! fulmina la concernée.
— Tu t'es faite enlever, je n'ai pas besoin de te le rappeler, grommela Walter. Si ce type en avait reçu l'ordre, tu serais morte à l'heure qu'il est ! Tu crois qu'on a besoin de courir ce risque ? Parce que moi pas. Je refuse de te laisser en danger par ma faute. Cette affaire ne concerne que moi, et Liz — et ton frère dans une certaine mesure. Si je te dis tout ça, c'est pour ton bien, que tu me croies ou non. T'es faite pour enseigner le combat à des gamins, pas pour affronter le plus gros empire mafieux de la région ! »

Un silence religieux accueillit la réplique de l'homme brun. Bien sûr qu'il avait raison, Linda le savait pertinemment. Mais cette nouvelle vie trépidante et dangereuse, elle commençait à l'aimer, au fond, et à s'y habituer. Elle ne voulait pas retourner à son quotidien qui lui paraissait, en comparaison, bien fade. D'accord, elle aimait son métier, mais ça n'avait absolument rien de gratifiant une fois qu'on avait goûté à toutes ces sensations...

Walter semblait plus mal en point que ce qu'il laissait croire ; ses poings serrés et sa mâchoire crispée étaient une preuve suffisante. Son regard sérieux et froid ne faisait qu'accentuer l'impression. Cela ne lui plaisait pas, de devoir affronter son amie de cette façon, mais il n'avait pas le choix, s'il voulait la préserver. Il fallait se montrer imperturbable.

« Liz. »

La susnommée sursauta en entendant le brun prononcer son nom. Avait-il quelque chose du même genre à lui dire ? Elle espérait que non, car elle se sentait parfaitement concernée dans cette lutte contre le Juge et les Quatre — enfin, ce qu'il en restait, à savoir deux membres et demi, puisque le rouquin n'en faisait pas réellement partie.

« Tu accompagneras Linda à Port Yoneuve, pour t'assurer qu'elle restera en sécurité. Appelle-moi s'il y a le moindre problème, puis tu nous rejoindras ensuite si tu veux.
— Je ne suis pas sûre d'approuver... Et Will et toi, qu'est-ce que vous ferez ? »

Le voleur lança un regard désolé aux deux femmes, puis soupira, l'air las. Les autres ne l'avaient jamais vu aussi faible, aussi désemparé. Il semblerait réellement affecté par sa propre décision.

« On ira cueillir cette chère Empoisonneuse dans son labo. L'autre type a dit que c'était à Flocombe, et comme ce n'est pas loin, ça tombe très bien. (Il marqua une pause.) De toute façon, Liz, je sais que tu ne laisserais pas Linda toute seule, ce serait bien trop dangereux. Que tu approuves ou non, tu le feras, pas vrai ?
— Tu me connais trop bien, ricana la femme aux cheveux bleus. Très bien, très bien, mais crois-moi, ça ne me plaît pas plus qu'à Linda. »

Celle-ci conservait un visage fermé, mais sur lequel se lisait tout de même une peine conséquente. Walter s'en voulait de lui faire subir ça, mais ça valait mieux. Il ne se le pardonnerait jamais, si elle venait à mourir, et il se doutait bien que Will non plus. Sa sœur jumelle était toute la famille qui lui restait, et il serait probablement dévasté au point de ne jamais pouvoir s'en remettre. Le brun s'approcha de Linda, jusqu'à se retrouver tout près d'elle.

« Je fais ça pour ton bien. »

Il avait dit ça pour la convaincre, mais aussi, d'un côté, pour se convaincre lui-même du bien-fondé de son initiative.

« Je sais. »

Sa réponse avait sonné étrangement aux oreilles de son ami ; elle croyait en ce qu'elle disait, mais elle ne voulait pas s'y plier. Elle n'avait pas le choix, bien sûr. Le voleur était bien capable de la mettre lui-même dans l'avion et d'attacher sa ceinture pour qu'elle ne l'accompagne pas. Linda allait se montrer forte ; elle n'avait pas le temps de laisser son cœur se briser, car elle n'aurait jamais le courage d'en ramasser les morceaux.

« Je ne vais pas te retenir plus longtemps, alors », soupira-t-elle.

Elle crut qu'il allait simplement hocher la tête, lui tourner le dos et s'éloigner sans même une étreinte, mais il la surprit en lui donnant un baiser sur les lèvres. Si elle s'était attendue à ça ! Ses sens commençaient à entrer en ébullition, mais il partait déjà avec Will, et elle, elle restait là, posant ses doigts sur sa bouche, tandis que Liz conservait un air ahuri.

Le voyage allait être diablement long.


x x x

Edward Stark, sous son fringant pseudonyme, arpentait avec une nervosité croissante les couloirs de la grande demeure, se dirigeant d'un pas lent et hésitant vers le bureau du Juge. Il se doutait bien de la raison de cette convocation, et ne voyait pas cela d'un très bon œil. Il pourrait toujours s'enfuir, évidemment, il y avait pensé... Mais un de ses hommes, un type taciturne qui n'avait ouvert la bouche que pour le prévenir qu'il était demandé, l'accompagnait et ne le lâcherait probablement pas d'une semelle.

Le rouquin aurait bien tenté quelque chose contre lui, mais ce gars-là — Ryan, s'il se souvenait bien de son nom — semblait du genre à trimballer une arme sur lui. Au moins une, parce qu'il devait même en avoir deux ou trois. Le policier sous couverture faisait travailler son cerveau à cent à l'heure. Il devait bien y avoir une solution. Son Pokémon lui serait peut-être utile ; son silencieux guide ne devait pas savoir qu'il en possédait un, puisqu'il ne l'avait dit à personne, hormis ce Sander qu'il avait affronté récemment ; Sander qui se trouvait sans doute bien loin, et qui ne pourrait donc rien faire pour le compromettre.

Les couloirs, les lustres, les tableaux et les bibelots défilaient devant ses yeux, mais il ne les voyait pas. Il était trop concentré sur une éventuelle échappatoire ; elle ne se présenterait sans doute pas avant qu'il n'ait atteint le bureau d'Asher, puisque Ryan semblait particulièrement vigilant. Bientôt, la porte menant au bureau du ministre lui apparut ; il fut poussé sans ménagement, et on referma la porte derrière lui. Il entendit un cliquetis de serrure, signe qu'on l'avait verrouillée.

« Bon sang, mon vieux, t'es pas dans la merde », songea-t-il, amer.

Le visage sérieux de Howard Asher l'inquiétait ; habituellement, il avait au moins l'esquisse d'un sourire au coin des lèvres, mais là, rien. Simplement un regard glaçant — il ne portait pas son cache-œil, par ailleurs, et sa prunelle jaunâtre mettait Edward mal à l'aise. Le policier étudia sa physionomie, mais il n'y décela rien du tout, sinon peut-être un soupçon de mécontentement. L'homme de pouvoir ne laissait jamais transparaître ses émotions, il le savait bien.

« Je ne vais pas passer par quatre chemins, soupira le ministre. Et je ne te ferai pas non plus un discours absurde sur la trahison, parce que je suis mal placé pour ça. (Il alluma une cigarette et en tira une bouffée, désinvolte.) Cependant, tu es conscient que tu ne t'en tireras pas si facilement, n'est-ce pas ?
— Les risques du métier. J'en suis conscient, monsieur. Il fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre. »

Howard haussa un sourcil, interloqué ; il ne s'attendait pas à ce que son subalterne admette sa faute si facilement. Habituellement, on manifestait un minimum de résistance, on paniquait un peu, on craignait pour sa vie. Pas lui. Le rouquin qui lui faisait face restait imperturbable.

Malgré ses airs confiants, en réalité, Edward bouillonnait complètement. Il avait l'impression que sa boîte crânienne allait exploser, tant son cerveau s'efforçait de trouver un moyen de fuir. Il y avait bien la fenêtre, qui était ouverte ; il n'avait qu'à trouver une ouverture afin de lancer une diversion, et le tour serait joué ! Il mit une main dans sa poche, serrant fermement sa Pokéball.

« Te doutes-tu de la punition qui t'attend ? questionna le Juge en tirant une nouvelle bouffée de fumée. J'aimerais bien avoir ton avis là-dessus.
— A part la torture et la mort, je ne vois pas.
— Tu te vois déjà six pieds sous terres, hein ? »

Le cœur du policier battait à une vitesse hallucinante, au point de lui faire mal. Le politicien semblait s'en rendre compte, puisqu'il souriait, l'air malicieux. Edward ne fut pas réellement conscient de ce qui suivit, jusqu'à ce qu'un cri perçant se fît entendre par la fenêtre ; le ministre avait détourné son attention un instant.

La Pokéball fut lancée ; le Nosferalto chromatique apparut et déclencha une bourrasque dans le bureau ; son dresseur s'élança par la fenêtre, fermement accroché au Pokémon ; tout se passa si vite qu'Asher n'eut pas le temps de se rendre compte de tout. Il constata simplement, en se relevant près d'un tas de feuilles éparpillées par le coup de vent, que sa proie avait pris ses jambes à son cou. Mais il allait le regretter ; on ne fuyait pas le Juge aussi aisément.