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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 06/01/2017 à 12:44
» Dernière mise à jour le 01/03/2019 à 14:50

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 36 : Dans la gueule de l'Hydre (3/3)
(Everybody knows)
Le 30 aout 2999. Une date parmi tant d’autres. Un des derniers jours d’été. Ceux où l’on s’alanguit, où la mélancolie étreint les vacanciers.

Mais le 30 aout ne coulerait pas dans les limbes de l’oubli.

Tandis qu’une armée de journalistes convergeait vers le Mont Foré, insectes colorés… Tandis que les uns revenaient du travail, accueillis par le crépuscule… Tandis que la nature innocente s’endormait, et qu’une autre faune s’éveillait…
Une voix grave s’éleva dans tout Unys.
Chaque télévision, chaque radio, chaque Vokit s’anima.
Et le visage de Ghetis, jubilant, apparut sur tous les écrans.

« Chers Unyssiens… Unyssiennes… Que vous ont apporté les élites ? »

Au Centre Pokémon de Port Yoneuve, un jeune homme nerveux, étrange, qui ne portait aucune Pokéball, se figea. L’infirmière Joëlle, occupée à réparer les derniers dégâts de l’orage, fronça les sourcils mais ne lui prêta pas plus d’attention… dans un sens, elle avait tort, car cet homme se faisait appeler N, et il avait une part importante à jouer dans le destin d’Unys.

Cet inconnu un peu trop pâle, un peu trop animal, tourna lentement la tête, comme s’il espérait que la Réalité se dissolve avant qu’il ne doive l’affronter. Mais quand ses iris électriques s’élevèrent en direction de l’écran géant du Centre, horrifié, ils rencontrèrent le visage de son père adoptif, d'une version qui pourtant ne le connaissait pas… le Ghétis du Monde Noir.

« Avez-vous vraiment besoin que je vous réponde ? »

À Volucité, le père d’Elsa tapota avec agacement sur son Vokit, ne comprenant pas pourquoi il vibrait alors qu’il était éteint depuis plus d’une heure. L’employé n’avait jamais été doué en technologie ; malheureusement, le bureau était désert à cette heure, et il ne pouvait pas demander l’aide de leur informaticienne. Aussi, malgré tous ses efforts, l’engin s’alluma et une photo de sa fille apparut en fond d’écran.

Mais elle fut bientôt remplacée par le sourire victorieux d’un bien plus sinistre individu.

Accoudés au bar ciré de la Mélodie du Répit, les parents d’Oscar ne prêtaient pas attention à la télévision, enfermés dans un silence misérable. Mais l’orchestre s’arrêta brusquement. La chanteuse se tut. Autour d’eux, les conversations se dissipèrent pour se muer en exclamations contradictoires. Le barman augmenta le son de la télé.

Et quand ils se tournèrent vers l’écran, intrigués, ils furent confronter à tout autre chose qu’un match de Pokéfoot. Même des gens apolitiques comme eux surent reconnaître l’homme qui avait piraté les ondes… Ghétis.

« Vous savez aussi bien que moi ce que vous ont apporté les élites : RIEN. Aujourd’hui, à propos d’un problème très compliqué et difficile, vous allez avoir la vérité. »

Aloé Redding cria quand la messagerie vocale d’Iris se mua en un timbre victorieux ; elle jeta son Vokit à l’autre bout de la pièce quand la photo de la Maîtresse s’effaça et que le visage de son pire cauchemar apparut. L’ex-Championne fixa l’engin, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, se frottant le poignet comme si elle avait été brûlée. Elle ne réagit pas plus quand son mari se précipita dans la pièce, anxieux.

Syd… elle ne pouvait pas l’aider… elle n’avait pas réussi à joindre Iris…

« Vous nous connaissez car nous avons invoqué les Dieux Réshiram et Zekrom à deux reprises. Vous nous connaissez car nous nous sommes révoltés contre les élites d’Unys, un système d’Arènes qui exploitent les Pokémon, et qui VOUS exploitent. Vous nous connaissez car il y a un mois, nous avons libéré plus de deux cents Pokémon sur le Ferry reliant Ondes-sur-mer et Volucité. »

Capitaine s’agrippa au gouvernail du Ferry, son cœur bondissant—Il sentit ses jambes se raidir, puis trembler contre le tableau de bord—Sur le pont des touristes s’affolèrent, croyant à une nouvelle prise d’otage.
Mais la voix de Ghétis, indifférente à leur angoisse, s’éleva avec ravissement et poursuivit encore. Encore.

« Les élites corrompues de ce pays, et leurs chiens de garde les Champions d’Arène, vous ont dit que nous avons volé ces Pokémon contre leur gré. Ceci a évidemment été répercuté par les médias, mais les médias ne vous disent rien, ils ne veulent pas avouer la vérité. La vérité, c’est qu’un Champion comme Artie gagne entre quatre mille cinq pokédollars et six mille cinq pokédollars par jour. Cela veut dire qu’il gagne entre trois millions cinq et cinq millions pokédollars par mois. À cela il faut rajouter les contrats publicitaires qu’il obtient grâce à son poste de Champion, et vous le savez comme moi, ces contrats sont très nombreux. »

Artie ferma les portes de l’Arène et échangea un sourire avec un des employés, celui qui partait toujours le dernier. Il se dirigea vers la belle grille en fer forgé de l’établissement, savourant la fraîcheur du crépuscule, le vent du large qui s’engouffrait parmi les gratte-ciels. Les néons de Volucité s'éclairaient peu à peu. Une fin d’été ordinaire dans la mégapole.

Mais au coin de la grille, une vieille femme avait installé un haut-parleur et un grand nombre de personnes s’étaient assemblés autour de la radio improvisée, lançant des cris approbateurs. Et quand Artie s’approcha, intrigué, la foule lui lança des regards accusateurs.

Il ne reconnut par tout de suite la voix grave qui haranguait les passants. Cela faisait six ans qu’elle ne s’était pas manifestée, après tout. Mais le Champion finit par percuter, furieux.

Ghétis.

« Comparé à ça, que gagne un ouvrier de Port Yoneuve, et encore dans les rares industries qui y restent ? Que gagne un docker d’Ondes-sur-mer ? Que gagne un professeur ? Parce que nous savons que les professeurs, dans ce pays, sont très mal aimés des élites, qui préfèrent privatiser notre éducation nationale. Comment ne peut-on pas s’indigner face à cela ? Je sais que vous vous indignez. Vous savez, comme moi, que le système de santé actuel fait payer l’Unyssien moyen en faveur d’un système de santé qui n’accepte que les dresseurs, il n’y a pas de système national de santé pour ceux qui vivent sans exploiter leurs compagnons. »

Goyah mâchonna lentement la dernière bouchée de son sandwich. À part pour cette seule action… son corps s’était figé contre la table de Marie Camus… Et la femme et sa Ponchienne le fixaient toutes les deux. Inquiètes, de voir un dresseur aussi légendaire pris au dépourvu.

« Laissez-moi vous dire à qui ce système ne sert pas : à l’Unyssien moyen. Il ne VOUS sert pas. »

Cathy s’allongea sur le canapé blanc, échangeant un regard ennuyé avec son petit-ami Lloyd. Son grand-frère l’avait encore appelé, comme il ne cessait de le faire. À quinze ans, la jeune fille pouvait bien s’occuper d’elle-même seule, non ! Qu’est-ce qu’il avait à la couver comme ça ! Elle qui croyait que grâce à son départ, on la laisserait tranquille—ce n’était pas comme si elle avait attendu sa permission pour faire tout ce dont elle avait envie !

La télé était en mode silencieux. Aussi, Cathy vit Ghétis une seconde avant de l’entendre. Elle cria à son frère de se taire, attrapant la télécommande, mais le visage de Matis avait déjà disparu, remplacé par le chef des Plasma.

« Laissez-moi vous dire de quoi ce système est fait ! Il est basé sur la division entre Pokémon et Humains. Si les Unyssiens et les Pokémon s'assemblaient, nous serions imbattables. Mais non, nous vivons dans un système qui fait que l’un exploite l’autre, et méprise l’autre, et enferme l’autre dans des Pokéball à longueur de journée. Partout, à l’école, dans les médias, vous et vos enfants apprenez que c’est l’état normal des choses. Mais laissez-moi vous dire, avant la transformation massive des Noigrumes et la création des Pokéball, nous n’emprisonnions pas nos compagnons. C’est toujours hors-la-loi dans la Fédération Ranger. »

Matis vit l’écran de son Vokit grésiller et, fronçant les sourcils, ils se hâta de franchir les derniers pas qui le séparaient du Centre Pokémon de Myokara. Il s’élança dans le hall climatisé, troublé—
Et se figea quand Hoenn 1 interrompit son programme, annonçant un spécial en direct du Mont Foré d’Unys.

« Les élites vous encouragent à envoyer vos enfants en Voyage Initiatique, en masse. Et là, tous ceux qui ont pu se payer des tuteurs privés rackettent vos enfants avec des Pokémon surentraînés. Tout ceux qui ont les moyens financent intégralement le voyage de leur enfant, tandis que l’Unyssien moyen dépend de la chance, ou de rares places dans des programmes scientifiques. Voilà la vérité : les élites profitent ! »

White devina que Black allait soupirer une seconde avant que son ami ne le fasse. Elle devina aussi qu’il allait s’asseoir, froncer les sourcils, et refuser de la regarder. Peut-être était-ce dû aux accusations furieuses qu’elle lui avait crié. Elle ne pouvait trouver de manière agréable de régler le problème, au grand désespoir de Bianca. Mais la dresseuse avait raison tandis qu’il avait tort, et c’était impensable qu’il ne le comprenne pas !

Agacée, l’Unyssienne s’avança vers les rideaux épais de la chambre de Black, les tirant brutalement sur le côté. Son ami avait une manie de vivre dans l’ombre tandis qu’elle adorait la lumière, et ce réflexe l’agaçait toujours prodigieusement. Pourquoi ne pas profiter de la vue d’Illumis ? Ils n’avaient que quelques heures pour le faire avant de leur vol vers Parsemille !

Bianca poussa une exclamation horrifiée. Et elle entendit même Black émettre un son, un gargouillement, étranglé.
Ce bruit effrayé, plus que tout, la glaça.
Car face au visage de Ghétis, retransmis en direct pas TVU Monde, White ne ressentit que de la rage.

« Nous, la Team Plasma, voulons changer cet état de fait ! Nous voulons renverser le système qui exploite Pokémon et Humains en abolissant la division entre nos deux espèces ! Notre idéal et la justice ! Nous voulons un VRAI changement, un changement que l’Unyssien lambda, l’Unyssien travailleur, l’Unyssien oublié des élites peut porter, que VOUS pouvez porter ! Nous voulons écouter ce que vous avez à dire sur vos salaires, l’éducation de vos enfants, et les POKÉMON. »

Écho serra la main de Barry, nauséeuse. La télécommande glissa d’entre ses doigts tremblants, claquant contre le carrelage, oubliée. Sinnoh 2 relayait le visage excité de Clara Chazal, sa voix sans scrupule qui nommait quatre adolescents censés avoir aidé lors de la prise d’otages du Ferry, censés se battre sous le Mont Foré en ce moment même. Élineera Hei, Syd Redding-Park, Elsa Hirata et Oscar Pistil.

Leurs vies étaient flinguées, arrachées à l’anonymat protecteur.
Et partout dans Unys, le message de Ghétis atteignait une retentissante conclusion…

« Ceci est le premier message d’une longue série. Et à chaque fois, nous vous demanderons ceci : qui dirige le pays ? Les élites corrompues… ou VOUS ? »

[…]

Mais le Parlement d’Unys était pris dans le tumulte d’une session extraordinaire, complètement coupé de l’extérieur. Iris et le Conseil Quatre étaient retenus dans l’hémicycle de velours depuis la veille, questionnés sans relâche par les élus, recrachant une défense qu’ils avaient appris par cœur, encore et encore.

Iris, Percila, Pierris, Kunz et Anis étaient prisonniers du luxe damassé, des dorures antiques, et ils ne s’en libéreraient que trop tard.

[…]

Brusquement, les nuages s’écartèrent. La proue de la Frégate fendit les cieux, filant par-dessus la Ligue Pokémon vers les ruines délabrées du Palais, invisible aux yeux de tous.
Les dresseurs gardant le bâtiment historique ne perçurent qu’un vague éclat, reflet du soleil resplendissant.
Tandis que le navire atterrissait précautionneusement derrière les vestiges du Palais de la Team Plasma, Ghétis se fendit d’un rire tonitruant.


(Jusqu’au bout)
Mélis ripa sur la dernière marche, s’agrippant à la rambarde avant de percuter une porte en acier de plein fouet. Il serra les dents. C’était la troisième qu’il rencontrait depuis son entrée dans le repaire, mais celle-ci était bien plus épaisse que les précédentes—elle devait sans doute mener aux prisons. Grommelant, le cœur sautant dans sa poitrine, le dresseur appela son starter, Clamiral, et lui demanda de lancer Hydrocanon.

Le Pokémon se positionna face au métal rutilant tandis que son humain remontait la volée de marches, précautionneux. Puis la bête inspira—tout son corps se crispa—et de sa gueule écumante jaillit un torrent enragé. L’acier gémit sous la pression, se creusant peu à peu sous l’impact, et le bas de l’escalier fut rapidement recouvert par les eaux déchainées.

De l’autre côté de la paroi, quatre Sbires accoururent, alertés par un sourd mugissement. Ils froncèrent les sourcils quand ils virent de l’écume suinter par le bas de la porte, puis de toutes petites vaguelettes se répandre sur le sol blanc, à la fois irisées et translucides. Puis le sas se déforma, céda brutalement, et les agents eurent à peine le temps de plonger sur le côté que le lourd pan de métal s’écroulait à terre, suivie d’une marée froide.

Mélis émergea, grimpant sur l’eau de la porte, et leur darda un regard orageux tout à fait approprié à la situation.

— Émolga, Cage Éclair. Vise l’eau.

Les quatre Sbires se convulsèrent, hurlant un court instant, puis se retrouvèrent entièrement paralysés sous les yeux durs de leur assaillant. Il n’y avait pas de place pour la douceur ou la prudence. Pour le dresseur, les agents étaient tous coupables jusqu’à ce qu’il retrouve les enfants.

Sifflant, Pokémon à la traîne, Mélis s’élança dans le couloir. Il appela Eoko et lui demanda d’aider Clamiral à enfoncer les portes des prisons—soit par la force mentale, soit par la force physique. Son cœur pulsait trop fort, de la sueur mouchetait son visage et trempait son tee-shirt. À son poignet, son Vokit vibra et afficha le visage inquiet de Leafer, en uniforme Plasma, qui chuchotait pour ne pas se faire repérer :

« Cherchez cet étage ! Selon les dernières coordonnées qu’a transmis le Vokit d’Élin, elle a été enfermée ici ! »

Mélis secoua la tête, anxieux, et fit signe à ses Pokémon de redoubler d’efforts.

Comment avait-il pu laisser les enfants s’enfoncer dans le repaire, seuls ? Cela avait semblé être la meilleure option—il était trop connu pour passer inaperçu, pouvait intervenir par la force en dernier recours, surprenant des Plasmas—mais le plan avait laissé les ados à la merci des criminels ! Qu’avaient-ils pu faire à Élin en si peu de temps ? Voler ses Pokémon ? La battre ? Ou—

Une vague de nausée le saisit, et le dresseur secoua la tête, passant une main moite sur son visage encore plus humide.
À cet instant, Clamiral poussa un jappement inquiet, aigu.

Le teint de Mélis se fit soudain cireux. Il dérapa, arrêtant brutalement sa course, et fit volteface pour rejoindre son Pokémon. Les quelques mètres qui le séparaient de son Starter lui semblèrent s’étirer à l’infini, et ses jambes s’amaigrirent, jusqu’à ne devenir que deux allumettes friables. Pourtant il atteint son Pokémon en quelques secondes.

Quelques secondes. Une porte défoncée, tenant à peine au mur, tordue autour de son dernier gond. De l’obscurité.
Et sur le carrelage blanc de la cellule, une silhouette recroquevillée, une toute petite silhouette ; et une flopée de cheveux blonds.

— ÉLIN !

Le temps bondit, Mélis se retrouva agenouillé à côté d’Élin, il prit sa tête entre deux mains hâtives mais elle ne répondait pas, une petite claque et elle ne répondait pas, une autre et elle ne répondait pas elle—
Le regard angoissé du dresseur percuta deux iris bleus. Et il réalisa avec horreur et soulagement qu’il ne tenait pas le corps de son amie, mais de... de... Maëlle. Maëlle, l’assistante d’Oryse.

Elle était morte.

Qu’était-elle venue faire, chez les Plasmas… ?

Doucement, l’adulte reposa la tête de la jeune femme au sol, et ferma ses yeux fixes. Il détourna les yeux de son corps ensanglanté, grimaçant de fureur quand il remarqua les bleus marquant sa gorge blanche, ses joues et ses bras. Cette femme avait fini sa vie dans la terreur, dans la douleur. Elle avait été assassinée dans une cellule anonyme, loin du soleil, emprisonnée sous des tonnes de roches. Dans un sens, elle était déjà dans son tombeau.

Hagard, Mélis se redressa, flattant mécaniquement le museau de Clamiral.

Ils étaient tous déjà dans leur tombeau : lui et les enfants qu’il n’avait pas su arrêter, leurs Pokémon, et même les Sbires Plasmas.
Il fallait qu’ils s’échappent de ce labyrinthe mortel.

[…]

Élin se rua vers le bout du couloir, portée par le chant strident de Meloetta et le tempo angoissant de l’alarme. Ses Pokéball vibraient à sa ceinture, tressautant à cause de la panique des Pokémon, et elle passa une main rassurante sur les orbes tandis qu’elle accélérait sa course. Arrivée à un croisement, elle jeta un regard à gauche—à droite ! et poursuivit son chemin, ricanant de manière essoufflée. Une porte en acier massif s’abattait lourdement au bout du corridor et—jamais la gamine n’arriverait à temps ! Mais elle redoubla quand même d’efforts !

Elle roula sur le carrelage blanc mais la paroi de métal s’effondra sur—D’un geste instinctif, elle projeta une force psychique, rosée, et arrêta net la descente du sas.

Un instant plus tard, la gamine se relevait, indemne, et éclata de rire. Le chant de Meloetta bourdonnait dans ses oreilles, son sang fusait au même tempo, ses poumons brûlaient de fatigue et ses jambes flageolaient : elle ne s’était jamais sentit si vivante. Risquer sa vie ne rendait que l’aventure plus excitante. Enivrante. Cette journée était absolument dingue… Elle n’avait certes pas trouvé Syd, Elsa ou Oscar, mais elle le ferait ! Et puis elle possédait à présent les pouvoirs d’un Pokémon !

Mais sous ses omoplates, l’acier résonna d’un choc puissant, et la gamine chuta en avant sous la force de l’impact, tombant à genoux. Elle sentait une aura ténébreuse aux limites de sa conscience.

Anto.
Il était de l'autre côté de la paroi.
Le cœur battant, la dresseuse repartit de plus belle.

Elle tourna à gauche, à droite, ouvrit une porte et la referma brusquement derrière elle, cherchant vivement un repère dans la pénombre. Elle était dans… un immense hangard ? Vide ? Sans plus réfléchir, elle se faufila entre deux caisses étiquetées « DANGER : EXPLOSIFS ».

De longues minutes s’écoulèrent sans qu’Anto se manifeste, et, bercée par le tempo triomphant de Meloetta, Élin oublia toute prudence.

Saisie d’une illumination, elle tenta de pointer son Pokédex sur son corps pour qu’il lui liste ses Attaques, mais l’engin bugga et afficha « POKÉMON INCONNU ».

La gamine ricana malgré l’obscurité, la solitude.

Gaiement, elle relança sa force psychique, suivant le tracé d’une—silhouette ?—d’une silhouette presque invisible qui dansait devant elle, semblable à Meloetta. Ses mains volèrent en un geste étrange, canalisant une énergie nouvelle dans son corps, et projetèrent une force rosée vers une caisse au loin.

Le coffret explosa, irradiant le hangar de flammes et de chaleur, et Élin ricana encore. Oops.

Mais immédiatement après, une vague ténébreuse l'effleura—la blonde eut le temps de faire volteface mais une main griffue lacéra sa joue et s’agrippa à sa clavicule. L’irradiant.
Anto !

Elle eut un hoquet.

— Je connais une technique charmante qui se nomme Punition… susurra son assaillant, la tractant avec sa prise, l’enlaçant doucement.

Élin lui mordit l’épaule.

Le gémissement que poussa Anto suintait à la fois de rage et de plaisir, mais Élin était heureusement trop jeune pour comprendre. Elle repoussa le commandement Plasma d’un coup de pied, cracha :

— Et Crocs Feu tu connais ?
— Maëlle…

La blonde se raidit, portant instinctivement une main à ses clairs épis. Elle étudia le visage excité de l’agent, à la recherche d’une trace d’humour de méchanceté—un indice. Mais elle ne rencontra que le masque d’un Zoroark qui joue avec sa proie, pupilles dilatées, babines retroussées, écume aux lèvres. Elle ne rencontra qu’une expression belliqueuse et réagit inconsciemment à cette expression, grimaçant, laissant son feu interne remonter le long de sa gorge.

Elle vomit un torrent de flammes, leur puissance enragée irisant la salle de vermeil.

Mais si une caisse explosa sous la force de son assaut, enflammant d’autres containers à ses côtés… Anto avait totalement disparu. Quand les flammes se dissipèrent, il ne restait plus rien du commandant.

Un battement, lancinant.
Puis une main à sa gorge, un corps collé à son dos, une voix dans son oreille qui murmurait « J’ai tué Maëlle » et—une explosion magistrale.

Élin rouvrit lentement les yeux. Elle ne savait même pas quand elle les avait fermés. La gamine relâcha lentement ses poings, les mains tremblant quelque peu, et déglutit. Derrière elle… Un vide froid. La figure d’Anto avait été arrachée à la sienne par une force surpuissante…

Elle pivota, incertaine. Et vit N, la main levée sur la silhouette recroquevillée du commandant Plasma.

— Il est temps que la folie de mon père cesse, murmura le jeune homme, coulant un regard désolé vers elle.

Puis il ouvrit sa main, tendant les doigts vers le ciel.
Élin disparut, la Réalité se dissolvant en un éclair blanc.

[…]

Oscar fit volteface, le cœur lourd.

Elsa ne réalisa pas immédiatement que son ami s’était arrêté, trop concentrée sur Syd, trop concentrée sur leur course. Ils n’avaient plus que quelques mètres à franchir avant d’atteindre les escaliers ! Plus que quelques mètres, et ils pourraient semer les Sbires !

Oscar serra la Pokéball de Jeans dans son poing tendu, trop lucide pour croire une seule seconde qu’ils se débarrasseraient de leurs poursuivants sans sacrifices.

Syd était blessé. Il avait été battu avant d’être amené à Nikolaï, et à en juger par ses hématomes et sa lèvre fendue, on y avait pris du plaisir—il avait peut-être des os cassés. Ainsi, pas le choix… le dresseur n’était pas en état de se battre, il fallait l’amener au Centre Pokémon de toute urgence. Il fallait qu’Elsa le soutienne.

La brune pila net, retenant difficilement Syd qui partit en avant, sonné. Elle lança un regard paniqué à Oscar par-dessus son épaule, trépignant, sa voix enrouée.

— Qu’est-ce que tu fais Oscar ! COURS !

Mais l’ex-hippie secoua la tête, et avec un sourire triste, lui renvoya :

— Continuez sans moi.

Une seconde.
La brune cligna des yeux sans comprendre.
Deux seconde.
Elle regarda Syd, presque endormi sur son épaule, puis les Sbires qui accouraient.

— ALLEZ ELSA ON A PAS LE TEMPS !

Le hurlement d’Oscar eut l’effet d’une décharge électrique. Sans réfléchir l’adolescente se mit en branle, traînant Syd sur un pas, puis un deuxième—et enfin se mettant à courir comme une dératée, courir vers la volée de marche qui avait semblé si proche quelques instants auparavant. Le couloir blanc semblait s’étirer à l’infini—à ses côtés Syd grognait de douleur, trébuchant sur ses propres pieds. Elle entendait les Sbire crier, Oscar crier, Oscar sortir ses Pokémon.

Elsa ravala un sanglot, poussant Syd vers la première marche.
Oscar invoqua Jeans, Aurore et Wish, priant pour qu’il n’ait pas à appeler un Aiden au bord de l’inconscience.
Face à lui, quatre Sbires dégainèrent leurs Pokéball. Ils levèrent leurs sphères, des sourires méchants crispant leur lèvres—mais—

— Stop.

Une voix, froide, les interrompit. Et Oscar se raidit, réalisant avec effroi qu’il n’aurait jamais assez de force pour s'en sortir. Car d’entre les quatre agents surgit Nikolaï, ses lunettes rutilant sous la force des néons blancs, le toisant avec une moue au-delà même de la fureur—une mine qui traduisait un mépris total de l’adolescent. Il considéra Oscar comme un Fermite à éliminer, sans émotion.

— Voyons si tu peux affronter mon équipe.

Magnéton, Magnézone, Motisma, Métalosse, Neitram et Cliticlic apparurent face au jeune dresseur, grésillant avec menace.

Oscar jeta un regard désolé à ses Pokémon, et pria pour un miracle.

Plus haut, Elsa se jeta à terre pour se cacher d’une patrouille de Sbires, plaquant une main sur les lèvres gercées de Syd pour étouffer son cri de douleur. Elle se pencha vers le coin du mur pour vérifier que les agents étaient partis, le cœur au bord des lèvres, et jeta ensuite un regard vers les marches qu’ils venaient de gravir. Comment avait-elle pu laisser Oscar—face à quatre Sbires ! Ses Pokémon étaient épuisés, l’Arcanin avait besoin de soins urgents, et elle avait fui comme une lâche ! Il fallait qu’elle y retourne !

Mais—Syd. Son regard outremer achoppa sur la figure hébétée de son camarade. Il reprenait conscience, mais à peine, et sa coupure à l’épaule s’était remise à saigner. Elle ne pouvait pas le laisser… C’était pour lui qu’ils étaient allés aussi loin, qu’ils avaient infiltrés le repaire Plasma, qu’ils avaient acceptés d’affronter l’horreur avant même de devenir adultes.

Elsa avait un père, et si elle mourrait ici, jamais sa famille ne saurait ce qui lui était arrivé. Elle avait deux Pokémon, qui comptaient sur elle—eux aussi tomberaient dans les griffes des Plasmas si elle venait à disparaître ! Et puis, et puis—elle avait des rêves, elle voulait faire des études à l’université de Janusia, devenir chercheuse ! Pourquoi—

Pourquoi se trouvait-elle à dix lieux sous terre, dans les quartiers généraux de criminels ?
Pourquoi était-elle à bout de souffle ?
Pourquoi était-il si difficile de s’échapper ?
Pourquoi Syd… pourquoi était-il allé aussi loin ?

Elsa sut, en cet instant, qu’ils avaient fait une monumentale connerie. Jamais ils n’auraient dû sauver Syd seuls. Jamais Mélis n’aurait dû les accompagner. Elle lui en voulait, oh elle lui en voulait avec une fureur noire, de les avoir laissés faire.

Peut-être était-elle égoïste, peut-être était-elle une personne immonde. Mais non, ça, elle ne le croyait pas : elle était tout simplement normale.

Et en cet instant, la seule chose qu'elle se demandait, c'est si elle avait de meilleures chances de survie en restant avec Syd ou rejoignant Oscar.

Mais la brune n’eut jamais le temps de trouver une réponse. Car devant elle l’air miroita, puis sembla se distordre—et Élin apparut, lévitant au milieu du couloir. Puis tout reprit une apparence normal, et le sort qui permettait à la blonde de voler se dissipa : elle s’écroula à terre avec un gémissement. (Elsa crut même discerner les mots : « pourquoi ça n’arrive qu’à moii… »)

Elsa ne se posa pas de questions : elle était trop sur les nerfs pour être surprise. En revanche, elle se redressa, tirant le corps lourd de Syd avec elle, et attira l’attention d’Élin.

La gamine leva deux prunelles noires vers eux—noirs ou vermeils ?—et grimaça, inquiète. Elle se mit difficilement sur ses pieds, et passa son bras sous l’autre épaule de Syd, indiquant d’un geste le corridor sur leur gauche. « Peut-être »… commença-t-elle—mais elle n’eut jamais le temps de finir. Car un hurlement fendit l’air, sifflant depuis l’étage inférieur. Et les deux filles reconnurent la voix d’Oscar.

— Je dois le rejoindre ! s’écria Elsa, jetant un regard paniqué en arrière.

Élin suivit instinctivement le mouvement, pivotant malgré le poids de Syd, et s’apprêta à opiner du chef—Mais le crâne de son ami heurta mollement sa joue, et elle réalisa soudain qu’il était hors de question de traîner Syd dans la mêlée.

— On ne peut pas laisser Syd tout seul ! s’exclama-t-elle, fronçant les sourcils.
— Je le sais très bien ! répliqua la brune, hargneuse. Elle se souvint de la colère d’Élin qui les haranguait pour qu’ils secourent leur ami, se souvint que la blonde était la seule témoin de son « enlèvement », et cracha : T’es justement là pour ça ! Non ? NON ?

À cela, Élin n’avait rien à dire.
Jurant, la gamine arracha Syd à la prise d'Elsa, et se retourna maladroitement vers le corridor, relevant le menton avec défi. Mais alors qu’Elsa esquissait un mouvement de départ, elle la rappela et indiqua sa ceinture de Pokéball.

— Prends Lucky et Hope pour t’aider, et prends la Riolu de Syd. On se débrouillera avec le reste.

Elsa considéra ses amis, scotchée. Mais la blonde lui indiqua de se dépêcher d’un geste impatient, et l’élève obtempéra, arrachant les Pokéball correspondantes à la ceinture des deux.

Élin regarda son amie disparaître sans un mot, le regard de nouveau sombre. Puis elle étudia Syd avec un sourire triste, tâtant prudemment son flanc.

— Aouch, deux côtes cassées… ils t’ont fait un massage kantonnais ou quoi ?

Plus bas, Elsa volait vers Oscar avec un cri à la fois furieux et épouvanté. Le dresseur était déjà à terre, du sang s’écoulant depuis son oreille, et seul Wish l’Évoli tenait encore debout.

[…]

Shazaa rappela son Crustabri et son Ossatueur, donnant un dernier coup de pied au Sbire qu’elle avait terrassé. Elle cracha à terre, essuya sa bouche en sang et pivota vers Leafer, survoltée. Le p’tit nabot se débrouillait tant qu’il pouvait avec son Spinda et la Delcatty qu’elle lui avait prêté, mais les deux Sbires qui le harcelaient avec encore trois Pokémon en forme. Et il en arrivait depuis l’autre bout du couloir…

La jeune femme jeta un coup d’œil à son starter, Ectoplasma, son Pokémon le plus fort.

Elle ferma les yeux, inspira, maudit encore une fois la situation, Oscar, son fils de pute de père—paix à sa grand-mère. Elle compta et recompta le nombre de Sbires—cinq plus deux à terre—s’interrogea sur la fatigue de ses Pokémon, et sur le hurlement qu’elle avait entendu une minute auparavant.

Elle avait cru reconnaître la voix d’Oscar.

Avec un geste rude, la dresseuse se ressaisit et appela le nabot brun d’un ordre sec. Il grimaça, mais manœuvra pour s’approcher d’elle, comme demandé, et rentra la Delcatty dès qu’il atteint Shazaa. Cool. Elle reprit sa Pokéball, serrant les dents, attendit une seconde, puis deux, que les renforts atteignent la première équipe.

Un Léopardus vola vers elle et la jeune femme se cripsa—
Mais Ectoplasma balaya l’offensive d’un Poing Ombre, ricanant d’un air suffisant malgré ses blessures.

— Qu’est-ce que tu fais ! s’inquiéta Leafer. Il n’y a plus que nos starters pour nous défendre !
— Rappelle ton Spinda.

À deux mètres, ou moins encore, cinq Sbires les toisaient avec des airs noirs.

— T’es folle !
Rappelle ton Spinda ! Fais-le à UN, DEUX, TROIS !

Plusieurs choses se passèrent simultanément. Premièrement, Shazaa fit un geste étrange à son Pokémon, qui passa totalement inaperçu dans la mêlée. Ensuite, Leafer obéit aux ordres, luttant contre son effroi. Puis deux capacités atteignirent les adolescents : des Tourbi Sable qui leur lacérèrent la gorge et les joues. Mais ce fut la dernière Attaque que les ennemis lancèrent.

Car leurs dresseurs s’étaient effondrés, terrassés par l'Hypnose d’Ectoplasma, qui se trémoussait au rythme d’un rire menaçant.
Il enchaîna avec un Vibrobscur qui terrifia les Pokémon adverses, déjà perturbés par l’inconscience de leurs humains.
Et, avant de se ruer froidement vers l’escalier, dans l’espoir de retrouver Oscar, Shazaa ordonna froidement :

— Dévorêve.

[…]

Mélis releva brusquement de la tête, alerté par un lointain hurlement. Son sang bouillit, et il donna un dernier coup à la Sbire enragée qui l’avait retardé, l’assommant et l’envoyant bouler avec le reste de son équipe.

Il se rua vers le prochain tournant, faisant signe à Chinchidou de prendre les devants au cas où une mauvaise surprise les attendait. Mais il ne rencontra qu’un énième couloir blanc, vide, et ensuite une volée d’escaliers. Sans réfléchir, le dresseur de légende les dévala quatre à quatre, sa main volant le long de la rambarde grise, s’entaillant sur son coin aseptisé.

Au bout du corridor rigolaient grassement quatre Sbires… Ils gardaient une figure délicate, à la tête auréolée d’or… Mélis ne la voyait que de dos, mais il reconnaissait la personne à qui il n’avait que trop eut à faire durant sa jeunesse, et qui l’avait toujours mis profondément mal à l’aise. Nikolaï.

Un nouveau cri d’enfant retentit, et cette fois, Mélis discerna la voix d’Elsa.

— HEY ! hurla-t-il, accélérant le pas, alertant l’équipée de Plasmas. Laissez-les tranquille, Team de putes !

Mais Nikolaï ne se retourna pas, trop concentrée sur son Œuvre, et fit simplement signe aux autres de garder ses arrières. Elsa cria de nouveau, un ordre incompréhensible dans la panique qui désorienta les—Pokémon d’Élin, c’était bien les Pokémon d’Élin qu’elle avait sous la main ? Et la Riolu de Syd ? Ils avaient retrouvés Syd !

Mélis libéra Clamiral, Feuilloutan, Emolga et Eoko pour aider Pashmilla, comptant rapidement que les Sbires avaient vingt Pokémon à eux quatre—des Escroco, des Léopardus et des Baggiguane. Le dresseur serra les dents, cherchant rapidement une stratégie, réalisant qu’il devait faire court et dévastateur pour atteindre Elsa et les enfants. Et pourtant, la brutalité était loin d’être son domaine… Il avait toujours esquivé et manipulé l’adversaire jusqu’à ce que sa force se retourne contre lui.

— Feuilloutan, Pashmilla, allez vous battre contre Nikolaï. Eoko, tu les téléportes et tu soignes les Pokémon blessés qui se trouvent là-bas.

Immédiatement, la créature aux pouvoirs Psychique luisit d’une faible lueur rosée, puis disparut dans une boule de lumière blanche qui grossit jusqu’à engloutir ses deux camarades. Une Léopardus tenta de les arrêter sous l’ordre de son maître, mais Emolga la stoppa d’un Éclair sur la truffe.

Mélis comptait maintenant une équipe de deux… face à vingt Pokémon.

— Clamiral, Tourniquet ! Émolga utilise Onde de Choc pour le protéger !

Une dizaine de Pokémon trembla sous la foudre et trébucha avant de pouvoir attaquer, un Escroco réussit à lacérer Clamiral grâce à une Poursuite, Émolga subit deux Tranche sur son ventre délicat et Mélis ploya sous le coup d’un Baggiguane qui leva encore son poing—Émolga le chassa d’une Acrobatie—

— Très bien, maintenant Reflet, grimaça Mélis, sifflant, pressant d’une main l’endroit où il avait été touché. Dissémines-toi un peu partout.

Émolga poussa un cri, nerveuse de laisser son dresseur à découvert, mais obtempéra. Elle projeta une quinzaine de ses copies un peu partout sur le terrain, au-dessus de certains Pokémon. Mais ces dupliques n’étaient pas que des illusions : elles gardaient en faible mesure l’aptitude de conduire et reproduire ses capacités.

— Chargeur !

Aussi, pendant que Clamiral protégeait son maître des pires coups grâce à Aqua Jet, les fausses Émolga accumulèrent toutes du statique, puis une faible dose d’Électricité, illuminant le couloir blanc comme des lucioles.

— Maintenant CHANGE-ÉCLAIR ET SURF ! cria Mélis, le souffle court. Il ferma les yeux pour ne pas voir le feu d’artifice.

Sa technique décima les rangs adverses. Émolga et ses copies s’animèrent une seconde avant que le tsunami ne s’abatte, et échangèrent successivement de place. L’électricité à très haut-voltage conduit par le véritable écureuil se communiqua à tous ses dupliques et recréa un courant survolté à travers le couloir : quand le Surf noya les adversaires, les refoulant brutalement contre d’autres et contre leurs maîtres, ils furent aussi électrocutés.

Seuls un ou deux d’entre eux restèrent debout, mais leurs dresseurs se convulsaient à terre.

Cependant, Nikolaï s’était protégé grâce aux Choc Mental combinés de son Metalosse et de son Neitram. La bataille n’était pas finie. La bataille ne serait jamais finie.

Jurant et grognant, possédé par une fureur au-delà de toute raison, Mélis ordonna à Émolga d’assommer les quelques Pokémon restants et s’élança vers les deux gardiens impassibles.

— Clamiral, Taillade.

Le coup de corne porta à la fois sur Neitram et Métalosse, et le premier défaillit assez pour que Mélis se faufile jusqu’au champ de bataille—jusqu’à la figure détournée de Nikolaï. En moins d’une seconde le dresseur saisit la situation : Elsa protégeait un Oscar blessé, usant de toutes ses connaissances techniques, mais les Pokémon des enfants étaient trop faibles pour triompher et l’élève peinait à maîtriser le plein potentiel de l’équipe de Mélis. De ces trois-là, Eoko luttait contre Magnéton et Magnézone ; Pashmilla tenait Cliticlic en respect ; et Feuilloutan harcelait Motisma. Feuilloutan était le plus proche.

Lévitant juste derrière la nuque de Mélis, Métalosse chargea un Psykoud’Boul.
À sa gauche, Magnezone neutralisa le Brouhaha d’Eoko d’un Sonicboom.
Nikolaï ordonna à Magnéton d’utiliser Verrouillage sur Elsa.
Et Mélis cria.

— Feuilloutan, attaque LECHOUILLE !

Aussitôt le singe bondit sur Nikolaï et lui infligea un coup de langue géant sur la bouche et la joue.
Quelques protagonistes en restèrent pantois.

Mais Mélis, porté par son courroux, avait oublié de garder ses arrières. Il n’avait pas vu le Psykoud’Boul que chargeait Métalosse. Il n’avait pas vu que son starter Clamiral luttait, angoissé, contre l’emprise mentale de Neitram pour le prévenir du danger. Il aurait pourtant dû savoir que la Team Plasma ne jouait jamais franc jeu.

Un Psykoud’Boul fonctionne comme un objet contendant… Et dans les mains d’un Pokémon aussi entraîné, il a largement la force d’éclater le crâne d’un humain comme un ballon de baudruche.

Le temps s’accéléra.
Nikolaï jeta Feuilloutan à terre avant d’être paralysé sur tout son côté droit.
Elsa remarqua la posture de Métalosse et hurla un avertissement, épouvantée.
Et une seule petite chienne bleue eut l’initiative de se jeter devant la nuque vulnérable de Mélis.

Riolu jappa férocement, sa paume tendue en Contre pour accueillir la Psykoud’Boul. La collision eut lieu en plein air et une explosion bleuté aveugla l’assemblée, un sifflement déchira l’air du couloir et remonta vers les étages supérieurs comme de la vapeur sous pression—Elsa se couvrit les oreilles, gémissant, plissant les yeux pour voir les silhouettes de Mélis et Nikolaï illuminées en contre-jour—Sous la force du choc, Riolu fut projetée contre l’humain et les deux s’affalèrent sur le carrelage.

Elsa courut vers leurs figures écroulées et hurla :

— Hope, Rebondifeu contre Métalosse, vite !

Le Caninos bondit immédiatement, un brasier rugissant depuis sa gorge, surgissant et fusant avec une précision cruelle vers un point faible de l’adversaire : une de ses fines articulations. Le choc fut brutal et des étincelles rebondirent depuis la blessure pour atteindre Magnézone, Motisma et Neitram, ce qui força ce-dernier à relâcher sa prise sur Clamiral. Le Starter de Mélis s’élança instantanément vers son maître et Riolu, abattant au passage Métalosse d’une Vendetta rageuse.

Il ne restait plus que cinq Pokémon à Nikolaï, et Mélis se redressait déjà pour les achever.

Mais il ne fit que cracher un amas sanguinolent, s’essuyant d’une main lasse, et fixer le scientifique avec rancœur. Le combat s’arrêta un instant, le temps se cristallisant au cœur du couloir blanc.

— Pourquoi vous faites ça ? souffla-t-il, dardant un œil noir à Nikolaï. Sérieusement, pourquoi vous faites ça ?

L’agent Plasma arqua un sourcil. Il considéra le jeune homme devant lui, un importun qui avait déjà croisé plusieurs fois sa route. À l’époque, il n’avait jamais posé de questions, se contentant de démonstrations de forces. Contrairement à son ami agaçant, un garçon aux cheveux hirsutes qui cherchait un Chacripan.
Il avait changé, il était devenu plus agaçant. Nikolaï, quant à lui, était toujours le même.

— Je veux pouvoir faire des recherches sans contraintes, répondit-il avec indifférence.

Puis il signala à Motisma d’attaquer, et le combat reprit. Mais le vent avait tourné, et face à l’équipe surentraînée de Mélis, Nikolaï avait de plus en plus de mal à s’imposer. En cours d’affrontement, deux autres gamins rejoignirent Mélis par une troisième direction et une jeune femme aux airs de pimbêche sortit un Ectoplasma agaçant : le spectre attaquait les Pokémon Psy dès qu’ils étaient occupés par les créatures de Mélis.

Magnéton tomba sous les estocs d’Eoko.
Magnézone sombra dans l’inconscience.
Motisma ploya face aux coups de Feuilloutan.
Il ne resta plus que Neitram.

Si Nikolaï avait une qualité, c’était sa faculté de discernement. Le combat était peu important : seule la recherche touchait son égo. Il savait quand abandonner un match… et comment s’enfuir. Au moment où Mélis ricanait méchamment « On va l’avoir, aucun de ses Pokémon ne connaît téléport ! », le scientifique et son Pokémon disparurent dans un éclat rosé.

Un Sbire confus apparut à la place du chercheur, et il fut rapidement assommé par une Cage Éclair d’Émolga.
Un silence s’imposa un instant aux enfants.

— Merde, il connaît Inversion, jura Mélis sans qu’aucun des ados ne comprenne, sauf Elsa.

La brune cligna des yeux, hagarde, et se laissa choir à terre. Elle rappela mécaniquement Amaryllis, Cryptéro, Lucky, Hope et Riolu dans leurs Pokéball, puis fixa Leafer et Shazaa en se demandant ce qu’ils faisaient là, tournant et retournant stupidement la même question dans sa tête comme une boîte à musique enrayée. Leafer s’éclaircit la gorge et gigota sous son regard insistant, triturant son Rubix Cube, puis finit par lâcher :

— D-Désolé mais chuis pas intéressé !

À ces mots Elsa sursauta, tirée de son choc. Elle parvint à simultanément rougir et foudroyer le petit brun du regard.

— Moi non plus je te rassure ! siffla-t-elle, avant de se calmer. Je me demandais juste comment vous nous avez rattrapé.
— AH, bafouilla Leafer. Eh bien, on est rentrés en même temps que Mélis pour vous sauver, mais on a été séparés quand une porte en métal nous a coupé la route. Ensuite, moi et Shazaa, on s’est faits attaquer par des Sbires…
— Et j’ai du arracher toutes les mauvaises herbes seule, sans aide de cette mauviette, commenta aigrement la concernée.
— Sans toi, on ne se serait jamais faits remarquer ! rétorqua le dresseur, agacé. Je t’avais dit de me laisser anticiper les mouvements de l’adversaire, je m’y connais, et toi tu as foncée !

Habituellement, Leafer aurait sans doute reçu une remarque cinglante en retour. Mais cette fois, Shazaa ne répondit pas, car elle venait de remarquer, derrière Elsa, la figure ensanglantée d’Oscar. La jeune femme s’élança vers son ami, inquiète, et lança un regard furieux à la brune.

— Il est blessé depuis tout à l’heure et tu ne nous as rien dit ?
— Je n’ai pas de quoi le soigner ! répliqua Elsa.
— Soigner qui ?

Plissant les yeux, Mélis s’approcha. Quand il vit Oscar… il inspira brutalement, rappela Eoko, et lui demanda de puiser dans ses dernières forces pour soigner la blessure. Le visage du dresseur avait dû être percuté par une Attaque, et toute sa mâchoire et son nez étaient cassés. Quand l’aura rosée des soins l’enveloppa, les os se remirent en place avec un craquement sinistre, et Oscar gémit, ses yeux papillonnant.

— Il faut qu’on se casse ! jugea Shazaa. Qui a une Corde Sortie ?
Mélis se désigna.
— Je peux aussi demander à Eoko de ré-infuser de l’énergie psychique dans la Corde pour renforcer sa portée et—

Soudain, une explosion secoua la base.
Plus encore : ce fut comme un véritable tremblement de terre.

Le sol vibra—Mélis et Leafer tombèrent sur le côté, leurs têtes percutèrent le carrelage—la montagne entière sembla gronder, et le vacarme menaçant d’un éboulement retentit depuis les étages supérieurs. Plusieurs néons éclatèrent et une pluie d’étincelles s’abattit sur les humains, détournée tout juste à temps par un Chargeur d’Émolga. Les enfants échangèrent des regards affolés, leurs prunelles écarquillés se tournant vers le ciel, et ne rencontrant qu’un plafond fissuré, ne rencontrant que des tonnes et des tonnes de roche. Ils étaient piégés.

Plus haut, dans le hangar, N avait enduré des dizaines d’Attaques, de Tourmente et de Vibrobscur. Il avait lentement chargé son pouvoir dans les ténèbres, concentrant toute l’électricité de son corps en une petite orbe azurée, perdue très haut dans l'obscurité. L’orbe avait enflé, enflé, enflé, jusqu’à se transformer en soleil bleu, grésillant d’un mur à l’autre, grossissant encore jusqu’à atteindre les caissons supérieurs... N avait murmuré une excuse à Anto, ou plutôt à Anthony Colay-Monthé. Puis, il avait abattu l’Éclair Croix sur le commandant. Et le Gijinka s’était téléporté au dernier millième de seconde en un flash noir.

L’impact avait déclenché tous les explosifs contenus dans le millier de caisses.
Il avait détruit les deux étages supérieurs du repaire.
À présent, tout le Mont Foré tremblait.

— M-Mais… balbutia Elsa, plaquant deux prunelles angoissées sur Mélis. Élin… et Syd ?


(Ici Unys)

Daniel Hirata ; John et Yvonne Pistil ; Aloé, Capitaine, Artie ; Goyah, Marie Camus, Cathy, Matis, Écho, Bianca, White, Black : tous étaient scotchés à leur télévision, sifflant, jurant, soufflant, jactant, inhalant, expirant, se pinçant la peau jusqu’au sang pour vérifier et revérifier et considérer et déconsidérer la Réalité.

Mais sous leurs yeux, Clara Chazal s’exclamait bien, une main à l’oreille pour signifier qu’elle recevait des informations de leurs envoyés spéciaux :

« Les forces de police sont à présent sur place et collaborent avec le Champion Bardane ! Je passe le micro à notre envoyé David Pyjama— »

L’écran coupa avant même son sourire coutumier, et la blondeur de la présentatrice fut remplacée par les épis bruns de son collègue. Il parla un temps, mais ses mots n’avaient aucune importance, se dissolvaient face à l’ampleur du drame qui se déroulait derrière son visage excité, sous les courbes massives du Mont Foré.

En direct sur Unys 1, la montagne s’effondra.


(Ici les gosses)

Élin regarda Elsa disparaître sans un mot, le regard de nouveau sombre. Puis elle étudia Syd avec un sourire triste, tâtant prudemment son flanc.

— Aouch, deux côtes cassées… ils t’ont fait un massage kantonnais ou quoi ?

Syd ne put évidemment pas lui répondre, outre un gémissement. Aussi la gamine se tut, et aida prudemment son ami à avancer, le tirant sur un pas, puis deux. Ils parcoururent une moitié de couloir à une vitesse de Limagma, Élin se mordant la lèvre à chaque grognement du dresseur. Elle-même était exténuée. Apparemment, son corps n’aimait pas trop cracher des flammes, ou alors il s’habituait encore à sa nouvelle puissance. Maintenant que l’adrénaline était retombée, la tête d’Élin tournait et des tremblements parcouraient ses entrailles.

— J’aime pas les… massages…

Elle sursauta et faillit lâcher Syd. Mais il s’accrocha à son tee-shirt déchiré, et tourna son visage vers la gamine pour qu’elle puisse apercevoir son sourire.

— T’as récupéré ? lâcha la blonde, circonspecte.
— Un peu… répondit-il honnêtement, essayant de se redresser mais retombant sur son épaule.
— T’as la joue enflée, t’es cheum, commenta-t-elle.
— Et toi… t’as une balafre sur le visage, t’essaie de te la jouer… comme une gangsta ?

Ils atteignirent un croisement, et malgré toute prudence, Élin se laissa glisser à terre, Syd s’allongeant jusqu’à poser sa tête sur ses jambes. Il était trop groggy pour protester et elle était trop fatiguée pour utiliser ses quelques neurones, de toute façon elle n’aimait pas les neurones, ça compliquait trop la vie. Souriante, elle leva une main pour caresser les cheveux crépus de Syd, comme son père avait caressé ses épis blonds quand elle faisait des cauchemars. Elle n’avait jamais pu toucher la tête du garçon, il était trop réservé pour aimer ce type de contact physique. Mais à présent il reposait contre ses genoux nus et elle pouvait poser sa paume contre sa joue et son front… ça lui faisait plaisir.

Élin sentait la puissance dans ses veines chauffer peu à peu, et s’écouler lentement vers tout ses membres. Il lui fallait juste du temps, encore un peu, et elle pourrait tirer Syd en dehors du repaire, ce serait même un promenade de santé. Ensuite elle préviendrait Leafer par Vokit. Elle n’avait pas peur. Elle ne le savait pas encore, mais elle n’aurait plus jamais peur.

Malheureusement, la vie est mal foutue, et on a rarement le temps que l’on souhaite.

Une Sbire rousse, une belle musicienne, une dresseuse se profila à l’autre bout d’un couloir. Elle les remarqua, ses yeux s’écarquillèrent avec rage, et elle fusa vers la paire d’enfant, sortant une Pokéball. Comme s’il reconnaissait son pas léger, gracieux, Syd ouvrit brutalement les yeux et trembla contre Élin, ses doigts se crispant et ripant sur le carrelage blanc.

— TOI ! cracha l’agent Plasma, pointant Syd du doigt, dominant les adolescents avec menace. T-Tu devrais être MORT !

Mais comme la vie est mal foutue pour tout le monde, et pas que pour nos héros, Élin ne fit qu’arquer un sourcil.

— Et sinon, vous avez d’autres hobbys que de souhaiter la mort à des enfants, ou ça se passe comment ?

Il y eut un blanc.

Puis Élin poussa doucement Syd sur le côté, saisit les Pokéball du garçon en plus des siennes, et se redressa. Elle libéra d’abord Baggy et Trucmuche, puis Roitiflam et la Léopardus—Riyah. Ensuite, elle flasha un sourire lumineux à la Sbire, posant une main nonchalante sur sa hanche.

— Vous avez dit que vous vous appelez comment, déjà ?

En réponse, l’agente ne fit qu’appeler sa propre équipe. Les regards des dresseuses s’aiguisèrent. Élin perçut distinctement que les Pokémon de la rousse n’étaient avec elle que depuis très peu de temps—ils étaient hésitants avec l’humaine. En plus, il n’y en avait que trois, et tous étaient bien plus faibles que Baggy et compagnie…

— Si je vous affronte, cela va être un massacre, informa-t-elle franchement la femme.

Ce fut un massacre. Évidemment que la femme voulut combattre, et les équipes d’Élin et Syd durent écraser la résistance futile des adversaires, les assommer. Cependant, un éclat de joie luisit faiblement, un instant de ce triste tedium. Syd se réveilla assez pour donner un ordre incertain à Riyah—et la Chacripan évolua en Léopardus au moment où le combat se terminait, poussant un fier feulement.

Le dresseur ferma les yeux, son cœur palpitant, et fronça les sourcils pour lutter contre son mal de crâne, cherchant un peu de joie quelque part dans ses entrailles. Il devait au moins paraître heureux pour sa Pokémon. Il devait au moins la féliciter…

— Bravo Riyah… !

Il comprit instantanément son erreur.
Riyah.
Ses yeux s’ouvrirent d’un coup et rencontrèrent les iris écarquillés de la Sbire.

— TU L’AS APPELÉE RIYAH ?

Elle hurla quelque chose de haineux et se jeta sur lui—un flou délavé l’intercepta brusquement et siffla—

Il leva un regard abasourdi sur la figure arqueboute d’Élin, le genou plié pour bloquer le coup de pied de l’agente. Quand avait-elle fait des arts martiaux ? Quand était-elle devenue si forte ? Qu’est-ce qu’elle faisait Arceus !

— Syd, grinça-t-elle à travers ses dents serrées, mais d’un ton gentil. Ferme les yeux.

Sans même réfléchir, il obéit. Car à côté de lui, elle était lumineuse.

Ainsi, Syd ne vit pas Élin ouvrir sa bouche et effrayer la Sbire d’un Lance Flamme, consumant le bas de ses tresses et écorchant son épaule sans la heurter de plein fouet. Il refusa d’entendre ce que la rousse hurla de terrifié avant de détaler. Il ne vit pas plus Élin luire d’une lueur trop blanche, tanguer et s’effondrer. Crachant du sang. Mais il sentit tout le Mont Foré trembler, et la montagne s’effondrer sur eux.

[…]

— Il faut sauver Élin et Syd ! cria Elsa, se levant précipitamment.

Leafer et Shazaa lui jetèrent un regard incrédule, mais c’était les yeux de Mélis qu’elle craignait le plus. Et ils étaient froids.

— Tu garderais Oscar ici alors qu’il a besoin de soins urgents ? répliqua-t-il avec colère, pointant le garçon inconscient du doigt.

La brune posa un regard paniqué sur son ami, dont les yeux papillonnaient encore, du sang s’écoulant lentement par la commissure de ses lèvres. Il était blanc comme le carrelage, à peine conscient, ses iris fuyant la lumière des néons brisés pour ne fixer que du vide. Shazaa le veillait, avait posé sa tête sur l’une de ses cuisses, mais il n’en semblait même pas conscient.

— Votre aventure s’arrête ici et tout de suite, affirma lourdement Mélis. Je reviendrai seul chercher Élin et Syd.

D’un coup il signala à Eoko d’entourer le groupe d’une Corde Sortie—Elsa s’élança vers le bord du périmètre—mais il l’attrapa et la plaqua à terre, grinçant furieusement « Vous n’êtes pas des héros ! ».

Un flash blanc les aveugla.
Et ils reprirent conscience à un kilomètre du Mont Foré, au beau milieu d’un océan de journalistes.

[…]

Iris sortit en trombe du Parlement, allumant immédiatement son Vokit et s’apprêtant à affronter une déferlante d’appels manqués.
Elle ne s’attendait pas à voir le visage de Ghétis sur tous les écrans géants de Janusia, son message joué en boucle depuis des heures.
Elle ne s’attendait pas à voir une partie du Mont Foré s’écrouler sur les exclamations affolées de dizaines de journalistes et de passants.
Elle ne s’attendait pas à recevoir un message angoissé de l’ex-Championne Aloé, son aînée de plus de vingt ans.
Et pourtant, en tant que Maîtresse, elle aurait dû prévoir que le pire se produirait encore.

Elle serra les dents, et leva ses iris violacés vers le ciel noir où les étoiles n’apparaissaient plus. À ses côtés, Percila, Pierris, Kunz et Anis se taisaient, observant leur jeune supérieure d’un air mesuré. Kunz seul osa poser une main sur son épaule, et lui seul entendit la dresseuse de Dragons répondre à Aloé :

— Je te transfère le contenu de mon Pokédex dans dix minutes.

[…]

Un néon éclata et il se dressa d’un bond, son mal de crâne s’intensifiant avec la motion brutale. Des fissures lézardaient les murs à présent, fusant à une vitesse folle vers leurs corps recroquevillés et Élin crachait du sang,
Élin crachait du sang

— Élin ! s’égosilla-t-il d’une voix rauque, tombant à quatre pattes donc son effort de rejoindre la blonde, écroulée à un mètre de lui. Élin…

Elle battit les cils, ricanant et plaquant une main à sa bouche, imprimant une marque sanglante sur la paume.

— Toi…

La montagne trembla à nouveau, il roula vers elle, évitant de peu un bloc de plâtre et de ciment. Un nuage de poussière s’éleva autour d’eux, volant à la rencontre d’une nuée d’étincelle et l’une d’elle écorcha sa nuque—il cria—

Syd ne sut pas comment cela arriva, exactement. Ils se retrouvèrent nez-à-nez, Élin juste sous lui qui contemplait son expression étourdie—et ensuite ils s’embrassèrent. Ce fut, ce fut peu élégant, elle se tendit difficilement pour atteindre ses lèvres, heurtant sa bouche sans aucune finesse, et il répondit trop brusquement—cela ne dura qu’un instant.

Mais ce fut assez pour transmettre tout leurs sentiments, indéfinissables, la douleur et la lourdeur d’être si liés sans être du même sexe. Cette seconde brutale fut assez pour faire éclater leur jalousie quand ils se voyaient ignorés, quand on leur préférait quelqu’un d’autre, quand ils perdaient un match, cette seconde fut suffisante pour toutes leurs questions d’adolescents, leurs envies et leurs incertitudes, cette seconde—

Tout leur amour.

Une seconde—

Élin retomba, et ses yeux ses voilèrent de rouge et puis d’inconscience.
N se matérialisa et secoua l’épaule de Syd, les lèvres de l’inconnu se mouvant en une phrase silencieuse.
Un flash blanc dissipa la Réalité de leur existence, et ils réapparurent de l’autre côté du Mont Foré, loin des journalistes.

[…]

N secoua de nouveau Syd, son visage désolé. Il contempla l’adolescent blessé, devinant que les traumatismes internes, la culpabilité, était bien plus douloureuse que les égratignures et les bleus.

— C’est moi… toussa le garçon, ce qu’N avait déjà deviné.
— Pourquoi ? demanda-t-il doucement.

Avec toute la compassion dont cet enfant aurait besoin, et qu’il n’aurait probablement pas si N connaissait bien les Humains.

— Mon frère… grimaça-t-il. Otis Redding-Park… À l’hôpital des Quinze-dix de Maillard… S’il-vous-plaît…

Devant lui, le Gijinka ferma les yeux et déglutit lourdement. Il savait qu’écouter ce dresseur signifiait violer les règles les plus élémentaires des Nirenhua. S’investir dans la vie des Humains sans l’autorité des Dieux. Mais… Mais Zekrom ne l’avait pas encore appelé, n’avait pas complété la transformation…

— Je guérirai ton frère, souffla-t-il.

Il passa deux index sur les yeux de Syd, qui s’endormit instantanément. Puis il jeta un œil à l’autre enfant, la petite blonde… et vit que sa métamorphose commençait. Pauvre gamine. Elle aussi, elle était condamnée… Condamnée à servir, condamnée à survivre. La signification exacte de cette phrase en ancien Kantonnais avait été perdue avec le temps, et les traductions. Mais les deux sens ne décrivaient que trop biens la condition Gijinka. Et dans quelques années, N n’aurait même plus la volonté d’en être écœuré.

Mais avant la fin…
Avant la fin, il soignerait le frère de ce garçon.

Il s'agenouilla à côté de la petite blonde et passa une main sur son front en sueur. Cette enfant représentait son antithèse et son double, son ennemie et sa face cachée. Cette enfant surgissait de son passé...

— Élue du Réel... mumura-t-il doucement. Malgré les expériences de Nikolaî.

N se téléporta.
Derrière les deux enfants, le Mont Foré s’effondra pour de bon.


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FIN DE LA SAISON 2
(je repasserai pour les fautes, doit y en avoir quelques unes de moches n'est-ce pas)
Prognostics ?