Le destin des Primordiaux de Malak

J’entends souvent sa voix, désormais. Celle de cet être éternel qui attendait depuis si longtemps au fin fond du Puis des Abysses. L'Ennemi. Sa voix dans ma tête me murmure les prévisions de ma défaite. En empêchant l’Eternité de se libérer, en la gardant pour moi et pour tous les Pokemon du monde, j’ai retardé son retour. Mais retardé seulement. Que sont cinq siècles de plus ou de moins pour cet être qui était déjà là avant même la naissance de l’humanité ?



*****



Erend savait qu’il restait encore pas mal d’Akyr dans l’immense salle, que ses compagnons devaient encore affronter. Il aurait dû aller les aider, mais pour le moment, il ne se souciait que d’une chose : ses deux adversaires en face de lui qui tentaient de le tuer. Castel et Venamia. Venamia et Castel. Le meurtrier de sa mère et de son demi-frère, ainsi que la meurtrière de son père et son ennemie jurée. Sur un pont vers le bas de la salle du générateur, perchés au-dessus du vide énergétique, les trois détenteurs de Dieux Guerriers s’affrontaient. Sous leurs formes Armes, Triseïdon, Hafodes et Ecleus résonnaient entre eux, leurs chocs produisant des étincelles de foudre, d’eau ou de feu. Unis comme ils l’étaient à leurs Pokemon en Vifacier, plus rien pour eux ne comptaient en dehors de cet affrontement.

Erend, seul contre deux, étaient forcés de reculer tout en donnant ses coups. Par chance, le trident de Triseïdon était le plus maniable et le plus léger des Dieux Guerriers, et Erend pouvait l’utiliser d’une main, et de l’autre, manier son épée Espérance. Sans cela, il aurait vite été surmené pour bloquer les attaques de ses adversaires. Mais tout en se défendant, il ripostait aussi avec fureur. Il ne devait donner aucun répit à ces deux-là, pas une seule seconde, sinon ils trouveront le temps de passer en Revêtarme, et alors là, ce serait game over pour Erend, car des trois, il était le seul à ne pas contrôler cette forme.

Il remarqua vite que ses attaques et parades étaient de loin les plus précises, ce qui impliquait que, des trois détenteurs de Dieux Guerriers, il était celui qui parvenait le mieux à se synchroniser avec le Vifacier. Ça avait du sens d’ailleurs ; il avait plus de Vifacier que les deux autres, vu qu’il tenait aussi Espérance, et il avait eu l’occasion de s’entraîner à lier son esprit à Triseïdon dans son combat contre l’Akyr Propagateur. Il aimait croire également que sa relation avec son Dieu Guerrier était bien plus forte que celle des deux autres avec les leurs.

Toutefois, l’avantage d’Erend dans ce domaine se faisait bien vite compenser par le fait qu’il avait deux adversaires à la fois, et surtout, par le talent Futuriste de Venamia qui lui venait directement d’Horrorscor. La Dirigeante Suprême était capable à tout moment d’entrevoir l’avenir immédiat et de l’analyser très rapidement, ce qui la rendait tout à fait redoutable en combat, et plus encore en combat rapproché. Elle voyait les attaques d’Erend avant même qu’il ne les pense.

Mercutio Crust, qui avait affronté sa sœur lors de la bataille d’Hoenn, lui avait donné un conseil, justement au cas où Erend aurait été amené à la combattre. Pour brouiller les visions de Venamia, il ne fallait pas trop réfléchir, et agir à l’instinct. Il y avait toutefois un petit problème : Erend ne cessait jamais de réfléchir. C’était dans sa nature. Il montait des plans, prévoyaient des contre-attaques, réfléchissaient dix coups à l’avance. C’était ça qui le rendait si redoutable. Il était tout à fait incapable d’agir en improvisant comme ce simplet de Mercutio Crust.

Les trois combattants avaient débuté leur affrontement par de simples coups, sans y mettre les puissances respectives de leurs Pokemon. Après tout, les formes Armes des Dieux Guerriers portaient bien leurs noms : elles avaient, toutes les trois, vocation à causer la mort aussi sûrement qu’une épée, si ce n’était plus. Que ce soit la pointe centrale du trident, les cornes de la fourche ou le tranchant de l’éclair, ils auraient entamé la chair humaine et même les os sans aucune difficulté.

Le premier qui brisa ce duel sans utilisation d’attaques fut Castel. Alors qu’Erend venait de baisser les genoux pour bloquer une attaque descendante de Venamia, le fondateur de Cinhol, au lieu d’en profiter en visant les jambes d’Erend, fit naître une boule de feu au sommet de sa fourche pour la lancer sur lui. Sans se dégager - ce qui aurait permis à Venamia d’attaquer à revers - il invoqua avec son trident un bouclier de glace qui arrêta l’attaque feu dans un déluge de vapeur. Erend en profita pour geler le pont d’un seul coup de trident, et sauta sur un autre plus bas en étant porté par une plate-forme d’eau qu’il contrôlait. Quand la vapeur se dissipa, Venamia fusilla Castel du regard.

- Vous nous avez fait quoi là ? On le tenait !

- Vraiment ?

- Il vous suffisiez de le prendre par en bas. Votre attaque feu lui a juste permis de gagner du temps et de s’échapper !

- Toutes mes excuses, Dirigeante Suprême. Je crains de ne pas avoir d’œil magique qui voit le futur, moi.

Venamia secoua la tête, comme atterrée par l’incompétence de son allié du moment, et, en prenant garde à ne pas glisser sur le sol désormais gelé, elle sauta à la suite d’Erend sur le pont plus bas, se servant de l’énergie électrique d’Ecleus contre le sol métallique pour amortir sa chute. Erend l’attendait, et avait déjà créé plusieurs boules d’eau qu’il maintenait en lévitation au-dessus de lui, prêtes à viser son ennemi à son commandement. Sans se soucier le moins du monde de ces missiles improvisées, Venamia avança tranquillement.

- Je t’ai connu plus réfléchi, fit-elle à son ennemi et rival. Il m’a toujours semblé que ton intellect était supérieur à ta fierté. Tu devrais donc sans mal additionner un et un pour comprendre que tu ne pourras pas nous battre, Castel et moi. Tu t’es toujours crée une sortie de secours ; que ce soit à Safrania, à Doublonville, à Hoenn… et je t’admire pour ça. Alors donc, pourquoi avoir changé ton fusil d’épaule ? Pourquoi tu te bats, sachant très bien que c’est futile ? J’ose espérer que tu n’as pas été contaminé par l’héroïsme navrant et stupide de mon frère ? Ou les mièvrerie idéaliste de ta soi-disant Reine de l’Innocence ?

- Si ça avait été le cas, on aurait très bien signer dès à présent une armistice en bonne et due forme, car je perdrai la guerre avant même de la commencer, répondit Erend. C’est moi qui me sert de ton Mélénis de demi-frère et d’Eryl ; pas le contraire.

- Ça me rassure. Mais dans ce cas, pourquoi t’obstiner alors que ça ne découlera sur rien du tout ?

- Je dois admettre que je n’ai pas de porte de sortie cette fois. Alors, entre la mort à genoux ou la mort en combattant, je préfère la seconde solution, par fierté comme tu dis.

- Il peut y en avoir une autre, insista Venamia. Tu n’es pas obligé de mourir. Je t’aime bien, Erend Igeus. Tu me ressembles. Joins-toi donc à moi ! Je n’ai plus aucune rancœur contre toi concernant mon frère Lusso. Rends-moi mon fils, et jure-moi allégeance. Nous nous débarrasserons de Memnark ensemble, et nous gouvernerons ce monde ensemble. Nous pourrons même fonder une dynastie !

- Carrément ? S’amusa Erend.

- Oui, répondit sérieusement Venamia. Imagine un peu ce que pourrait faire un enfant issu de nous deux ? Nous lui léguerons nos Dieux Guerriers, et notre empire mondial. Le monde sera uni et en paix sous sa direction, puis celle de ses héritiers. Tu veux laisser ton nom dans l’Histoire, n’est-ce pas ? Et puis nous vivrons heureux, toi et moi. Nous nous sommes combattus, mais nous sommes faits l’un pour l’autre, c’est évident !

Erend se rendit compte avec inquiétude que Venamia semblait réellement croire à son délire et vouloir le convaincre. Castel, qui les avait rejoint, attendait derrière Venamia en écoutant.

- C’est une proposition vraiment alléchante, commença Erend, et je suis honoré que tu penses à moi de cette façon, mais… y’a quelques points qui s’opposent à notre vie commune de dictateurs mondiaux. Par exemple, le fait que tu héberges dans ton corps un Pokemon antique maléfique qui ne rêve que de voir se rependre la corruption. Ou encore, le fait que tu n’as aucun respect pour la vie humaine. Ah, et que tu es une femme cruelle, mégalo, retorse, instable, tyrannique, sociopathe, égoïste, xénophobe, sadique… j’ai dit mégalo ? Je sais plus à force ; tes qualités sont tellement nombreuses…

- J’en aurai au moins une de plus que toi : je serai victorieuse.

Venamia tira un énorme éclair, qu’Erend dévia avec un mur de glace. Mais le mur se brisa avec une violence inouïe, envoyant des éclats partout sur Erend. Ce dernier fut forcé de reculer et de se protéger le visage ; une distraction qui suffit à Castel pour se relancer dans la bataille en passant devant Venamia et en fonçant sur Erend. Pour se protéger, Igeus envoya ses missiles boules d’eau à la rencontre de l’ancien roi plutôt que sur Venamia. Castel les contra une à une, sans arrêter sa course mais en ralentissant quelque peu. Erend décida alors que la meilleure défense était l’attaque, et courut vers lui alors qu’il était encore occupé par les boules d’eau.

Mais une puissante attaque foudre, venue de Venamia, frappa soudainement Castel. Une attaque entièrement stoppé et attiré par la fourche d’Hafodes, comme un paratonnerre. Comme Hafodes était de type Sol, l’électricité n’avait aucun effet sur lui et il n’était pas un conducteur, ce qui faisait que Castel ne sentait rien. En revanche, ce n’était pas le cas de Triseïdon et Erend. Ce dernier renonça à utiliser son trident, et frappa plutôt avec son épée Espérance. Castel, fort de ses années d’expérience avec ces armes-là, para avec le milieu de la fourche d’Hafodes, arrêtant l’épée à quelque centimètres de son visage. Son visage brouillé, crispé par l’effort, se tordit encore plus avec un sourire.

- Encore cette épée… Elle a beau avoir blanchi, je la retrouve toujours sur son chemin.

Castel savait de quoi il parlait bien sûr. Avant de devenir la rayonnante Espérance, cette épée se nommait Peine, avait une totalement noire et avait été l’arme attitré d’Uriel, le vieil ami puis rival de Castel, et également l’ancêtre d’Erend. Une épée inextricablement lié à la famille d’Erend, et au destin de Castel. Erend, qui n’avait que mépris envers cet ancien tyran dévoyé, redoubla de force et accentua la pression sur la fourche d’Hafodes.

- Tu trouves que tu n’en as pas assez fait, Haldar ? Cracha Erend. J’étais prêt à te mettre dans la catégorie des débiles, pour t’être laissé manipuler par Enysia, plutôt que dans celle des grands salopards de ce monde. Mais voilà que tu fais copain-copain avec Venamia ?! Après t’être battu avec moi contre Enysia pour défendre Arceus ? Tu as un sacré culot !

- Ça n’a rien à voir, répliqua Castel. Je t’ai aidé contre Enysia par souci de vengeance, pas pour me racheter une conduite. J’ai toujours cru au pouvoir et à la domination pour bien gouverner, et Lady Venamia me semble être celle qui faut pour ce monde, et pour combattre Memnark et ses Akyr. C’est tout. Ça n’a rien de personnel contre toi, Igeus… et ça n’avait rien non plus de personnel concernant ta mère et ton frère.

C’était la chose qu’il ne fallait pas dire. Erend sentit sa haine grimper de 200%, et comme le Vifacier réagissait beaucoup aux émotions humaines, Espérance et Triseïdon le ressentirent aussi. La blanche épée devint un peu plus sombre, et l’eau qui entourait constamment le trident de Triseïdon se mit à siffler et à bouillir. Avec un cri, Erend fit naître une déferlante d’eau bouillante qui entraîna Castel vers le vide. Il fit s’évaporer l’eau avec ses flammes, et utiliser une puissante attaque feu contre une des parois pour remonter en sens arrière vers un autre pont.

- Imbécile, le conspua Triseïdon mentalement. Tu ne dois pas te servir de moi en étant plein de haine et d’émotions ! Ça, c’est bon pour Hafodes.

Erend le savait, et s’efforça de se calmer. Chacun des Dieux Guerriers avait sa personnalité, et celle-ci influençait leur porteur ou la façon dont ils se battaient. Hafodes, en bon Pokemon feu bourrin qu’il était, appréciait la force et le déferlement d’émotions en tout genre. Ecleus préférait chez ses maîtres la ruse, l’ingéniosité et la stratégie. Quant à Triseïdon, qu’Erend avait hérité de son demi-frère Zayne, il ne jurait que par la volonté neutre et calme de justice et l’idéal de l’ordre. C’étaient les Dieux Guerriers qui choisissaient leurs maîtres, et pas le contraire. Si jamais Erend devait changer, abandonner son flegme pour se laisser emporter par la colère et le désir égoïste, Triseïdon ne fonctionnerait plus pour lui.

Aussi donc, quand Venamia fut sur lui, Erend l’accueillit en tâchant de se vider l’esprit, et en laissant le Vifacier faire agir son corps instinctivement. Contrer, parade, se baisser, attaquer au flanc droit… En étant en symbiose avec Triseïdon, Erend faisait tout cela sans réfléchir. Espérance renforçait le lien entre Erend et le Dieu Guerrier, à un niveau qu’était loin d’égaler Venamia. Elle avait beau voir tous ses gestes à l’avance, ils se brouillaient dans sa tête parmi plein d’autres possibilités, car son œil Futuriste ne pouvait pas percevoir ce qu’avait prévu un Pokemon immobile sous sa forme Arme.

Castel revint sur le pont avec un atterrissage enflammé. Il prit Erend par derrière, tandis que Venamia ne le lâchait pas devant. Erend fut obligé de se défendre sur deux fronts, avec Triseïdon d’un côté, et Espérance de l’autre. Sa symbiose avec ses armes en Vifacier était à son maximum, et il put tenir sur le moment. Ça n’allait bien sûr pas pouvoir durer, mais il fut quand même ravi entre temps de voir l’incertitude et la confusion se peindre sur le visage de Venamia. Elle n’avait pas prévu qu’Erend soit aussi difficile à maîtriser, et ne s’expliquait pas d’où lui venait cette soudaine maîtrise.

Castel lui, ne paraissait pas surpris, mais étrangement satisfait. Tandis que Venamia hésitait dans ses attaques et était plus prudente, l’ancien roi de Cinhol se voulait bien plus violent. Erend ne pouvait plus tenir sur deux fronts à la fois, et utilisa un jet d’eau contre le sol pour effectuer un retourné dans les airs qui l’amena directement derrière Venamia. Castel s’avança pour se mettre à la hauteur de son allié, et frappa. Erend, d’un même mouvement, bloqua l’éclair et la fourche avec son trident. Les trois Armes se rencontrèrent au même moment, et de leur rencontre naquit un son sourd mêlant le bruit de l’eau, de l’électricité et des flammes.

Ce choc fut comme une plainte déchirante aux oreilles des trois humains, comme si les Dieux Guerriers eux-mêmes souffraient, victime d’un combat qu’ils ne voulaient pas. Erend saisissait sans mal tout l’absurde de la situation. Leur créateur, Memnark, se trouvait non loin à vouloir conquérir ce monde, et pendant ce temps, les possesseurs de Dieux Guerriers, qui auraient dû s’unir pour le combattre et protéger leur monde commun, se déchiraient entre eux. Erend pouvait bien prétendre que c’était de la faute de Venamia et de Castel, mais il savait très bien qu’il avait sa propre part de responsabilité.

Nous sommes vraiment stupides, nous autres humains, hein, Triseïdon ? Songea Erend avec ironie et tristesse. Le Dieu Guerrier ne répondit pas. Sans doute était-il déçu de son maître. Après tout, à l’origine, il avait choisi Zayne. Erend n’en avait hérité qu’à sa mort par défaut. Zayne aurait été un bien meilleur maître que lui, c’était certain. Le défunt frère d’Erend n’avait jamais possédé son intellect ni sa capacité à fomenter des plans fumeux, mais il avait toujours été quelqu’un de sincère, de franc et qui écoutait son cœur. Bref, tout le contraire d’Erend, en somme. Alors, qu’est-ce que Triseïdon avait bien pu trouver en Erend pour accepter de lui appartenir en lieu et place de Zayne ?

Quand les trois Dieux Guerriers se séparèrent, cet instant, qui avait duré deux secondes en réalité mais bien une heure dans l’esprit de chacun des trois humains, se brisa. Castel et Venamia avaient l’air eux aussi troublé. Tout comme Erend, ils avaient dû se rendre compte de quelque chose. Mais Castel passa visiblement outre, en passant sa forme Revêtarme, apparemment décidé à en finir. Avec une seconde d’hésitation, Venamia fit de même. Erend se trouvait face à ses deux ennemis en armure et contrôlant parfaitement les pouvoirs des Dieux Guerriers. Erend était incapable de faire comme eux, et savait qu’il était fichu. Mais il ne baissa toutefois pas son trident. Il était prêt à combattre ces deux là sous leur forme ultime, même en sachant sa défaite inéluctable.

Mais avant qu’il n’ait pu attaquer, il se passa soudain une chose qui l’arrêta dans son élan, et qui laissa ses adversaires surpris. Le trident de Triseïdon venait de se mettre à briller, d’un éclat bleu et blanc qui faisait mal aux yeux. Erend sentit quelque chose de froid l’envahir peu à peu en partant de sa main. Ça ressemblait à de la gelée bleue qui sortait du trident, de l’eau mais à l’état presque solide. Et alors, le trident produisit un bruit comme quand il passait de sa forme Arme à sa forme Pokemon, et Erend sentit ses membres se paralyser peu à peu, comme si on les enfermait dans une boite de conserve. Triseïdon était en train de recouvrir le corps d’Erend de sa texture de Vifacier. Devant ce spectacle, Venamia cligna des yeux et serra les dents de rage.

- Comment… Impossible !

Castel, lui, sourit largement et dit simplement :

- Enfin…

Quand l’éclat de Triseïdon cessa, Erend put observer son corps, et retint un hoquet de stupeur. Il portait désormais une armure bleue et blanche, sertie de piques ci et là, avec surtout un caste orné d’une pointe telle une licorne. Avec tout cet attirail, Erend craignit de ne plus pouvoir bouger un seul muscle, mais en réalité, c’était comme si l’armure n’était pas là. Elle ne pesait rien, Erend n’avait aucune difficulté à se mouvoir. Mieux encore, il ressentait l’esprit de Triseïdon comme s’il était le sien ; une symbiose supérieure à tout ce qu’ils auraient pu parvenir sous forme Arme. Il pouvait ressentir l’eau. Il était l’eau. Faire apparaître des torrents d’eau à toute puissance ou des lasers de glace lui semblait à présent tout à fait naturel. Ce n’est qu’après avoir analysé tout cela sur lui-même qu’Erend parvint à la conclusion logique : lui et Triseïdon étaient passés en mode Revêtarme.

- Comment as-tu pu ?! Cracha Venamia. Memnark ne t’a pas débloqué ce mode ! Alors comment ?!

Erend aurait bien aimé lui répondre ironiquement de façon à la rendre encore plus furieuse, mais hélas, il n’avait pas la réponse. Il ne comprenait pas ce qu’il s’était passé. Ce fut Castel qui répondit, toujours avec le sourire.

- Memnark peut débloquer cette forme manuellement, mais elle est aussi accessible naturellement aux détenteurs, comme le trio légendaire de Mélénis l’ont prouvé il y a des millénaires en devenant les premiers utilisateurs du Revêtarme. Quand le Dieu Guerrier et l’humain ne font plus qu’un en combat, débloquer le Revêtarme devient possible.

Venamia regarda Castel d’un air soupçonneux.

- Ça a l’air de vous faire plaisir…

- Et pour cause : c’était mon plan depuis le début.

Venamia et Erend, avec une synchronisation parfaite inhabituelle, restèrent tous les deux bouche bée un moment.

- Que… dites-vous ? Demanda finalement la Dirigeante Suprême.

- Je savais qu’Igeus était le seul de nous trois qui ne contrôlait pas le Revêtarme, ce qui le rendait vulnérable face à vous, expliqua Castel. Evidemment, Memnark ne l’aurait pas débloqué pour lui, alors il a fallu un peu forcer la chose. Je me doutais qu’en réunissant les trois Dieux Guerriers et en les faisant s’affronter, ils entreraient en symbiose comme ils viennent juste de le faire il y a quelque seconde. Vous l’avez ressenti, tous les deux, n’est-ce pas ? Eh bien, quand Venamia et moi sommes passés en Revêtarme, Triseïdon, qui était encore en symbiose avec ses frères, a en quelque sorte compris comment faire. Bien évidemment, il n’aurait jamais pu si l’esprit d’Erend Igeus n’avait pas été compatible. Il lui fallait une réelle motivation de se battre malgré tout, une détermination qui aurait pénétré jusqu’aux tréfonds de l’âme de Triseïdon. C’est pour cela que je t’ai un peu provoqué tout à l’heure, Erend, en citant ta mère et ton frère. Je te prie de m’excuser pour cela, mais c’était nécessaire.

Erend ne comprenait pas. Castel se serait donc allié avec Venamia et lancé dans ce combat contre Erend pour… l’aider à contrôler le Revêtarme ?! Lui, Castel Haldar ? Venamia fut la première à réagir, et elle pointa un index tremblant et accusateur sur Castel.

- Toi… alors… tu es un traître depuis le début ?!

- Un traître ? S’étonna Castel. Nullement. Je n’ai jamais été de votre côté.

- Tu t’es servi de moi pour aider Igeus ?

- Vous avez l’art de savoir énoncer des évidences sur un ton mélodramatique. Oui, c’était le but. Faire combattre Triseïdon contre ses deux frères, le pousser à bout, lui et Igeus, pour qu’ils parviennent ensemble à débloquer le Revêtarme. Je n’avais aucune intention de le tuer ni même de vous aider à vous emparer de Triseïdon. Même si j’ai abandonné ce monde, il me répugne de penser que ce soit une personne telle que vous qui en hérite. Parce que j’étais comme vous autrefois, Lady Venamia… non, Siena Crust. J’étais un malade mental égocentrique et tyrannique. J’ai fait du mal à bien des gens, dont Erend Igeus ici présent. Je ne pourrai jamais totalement me racheter envers lui. Je ne peux que l’aider comme je peux, que ce soit contre Memnark… ou contre vous.

C’en était presque comique, la tronche que tirait Venamia à cet instant. Elle qui manipulait tout le monde depuis longtemps, elle ne comprenait pas comment elle avait pu être trompée de la sorte, et en fut réduit à enchaîner les jurons avec hargne.

- Castel Haldar… sale pourriture ! Ignoble merde ! Déchet de Tadmorv !

- Oui, je suis un peu de ça, admit Castel. Mais je ne suis plus Castel Haldar. J’ai fait la paix avec son souvenir, mais il ne me retient plus. Je suis Adam Velgos, un pauvre orphelin ayant grandi dans une académie et qui avait peur des Pokemon.

De rage, Venamia hurla et fondit sur lui, son poing faisant apparaître un immense éclair, mais qui, sur l’armure d’Hafodes, n’eut aucun effet. Castel la repoussa avec un jet de flamme qui lui eut clairement de l’effet sur le Pokemon Acier qu’était Ecleus.

- Hafodes est de type Sol, fit calmement Castel. Votre foudre ne peut rien contre moi. En revanche, Ecleus craint le type Feu. Vous voulez vraiment vous battre, maintenant que vous êtes en infériorité.

En dépit de sa colère, Venamia n’était pas dupe de la situation. Elle n’aurait peut-être pas été capable de vaincre Castel seul, alors ajoutez à ça Erend qui venait juste de maîtriser le Revêtarme, et sa défaite ne faisait aucun doute. Avec un dernier cri de rage, Venamia déploya ses ailes et s’envola hors de la pyramide. Erend et Castel, qui n’avaient pas d’ailes, ne purent donc pas la pourchasser. Erend n’avait toujours pas très bien assimilé ce qui venait de se passer, mais il semblait donc que Castel n’était pas un ennemi.

- Si tu attends un merci Haldar, tu peux courir, fit Erend. Je ne t’ai rien demandé.

- Non. Mais j’ai quand même agi. Vois ça comme une attitude égoïste de ma part ; je ne tenais pas à ce que cette Venamia indigne s’empare d’Excalord, et donc après du monde.

- Comment cela se fait-il que tu sois là ? Les nouvelles de l’invasion du monde ont déjà atteint les coins les plus reculés de Cinhol ?

- Ce sont Leaf et Deornas qui sont venus me demander de l’aide, expliqua Castel. Leaf l’a fait derrière ton dos apparemment. Mais ça m’est égal. C’est aussi pour elle que je suis là. Je lui dois bien ça…

Leaf… évidement. Erend n’avait pas oublié que c’était elle qui avait rencontré en premier Adam Velgos, et que les deux ont eu de tendres sentiments à l’égard de l’autre avant que la vraie personnalité de Castel en Adam ne prenne le dessus. Si Erend aurait voulu, il aurait pu la faire inculper pour trahison. Elle était allée directement à l’encontre de ses ordres !

- Ta présence ne change rien au final, dit Erend d’un air mauvais. Nous avions besoins des trois Dieux Guerriers pour réveiller Excalord, et Venamia s’est tirée avec Ecleus.

- Trois Dieux Guerriers auraient été bien, avoua Castel. Mais deux est toujours mieux qu’un seul. Nous avons quand même Excalord sous sa forme Arme, et ton alliée Primordiale. Nous avons tous les deux le Revêtarme. Nous pourrons faire front contre Memnark, tout comme nous l’avons fait comme Enysia.

- Et nous aurons à le faire très bientôt, fit une voix.

Nuelfa venait de les rejoindre sur le pont. Elle ne fit aucun commentaire sur la présence de Castel, comme si elle était toute naturelle.

- Memnark a pris le sommet de la pyramide, et a fait revenir tous les Akyr qu’il a envoyé conquérir vos plus grandes villes, dont l’Akyr Irradié et Galvaniseur, les deux derniers de Première Classe. Il contrôle désormais la cité. Il nous faut nous regrouper dehors et contrattaquer au plus vite.

Castel hocha la tête et la suivit. Erend mis de côté son dégoût pour le personnage et marcha à sa suite, avec quand même dans l’idée de le garder à l’œil. S’il avait pu tromper si facilement Venamia, Erend n’était pas à l’abri.