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Le Démon Roi - Première partie de Edetalelric



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Informations

» Auteur : Edetalelric - Voir le profil
» Créé le 29/11/2016 à 21:26
» Dernière mise à jour le 29/08/2017 à 00:48

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Présence de transformations ou de change   Science fiction

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2 - Le Guerrier
Une foule de pensées l’avait envahi alors qu’il se dirigeait vers la loge du prêtre. Il était convaincu qu’il aurait dû mettre ses arguments par écrit, car tous se bousculaient dans sa tête. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il avait timidement frappé à la porte. Il entendit pourtant le prêtre l’inviter à entrer. L’homme fronça les sourcils, expira longuement puis entra d’un pas décidé dans la chambre. Le mobilier était tel qu’il l’avait imaginé : le prêtre passait ses nuits sur un lit simple comportant deux tiroirs, ses affaires étaient posées sur une commode à portée de main, et un bureau surchargé de paperasse témoignait d’une activité importante. Seule une représentation du Démon Roi siégeant sur son trône d’or brisait la monotonie des murs blanchâtres. Le propriétaire de la chambre venait de se lever de sa couche, afin de saisir la main de son visiteur. Le guerrier la lui tendit, tout en essayant de calmer ses tremblements qui trahissaient son anxiété. Malgré ses efforts, le prêtre dût remarquer son inquiétude car il lui proposa avec un grand sourire la chaise située près du bureau ainsi qu’un thé. Le guerrier fût soulagé d’une telle amabilité, et clarifia ses idées. Une seule demande. Il lui suffisait d’adresser sa requête au prêtre, le reste viendrait ensuite.

« Mon père. Je viens vous demander l’accès à l’armurerie. » Aussi inconcevable que cela puisse paraître au guerrier que l’accès à l’armurerie se fasse selon l’accord de l’ordre du Démon Roi ; la religion était toute puissante au sein du Fort-Marie, il était par conséquent contraint d’en passer par là.

Son interlocuteur fût visiblement étonné. L’accès à l’armurerie était réservé aux cas d’urgences et pour certains exercices ; une telle demande était sans doute hors du commun. Après un silence frustrant, c’est tout naturellement qu’il demanda :
« Dans quel but, je vous prie ? »

Le guerrier ferma les yeux et prit une profonde inspiration. C’est précisément cette question inévitable qu’il avait redouté. Avec le plus de conviction possible, il haussa la voix et dit d’un air résolu :

« Je souhaite m’aventurer à l’extérieur du Fort. »

Le silence qui suivit fut le plus long et le plus pesant que le guerrier n’avait jamais vécu. Les yeux ébahis du prêtre attestaient de son incrédulité. Le guerrier ne fut pas choqué lorsque l’allocutaire lui demanda de répéter ce qu’il venait de dire.

« Je souhaite sortir de l’enceinte du Fort-Marie. Attendez… Laissez-moi vous expliquer. J’ai plusieurs objectifs. Premièrement, il n’est quasiment plus possible pour un homme de trouver une femme qui ne soit pas sa cousine éloignée. Il est nécessaire d’aller à la rencontre des autres forts ! Peut-être ont-ils une technologie plus avancée que la nôtre et pourront nous venir en aide une fois qu’ils connaîtront notre position ! » Lorsque le prêtre s’apprêta à dire quelque chose, le locuteur se pressa de continuer son argumentation :

« Non non non attendez ! Deuxièmement, je voudrais en apprendre plus sur les Pokémons. Et s’il y avait un moyen de neutraliser les mutants ?! Et si, et s’il existait des Pokémons capables de soigner ?! Peut-être que nous pourrions les étudier, ils n’ont pas l’air d’être affectés par la grippe brûlante ! Il suffirait que j’en ramène un petit spécimen, mort ou vivant, et-
-TAISEZ-VOUS ! »

Le guerrier, surpris, laissa percevoir une brève inspiration lorsque le prêtre l’interrompit. Légèrement timide au début de son discours, il s’était montré de plus en plus enthousiaste, et la voix puissante du prêtre avait refroidit tous ses espoirs. Son expression pleine d’aspirations se transforma subitement en appréhension lorsque le prêtre reprit la parole :

« Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Vous ne tiendriez pas deux minutes dehors ! La garde compte déjà peu de membres, une perte inutile n’est pas souhaitable ! Ecoutez, je sais ce que vous ressentez, mais croyez-moi, les serviteurs du Démon-Roi ne vont plus tarder à nous venir en aide ! »

Le guerrier s’était attendu à cette réponse. Il avait préparé de nombreuses répliques, et s’était suffisamment entraîné pour déterminer laquelle serait la plus appropriée. Pourtant, c’est sans se contrôler qu’il explosa de colère en criant :

« Cela fait mille ans que nous attendons les serviteurs de votre Démon Roi emprisonnés dans notre abri ! Ne comprenez-vous pas qu’ils nous ont abandonnés ? »

Ces paroles n’étaient pas celles que l’hôte avait voulu prononcer, néanmoins celui-ci réalisa qu’il s’agissait de sa pensée. Il regrettait d’avoir crié sur le prêtre, comme il regrettait d’avoir insinué que la Religion mentait. Cette fois-ci, le guerrier ne sût pas à quelle réaction s’attendre. C’est avec ébahissement qu’il constata que le prêtre souriait. Sa tête était baissée, et il se frottait les yeux, mais il en était certain. Le prêtre souriait. Il l’entendit murmurer :
« Exactement mille ans….
-comment ? Je vous demande pardon, mon père, mes paroles ont dépassé ma pensée…
-Ecoutez. Vous n’avez pas vécu ce qu’il s’est passé il y a 29 ans. Moi si. Je comprends que vous puissiez douter, mais j’en suis certain, les serviteurs du Démon Roi ne tarderont pas.
-Comment pouvez-vous en être certain, mon père… ?
-J’ai la Foi ! Et, à vrai dire –il prit une pause qui trahit son hésitation- peut-être même une preuve. » Les yeux du prêtre étaient désormais emplis de conviction. Son regard était rassurant, tout en étant tourné vers l’avenir. Il reprit la parole immédiatement :

« J’ai peut-être la confirmation que les serviteurs du Démon Roi seront très bientôt parmi nous. Si je vous présentais mon raisonnement, accepteriez-vous de témoigner durant mon discours ce soir ? » Après un bref instant de réflexion, le guerrier accepta. Il lut et relut les passages d’un journal datant de 2000 ans indiqués par le prêtre, puis réfléchit. Si ce livre décrivait la vérité, les démons arriveraient dans quelques mois. Cependant la probabilité qu’il s’agisse d’un canular le faisait douter sur l’authenticité de l’ouvrage. Lorsqu’il fit part de sa réflexion au prêtre, celui-ci l’invita à le suivre. Son guide le mena dans une salle inconnue du guerrier dans lequel se trouvait un engin de toute évidence électronique, doté d’un écran de 30 centimètres de côté.
« Est-ce… une télévision ?
-Tout à fait. Le champ en laser pompe quasiment toute l’énergie du barrage, ce qui fait que j’ai dû patienter quelques mois avant de pouvoir l’allumer. Mais je peux la faire fonctionner le temps nécessaire à la lecture de ces cassettes. » Le prêtre tenait dans sa main trois boîtes contenant des cassettes noires. Il les introduisit une par une dans une fente afin qu’ils puissent les visionner sur l’écran.

La première exposait tout d’abord un journal télévisé datant du 5 juillet 2400 après J-C, révélant les images de l’explosion nucléaire ainsi que les effets sur la nature locale. Plusieurs journaux s’ensuivaient jusqu’au dernier datant du 10 mai 2900 après J-C qui montrait l’intégration des Pokémons dans la société.

La seconde, ne contenant également que des journaux télévisés, balayait une période très brève : la première émission datait du 15 janvier 4005 tandis que la dernière présentait l’émission du 18 avril de la même année. Les deux hommes purent observer l’apparition d’un Pokémon néfaste noir aux yeux bleus coiffé de blanc et portant un collier rouge qui souhaitait installer les ténèbres sur Terre afin d’en faire sa demeure. C’est avec fascination qu’ils suivirent l’intervention de quatre acolytes qui réussirent à vaincre le Pokémon au terme de quelques mois, utilisant des jets lumineux ainsi que des armes gigantesques. Le groupe était visiblement constitué de deux équipes : Deux des compagnons possédaient des livres qui permettaient à leur coéquipier de lancer des attaques surhumaines. Il était évident qu’il ne s’agissait pas de Pokémons. Aucun des membres ne consentit à dire un mot lorsqu’ils furent interceptés par la presse.

Enfin, la troisième filmait la catastrophe de l’année 5011 et l’apparition des mutants en les décrivant comme des créatures capables de sentir la présence des humains. Les spectateurs eurent l’occasion d’apercevoir les migrations en masse des populations vers les abris tout comme les efforts vains des armées afin de repousser la menace, malheureusement ils n’obtinrent pas de renseignements sur l’éventuelle présence d’abris près du Fort-Marie.

Les deux hommes restèrent quelques minutes accroupis devant l’écran désormais éteint. Le guerrier eût les réflexions suivantes : l’attaque du mauvais Pokémon correspondait avec les écrits du journal ; et ils avaient pu apercevoir ce qui semblait être des démons accompagnés d’humains portant des livres.
Une fois convaincu par ses réflexions, il décida d’en faire part au prêtre, lorsqu’il s’aperçut que l’homme était particulièrement excité, et comprit qu’il avait obtenu la même déduction.

La fin de la soirée lui sembla s’écouler en une dizaine de minutes. Il avait pourtant remercié puis quitté le prêtre, s’était retiré dans son appartement afin de s’allonger dans sa couchette et méditer sur tout ce qu’il venait d’apprendre. Après avoir avalé un frugal repas constitué de poissirène accompagné de légumes verts, le soldat se dirigea vers la place publique afin d’assister et témoigner au discours du prêtre. Ce dernier prêchait l’arrivée imminente des serviteurs du Démon Roi dans notre monde afin d’éradiquer les mutants dans le but de libérer les humains et leur offrir la vie de maîtres de la planète. Comme convenu, le guerrier énuméra les preuves permettant de supposer l’arrivée prochaine des démons. Après son argumentation, il prit la direction de son habitation et entreprit de dormir jusqu’au milieu de la nuit.

Lorsqu’il se réveilla, l’épais manteau de l’obscurcissement avait effectivement abattu ses indiscutables volontés sur le fort comme aux alentours. Le guerrier avait l’estomac si noué qu’il faillit rendre son dîner dans le pot de chambre. Il se rendit compte que le stress qu’il avait ressenti lors de sa discussion avec le prêtre n’était que les prémices de ce qui arriverait maintenant. Lorsqu’il retrouva son ami ingénieur, il trahit son appréhension malgré tous ses efforts. Il lui était cependant bénéfique de revoir son compagnon avant de partir : ses cheveux ébouriffés, son menton volontaire mal rasé ainsi que sa cigarette électronique ne manquaient jamais de lui rendre le sourire. Ce dernier n’eut apparemment besoin que d’un regard pour douter des chances de réussite de l’explorateur :
« Il t’a pas autorisé ? Tu vas crever. »

Le guerrier prit une expression à la fois anxieuse et abattue. Il n’aurait jamais imaginé que son compère sortirait un sac à dos rempli de toutes sortes d’accessoires utiles, une épée cruciforme, un fouet explosif ainsi qu’un bouclier de forme octogonale. Le soldat observa l’épée dans sa main : La poignée était ciselée en forme de dragons dont les écailles se superposaient sous sa paume ; la lame était fine mais longue et résistance, elle était parfaitement adaptée aux combats qu’il allait devoir mener. Une signature bleu marine était apposée à la base de lame, mais il ne put déterminer le nom inscrit.

« J’en étais certain. Il a vécu le traumatisme. La sécurité de l’armurerie se démonte facilement ; personne ne remarquera rien, t’inquiètes. C’est le moins que je puisse faire, quand même. T’as intérêt à nous ramener un truc, hein, je veux pas avoir fait ça pour des prunes. »
Le guerrier en eût les larmes aux yeux et serra son camarade dans ses bras. L’ingénieur entreprit d’abaisser le pont levis qui pivota sans un bruit, conformément à ses attentes, et fit une grossière révérence lorsque son acolyte posa le pied dessus.
L’explorateur réussit à prendre un air déterminé lorsqu’il annonça :
« Cinq heures. Si je suis pas revenu dans cinq heures, tu pourras mettre des fleurs sur ma tombe. » L’ingénieur eut un sourire rassurant, puis lui répondit en guise d’au revoir :
« Ça coûte cher, les fleurs. »
Le guerrier vit l’ingénieur lui faire un signe de la main avant de disparaître derrière le pont-levis montant. Pour la première fois depuis des centaines d’années, un humain se trouvait à l’extérieur du Fort-Marie.


L’homme prit le temps d’adapter son regard à l’obscurité et de réfléchir à ce qu’il entreprendrait une fois lancé. Fort heureusement, la lune brillait d’un éclat luminescent, sans pour autant transpercer les ténèbres de la jungle. Partout, des yeux l’observaient. Pourtant, il n’en distinguait aucun. Les deux objectifs qu’il avait lui revinrent en mémoire : Chercher un autre abri à proximité du Fort-Marie et y ramener un petit Pokémon. Au loin, l’Aiguille de pierre se dressait fièrement parmi la jungle hostile, sa hauteur dominait la forêt comme un titan observateur : il sut qu’elle serait sa destination. En fouillant le sac, il y trouva un casque ainsi que des protections qu’il s’empressa d’enfiler. Son visage était entièrement recouvert, cependant la visière lui permettait d’observer la forêt comme en plein jour mais dans des nuances de vert. Cette possession le ravit et lui permit de se mettre en marche vers l’Aiguille à travers la jungle. Les différentes créatures se cachaient habilement derrière les feuillages imposants des différents végétaux : il n’en apercevait aucune. Les crissements des insectes, les cris perçants des Pokémons volants apeurés ainsi que les mouvements de ceux qui déambulaient au sol lui étaient par contre tout à fait perceptibles. Les différentes odeurs des fleurs gorgées d’humidité, des fourrures des Pokémons ou encore des excréments de ceux-ci l’émerveillèrent : tout indiquait qu’il se trouvait dans un autre monde. Le Fort-Marie brillant d’un éclat luminescent, son imposante silhouette était extrêmement visible ; lorsque l’homme se retourna afin de le localiser, ses craintes de se perdre s’évaporèrent. Plusieurs fois, il constata qu’une ombre de taille moyenne filait dans une direction opposée à la sienne : les Pokémons ne souhaitaient pas le rencontrer. Ce constat lui permit de relâcher la pression qu’il exerçait sur le manche de son fouet.

Mais brusquement, ses membres refusèrent d’avancer. Après s’être démené dans tous les sens, il réalisa qu’il était la proie d’une toile d’araignée électrique. Non seulement son corps était collé au fil et ne pouvait s’en détacher, mais en plus l’électricité se déversait en lui et paralysait chacun de ses gestes. Son crâne lui semblait empli de bombes qui détonaient l’une après l’autre. Sa vision était brouillée, des spasmes secouaient ses bras et ses jambes jusqu’aux extrémités. Lors d'un éclair de lucidité, il tenta d'utiliser son fouet, mais ses doigts se crispèrent dans le vide. Une autre vague de douleur l’envahit, et la possibilité de dégainer son épée fût vaine. Sa seule chance était de détruire, par sa seule force, tout ou une partie de la toile. Ses muscles se crispèrent encore et il força ses genoux à fléchirent. Les décharges continuèrent, mais avec moins d'intensité, prouvant qu'il avait pratiquement réussi à se dégager. Le temps de reprendre son souffle, et il bascula son corps massif vers l'avant, s'étalant face contre terre, enfin libéré de ce piège électrique. Ses muscles protestèrent encore et encore, avant que la douleur ne s'éloigne. Epuisé par cette attaque, il força tout de même son corps à se redresser afin de récupérer un cachet contre la douleur et boire un peu d'eau. Il retrouva son fouet dans une flaque de boue proche, arracha les quelques fils gluants encore accrochés à ses vêtements, puis reprit son périple.

Estimant à une heure le temps qu’il avait pris pour atteindre l’Aiguille de pierre, sa satisfaction d’y être parvenu lui permit d’entreprendre l’ascension d’un air confiant. Son pied se posa brièvement sur un petit Pokémon de type roche qui décida d’agresser celui qui l’avait réveillé, mais un claquement de fouet explosif réussit à le faire détaler du premier coup. Le bruit résultant de son coup provoqua une envolée d’oiseaux à quelques centaines de mètres, le guerrier se demanda si se servir du fouet assurerait sa sécurité ou au contraire attirerait les mutants.

Il n’était qu’à mi-hauteur lorsqu’il réalisa que son regard embrassait ce qui semblait être un tableau romantique. D’un clic, il désactiva la vision de nuit de son casque. Le Fort-Marie abreuvait la vallée de sa lumière, comme une torche éloignait les ténèbres. La pleine lune, en pâle disque d’argent qu’elle apparaissait, semblait tout autant réfléchir qu’absorber la luminescence exubérante du Fort. Au loin, un troupeau de Méganiums géants, accompagnés de leurs petits, se dirigeaient vers la rivière pour s’abreuver. Gigantesque tentacule ténébreux de nuit, le fleuve dit « Le Mutant » dû à son envergure qui n’avait rien à envier aux plus grands titans, se séparait en trois bras colossaux, dont le plus fin –ou plutôt, le moins large- était au centre. Comme un poignard sanglant, le champ laser du Fort-Marie se prolongeait jusqu’en amont, à l’embranchement où le Mutant se divisait en « la Pucelle », « la Mariée » et « la Grosse », et fendait les flots de son équipement en laser, afin d’empêcher les mutants aquatiques d’approcher. Cela donnait au Fort la forme d’un vaisseau spatial de guerre tel qu’on aurait pu en trouver il y a très longtemps dans une galaxie très lointaine : le Nord en pointe s’ouvrait jusqu’à atteindre une courbure parfaite au Sud, comme si on avait superposé un triangle à un demi-disque. La Pucelle passait au centre du fort, amenant seulement des Pokémons poissons de petite taille, et parfois des restes de plus gros, venus s’approcher +d’un peu trop près… Le guerrier distinguait les formes de la forêt sans fin qui entourait le Fort : les arbres étaient au mieux de taille moyenne dans cette région. Seule la bordure d’herbe qui tapissait l’entrée du Fort-Marie se distinguait parmi cet amas de branches et de feuillage.
Il se retourna pour en voir plus, mais sa vision se heurta à l’imposante Aiguille de pierre. Aussi reprit-il son ascension, dans l’espoir de poser son regard sur ce qu’il cherchait.
Mais ses yeux tombèrent presque immédiatement sur autre chose, à laquelle il ne s’était pas attendu.
un Pokémon hors du chemin. Sa curiosité l’amena jusque derrière un rocher d’où il put constater que celui-ci était grièvement blessé. Haut de deux mètres, une entaille de son cou jusqu’à l’épaule longue comme son bras avait déversé des litres de sang. Il fit claquer le fouet près du corps : l’absence de réaction lui fit comprendre que le Pokémon était mort. S’approchant pour mieux l’observer, il put étudier le lézard orange portant une paire d’ailes dans le dos. L’homme dut prendre un moment avant de retrouver le nom du lézard : la bête gisant devant lui était un Dracaufeu. Le passage de sa main près du Pokémon permit de lui faire remarquer que ce dernier était encore tiède. Une peur bleue l’envahit lorsqu’il réalisa qu’une telle blessure avait très probablement été infligée par un mutant : les Pokémon ne tuaient que les proies nécessaires à leur alimentation. Le bout de falaise qui se présentait devant lui ne fut pas long à escalader, et débouchait sur une grotte qu’il approcha précautionneusement. A sa droite, le chemin contournait la paroi de roche, permettant au guerrier d’admirer la vue de la jungle sous le clair de lune. Se collant contre la paroi extérieure, il fit claquer son fouet dans l’antre et attendit que les Pokémons chauve-souris en sortent paniqués. Une fois certain que la caverne était saine, il s’y aventura, adoptant un rythme de pas prudent. Au fond de l’excavation se trouvait un œuf. C’était une chance inespérée pour l’explorateur : si le Pokémon découvrait le visage du guerrier lors de son éclosion, le bébé prendrait l’homme pour sa mère et serait indéniablement plus facile à dresser. Il décida de le garder en mains et de rentrer au fort : l’image du Dracaufeu étendu à quelques pas restait dans sa mémoire, et selon toute probabilité cet œuf était le sien.
L’homme attacha le bouclier à son avant-bras afin de porter l’œuf dans sa main libre, puis sortit de l’antre comblé par sa découverte. Son regard fit le tour des lieux, tandis que son ouïe était aux aguets. Celle-ci fût pourtant incapable de saisir le pas feutré qui s’était posé à quelques mètres. C’est seulement quand la bête fit dépasser sa tête de derrière le coin abrupt de la falaise que les yeux du guerrier purent la découvrir. Une tête de deux mètres de haut.

Rouge était la multitude de pupilles dans l’œil droit du Pokémon, qui le scrutaient. Rouge était le rubis qui brillait de mille éclats plus rayonnants que le soleil sur son front. Sa fourrure était inégalement répartie, exposant ainsi des lambeaux de peau mauve fripée plus pourris qu’un animal mort. Certains de ses crocs désorganisés passaient devant sa gueule féroce, l’un d’eux étant même de la taille de l’homme. Le Persian muté cria. Son hurlement était indescriptible pour un humain, mais il semblait au guerrier qu’il était composé de plusieurs gueulements superposés, et ils lui paraissaient meurtriers. Ses tympans le lui firent ressentir comme l’incarnation de l’épouvante, tandis que ses os qui résonnaient aux différentes fréquences du braillement lui firent l’effet d’un fantôme mortel traversant son corps afin de le posséder.
L’homme fit claquer son fouet près de l’atrocité. Il vit sa patte se teinter de rouge lorsqu’il l’atteignit, ce qui fit se dresser l’Horreur sur ses deux membres arrière, permettant au soldat entraîné d’enrouler son arme autour de la patte avant gauche de la monstruosité qui entreprit de lui donner un coup de griffe. Il tira de toutes ses forces : le crâne démesuré du félin s’écrasa contre le flanc de l’Aiguille, ce qui permit au manieur du fouet de constater que celui-ci était environ aussi haut que le corps du Persian. Rangeant son fouet dans la poche prévue à cet effet, il dégaina l’épée de son fourreau et trancha une large entaille dans la patte de l’abomination.
Peu importait le relief.
Peu importait la direction.
Peu importait la douleur qu’il pouvait ressentir.
Il devait courir.
Dévaler la côte fut une tâche épineuse tant l’Aiguille était abrupte. L’homme tomba par trois fois, mais il lui suffit de rouler en boule collé contre son bouclier pour repartir de plus belle. Il n’entendait pas le mutant courir après lui, mais se retourner risquait de lui faire perdre la seule seconde qui pourrait lui sauver la vie.
Une fois qu’il se trouva dans la forêt, il se permit un regard en arrière : l’animal, au loin, était à ses trousses. La proie fuyait, essayant plusieurs directions, mais son prédateur semblait suivre sa trace malgré tout. Même dans la jungle profonde, le félin trouvait systématiquement le chemin emprunté par sa cible. Le guerrier réfléchit tout en essayant de semer le fauve : l’odorat. Il se roula dans la boue et les excréments tout en étant précautionneux vis-à-vis de l’œuf qu’il portait, et réussit à observer l’attitude de son chasseur qui semblait ralentir sa course.
Soudain, le fuyard entendit des bruits de pas gigantesques. C’est en arrivant dans une zone plus clairsemée qu’il put admirer la scène qui se produisait juste devant lui : un mutant de plusieurs dizaines de mètres de haut avait capturé le félin avec sa langue. Le mastodonte était blanchâtre, mais une légère nuance rose pâle luisait à travers son corps. Sa langue, deux fois plus longue que lui, se détachait du ciel sombre par sa couleur pourpre et sa texture visqueuse. Elle entourait le cou du félin d’où émanait une étrange fumée : le guerrier en déduisit qu’elle était aussi ardente que du charbon ou que la bave brûlait comme de l’acide. A l’instar de sa victime, l’un de ses yeux était composé de nombreuses pupilles dont le regard se posait sur tout ce qui les entouraient. L’Excelangue engloutit le matou comme l’homme aurait avalé une olive, et s’assit en s’appuyant sur sa queue. Le spectateur en fût soulagé et s’engagea dans la forêt lorsque le Pokémon tourna la tête dans sa direction. Il lui suffit d’un bond pour atterrir à quelques mètres du guerrier avec un tel fracas que celui-ci fût prêt à parier que l’autre bout de la Terre l’avait entendu. Le géant parcouru la forêt avec son appendice buccal enfumant tout sur son passage puis le rétracta. Il sembla déçu de ne pas sentir le tendre goût de la chair humaine sous sa langue, et se mit debout. Fort heureusement, sa démarche était pataude, le guerrier avait le temps de fuir. Ce bref espoir s’interrompit rapidement quand il constata que le Pokémon avait de nouveau sauté.

L’ombre colossale du mastodonte l’entourait. L’Excelangue se trouvait pile au-dessus de lui.
Les yeux de l’homme se brouillèrent quand il saisit qu’il ne rentrerait jamais au Fort-Marie.