Eclipse de Lundwing

La mort n’est que le prélude d’un éternel recommencement.

Sa vie n’était plus qu’une route jonchée de cadavres. Pour autant, il n’en faisait pas une fatalité. La vie s’est toujours déroulée de cette manière. Pourquoi s’énerver pour cela ? Mauricio avançait le long d’une baie, une urne à la fin. A ses côté, Fiona, elle aussi portant une urne. Ils marchaient en silence. Ils ne savaient pas trop quoi se dire. Une ombre flottait à leurs côtés, son collier de perles scintillant à la lumière du soleil. Depuis que l’éclipse de soleil était finie, le temps était devenu plus clément, les journées plus ensoleillées. Mauricio se disait que c’était dommage que des ceux-là ne pouvaient pas voir cela. Il n’avait aucune idée des tourments qu’ils avaient endurés, cette vie anticipée et non planifiée à Alola qui leur avait causé bien plus de blessures que de bonheur. Pourtant, si la vie insulaire ne leur avait rien apporté de bon, ils avaient, chacun à leur façon, permis de protéger le futur des habitants. Des « héros » comme les journaux diraient. Des parfaits inconnus pour la plupart du monde.

Est-ce qu’un héros sacrifie toujours sa vie pour autrui ? Pensent-ils un instant au vide que cela pouvait laisser dans la vie des autres ? Fiona s’en voulait éperdument de n’être pas restée aux côtés de Jack. Apparemment, il s’était rendu dans le sous-sol interdit. Jack aurait attrapé une maladie exotique qui a entraîné des mutations au niveau de son corps. Une infirmière, en charge du service, l’aurait alors trouvé dans les couloirs sans tenue de protection. Est-ce qu’un véritable héros prendrait des risques inutilement pour une insatiable curiosité ? L’enquête de Jack lui a été confiée par la suite et elle a vu tous les tenants et aboutissants de l’affaire Diane de la Rochère. Fiona tomba de haut, bien évidemment. Mais contre-toute attente et après l’accord de tous ses collègues de travail, elle préféra clore l’enquête. S’attaquer à la fondation Aether était visiblement beaucoup trop dangereux. Elle avait perdu l’homme qu’elle aimait et Mauricio la femme qui l’aimait. Cela la détruirait si une autre personne proche de son entourage se brûlait les ailes sur cette organisation. Elle avait d'ailleurs officiellement donné sa démission à la fondation et curieusement, personne ne l’en avait empêché ou cherché à en discuter avec elle.

Ils arrivèrent à destination. Un petit promontoire et en dessous les vagues claquant contre la roche. Il n’y avait pas vraiment de raison valable quant à la justification de répandre les cendres à cet endroit. Mais les deux comparses aimaient beaucoup la vue et ils savaient qu’au-delà des apparences qu’ils donnaient, Jack et Leane aimaient et respectaient la nature. Et puis, après tout, ils devaient bien le faire quelque part. Restant quelques instants dans un silence de plomb, ils observaient la mer et les quelques bateaux qui voguaient au loin. Une chance qu’il fasse beau. Puis Mauricio prit la parole. « Je t’en prie Fiona. »

Elle s’avança au plus proche du bord du promontoire, tremblante mais déterminée. Elle ouvrit l’urne et la positionna horizontalement. Les vents marins commencèrent déjà à créer un mini tourbillon avec les cendres de Jack « A toi, mon cher Jack. J’espère que là où tu es ton âme auras trouvé le repos que tu as tant recherché » Elle secoua l’urne et les cendres se dispersèrent en un long filet noirâtre avant de se faire engloutir par les vagues furieuses. Mauricio en eut le cœur serré. C’était un ami qui venait de partir. Pour toujours. Silencieusement, Fiona revient vers lui, le regard brillant.

Sans un autre mot, il s’avança à son tour, la gorge nouée. De la même façon que pour Fiona, il leva l’urne devant lui, en position horizontale. « A toi, Leane, qui n’a jamais cessé de veiller sur moi. Tes réprimandes vont tous nous manquer. Je… » Sa voix se cassa, trahie par l’émotion qui ne cessait de monter en flèche en lui. « Je suis désolé de ne pas avoir compris plus tôt. Tu… Tu es comme une mère pour moi, celle que je n’ai jamais eue. Merci maman. Merci infiniment. ». Le vent souffla violemment en emporta avec lui cendres et les quelques larmes qui roulèrent sur ses joues, scintillant à la lumière du soleil. Madame Cranbell avait elle aussi rejoint l’océan à présent. Sa Feuforêve entonna alors un Requiem durant quelques instants pour leur rendre hommage. Les notes étaient étonnement douces pour leurs oreilles.

Tout était fini. Même Marshadow, ayant perdu de sa puissance suite à ses contre-offensives sur Zygarde, n’a pas pu lutter contre les ultra-chimères, ces créatures semblant tout droit sortis d’un cauchemar. Elles étaient arrivées in-extremis et avaient pu tuer le pokémon maléfique. Mais une chose étrange demeurait. Mauricio savait que dans l’urne ne se trouvait pas Jack car c’est ce même commissaire qui avait tué le lutin démoniaque. Il était vivant, il l’avait reconnu bien que défiguré. Alors Mauricio était quand même moins triste pour Jack que pour Leane. Mais qui avait pris sa place dans les cendres ?

Fiona commença à tourner les talons, désireuse de passer à autre chose quand le gérant du café l’interrompit, main sur l’épaule « Fiona… Je sais que tout ceci doit profondément te blesser mais écoute… Un vieil homme m’a dit un jour qu’il fallait apprendre à croire » La voix du chaman lui revint en mémoire et ses yeux blancs qui l’avaient observé avec une intensité grave. Avait-il vu tout ce qu’il avait enduré ? Aujourd’hui, en ce moment particulier, son message lui faisait sens, comme s’il était finalement destiné à cette jeune femme ne montrant rien mais dont on devinait sa souffrance « Je veux dire… Tu n’es pas seule. Si je suis en mesure de t’aider… » Fiona se jeta à son cou. Visiblement, c’était exactement ce qu’elle attendait et elle ne put s’empêcher cette fois-ci de laisser aller ses émotions. Maladroitement, Mauricio la prit dans les bras, comme un père prenant sa fille pour la consoler.

« Viens avec moi, je vais aller te préparer un bon café. »

Ils rentrèrent ensemble, la petite Feuforêve sur leurs talons. Là où ils étaient, un ultime hommage était décerné. Des fleurs poussèrent en contre-bas. Des fleurs de baies Alga par centaines. Les fleurs préférées de Leane.