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Un sbire à Alola de Flageolaid



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» Auteur : Flageolaid - Voir le profil
» Créé le 17/10/2016 à 11:49
» Dernière mise à jour le 21/11/2016 à 17:20

» Mots-clés :   Alola   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 4 : Sunny afternoon
Pour une raison inexpliquée, le volcan d’Akala n’entra pas en éruption quand je mis le pied sur l’île. J’ignorais si je devais me sentir réconforté ou pas…
Le seul bateau quittant Mele Mele se rendait sur l’île de mes pires angoisses. Mais au moment d’embarquer, je n’étais qu’un fugitif aux abois, épuisé par une randonnée forcée sur un seul pied, je ne songeais qu’à détaler loin d’un policier moustachu, rien de plus. Une fois l’adrénaline de la fuite retombée, elle remonta aussi vite, provoquée par une phobie du volcanisme.
Après une nuit tranquille passée sur Akala et une diminution de la douleur de ma cheville, je me surpris à prendre du recul sur ma situation.
Certes, j’avais la Police Internationale aux trousses, mais cela n’allait pas m’empêcher de vivre ! Ou de trouver un boulot. Or, sur Akala, deux “entreprises” recrutaient massivement du personnel, suivant une politique de valorisation des compétences individuelles qui prônait la discrimination positive à outrance. Il s’agissait de la Team Skull et de la Fondation Aether. Je pensais passer un petit entretien d’embauche chez les deux pour tâter le terrain.

Que dire de mes premières impressions ? La Team Skull avait un nom qui déchire, mais ressemblait à un simple gang de voyous dont les activités se limiteraient au racket et à la dégradation de biens publics. Je refusais de retomber aussi bas.
Pour Aether en revanche, j’aurais bien troqué le mot Fondation pour Team. Ceci mis à part, ils avaient l’air beaucoup trop propre pour être honnêtes, avec leurs combinaisons en latex immaculées. On m’avait promis un avenir meilleur plus d’une fois, aussi il m’était devenu impossible de croire aux bonnes intentions d’une organisation possédant des moyens colossaux. Cette fondation froide et aseptisée ne me semblait pas être le refuge idéal pour les pokémons. En revanche, question magouille et argent sale…
Le matin suivant mon arrivée à Akala, j’eus l’occasion de voir un des membres éminents de la Fondation se promener en ville, ma chambre d’hôtel donnant sur l’avenue principale. Il s’agissait de la sous-directrice, une brune dans la trentaine portant des lunettes, dont le visage resplendissait d’amabilité. Sa tenue, pourtant décente, soulignait tout de même les formes généreuses de la dame. Je ne mis pas dix secondes à remarquer tous les obsédés âgés de 11 à 91 ans qui la mataient ouvertement. Aux gestes qu’ils faisaient, je compris qu’ils la voyaient avec une poitrine trois fois grosses que la réalité. Quels pervers ! Le pire, c’est que la sous-directrice ne remarquait rien.
Malgré son apparente bienveillance, je ne pouvais m’empêcher de l’imaginer comme une sociopathe manipulatrice, capable de simuler sa mort et de revenir plus tard cueillir les fruits de ses méfaits, détruisant ses lunettes carrées, ramenant sa chevelure en arrière et affichant son plus terrible sourire, avant de disparaître dans un trou dans le ciel menant vers une dimension inconnue peuplée de pokémons de type spectre.
Il paraît que j’ai une imagination débordante.

Apparemment, il y avait sur Akala un grand hôtel pour gens très fortunés, que l’on reconnaissait à sa gigantesque fontaine. C’était là que la Fondation Aether et la Team Skull recrutaient. Je trouvais cela assez louche que deux associations antagonistes fassent preuve d’une telle proximité. Soit leurs directeurs des ressources humaines étaient stupides, soit les deux organisations faisaient partie du même groupe. Là, ce serait du pur génie.
J’avais décidé de consacrer l’après-midi de cette journée à une prise de contact avec ces deux organisations. Tandis que je me dirigeais en boitillant vers le littoral où se trouvait l’hôtel en question, je laissais mes oreilles traîner ça et là. Depuis mon enfance, j’avais pris l’habitude d’épier les conversations des gens, cela me permettait de glaner des informations utiles et d’inventer plus facilement des mensonges. Des bribes de conversation m’assaillirent de toutes parts.

« Bof, je trouve que chenipan est plus charismatique qu’aspicot…
- T’as eu combien à l’examen de biologie ?
- 8/20, je croyais que les matoufeux étaient de type feu/ténèbres.
- Plus sérieusement, qu’est-ce qui peut nous rendre heureux dans la vie, à part l’argent ?
- Je te jure chérie, il y a un vieux là-bas qui ressemble carrément au Prof Chen de Kanto !
- Ce doit être sa forme d’Alola, hihihi !
- Aide-moi à prendre le large, ou donne-moi deux bonnes raisons de rester.
- Tu dis n’importe quoi ma cocotte, je suis trader à la GTS, crois-moi, je sais de quoi je parle !
- J’en ai une bonne : comment appelle-t-on un picassaut croisé avec un rattata d’Alola ? Un picassiette !
- Pas mal. Tu connais la différence entre un cliticlic et ta femme ?
- Et un cliticlic ? Euh, non, je ne vois pas.
- Les noeunoeufs sont les pokémons les plus classes de l’univers, on dirait des personnages de Dragonite Ball XY.
- Tu ne t’es jamais dit que le type glace devrait quand même résister au type eau ?
- Hérétique, on ne touche pas à la table des types !
- Dis voir, Dexio, tu peux répéter ton plan génial, parce que je ne suis toujours pas certaine d’avoir compris. »

Oups ! Je rabattis ma casquette, sortis un plan d’Alola de ma poche et fis mine de le lire, tout en jetant des regards furtifs vers le danger. Les deux assistants du professeur Platane se trouvaient à proximité de l’hôtel. Comme tous les touristes originaires de Kalos, ils ne pouvaient se rendre dans un lieu étranger sans se sentir obligé de taper la pose. Arborant des lunettes solaires hors de prix, ils se tenaient debout bien droits, la main sur la hanche et les jambes légèrement écartées, comme s’ils participaient à un défilé de mode. Etaient-ils en mission ? Comptaient-ils rejoindre la Fondation Aether ? Je tendis l’oreille pour le savoir.

« C’est très simple Sina, mais je peux concevoir qu’au bout de huit fois tu n’aies pas encore saisi toute la subtilité de ce plan, expliqua le jeune homme sans impatience. Le professeur nous a demandé de récolter les cellules de Zygarde, mais il n’a jamais dit explicitement que nous devions nous en charger personnellement. Il nous suffit juste d’attendre un dresseur talentueux…
- Un poichigeon, tu veux dire !
- Une personne de confiance et de bonne volonté, corrigea-t-il, jeune de préférence, qui se chargera du boulot à notre place. Et nous pourrons alors nous préoccuper d’affaires plus importantes, comme se reposer ou bronzer ou faire la fête.
- Et si le professeur l’apprenait ? s’inquiéta la fille.
- Depuis qu’il est diplômé, il a toujours envoyé des jeunes gens faire tout le boulot de terrain à sa place, nous en sommes la preuve vivante, donc j’imagine qu’il serait certainement fier de nous !
- Et que fait-on si notre « collaborateur » s’enfuit avec un Zygarde complet ?
- Yo, m’sieur, t’es là pour taffer ‘vec la Team Skull ? brailla un sbire en jogging juste à côté de moi. »

J’empoignai le voyou de toutes mes forces et nous déguerpîmes loin des protégés de Platane. Je n’osai me retourner, de peur de les voir lancés à nos trousses. Mine de rien, je commençais à me comporter comme un vrai fugitif. Le sbire s’agitait, mais je ne lâchai pas ma prise.

« Ziva, qu’est-ce qu’y te prend ? T’as cru on était potos ?
- Boucle-la, débile ! m’énervai-je en le regardant droit dans les yeux. Eh, mais je te reconnais toi, tu étais membre de la Team Rocket, non ?
- Oui, nous avons travaillé ensemble sur une mission, dit-il en oubliant l’usage du registre familier. Jasper, c’est ça ?
- Et toi, c’est Linus, non ? »

Cela me fit bizarre de revoir un ancien collègue ici. Pour deux raisons à vrai dire. Tout d’abord, je pris conscience du chemin parcouru et je ne pus m’empêcher d’éprouver une certaine nostalgie pour cette époque pas si lointaine, celle de mes débuts en tant que sbire. Ensuite, je me rappelai que Linus avait deux ans de plus que moi et qu’il était pourtant vêtu en jogging et bandana, les cheveux teints, à parler comme un collégien attardé. J’envisageai alors un recrutement chez Aether…
Nous nous trouvâmes un coin tranquille, à l’abri du soleil, et nous mîmes à discuter de nos vies, depuis le démantèlement de la Team Rocket. Apparemment, Linus avait continué à faire partie de l’organisation après le départ du boss. Ensuite, il avait fait partie de la deuxième mouture de la Team Plasma, avant d’être attrapé par les flics, mais un vice de procédure lui évita la prison. Il comptait prendre un nouveau départ à Alola.
Linus portait bien son nom, c’était un minus. Il mesurait moins d’un mètre soixante, autant dire qu’il n’avait jamais porté un uniforme à sa taille. Pour son anniversaire, la Team Rocket lui avait offert un fantominus baptisé Fantolinus. Le concerné l’avait bien pris.

« Tu savais que Jessie est enceinte ?
- Jessie ? répétai-je. La Rocket aux cheveux roses qui mange de la neige ?
- Aux cheveux rouges. Oui, elle a une personnalité discutable. Ben, elle attend un gosse.
- Qui est le père ? Son acolyte aux cheveux violets ? James, je crois.
- Aux cheveux bleus. Je n’en sais rien, je n’ai pas demandé.
- Et leur miaouss parlant, qu’est-il devenu ?
- Animateur radio à Johto, il participe à la chronique quotidienne du Prof Chen. Depuis qu’il a rejoint l’émission, l’audience ne fait que grimper. Même moi je l’écoute, on y apprend plein de trucs. Par exemple, tu savais que les pokémons de type poison ne pouvaient pas se faire empoisonner ?
- Oui, c’est le minimum à savoir quand veut espérer gagner un match.
- Ah. J’ai arrêté depuis longtemps de suivre ce genre de trucs, déclara Linus. C’est à se demander si les scientifiques sont rigoureux dans leurs recherches. D’abord ils se rendent compte que le Spécial, ça n’existe pas, mais que les pokémons ont une attaque spéciale et une défense spéciale. Ensuite, on nous dit que toutes les attaques de type sol ne sont pas physiques et que toutes celles de type eau ne sont pas spéciales ! C’est vraiment n’importe quoi !
- Sans parler du type fée, plus récemment, rajoutai-je. Snubull résistait au type combat et on lui a pourtant attribué le type normal durant des décennies ! »

Que de banalités ! Au moins nous ne parlions pas de la météo. J’aurais pu parler des heures durant du soleil de plomb d’Alola qui me faisait transpirer au point que mes boucles brunes retombaient imbibées de sueur sur mon front moite. En fait, nous avions tous les deux le même problème : nous contemplions le néant absolu de nos vies après que l’on nous ait promis richesse et gloire. Du coup, nous n’avions rien à nous dire.

« Tu n’as jamais voulu être champion d’arène ?
- Qui ? Moi ? m’étonnai-je.
- Oui, je me souviens que tu étais plutôt talentueux comme dresseur. Tu pourrais essayer, plutôt que t’obstiner à rester un sbire. Qui sait, tu deviendrais peut-être maître d’une Ligue ! »

Je ne suis pas si talentueux, mais pourquoi pas ? Pour changer. Je m’appelle Jasper, cela fait penser au jaspe, qui est une pierre précieuse. Cela ferait de moi un dresseur spécialisé dans les pokémons de type roche et possédant un strassie avec corps sain ! Ah non, surement pas ! Il me faudrait au moins un onix de cristal pour que j’accepte ! Ne parlons même pas de devenir maître de Ligue ! Pour cela, il faut avoir une certaine classe et s’appeler Pétaire ou Stéveine [sauf si vous préférez le redondant et fort peu inspiré Pierre Rochard].

« Tu crois qu’il est passé où, Giovanni ? demanda Linus après un long silence.
- Pas la moindre idée. J’imagine qu’il s’est fait refaire le visage pour échapper à la police et qu’il se la coule douce grâce aux millions que lui a rapporté la Team Rocket. Peut-être même ici, à Alola, dans cet hôtel pour riches.
- Et toi, tu tentais d’échapper à qui tout à l’heure ?
- A deux justiciers masqués de Kalos.
- Des justiciers masqués ? Comme Scorplanegirl à Johto ? Tu sais, si tu veux être en sécurité quelques temps, tu devrais peut-être rejoindre la Team Skull, tu verras c’est sympa.
- Je vais y réfléchir. »

Nous discutâmes encore une dizaine de minutes avant de nous séparer. Linus alla rejoindre sa Team, tandis que je restais là à me demander ce que j’allais faire jusqu’au soir. La réponse s’imposa telle une évidence : se battre contre d’autres dresseurs. Si je réussissais à mettre un petit pécule de côté au cours de ce séjour à Alola, je rentrerais à Johto plutôt que m’acoquiner avec une association de malfaiteurs.
Toutefois, j’avais la tête ailleurs. Je gagnai un premier combat de justesse, alors que mon adversaire aurait pu subir une défaite des plus humiliantes. Une bonne paire de claques me remit d’aplomb. C’est alors qu’un dresseur fraîchement sorti du lycée me défia. Derrière lui, sa bande de potes l’acclamait comme une célébrité, mais je n’y prêtai aucune attention.
J’envoyai Bram, il attaqua avec un tritox, pokémon que l’on retrouve comme logo d’une marque de prêt-à-porter haut-de-gamme. Alors que le pokémon toxilézard aux teintes grisâtres rampait dans l’herbe en direction de mon nosferalto, je remarquai un détail frappant : le pokémon et son dresseur avaient le même regard lubrique ! Le comble de l’écœurement ! Je préférai ne pas penser à ce qui arrivait à Fillette Sarah quand elle perdait un combat contre ce genre d’odieux individu et me concentrai sur le combat.

D’entrée de jeu, le tritox utilisa toxic. Comme me l’avait rappelé Linus un peu plus tôt, ce genre d’attaque était inefficace contre un pokémon de type poison. Je profitai de cette erreur et ordonnai à Bram de lancer une cru’aile.
Je mis quelques secondes à m’en apercevoir. Une substance fumante recouvrait une partie du corps de Bram et le faisait souffrir. (Tu savais que les pokémons de type poison ne peuvent pas se faire empoisonner ?) Evidemment ! Alors expliquez-moi ce bordel ? Les battements d’ailes de Bram se firent de plus en plus nerveux. (Ne peuvent pas se faire empoisonner !)
Le tritox poursuivit mon nosferalto depuis le sol, l’harcelant à coups de flammèches. (Mais ils ne peuvent pas être empoisonnés !) Bram virevolta pour esquiver les assauts me put esquiver tous les tirs. (Les pokémons de type poison sont immunisés au poison.) Ne pas comprendre me retournait complètement le cerveau. Je devais absolument faire preuve de sang-froid et guider au mieux mon pokémon. (Insensibles à l’empoisonnement.)
Chaque seconde perdue à cogiter affaiblissait le pauvre Bram, il fallait que je lui donne des ordres clairs. (De type poison...) Le tritox avait déjà subi une cru’aile, il n’était donc plus au sommet de sa forme. A mon commandement, Bram lança à nouveau cette attaque. (Le savais-tu ? Point d’empoisonnement pour le type poison.) L’effort lui arracha un petit cri plaintif. Le tritox encaissa avant de chercher à planter ses griffes. (Les altérations d’état, tu connais ?)
Je sentis mes battements cardiaques secouer ma carcasse alors que Bram fuyait les attaques traîtresses de son opposant. (Toxic ne manque jamais lorsqu’il est lancé par un pokémon de type poison.) Je me sentis défaillir. (Tu savais que les pokémons de type poison ne peuvent pas se faire empoisonner ? Jamais. Ils sont immunisés. Ils ne peuvent pas subir les effets du poison. Car ils sont de type poison. Le poison est-il toxique ? Toxic !)

Mon expérience en tant que dresseur m’a prouvé qu’à côté du combat de pokémons se déroule ce que je nomme le duel psychologique. Il concerne les dresseurs et leur habileté à diriger leurs compagnons. Parfois ce duel est inconscient ou inexistant. Il peut se finir avant le début d’un match ou se poursuivre longtemps après. Toute provocation ou action surprenante peut être considérée comme une attaque psychologique portée contre son adversaire.
Je ne dis pas que perdre ce duel mental mène inévitablement à la défaite. En tout cas, il participe à la déconcentration du dresseur, à sa perte de réactivité, de sang-froid, d’esprit d’analyse et provoque une multiplication des erreurs. La plupart du temps, j’évite de perdre cet affrontement, parce que j’ai conscience qu’il existe et qu’il a des conséquences sur l’issue d’un combat. Mais pas cette fois-ci.
Cette confrontation me rappela la première règle en combat pokémon, la plus simple, la plus évidente : parfois on perd.