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Un sbire à Alola de Flageolaid



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» Auteur : Flageolaid - Voir le profil
» Créé le 17/10/2016 à 11:35
» Dernière mise à jour le 26/01/2018 à 10:32

» Mots-clés :   Alola   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 1 : Island in the sun
Voilà déjà cinq minutes que je les observe et à présent je n’ai plus aucun doute : mes pieds sont vraiment moches ! Pâles, poilus, avec une asymétrie au niveau des orteils, c’est à se demander comment j’ai fait jusqu’alors pour ne pas remarquer ce détail évident ? En plus, il faudrait que je me coupe les ongles, sinon mes chaussettes pourraient en pâtir.
Pourquoi je parle de mes pieds au fait ? Sans doute parce qu’ils se reposent sur le sable chaud de cette plage déserte, tandis que le reflux des vagues et les cris des goélises me bercent de leur mélodie abstraite. A ma droite, le soleil levant colore le ciel de son plus bel orangé ; à ma gauche la lune blafarde retire les teintes violettes de la nuit et face à moi tout se mélange. Cet endroit sublime se nomme Alola et se serait véritablement le paradis sur Terre si je ne crevais pas à ce point de faim.

Que dire de moi ? Je m’appelle Jasper Holt et j’aurai trente-deux ans à la fin du mois. Je pensais retourner à Johto après dix mois passés derrière les barreaux, mais je me suis plus ou moins trompé de bateau et me voilà à Alola. La raison de mon séjour en prison ? Je suis loin d’être un saint ! J’ai fait partie des plus importantes organisations criminelles de ces deux dernières décennies. Team Rocket, Team Magma, Team Aqua, Team Galaxie, Team Plasma, Team Flare : je les connais toutes, j’ai bossé pour chacune d’entre elles.
Tout commença lorsque j’avais vingt-trois ans, Giovanni me recruta et m’offrit mon nosferapti. Pour l’avoir fréquenté, je peux affirmer que ce mec est un génie, un visionnaire. Il fut le premier à monter sa Team pour faire trembler le monde. Et quelle classe, quel homme, ce fut véritablement un honneur de travailler pour un leader aussi charismatique !
Se lançant des objectifs toujours plus ambitieux, Giovanni finit par manquer de sbires pour l’assister dans ses plans, il m’envoya donc à Hoenn recruter du personnel compétent. C’est ainsi que j’infiltrai les Teams Magma et Aqua pour mieux les vider de leurs meilleurs éléments. Apparemment, cela profita à un gosse à casquette qui vainquit les deux teams. Trop drôle ! Sauf que, de retour à Kanto, j’appris que la Team Rocket avait elle aussi été victime d’un môme à casquette. Dégoûté par sa défaite, Giovanni s’était retiré en douce, emportant plusieurs millions avec lui. Je m’éclipsai à mon tour pour éviter d’être arrêté.
Sans emploi, je passai les deux années suivantes dans un gang de loubards squattant les abords d’une piste cyclable très fréquentée. Je garde un très mauvais souvenir de ces deux ans misérables vivant de racket et de menus larcins.

Puis la chance me sourit à vingt-sept ans puisque, non seulement j’intégrai la Team Galaxie, mais en plus mon nosferapti évolua ! Je déménageai à Sinnoh, troquant la douceur littorale de Johto pour un climat plus rude. Heureusement, les uniformes de la Team Galaxie tenaient bien chaud. D’ailleurs, à Johto se formait une nouvelle Team Rocket, dans l’espoir que Giovanni vienne les rejoindre et les guider. Espoir vain.
Mes premiers mois à Sinnoh se passèrent dans la joie et la bonne humeur. Les choses se gâtèrent pour moi quand la relation que j’entretenais avec ma boss, le commandant Mars, passa de torride à orageuse. Je préférai quitter la région en toute hâte plutôt que de subir les conséquences de son courroux injustifié. J’insiste sur le mot injustifié. J’appris par la suite le démantèlement de la Team Galaxie par une gamine portant un bonnet blanc, ce qui n’est pas si différent d’une casquette en somme. Bonnet blanc et blanc bonnet, comme on dit.
Une erreur dans les horaires de train m’amena à Unys, ce que j’interprétai comme une invitation divine à faire du tourisme. Mais on n’échappe pas à son métier. Dix jours piles après mon arrivée à Unys, je m’enrôlais dans la Team Plasma. Je n’avais jamais fait partie d’une organisation de cosplayeurs médiévistes, je me dis donc sur le moment que cela pouvait enrichir mes expériences professionnelles, ainsi que mon CV, toutefois je regrettai bien vite ce choix pour deux raisons :
- le costume, en plus d’être kitsch et peu pratique, grattait au niveau des articulations ;
- Ghetis s’avéra être un employeur exécrable.
Je ne fis pas dans les sentiments cette fois-là, je mis rapidement de l’argent de côté et démissionnai dès que l’occasion se présenta. La loi des séries nous honora encore une fois de sa funeste ironie, puisqu’un adolescent pourvu d’un couvre-chef rétama la Team Plasma avec l’aide des champions d’arène locaux.

Après cette carrière en demi-teinte dans le milieu du crime, j’eus un passage à vide, dix-huit mois au chômage, ponctués de petits boulots sans perspective de carrière. Quand on me parla d’un gang en costard qui terrorisait la région de Kalos, je sautai sur l’occasion sans perdre une minute !
Je passai mon entretien d’embauche à la terrasse d’un café d’Illumis, un bel après-midi de mai. Fort de mon expérience riche et variée, je briguais un poste d’admin, mais lorsqu’on annonça qu’il fallait se raser le crâne, cela me refroidit d’un coup. J’avais été homme de main de la mafia, éco-terroriste, membre d’une secte, chevalier et à présent on me demandait d’être chauve. Chauve, sérieusement ?!
Je déclinai l’offre, aussi on me proposa un poste pépère dans le café Lysandre où je passai d’éreintantes journées à préparer des expressos pour des sbires en smoking orange. Je ne risquais rien, sinon un décollement de la rétine à cause de leurs costumes fluos. La suite est plus surprenante, car cette fois-ci ce furent deux mômes à chapeau qui ruinèrent les plans de la Team Flare. Etant en congé le jour même, je n’appris la nouvelle que le lendemain en me rendant sur mon lieu de travail, où la Police Internationale m’arrêta.
En prison, je revis d’anciens collègues de la Team Plasma. N’apprenant pas de ses erreurs, Ghetis avait apparemment reformé son organisation pour se faire battre une seconde fois par un teen. Inutile de préciser pour la casquette, je présume ?

Oublions cela, l’histoire ancienne n’intéresse personne et parlons du présent – ou du passé proche. Il me fallut trois jours en mer pour comprendre que mon bateau ne se rendait pas à Johto, mais bien à Alola, région tropicale dont la beauté faisait pâlir Hoenn d’envie. Ce n’est pas si difficile, quand on y pense, de faire mieux que quelques mangroves et qu’une épave couverte de plancton…
Bref, j’eus la détestable surprise de découvrir les larbins du professeur Platane à bord, jouant aux touristes. Quelques temps auparavant, ces deux canailles s’étaient mises en travers des plans de la Team Flare, déguisées en justiciers masqués. Ils se nommaient Sino et Dexia, ou quelque chose du genre.
Craignant d’être reconnu, je passai le reste de la traversée en compagnie de mon voisin de cabine, un garçon originaire de Quarellis qui emménageait à Alola avec sa mère. Ce gosse me parla en permanence de son rêve de « devenir le plus grand dresseur de tous les temps », ce qui était plutôt mal barré puisqu’il ne possédait aucun pokémon. Plus d’une fois, j’eus envie de le balancer à la mer, quand il me fixait avec sa petite bouille candide et sa CASQUETTE vissée sur la tête.
Mettons les choses au clair, toutes les organisations pour lesquelles j’ai travaillé ont « fait faillite », en un sens. Je peux interpréter ce fait de deux façons :
- soit tout est entièrement de ma faute, mon karma est tellement pourri que je ne peux pas m’intégrer à un groupe sans en provoquer la destruction ;
- soit tous les préadolescents portant un couvre-chef ont pour seule vocation de me priver de boulot jusqu’à la fin de mes jours, m’enfonçant dans un abîme de dépression et de chômage.
Je n’ai pas encore décidé laquelle de ces deux explications est la meilleure. Dans le doute, je latte tous les jeunes à chapeau que je croise, qu’ils se nomment Scout Raymond, Campeuse Audrey ou Gamin Rachid. Il ne fallait pas me chercher !
Quoiqu’il en fût, je ne fis pas fait boire la tasse à ce pauvre gosse, cela aurait mis la puce à l’oreille aux deux protégés du professeur Platane. A la place, j’écoutai le flux interminable de ses paroles que l’on pourrait résumer en trois phrases : « Un jour, je serai le meilleur dresseur, je me battrai sans répit. Je ferai tout pour être vainqueur et gagner les défis. Je parcourrai la Terre entière, traquant avec espoir les pokémons et leurs mystères, le secret de leurs pouvoirs. ». Comme la moitié des enfants de son âge, en somme…

Au matin du sixième jour de la traversée, les passagers se rassemblèrent à l’avant du bateau. Je suivis le mouvement sans trop comprendre et une fois dehors, je vis Alola. Le plus bel endroit sur Terre !
Cette partie du monde n’avait jamais vraiment attiré ma curiosité. De ce que j’en avais entendu, je m’imaginais une version d’Hoenn avec trop d’eau et trop peu de terre. Pourtant, ce que j’en vis ce matin-là me coupa le souffle. Quatre joyaux verts et ocres posés sur la mer étincelante et nimbés des premiers rayons du jour. Tout autour, il y avait cet océan infini et ce ciel infini où flottaient les masses cotonneuses de nuages blancs, mais je ne voyais que les îles, ces terres belles et sauvages que j’avais hâte de fouler. Peu de lieux ont su faire naître une vive émotion en moi – Atalanopolis, Romant-sous-Bois – et aucun une émotion similaire à celle-là.
Cette vision de rêve perdura encore quelques doux instants en moi, m’emplissant de poésie et d’allégresse, puis s’évanouit brutalement, comme toutes les extases, derrière des problèmes d’ordre matériels.
Manger.
Se loger.
Le coût du voyage avait aspiré mon faible budget. Je n’étais pas encore à sec, mais cela ne tarderait pas. Je songeai à fouiller toutes les cabines, à vider toutes les poubelles s’il le fallait, à la recherche du moindre pokédollar ou objet à vendre. Mais mon amour-propre m’en empêcha. Quel genre d’individu dépravé ou désespéré pouvait s’adonner à de telles bassesses ? Certainement pas un ancien sbire ! Ma meilleure option restait alors de périr avec la classe d’un dracaufeu chromatique en plein envol.
Notre destination s’avéra être Mele Mele, la plus petite des quatre îles. Tant mieux, je craignais d’arriver sur l’île volcanique et que – à cause de mon karma abominable – une éruption sans pareille se déclanche, plongeant Alola sous un déluge de flammes et qu’il ne reste à la fin que des cendres et les magmars qui pataugent dedans. Je ne dis pas cela pour dramatiser, j’étais à Cramois’île quand son volcan a explosé et j’en garde un traumatisant souvenir.
Il était seize heures passées lorsque nous débarquâmes. Les deux assistants de Platane furent les premiers à sortir, après avoir bousculé tout le monde avec leurs énormes sacs. Je vis mon jeune voisin de cabine rejoindre en courant sa maman, fort jolie, accompagnée d’un miaouss abattu par la chaleur. Le pauvre agitait mollement ses pattes avant pour se faire de l’air. Et comme je le comprenais ! La climatisation de ma cabine me manquait déjà.

Ceux qui cuisinent le savent sans doute, quand on cuit une viande de mauvaise qualité, elle a tendance à rendre de l’eau. A n’en pas douter, je suis de la carne avariée, car après dix minutes sous les rayons ardents d’Alola, j’avais déjà rendu de quoi remplir une cannette de soda ! Mon premier arrêt n’eut rien de surprenant, tout dresseur à l’étranger se rendra dans un centre Pokémon avant même de commencer à chercher un hôtel.
Il y a deux pokémons que je porte à ma ceinture en toutes circonstances. Le premier, Matt, est un mangriff, mon tout premier pokémon. Pour mes dix ans, mon oncle m’avait amené au parc safari de Johto, connu pour ses environnements variés, grouillant de pokémons rares. Après vingt minutes passées à vadrouiller, je tombai nez à nez avec un mangriff un peu trop curieux. Mes trente safari balls y passèrent, mais je parvins malgré tout à le capturer, faisant de moi le gamin le plus heureux de l’univers. Le second, que j’ai nommé Bram, m’a été donné par Giovanni en personne, il s’agit bien sûr d’un nosferalto !
Hormis ces deux-là, je possède une quinzaine de pokémons pour compléter mon équipe. Je ne me balade jamais avec six pokéballs à la ceinture, d’ailleurs je ne comprends pas les dresseurs qui se sentent obligés de s’entourer d’une telle armada. Je préfère une équipe de trois ou quatre pokémons, c’est beaucoup plus gérable.

Je passai presque quatre heures au centre Pokémon, dont trois et demie à me tourner les pouces. Ce centre ne possédait que deux PC et l’un d’entre eux venait de tomber en panne le matin même. Par chance, il n’y avait que deux personnes devant moi dans la file d’attente : un gosse du coin et une Sœur Parasol venue de Sinnoh. L’enfant, encore peu habitué à manipuler ce genre d’appareil, prit un bon quart d’heure pour gérer ses boîtes et ses objets. Puisqu’il ne portait pas de casquette, je ne me fâchai pas. Je mis les mains dans les poches et sifflotai sans impatience.
Le mioche termina ses affaires assez vite et laissa la place à la Sœur Parasol qui passa les TROIS HEURES SUIVANTES sur le PC à faire je-ne-sais-quoi avec ses bestioles, se retournant tous les quarts d’heure en souriant et m’assurant qu’elle avait bientôt fini. De nombreux mots en –asse me viennent spontanément à l’esprit pour qualifier cette détestable personne, mais je ne dirai rien. Toutefois, je jure que s’il n’y avait pas eu l’air conditionné, je lui aurais fait bouffer ses bottes en caoutchouc !
Du coup, quand ce fut enfin à mon tour d’utiliser le PC, je négligeai la plupart de mes pokémons pour n’accorder de l’attention qu’à mon tout dernier compagnon, George, un embrylex capturé à Kalos onze mois plus tôt. Et c’est tout.
En sortant du centre Pokémon, je vis que le ciel commençait à virer à l’orange. Il était vingt heures passées, mais les températures ne voulaient pas redescendre. Je me rendis à la supérette la plus proche, pour ne pas dire la seule que je trouvai, et y achetai une toute petite bouteille d’eau fraîche, ainsi qu’un encas tout aussi minuscule. Je devais épargner mes deniers pour une chambre d’hôtel, à supposer que j’arrive encore à en trouver à cette heure.

Ma mésaventure suivante survint alors que j’errais à la recherche d’un établissement hôtelier. Sans prévenir, on m’arracha le microscopique sandwich que je tenais à la main. Je fis volte-face, les yeux injectés de sang, écumant de toute la rage dont est capable un individu crevant de faim, près à sauter à la gorge du voleur.
C’était un rattata. Son pelage, aux teintes violettes d’ordinaire, était gris sombre. En outre, ses moustaches me parurent plus courtes et plus épaisses que celles des rattatas habituels. Dans mon esprit, ce pokémon vit dans les zones rurales de Kanto et participe à leur charme rustique. Pourtant, celui que j’avais face à moi me fit l’effet d’une vermine sale et répugnante, à peine moins odieuse qu’un tadmorv.
Le rattata s’enfuit, je le pris en chasse. Hors de question de me faire piquer ma bouffe ! Au pire, c’est lui que je dévorerai, ce sale voleur ! Je courus comme un dément à la poursuite du pokémon souris, sous les regards amusés de la population locale. Le rattata s’engouffra dans une ruelle qui sentait les ordures ; je réprimai une envie de vomir et poursuivis ma traque.
Un spectacle déroutant m’attendait quelques mètres plus loin. Un rattatac obèse au poil sombre trônait sur un tas de poubelles, entouré d’une multitude de rattatas qui lui présentaient tour à tour les divers mets chapardés dans toute la ville. Je dus lâcher un juron à ce moment-là, car cette étrange assemblée s’arrêta brusquement et des centaines d’yeux rouges et luisants se braquèrent sur moi. N’étant pas téméraire, je quittai rapidement la ruelle, content de ne pas avoir été dépouillé de ma bouteille d’eau.

Fatigué, affamé et déprimé, j’abandonnai mes derniers pokédollars pour une nuit à l’hôtel. On me guida vers une chambre aussi grande qu’une chambre d’étudiant et à peine plus propre. L’unique fenêtre de la pièce donnait sur l’intérieur des terres et ne possédait pas de volets.
Je jetai mon sac sur le lit, m’attendant à voir s’envoler un nuage de poussière. Cette fois-ci, je fus agréablement déçu. Je sortis du sac mon vieil uniforme de la Team Rocket, qui me servait de pyjama, et me traînai péniblement à la douche. Ma toilette dura une minute et sept secondes, ce qui me parut énorme compte tenu de la vétusté de l’installation.
De retour dans la chambre, je m’allongeai sans tarder sur le lit, trop petit pour m’accueillir dans ma totalité. Je poussai alors un long soupir qui trahissait mon état d’esprit après une telle journée. Epuisé, je crus pouvoir m’endormir de suite, mais la chaleur des nuits d’Alola me maintint éveillé jusque très tard. Bien que tendancieuse, la phrase précédente ne comporte aucune connotation sexuelle. Juste pour préciser.