Duel au sommet de olyn

Encore un bonus du point de vue de Grignotte... La naissance de la petite Goupix (chapitre 24 même si Léa ne l'a jamais su ^^).

Il est aux côtés de sa Maraude lorsque l'événement se produit. Il attendait ça depuis... en fait il ne sait pas exactement. Le temps passe différemment lorsqu'on est mort, apparemment. En d'autres circonstances, il aurait sûrement trouvé ça fascinant et se serait livré à quelques petites expériences pour mesurer les différences, mais là en l'occurrence il n'a qu'une seule chose à l'esprit.

L'œuf.

Cela lui a fait un tel choc lorsqu'il l'a aperçu pour la première fois. Il veillait sur Maraude depuis... cornegidouille, encore ce problème de temps. Bref, il veillait sur Maraude lorsqu'elle s'est soudain levée pour se repositionner plus confortablement dans son trou, et c'est là qu'il l'a vu. Un petit œuf à la coquille d'un blanc crème, tout tacheté de points fauves. Et face à ça, son esprit qui d'habitude est si aiguisé est devenu tout mou - comme de la glace qui aurait fondu au soleil, mais en instantané.

Il a alors immédiatement collé sa tête contre le ventre de Maraude, a découvert qu'il pouvait passer au travers du corps de la Feunard s'il le souhaitait, et a senti l'œuf avec un sens pour lequel il n'avait pas de nom. Tout ça aurait dû l'intriguer au plus haut point, mais encore une fois, l'œuf avait tout balayé.

Son œuf.

Leur œuf.

En réalisant ça, il avait enfin compris ce qui le retenait ici. Il savait à présent qu'il fallait qu'il soit témoin de la naissance de son enfant avant de pouvoir partir pour de bon. Alors il avait attendu, patiemment, le cœur gonflé de joie et de fierté. Quelques regrets l'avaient traversé, bien sûr. Regret de ne pas pouvoir être vraiment là, en chair et en os, regret de ne pas pouvoir voir grandir le bébé qui allait bientôt pointer le bout de son museau. Mais il savait que sa place n'était plus ici désormais. Le seul lien le reliant encore à cette réalité, c'était cet œuf qui contenait le futur.

Lorsque la coquille se fendille et commence à craquer par une nuit de pleine lune, Grignotte contemple la scène avec bonheur. C'est d'abord le nez qui apparaît en premier, une minuscule truffe d'un joli noir, puis le reste de la tête suit, poussant à travers le trou qui finit par s'élargir pour laisser passer le bébé en entier. Maraude l'aide à sortir, le débarrassant ensuite des morceaux de coquille qui collent à sa fourrure.

Grignotte plisse les yeux, penche la tête, louche sur l'endroit en question, avant de décider qu'il doit s'agir d'une fille. Oui. Une petite Goupix, comme sa maman. Elle pousse un petit vagissement et Maraude la place d'autorité près de l'une de ses mamelles, que la petite commence immédiatement à téter. Grignotte observe sa fille, heureux, apaisé. Elle est vraiment toute petite, et magnifique avec ses poils roux, ses yeux qui s'ouvrent à peine, ses pattes plus foncées et son petit ventre couleur crème. Une unique queue blanche pointe de son arrière-train, déjà toute ébouriffée.

Voilà. Il peut s'en aller à présent.

- Vous allez être très heureuses toutes les deux, murmure-t-il.

Soudain, la petite Goupix s'arrête de téter et tourne la tête dans sa direction. Grignotte sent l'étonnement s'emparer de lui. Sa fille est-elle capable de le voir ? De l'entendre ? Maraude, elle, n'a jamais réagi à sa présence, il est certain qu'il est invisible à ses yeux. Mais peut-être est-ce différent pour quelqu'un de son sang ? Ou bien la petite est-il si proche de la naissance qu'elle est capable d'une façon ou d'une autre de distinguer à travers le voile de la mort ?

Lentement, Grignotte s'approche de la petite Goupix, tendant son museau dans sa direction. Il est si proche à présent qu'il peut presque la toucher. Sa fille semble bien avoir les yeux fixés sur lui... Tout à coup, elle aussi tend son museau, et durant une infime fraction de seconde le nez de Grignotte touche celui de sa fille - "touche" n'est pas le mot exact, mais c'est celui qui s'approche le plus de ce qui se passe vraiment. Une espèce de sensation pareille à un courant électrique parcourt le corps du Sablaireau ; quant à la Goupix, elle éternue soudain, le mouvement la projetant contre le ventre de sa mère. Maraude émet un grognement amusé et recommence à lécher la petite.

Grignotte n'en revient pas. C'était plus que ce qu'il n'aurait jamais pu demander. Il ignore si sa fille a compris ce qu'il s'était passé, si elle l'a vraiment vu ou senti, ou même si elle se souviendra de cet épisode, mais lui est en paix à présent. Il peut partir, suivre la voix qui se propose de le guider vers d'autres rivages.

Il jette un dernier regard à sa Maraude et leur bébé, puis se détourne pour emprunter le chemin indiqué par la voix. Il se retrouve à nouveau dans le vide blanc, repère une lumière éclatante qu'il n'avait jamais remarqué auparavant, et sent que c'est par là qu'il doit aller. Alors c'est ce qu'il fait.

Un pas dans la lumière, puis un autre.

Une chaleur agréable l'enveloppe, un sentiment de bien-être qui baigne toute son âme, puis le monde s'efface peu à peu, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.