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Atlas de Eliii



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» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 12/10/2016 à 14:26
» Dernière mise à jour le 12/10/2016 à 14:26

» Mots-clés :   Drame   Policier   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense

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003 : Tu es insaisissable
Atlas... au début, je doutais qu'il fût un quelconque danger, et je ne pensais pas que l'on entendrait encore parler de cet anonyme. John me disait qu'il ne fallait pas s'en préoccuper, que ce n'était qu'une baliverne qu'un pauvre soldat avait publiée dans le journal pour ressentir la célébrité au moins une fois dans sa vie. Je peux le dire haut et fort ; nous avions tous tort.
— I. Richmond —



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Voilaroc, 30 septembre 1955

Il régnait une fraîcheur agréable dans l'habitacle, qui s'insinuait par la fenêtre ouverte ; les rideaux pourpres voletaient à cause de la brise nocturne et l'on pouvait entendre le piaillement des Hoothoot et autres oiseaux de nuit bruyants. Le son de la douche, audible depuis la salle de bains grâce à la porte entrouverte, s'arrêta aussitôt, et moins de dix minutes plus tard, un homme de bonne taille, de stature droite et stricte — probablement un ancien chef militaire, au vu de son maintien noble —, sortit de la salle de bains, chichement vêtu d'un peignoir vert foncé surmontant une chemise blanche.

Son visage montrait clairement qu'il commençait à vieillir ; il devait avoir cinquante ans, peut-être légèrement moins. Néanmoins, il prenait tout de même soin de dissimuler les affres de l'âge, teignant régulièrement ses cheveux grisonnants dans leur noir d'origine, et conservant une bonne forme physique. Ses yeux d'un bleu électrique n'en restaient pas moins très chaleureux la plupart du temps, mais pouvaient devenir d'une froideur effrayante lorsque la situation le voulait. Un sourire affable étirait la plupart du temps ses lèvres, quelques rictus moqueurs parfois, mais autrement, il ne disposait pas d'un panel d'expressions très varié ; monsieur le sénateur Winzer Sutton n'était pas homme à s'émouvoir. Pourtant ce soir-là, il connut plus d'émotions en quelques minutes qu'en une vie entière.

Le politicien s'installa tranquillement sur le lit double de sa chambre d'hôtel, qu'il occupait seul, et saisit l'épais volume posé sur la table de chevet, pour en retirer le marque-page et reprendre sa lecture. Ligne après ligne, phrase après phrase, page après page, il dévorait ce livre comme c'était rarement le cas chez lui ; non pas qu'il n'appréciât pas la lecture, mais peu d'œuvres littéraires captaient son attention à ce point-là. Il fallait saluer son auteur pour cette performance. Les minutes passèrent, et minuit sonna en contrebas, dans l'église en mauvais état de la ville ; les gens du coin n'étaient pas très portés sur la religion et croyaient davantage en des dieux plus concrets, comme la boisson, le sexe, et les immanquables casinos de la ville. Un vrai foutoir, Voilaroc, depuis qu'un homme d'affaires influent du sud de la région y avait implanté ses établissements de jeux. L'homme d'affaires en question, par ailleurs, Winzer Sutton ne le portait pas dans son cœur, et il croyait bien que c'était réciproque.

Malgré tout, il ne s'attendait pas à ce qu'il s'apprêtait à vivre ; bien qu'il fût conscient de l'animosité qui les liait, jamais il n'aurait pu penser...

Trois coups à la porte l'interrompirent dans sa lecture assidue ; il grommela un vague juron, mais ne se leva pas, se contentant de demander s'il s'agissait du room service. Pas de réponse ; il ne releva pas. Une vingtaine de secondes s'écoulèrent, et les trois coups répétés contre le bois vinrent à nouveau le déranger. Rageusement, il referma son livre, y ayant auparavant remis le marque-page, et se leva, rajustant la ceinture de son peignoir vert luxueux. Quelques pas seulement le séparaient de la porte de la suite, mais il lui avait semblé faire des efforts intenses pour l'atteindre ; frustration et fatigue, sans doute, rien d'autre...

Il saisit la clé posée sur le guéridon, juste à côté de la porte, la fit tourner dans la serrure, et fit pivoter le battant de bois sur ses gonds, pour se retrouver nez à nez avec...

"Dieu du ciel !" maugréa-t-il en voyant son visiteur nocturne.

Un homme à l'allure particulièrement distinguée se tenait sur le seuil. Plutôt grand et de corpulence ordinaire, il portait un costume noir à la veste croisée, rayé de fines lignes grises. Une cravate orange venait apporter une touche de fantaisie à cet ensemble sombre. Plusieurs bagues, simples anneaux d'or ou d'argent, ornaient ses mains pâles aux doigts fins et délicats ; assurément pas celles d'un homme habitué au travail physique. Son visage de trentenaire était jeune, charmant ; un sourire étirait imperceptiblement ses lèvres fines, il arborait une très fine moustache et de légères rides au coin de la bouche, démontrant sa tendance à sourire fréquemment. Son regard, en revanche, était d'un bleu clair glacial ; le sénateur recula d'un pas lorsque ses yeux croisèrent les siens.

Winzer Sutton ne s'attendait clairement pas à recevoir une visite, et sûrement pas celle de ce type. John Sullivan, dans sa chambre d'hôtel ! Qui l'eût cru ? Le plus jeune des deux amorça un mouvement pour avancer, mais le politicien ferma vivement la porte ; cela ne suffit pas, puisque l'autre avait calé son pied, empêchant le battant de bois de revenir complètement dans sa position d'origine.

"Voulez-vous bien me dire pourquoi vous refusez de me parler depuis au moins une semaine ? Ce n'est pas se montrer intelligent que de repousser l'échéance à chaque fois, sénateur Sutton, et vous le savez aussi bien que moi. Autant me le dire tout de suite, s'il y a le moindre souci par rapport à notre accord. Je serai tolérant avec vous."

La voix calme de l'arrivant contrastait fortement avec son regard perçant, acéré comme celui d'un Gueriaigle. Le plus âgé tremblait, et se mordait la lèvre inférieure, sachant pertinemment qu'il ne s'en tirerait pas à bon compte, cette fois-ci. Si Sullivan avait décidé de prendre les devants et de venir à l'improviste, cela voulait clairement dire qu'il s'était aperçu de quelque chose... évidemment, on ne magouillait pas impunément avec plus intelligent que soi, et de ce point de vue-là, Winzer se savait clairement inférieur à ce jeune trentenaire fringant et richissime.

"Ecoutez, je crois qu'il y a méprise, je n'ai aucun problème avec notre accord, il me convient parfaitement.
— Vous dites cela, mais vous enragez, au fond de vous ; ne toucher que trente-cinq pourcents des bénéfices alors que vous contribuez beaucoup à ce projet, c'est frustrant, n'est-ce pas ? Vous avez accepté de signer ce contrat car vous n'aviez pas de meilleure offre sur le marché mais, au fond, vous songiez déjà à me trahir et à me voler comme un vulgaire nécessiteux, répliqua Sullivan sur un ton parfaitement serein ne trahissant nullement son mécontentement.
— C-ce sont des accusations très graves que vous formulez, et je...
— Epargnez-moi votre baratin, voulez-vous, monsieur Sutton ?"

Le susnommé grimaça ; de "sénateur Sutton", il venait de passer à "monsieur Sutton". Pas bon signe, ça, non, pas du tout. Mais il ne pouvait rien faire, de toute façon, car son corps refusait de lui obéir, ses jambes étant comme paralysées par la peur irrationnelle qu'il ressentait. Lorsqu'il vit Sullivan sortir un pistolet de sa veste, il déglutit bruyamment et ferma les yeux, sachant que son heure était venue. Le trentenaire pointa l'arme contre son front, et...



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Rivamar, 14 mai 1958

Le réveil fut violent, douloureux ; il avait l'impression d'avoir entendu une forte détonation, tout près de lui, mais non, il ne s'agissait que de son rêve. Ce maudit rêve idiot qu'il faisait parfois, sans raison apparente. La tête entre ses bras, à moitié avachi sur la table du salon, encore habillé des vêtements de la veille, il se redressa durement, ses articulations le faisant souffrir.

John Sullivan se souvint avoir un peu trop bu, la nuit précédente ; il ne s'était pas rendu compte qu'il avait ingurgité plusieurs verres de vodka à quatre heures du matin, et il avait refusé d'aller se coucher dans sa chambre par crainte de réveiller Ivanna. Laquelle descendait d'ailleurs les marches, habillée, comme à l'accoutumée, d'une robe élégante d'un noir de jais. C'était une jeune femme ravissante, âgée d'une trentaine d'années ; ses cheveux blonds foncés descendaient jusqu'à ses épaules, savamment ondulés, et son regard émeraude envoûtant brillait d'une curiosité non feinte.

"Et moi qui pensais que tu t'étais levé tôt pour partir au boulot, je te retrouve à moitié étalé sur la table, plaisanta-t-elle.
— Je fais peine à voir, je le sais bien, mais je n'ai pas fait attention à ma consommation cette nuit. J'ai une charge de travail assez importante ces temps-ci, et tu comprends que je puisse me relâcher un peu...
— Oh, tu n'as pas à te justifier, je ne te reproche rien, John."

L'homme hocha distraitement la tête et se leva difficilement, encore fatigué ; Ivanna Richmond le suivit du regard, jusqu'à ce qu'il prenne place dans le canapé, nettement plus confortable que les chaises entourant la table. Un petit Pokémon à l'apparence canine ne tarda pas à dévaler l'escalier pour venir rejoindre sa maîtresse et se frotter contre sa robe ; le Rocabot avait toujours été très câlin, et avait la mauvaise habitude de frotter son épiderme rocailleux contre les vêtements de sa dresseuse, ce qui ne faisait pas nécessairement du bien aux tissus.

"Les... les affaires vont bien, en ce moment ? questionna la jeune femme, tout en se baissant pour caresser la créature.
— Disons que oui, pour le moment, je n'ai pas à m'en plaindre, souffla John, une moue pensive peinte sur le visage. Cela dit, le tourisme à Rivamar pourrait chuter ces prochaines semaines, à cause de ce que les flics appellent une "vague de criminalité sur Sinnoh". A vrai dire, ça me contrarie un peu, de savoir que la justice se met en travers de mon business indirectement.
— Oui, je peux tout à fait comprendre..."

L'homme s'était bien entendu gardé de dire que la police avait aussi des raisons de s'intéresser de près à lui ; Ivanna ignorait tout du commerce illicite de son compagnon, et il comptait bien s'arranger pour que cela reste le cas. L'atmosphère de la grande maison était froide, impersonnelle ; des tas de meubles chics étaient disposés çà et là, bien ordonnés, tout était d'une propreté impressionnante, mais rien de vraiment particulier n'attirait l'œil ; on ne voyait pas d'autres décorations que des banales plantes en pot et quelques rares photographies posées sur des meubles. Cela venait certainement du fait qu'ils passaient bien davantage de temps à vivre au dernier étage de l'hôtel où John avait son bureau. Finalement, il brisa de nouveau le silence, qui commençait à se faire pesant.

"Et de ton côté, alors ? Comment ça se passe, au club ?"

Ivanna travaillait comme chanteuse de jazz dans un club très huppé du centre-ville, réservé à la bonne société de Rivamar et aux connaissances des gens de ce milieu-là. Avant les derniers mois de la guerre, elle travaillait comme comptable pour ce même club, ayant une aisance particulière avec les chiffres, mais ensuite, comme elle avait l'habitude de chanter de temps à autre, elle s'était faite remarquer par le directeur, qui louait encore et toujours son timbre de voix sublime digne d'une Doris Day ou d'une Billie Holiday ; ce nouveau succès lui avait, entre autres, permis de rencontrer le magnat de l'hôtellerie et des casinos qui partageait maintenant sa vie.

"Personne n'a à se plaindre de quoi que ce soit pour le moment, et les clients affluent ; il n'y a pas si longtemps, trois ou quatre jours, nous avons reçu le député de notre circonscription, par ailleurs... je crois me souvenir qu'il a longuement discuté avec quelqu'un au sujet d'Atlas. Tu sais, le type qui a écrit un message pour le Sinnoh News.
— Oui, je vois de qui tu parles, cet ancien soldat revenu de la Grande Guerre. Ne prête pas trop attention à ces balivernes, ce n'est qu'un idiot qui avait un besoin compulsif d'attention, rien de plus, rien de moins, Ivanna.
— Certes mais... j'ai comme l'impression que ce n'est pas tout, qu'il y a quelque chose d'autre derrière ce message. Je ne saurais expliquer quoi, c'est juste... un genre de pressentiment, tu vois ?" tenta-t-elle d'expliquer, maladroitement.

John haussa un sourcil, puis lui intima de s'approcher de lui, ce qu'elle fit ; il prit ses mains aux ongles vernis de rouge dans les siennes, et les serra doucement, ce geste se voulant rassurant.

"Cette histoire n'est qu'une bêtise, et tu ferais mieux de l'oublier, à mon avis, si tu en parlais aujourd'hui à tes collègues, on te regarderait avec des yeux ronds et on se demanderait de qui diable tu peux bien parler. J'extrapole, mais comprends par là que cet Atlas fait partie du passé, maintenant, plus jamais on ne lira ce nom en première page du Sinnoh News."

La blonde hocha doucement la tête, d'abord peu convaincue, puis finit par se dire qu'il avait raison. Bien sûr qu'il avait raison, quel canard aussi populaire que le Sinnoh News s'embarrasserait de ce genre d'articles inutiles, ne servant qu'à faire jaser deux, trois vieilles dames dans les parcs publics ? Ivanna connaissait Robert Marlowe, le rédacteur en chef de ce journal, pour lui avoir accordé une interview quelques semaines auparavant, et savait qu'il s'agissait d'un homme sensé ; peut-être un peu excentrique par certains aspects, mais bel et bien sensé et intelligent. Il ne se préoccuperait sans doute plus de ce fichu Atlas, à présent.

"Bien, je vais devoir m'absenter pour aller au travail ; je suis déjà en retard à la réunion du conseil d'administration, et ça n'arrange pas mes affaires... soupira John. Merde, j'ai vraiment passé une nuit affalé à la table du salon ?
— C'est peut-être incroyable dit comme ça, mais c'est bien arrivé ; je ne sais pas comment tu as fait pour réussir à dormir dans de telles conditions...
— Ce n'est pas comme si j'avais bien dormi, de toute façon. Passe une bonne journée, chérie."

Un baiser sur les lèvres suivit, puis il quitta la villa en hâte pour se rendre à son bureau ; elle ne tarda pas à se laisser tomber sur le canapé, Rocabot assis à côté d'elle, pour allumer la télévision.


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Le principal quartier résidentiel de Rivamar se trouvait au sud de la ville, non loin de la route adjacente, la numéro 222. Des maisons identiques, spacieuses et sobres, s'alignaient dans une parfaite harmonie ; les voitures roulaient tranquillement sur les voies goudronnées ; quelques enfants s'amusaient çà et là avec leurs Pokémon, n'étant pas encore en âge d'aller à l'école. De nombreuses familles comptant un ou plusieurs enfants s'installaient dans les environs pour profiter du calme ambiant, loin de la folie et de l'agitation du centre-ville.

L'une de ces habitations abritait la famille de Roy Andreivic, second du richissime John Sullivan. Sans regarder le nom sur la boîte aux lettres, personne ne s'en serait douté, tant elle détonnait avec la villa immense de l'homme d'affaires ; mais son bras droit n'était pas du genre à étaler son argent, et préférait le mettre de côté pour offrir des vacances à sa famille, ou bien pour permettre à ses enfants de faire des études dans de prestigieuses académies du continent.

Le jardin bien entretenu témoignait de la présence d'au moins une fille et un garçon dans la maison ; un ballon de football, un vélo bleu et quelques poupées traînaient près de la porte du garage. Une voiture bleue foncée rutilante patientait devant l'habitation, attendant que quelqu'un vienne s'en servir.

A l'intérieur régnait une chaleur bienvenue, couplée à une agréable odeur de nourriture ; Elise Andreivic avait toujours été fine cuisinière, et sa famille pouvait en témoigner. Tous deux étaient installés dans le canapé, en face de la télévision, et leur fille de deux ans, Anya, adorable avec ses cheveux rougeoyants — caractéristique de sa mère — et ses grands yeux gris — qu'elle tenait de son père —, était allongée sur le tapis, contemplant elle aussi l'écran sans vraiment comprendre ce que voulait dire tout ce qu'elle entendait.

"Pour une fois que tu prends un jour de congé, c'est assez rare pour être souligné, ricana la femme rousse, sans quitter des yeux le téléviseur.
— Si monsieur Sullivan n'avait pas insisté, je serais en ce moment même en train de superviser une quelconque activité. Mais il voulait absolument que je me repose, après cette semaine passée à Unionpolis. J'admets que c'était éreintant, mais c'est surtout dû au fait que je m'ennuyais ferme là-bas. Il n'y a pas même un casino, dans cette ville, à cause de la trop grande influence de la religion sur cette partie-là de Sinnoh... soupira l'exilé russe avec une moue indéchiffrable, comme si se rappeler son séjour dans le centre de la région lui était très pénible.
— Je connais ça, oui, j'ai vécu la majeure partie de ma vie dans cette ville. J'ai toujours pensé que la religion avait un pouvoir trop important à Unionpolis, mais on ne peut rien y faire... si monsieur Sullivan lui-même n'est pas parvenu à passer outre les restrictions religieuses, je doute que quiconque puisse le faire."

Roy hocha distraitement la tête et jeta un œil à travers la fenêtre, pour voir un Feuillajou endormi sur le rebord, l'air paisible. Cette vision le radoucit, et il reporta son attention sur l'écran de télévision en noir et blanc. Une publicité montrant le nouveau modèle de radio, une autre vantant les mérites des Pokéballs, invention somme toute pas si vieille que ça — le premier prototype devait dater du début du siècle —, et une dernière faisant la promotion d'un nouveau produit pharmaceutique passèrent, puis le bulletin d'informations reprit. Une jeune femme aux cheveux noirs — foncés tout du moins, l'écran en noir et blanc ne permettant pas de réellement se faire une idée — s'adressait aux spectateurs, avec un sourire charmant et un joli visage ; les journalistes étaient souvent sélectionnés pour leur apparence physique avantageuse, avait déjà noté Andreivic.

"Un flash spécial d'informations vous est maintenant proposé. Monsieur Robert Marlowe, rédacteur en chef de Sinnoh News, a accepté de venir parler lui-même à la télévision."

Elle fit un geste de la main, et un homme apparut dans le champ de la caméra. Il devait probablement avoir la quarantaine, comme le démontrait son allure jeune malgré les quelques rides qui lui parsemaient le visage. Ses cheveux clairs étaient parfaitement peignés, et il portait un costume luxueux. Un sourire serein éclairait son visage.

"Je doute que tout le monde se souvienne de la une de la semaine dernière, à propos de cet homme, Atlas... comme beaucoup, je pensais qu'après ça, on n'entendrait plus jamais parler de lui. Et pourtant, ce matin-même, à Unionpolis, on a retrouvé des affiches portant l'inscription, en anglais, "Atlas will show you the way", ce qui signifie, pour ceux d'entre vous qui ne maîtrisent pas la langue, "Atlas vous montrera le chemin". Il y a fort à parier que ce chemin qu'il mentionne est celui de la rédemption du genre humain, comme il en a si bien parlé dans ce texte qu'il a envoyé au journal.
— Merci beaucoup, monsieur Marlowe, reprit la femme. Et donc, que pensez-vous de cette découverte faite ce matin par les forces de l'ordre ?"


Marlowe resta un moment silencieux, la main posée sur son menton, l'air de réfléchir, puis donna sa réponse.

"Je pense que cet Atlas est un genre d'anarchiste qui cherche juste à se faire connaître par tous les moyens. A vrai dire, ces affiches, ce n'est peut-être même pas de son fait. Quelqu'un aurait pu se servir du nom d'Atlas pour faire ça, qu'en sais-je... Je ne peux pas vous être d'une grande aide à ce sujet, je regrette.
— C'est déjà bien sympathique à vous d'avoir accepté de..."


La voix de la jeune journaliste s'éteignit en même temps que la télévision. Roy en avait eu assez d'entendre ces élucubrations au sujet de cet Atlas. En réalité, il s'inquiétait que ce mystérieux personnage puisse, d'une façon ou d'une autre, mettre à mal le commerce illégal de John Sullivan ; et tant qu'il serait sous les ordres de cet homme, le russe ne le permettrait sûrement pas. Si Atlas était l'ennemi du crime, alors il était son ennemi, à lui.