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» Auteur : Goldenheart - Voir le profil
» Créé le 12/07/2016 à 17:12
» Dernière mise à jour le 12/07/2016 à 17:30

» Mots-clés :   Drame   Kalos   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Suspense

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Chapitre 13 - Fugitifs
J’ai toujours pensé que fuir était une méthode employée par les lâches. Mais quand la survie de ses proches est en jeu, on accepte volontiers de devenir un lâche.


~*~


Le soleil couchant tapait dur sur ma nuque. Et le pire, c’est qu’il n’y avait pas le moindre souffle de vent pour me soulager. Tout ce que je pouvais faire, c’était attendre que l’astre achève sa lente descente derrière l’horizon, et que la fraîcheur de la nuit tombe sur la terre. Mais je n’avais pas le temps d’attendre si longtemps en restant immobile. Qui sait où pouvait bien se trouver l’Homme Masqué, ou son Arcanin ? S’ils étaient toujours à nos trousses en ce moment même, il n’y avait pas de temps à perdre. Nous devions atteindre les montagnes au plus vite.
Alors, malgré mes blessures qui m’élançaient à chaque pas, je continuai d’avancer, sous ce crépuscule bien brûlant pour une fin d’été.

- Pikapi…

Pikachu trottinait à mes côtés, sans cesser de me regarder avec inquiétude. Je le soupçonnais d’avoir volontairement refusé de monter sur mon épaule, comme il en avait l’habitude, pour me soulager de son poids. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Pikachu était le seul d’entre nous – ceux qui avaient affronté l’Homme Masqué – à ne pas avoir l’apparence d’un mourant. Hormis quelques légères cicatrices çà et là, le Pokémon électrique n’avait aucune séquelle physique. Sûrement parce qu’il avait été soigné pendant notre séparation… Ce qui prouvait que l’Homme Masqué pouvait prendre soin de ses Pokémon.

- Pikapi… !

Les plaintes de Pikachu se faisaient plus pressantes. Je l’ignorai et poursuivis ma route. Nous avions quitté la forêt il y a bien longtemps déjà, mais les montagnes étaient encore loin devant nous. En voyageant ainsi à découvert, nous nous exposions ouvertement, ce qui, pour des fugitifs, était loin d’être l’idéal.

Des fugitifs… Oui, c’était bel et bien ce que nous étions. J’en avais conscience, et pourtant même avec le recul, je n’arrivais toujours pas à assimiler ce que j’avais fait.

Je revoyais encore la scène : j’avais demandé à Pikachu d’utiliser Tonnerre sur le groupe Trompignon qui dormait non loin. Réveillés en sursaut, les Pokémon plante s’étaient défendus en utilisant Spore, exactement comme je l’avais prévu. Une fois les Spores dissipés, j’avais eu le champ libre. L’agent Jenny et les policiers endormis, je pouvais mettre mon plan à exécution : fuir.

Cependant, en voyant l’Holokit de l’agent Jenny, je n’avais pu résister à l’envie de laisser un message à mes amis. Après tout, ils avaient le droit de savoir ce que j’avais prévu de faire. Même si je me doutais qu’ils ne l’accepteraient pas aussi facilement. Raison de plus pour me dépêcher ; je devais mettre le plus de distance possible entre eux et moi. Histoire qu'ils ne puissent pas me rattraper...

- PIKAPI !!

Je m’arrêtai brusquement, les nerfs sérieusement mis à vif par les protestations incessantes de mon ami Pokémon.

- Ça va, j’ai compris ! lâchai-je, exaspéré. On va faire une pause…

Pikachu sembla soulagé. Pourtant, ce n’était clairement pas pour lui qu’il avait demandé à ce qu’on s’arrête. Mais pour moi. Malgré mon irritation, je ne pus m’empêcher d’éprouver de la reconnaissance pour le petit Pokémon. Heureusement qu’il était là pour veiller sur moi…

Par chance, nous arrivâmes en vue d’une cuvette, avec un petit étang en son centre. Il y avait peu de chances pour qu’on nous repère, ici, aussi acceptai-je que l’on s’y arrête pour la nuit. Je fis sortir mes Pokémon afin de les laisser se désaltérer, et m’adossai au tronc d’un peuplier, profitant de son ombrage bienvenu. J’étais à bout de souffle ; je n’avais pas cessé de marcher depuis notre départ de la forêt, et j’ignorais toujours quand est-ce que j’atteindrai les montagnes. Ni si le lendemain, j’aurais encore assez d’énergie pour reprendre la route. J’avais les jambes en compote.

Je perçus du mouvement devant moi. Je levai la tête ; mes cinq Pokémon m’avaient rejoint sous l’ombre grandissante de l’arbre, et me fixaient avec insistance. Je devinai leur question silencieuse : pourquoi sommes-nous ici ?

Je leur fis un bref résumé de la situation, leur expliquant les conséquences de l’attaque du Centre Pokémon.

- …et c’est pour ça qu’on ne peut pas retourner auprès de nos amis, conclus-je. Pas tant qu’on aura la menace de l’Homme Masqué au-dessus de nos têtes. Si lui ou ses Pokémon nous attaquent à nouveau, nos camarades risquent d'êtres blessés collatéralement.

Un long silence accueillit mon discours. Pikachu, déjà au courant de ma décision, jeta des coups d’œil inquiets à ses compagnons. Sonistrelle et Flambusard paraissaient choqués. Brutalibré conservait un air grave. Quant à Croâporal, il arborait ce fameux visage inexpressif dont lui seul était capable. Néanmoins, aucun d’entre eux n’émit le moindre commentaire.

Ce silence plus que pesant commençait à me mettre très mal à l’aise, d’autant plus qu’il ne me disait pas si mes Pokémon approuvaient ou non mon choix… De toute manière, il n’y avait plus de retour en arrière possible, ce que je ne manquai pas de leur faire comprendre.

Croâporal se leva soudain et me tira la manche. Il fit ensuite mine de s’échauffer, et de jouer des poings.

- Tu veux t’entraîner, c’est ça ? lui demandai-je.

Le Pokémon eau hocha la tête. Les autres murmurèrent leur accord. Je fus d’abord tenté de refuser ; la plupart d’entre eux étaient encore très mal en point physiquement. Combattre maintenant ne serait pas raisonnable… Mais à bien y réfléchir, Croâporal avait raison. Nous ne pouvions pas fuir indéfiniment l’Homme Masqué. Il arriverait bien un jour où nous n’aurions d’autre choix que de l’affronter. Et ce jour-là, nous nous devrions d’être prêts.

- D’accord, finis-je par dire. On va s’entraîner. Plus vite nous progresserons, plus vite nous pourrons vaincre ce type et retrouver nos amis !

Mes Pokémon poussèrent un cri à l’unisson. Galvanisé par leur entrain, je décidai d’organiser un combat entre Pikachu et Brutalibré. Les trois recalés firent la moue, mais le choix n’était pas sans raison : avec son aile brisée, Flambusard était inapte à combattre, et les blessures de Croâporal étaient bien trop profondes pour prendre le risque de les rouvrir. Quant à Sonistrelle, il était encore trop jeune, et pas assez expérimenté pour livrer un combat contre ses aînés.
Les « heureux élus » prirent donc position face à face, impatients de se dégourdir un peu les membres.

- Vous êtes prêts ? C’est parti ! Pikachu, Vive-Attaque ! Brutalibré, esquive-le !

Les deux Pokémon s'exécutèrent ; grâce à son excellent jeu de jambes, Brutalibré parvint à éviter les multiples charges de Pikachu. Il se mouvait avec grâce ; on aurait presque dit un torero lors d’une corrida.

- Parfait, continuez ! les encourageai-je. Vous devez augmenter votre vitesse !

Pikachu saisit le message ; il reprit de l’élan et accéléra.

- Brutalibré, Pied Vol-

« Non ! » Pikachu allait trop vite ! Et si Brutalibré manquait son coup ? Pied Voltige risquerait de lui infliger de lourds dégâts…

Le temps de penser à cela, le Pokémon électrique avait déjà atteint sa cible. Brutalibré, qui attendait toujours son ordre à ce moment-là, fut projeté en arrière. Inquiet de le voir porter la patte à son torse, là où il avait reçu la plupart de ses blessures, je lui demandai s’il allait bien. L’oiseau de combat se redressa aussitôt, et me répondit par l’une de ces poses confiantes dont il avait le secret. Cependant son regard était dur ; il ne comprenait sûrement pas pourquoi je n’avais pas terminé mon ordre pour contre-attaquer. Moi-même je m’étonnai d’avoir eu une telle hésitation.

« C’est l’inattention… Je n’ai pas l’habitude de m’entraîner avec des Pokémon blessés… » Je me frappai les joues pour me concentrer.

- On continue ! Brutalibré, Flying Press !

L’oiseau obtempéra, et sauta suffisamment haut pour pouvoir effectuer sa fameuse pose. Après quoi, il fondit en piqué droit sur Pikachu.

- Riposte avec Boule Elek !

La sphère électrique manqua de peu sa cible ; à la dernière minute, Brutalibré fit une habile pirouette pour l’esquiver. Mais ce faisant, il modifia légèrement sa trajectoire. Pikachu n’eut qu’à sauter en arrière pour éviter l’attaque Flying Press, et Brutalibré s’écrasa au sol.
En étant ainsi en l’air, tandis que Brutalibré se remettait de sa chute, Pikachu avait une ouverture formidable pour contre-attaquer.

« Mais quelle attaque utiliser ? Tonnerre ? Dans son état, Brutalibré ne le supportera pas… Je sais ! Boule Elek ! » Je m’apprêtais à donner l’ordre à Pikachu, quand je m’aperçus que celui-ci avait déjà atterri. La contre-attaque était tombée à l’eau.

Je fus saisi d’effroi. J’avais encore hésité. Mais que m’arrivait-il ? Pourquoi n’étais-je pas fichu de contre-attaquer correctement ?

Pikachu et Brutalibré, qui se faisaient toujours face, se tournèrent vers moi, m’appelant pour me demander leur prochain mouvement. Mais ce fut comme si je ne les entendais pas. Mon cœur tambourinait fort dans ma poitrine ; je revoyais par flashs les scènes du combat contre l’Homme Masqué. La vitesse irréelle de ses Pokémon. Notre impuissance à ce moment-là.

« Si on ne contre-attaque pas, on ne pourra jamais gagner face à lui… »

Gagner… Mais en étais-je seulement capable ? Pouvais-je…

- Pika-pi ?

Pikachu et les autres affichèrent un air inquiet devant mon silence. Je secouai la tête pour chasser ces horribles images. Je vis Pikachu, et Brutalibré, qui me regardaient sans savoir quoi faire. Etrangement, cette vision me mit en colère.

- Quoi ? Qu’est-ce que vous avez à me regarder comme ça ? Allez, continuez à attaquer ! C’est pas en restant immobiles qu’on va gagner !

Mes Pokémon parurent choqués. C’est que c’était la première fois que je leur hurlais dessus de la sorte. J’eus moi-même du mal à croire que j'avais dit une chose pareille.

D’abord hésitants, Pikachu et Brutalibré finirent par reprendre le combat, choisissant leur attaque de leur propre chef. Brutalibré utilisa Poing Karaté ; Pikachu Queue de Fer. Les deux Pokémon échangèrent plusieurs coups rapides. Seulement, ils me paraissaient encore bien trop lents à mon goût. Beaucoup trop lents.
Je pouvais presque entendre la voix railleuse de l’Homme Masqué me susurrer : « C’est tout ce dont tu es capable ? Tu es si faible… »

- Allez, plus vite ! m’écriai-je. Accélérez !

Les combattants grimacèrent, mais obéirent. Ils augmentèrent le rythme autant qu’ils purent. Seulement, à force, ils commençaient à fatiguer. Leurs coups devinrent de moins en moins précis.

- Pourquoi vous ne parvenez pas à réussir vos attaques ?! Allez ! Concentrez-vous !

A côté de moi, Crôaporal, Flambusard et Sonistrelle protestèrent. Je les ignorai ; mon esprit n’était plus focalisé sur rien d’autre que le combat. Le cœur qui battait à toute allure... Le sang qui bouillait dans mes veines... Mais ce n'était pas encore assez. Il nous fallait plus, encore plus de puissance !

Pour le moment, Pikachu dominait l’échange, faisant progressivement reculer Brutalibré vers la rive de l’étang. Se voyant ainsi acculé, l’oiseau catcheur tenta une attaque frontale, pile à l’instant où Pikachu revenait à la charge. Mais le terrain était glissant, et le choc fit trébucher les deux adversaires, qui tombèrent à l’eau.

- Pikachu ! Brutalibré !

Tout à coup, le combat n’avait plus aucune espèce d’importance, et mes sensations s'évaporèrent d'un seul coup. Je me précipitai dans l’étang, là où mes Pokémon avaient sombré. Au moment où je m’aperçus que j’avais pied à cet endroit, la tête de Pikachu creva la surface de l’eau, suivie par celle de Brutalibré. Soulagé, je tombai à genoux. J’avais eu si peur…

Puis je pris conscience de ce que je venais de faire. J’avais poussé mes Pokémon à s’acharner l’un sur l’autre. Mais pourquoi… ? Cela ne me ressemblait pas ! Ce que Pikachu et Brutalibré venaient de livrer n’était pas un combat, et encore moins un entraînement !

Quelque chose m’effleura le bras, me faisant sursauter. Croâporal nous avait rejoints dans l’eau pour aider ses deux amis à se relever. Ces derniers, trempés jusqu’aux os, se laissèrent faire, en me toisant avec incompréhension. Mon cœur se serra, comme transpercé par des myriades de petites lames. Incapable de soutenir le regard perdu de mes Pokémon, je posai brièvement une main sur l’épaule de chacun, avant de regagner la terre ferme, tête basse.

- Ça suffit pour aujourd’hui, murmurai-je. Je…on a tous besoin de repos, je crois…

Aucune objection. Un profond malaise s’installa entre nous six, nous plongeant dans le mutisme.

La nuit finit par tomber. Je m'installai contre le tronc d'arbre, mes Pokémon lovés autour de moi. Tous s’endormirent rapidement ; je n’eus pas cette chance. Peinant à trouver le sommeil, je contemplai la lune à travers le feuillage du peuplier. Ce qui s’était passé me tourmentait encore ; pourquoi m’étais ainsi emporté ? Ce n'était pas mon genre de pousser mes Pokémon à l’affrontement brut. D'ailleurs, c’était précisément ce que je détestais dans le style de l’Homme Masqué.

Je serrai le poing sur ma poitrine, comme si cela pouvait suffire à calmer les battements affolés de mon cœur. Quelque chose avait changé en moi depuis ce combat contre le chasseur de Pokémon. Mais j’ignorais quoi.
Et cela m’effrayait.

Finalement, vaincu par la fatigue, je sombrai dans un sommeil sans rêves.


~*~

Je fus réveillé par Brutalibré, qui me secouait par l’épaule. Un bref coup d’œil au ciel étoilé m’apprit que nous étions toujours au beau milieu de la nuit. L’oiseau de combat baragouinait rapidement dans sa langue, en faisant de grands signes. Encore un peu dans les vapes, j’avais du mal à interpréter ses gestes ; je vis seulement qu’il paraissait affolé et inquiet.

Puis, en regardant autour de moi, je compris ce qu’il voulait me dire :

- Sonistrelle a disparu ?!


~*~

L’homme courait à perdre haleine, sans se soucier des petits cris étouffés qui s’échappaient de son sac. Il zigzaguait sans arrêt entre les buissons, les rochers, tentant par tous les moyens d’échapper à son poursuivant.

Devant lui, la route fonçait droit dans un mur. Il s'arrêta, le temps de reprendre souffle, et jeta un rapide coup d’œil derrière lui. Personne.

« Ouf, j’ai fini par le semer… » Satisfait, il ouvrit son grand sac de toile et en sortit une petite cage. De son doigt couvert de bagues serties de pierres précieuses, il rajusta ses lunettes noires et contempla sa merveilleuse prise : un Sonistrelle noir et vert. Une rareté ! Le petit Pokémon gémit pitoyablement, essayant vainement de ronger les barreaux de sa prison.

- Cesse de te débattre, idiot. Tu ne peux pas t’échapper d’ici. Grâce à toi et à tes belles couleurs, je vais pouvoir me faire un beau paquet de fric…
- Dans tes rêves !

L’homme aux lunettes fit volte-face. Devant lui, la silhouette d’un homme juché sur son Galopa se découpait à travers les ténèbres, éclairé par la lueur laiteuse de l’astre nocturne.

- Encore toi ?! Mais vas-tu me lâcher, à la fin ?!
- Ta route s’arrête ici, fit le cavalier surgi hors de la nuit. Relâche immédiatement ce Pokémon !

L’autre serra les dents et chercha désespérément un moyen de s’échapper. Si seulement cet abruti de cavalier n’avait pas terrassé ses Pokémon tout à l’heure…

Puis tout à coup, une ombre fondit droit sur lui.

En face, Genzo eut du mal à assimiler ce qui se passait sous ses yeux. Alors qu’il avait enfin coincé ce chasseur de Pokémon chromatiques, un Sonistrelle – de couleur normale, celui-là – était sorti de nulle part et commençait à attaquer l’homme à lunettes. Ce dernier poussait de grands cris alors que la chauve-souris enfonçait ses crocs dans son crâne dégarni. En se débattant, il finit par lâcher la cage, qui tomba avec fracas sur le sol. Genzo ne perdit pas un instant :

- Maintenant ! Galopa !

Le cheval de feu s’exécuta ; d’un puissant coup de sabot, il réduisit la cage en mille morceaux, libérant par là-même son prisonnier. Le Sonistrelle vert s’envola sans demander son reste, sous les yeux impuissants du voleur.


~*~

Guidés par la seule lumière de la lune, mes Pokémon et moi cherchions désespérément Sonistrelle. Nos appels troublaient le calme de la nuit, allant jusqu’à faire taire les Hoothoot. Au diable la discrétion. L’essentiel, c’était de trouver Sonistrelle.

Je vis Flambusard tenter de battre des ailes. Il devait être frustré de ne pas pouvoir voler pour chercher son jeune ami. Je tentais de le dissuader de se faire mal inutilement, quand Pikachu leva soudain les oreilles. Par de petits signes, il m’apprit qu’il avait repéré Sonistrelle.

Je suivis la direction indiquée par mon ami, mes autres Pokémon sur les talons. Nous arrivâmes rapidement sur un plateau rocheux. Devant nous, une masse sombre se dressait de toute sa hauteur, son sommet dissimulé par les nuages. Les montagnes. Je ne pensais que l’on en était si proches…

- Arrgh ! Lâche-moi ! Aïe !

Des cris sur le côté attirèrent mon attention. Je me dirigeai vers leur source ; et là, quelle ne fut pas ma surprise de voir Sonistrelle accroché au sommet du crâne d’un homme. Habillé d’un manteau de fourrure, ce dernier portait des lunettes de soleil – comment faisait-il pour y voir clair en pleine nuit avec ça… ? – ainsi que de nombreuses bagues serties de pierres précieuses aux doigts. Un homme qui aimait le luxe apparemment… Mais pourquoi Sonistrelle l’attaquait-il ?

Tout à coup, deux mains saisirent le Pokémon dragon, et le tirèrent en arrière. Deuxième surprise de la nuit : c’était le vieil homme au Galopa de l’autre fois !

- Allez, ça suffit, haletait-il à l’attention de mon Pokémon. Lâche-le, c’est terminé !

Même si je ne saisissais pas tout ce qui se passait, je devinai que Sonistrelle avait besoin d’aide. Mais avant que je puisse intervenir, le Pokémon dragon, furieux, lança un puissant Ultrason. Aussitôt, le vieil homme le lâcha afin de pouvoir se couvrir les oreilles, mais Sonistrelle ne s’arrêta pas pour autant. Tous, humain comme Pokémon, tentèrent de se protéger comme ils pouvaient.

- Sonistrelle ! hurlai-je. Calme-toi !

Rien à faire. Ma voix se perdit dans l’attaque Ultrason. En désespoir de cause, malgré mes tympans sur le point d’éclater, je m’accroupis auprès de Sonistrelle et lui caressai la tête, lui intimant une nouvelle fois de se calmer. L’effet fut immédiat. Le Pokémon Ondes cessa aussitôt de crier, et se réfugia dans mes bras. Je soupirai de soulagement ; mes oreilles en sifflaient encore… Mais j'étais surtout heureux de savoir mon protégé sain et sauf.

Soudain l’homme à lunettes - dont les lunettes étaient tombées, d'ailleurs - se dressa au-dessus de nous, le regard fou.

- Espèce de sale petit… Tu vas… me le payer…

Instinctivement, je reculai pour éloigner Sonistrelle. Je m’apprêtai à appeler mes autres Pokémon, quand je vis qu’ils étaient tous en retrait, se tenant la tête entre les pattes ou les ailes.

« Mince, ils sont confus ! » Le type à lunettes se rapprochait de plus en plus. Bien décidé à ne pas le laisser toucher à Sonistrelle, je me préparai à toute attaque de sa part.

Mais finalement, rien ne vint. L’homme s’effondra sur le sol, K.O.. Un Spinda apparut juste derrière lui, titubant comme un soûl.

- Heureusement que j’avais sur moi un Pokémon pouvant faire face à la confusion…

Je me tournai pour apercevoir le vieil homme se relever en titubant, exactement comme son Spinda. Ses yeux lançaient des éclairs et, sans savoir pourquoi, j’eus soudain une furieuse envie de m’excuser et de disparaitre sous terre.

- Dis-donc, gamin ! Ce Pokémon est à toi ? Tu pourrais un peu mieux le dresser, à cause de lui, j’ai failli tourner de l’œil !
- Euh…Je…, bafouillai-je. Excusez-nous, monsieur.
- Soni…

Sonistrelle s’inclina en même temps que moi, l’air tout penaud. Pendant ce temps, mes Pokémon reprirent leurs esprits et me rejoignirent.

- Bah, t’excuse pas, va…, soupira le vieil homme. Après tout, grâce à ton p’tit Sonistrelle, ce gars ne fera plus de crasses !

Il désigna l’homme à lunettes, toujours inconscient.

- Qui est-ce ? demandai-je.
- Un chasseur de Pokémon. D’après ce que j’ai vu, il se spécialise dans les Pokémon chromatiques ; tu sais, ceux qui sont d’une couleur différente de la normale. Je suis tombé sur lui par hasard et je l’ai poursuivi. C’est là que le petit bonhomme est arrivé.

Je me raidis en entendant cela. Un chasseur de Pokémon ? Comme l’Homme Masqué…
Néanmoins, un rapide coup d’œil à ce pauvre gars au look sur-opulent me permit d’affirmer qu’il n’avait rien à voir avec mon poursuivant. Loin de là…

- Ce type avait capturé un Sonistrelle, poursuivit le vieil homme. Je suppose que ton Pokémon a senti la détresse de son collègue et a voulu l’aider.

Sonistrelle hocha la tête avec vigueur. Voilà pourquoi il avait disparu...

- Je comprends mieux maintenant... Mais tu ne dois pas partir sans prévenir personne, le grondai-je gentiment. On était inquiets, tu sais.

Sonistrelle inclina de nouveau la tête pour s’excuser. Attendris, mes autres Pokémon, eurent un sourire en coin devant leur petit confrère héroïque. Même Galopa hennit doucement.

Minute… Galopa ?

- Au fait, on s’est déjà rencontrés, vous et moi, non ? Vous êtes monsieur…euh…
- Genzo. Et pas de « monsieur », je te l’ai déjà dit.

Le ton était froid. Glacial, même. Sans rien dire, je regardai Genzo rappeler son Spinda et ligoter fermement le malfrat. Après quoi, il me toisa, ainsi que mes Pokémon.

- Je vois que vous êtes toujours dans cet horrible état… Je croyais que l’agent Jenny allait vous emmener à l’hosto ? Pourquoi êtes-vous encore à vous balader dans la nature ?
- Eh bien…

Je me triturai les méninges pour trouver une excuse valable. Puis un détail me frappa.

- Hé, une minute ! Comment vous savez que je devais aller à l’hôpital ?
- C’est évident, quand on voit vos blessures, répondit Genzo. Et puis, l’agent Jenny avait bien dit qu’elle allait t’y emmener…
- Et comment pouvez-vous le savoir ? Vous aviez disparu au moment où elle est arrivée !

Le vieil homme se pinça légèrement les lèvres. J’avais vu juste. Décidément, il me cachait quelque chose…

- Pourquoi avoir disparu si soudainement ? insistai-je.
- J’ai mes raisons.
- Eh bien moi, j’ai mes raisons pour ne pas être allé à l’hôpital, rétorquai-je.

Pendant un long moment, je soutins le regard perçant du vieil homme. La tension entre nous était si palpable que même les Pokémon retinrent leur souffle.

- Ce sont peut-être tes raisons…, lâcha finalement Genzo. Mais est-ce que ce sont celles de tes Pokémon ?

Surpris, je ne trouvai rien à répondre. Qu’entendait-il par-là ?

- En tant que dresseur, poursuivit le vieil homme, tu es responsable de la santé et de la sécurité de tes Pokémon. Es-tu certain d’agir pour leur bien en refusant de les soigner ?

Je me mordis les lèvres ; il n’avait pas tort. Mais…

- C’est beaucoup plus compliqué que cela…
- Qu’y a-t-il de compliqué à s’occuper de ses Pokémon ?
- Vous ne pouvez pas comprendre…
- Effectivement, je ne comprends pas !

Genzo avait haussé la voix. Intimidé, je me tus, les yeux rivés au sol.

- Hem…Excusez-moi…

Genzo et moi nous tournâmes vers le bandit à terre. Il avait recouvré ses esprits et se tortillait comme un Aspicot, mais les liens de Genzo étaient solides.

- Pardon de vous interrompre, mais… Qu’est-ce que vous comptez faire de moi ?
- Ça me paraît évident, crétin, répondit Genzo. Je vais appeler les flics pour qu’ils viennent te récupérer. (Il se tourna vers moi.) D’ailleurs, petit, tu devrais rester là, comme ça l’agent Jenny pourra faire d’une pierre deux coups…
- Quoi ?! Non, vous ne pouvez pas faire ça ! protestai-je. Si on retourne en ville, des gens risquent de mourir !
- Mourir ? s’esclaffa le vieil homme. Tu n’exagères pas un peu ? A t’entendre, on croirait que vous apportez le malheur partout où vous passez. Ni toi ni tes Pokémon ne ressemblez à un Absol, pourtant…
- Arrêtez, je suis très sérieux, là.
- Eh bien sache que moi aussi, rétorqua Genzo d’un ton sec. Tu n’es pas digne d’être un dresseur, si tu te fiches du sort de tes Pokémon !

Ces mots ravivèrent un souvenir bien précis dans ma mémoire. « Mais peut-être te fiches-tu de son sort… ? » L’Homme Masqué avait employé les mêmes mots quand il avait menacé d’emmener Sonistrelle, afin de me pousser à l’affronter.

- Je ne me moque pas de leur sort, dis-je le plus calmement possible. Mes Pokémon sont mes amis !
- Tes amis, dis-tu… ?

Je hochai la tête. Derrière moi, mes Pokémon exprimèrent leur assentiment en marmonnant dans leur langue. Le regard de Genzo alla de mes Pokémon à moi, de moi à mes Pokémon.

- Effectivement, ces Pokémon semblent beaucoup tenir à toi, dit-il. Mais cela ne répond pas à ma question.
- Quelle question ? demandai-je, étonné.
- Est-ce que tes ambitions sont celles de tes Pokémon ?

Je clignai des yeux sans comprendre. Je jetai un regard circonspect à Pikachu et aux autres, mais ils semblaient aussi perdus que moi.

- Ecoute-moi bien, petit, continua le vieil homme. Manifestement, tu sembles avoir une bonne raison d’errer dans la nature comme tu le fais, une raison qui t’es propre. Si tes Pokémon partagent cette même raison, alors tant mieux. Cela ne me concerne pas. Mais si ce n’est pas le cas, je n’aurai d’autre choix que de t’arrêter.
- Je ne comprends pas… Qu’est-ce que vous voulez dire ?
- Je te demande de me prouver que toi et tes Pokémon agissez pour le même idéal !

Le même idéal ? Plus ça allait, moins je saisissais le sens des paroles de Genzo… C’est alors que ce dernier pointa une Pokéball droit sur moi.

- Et cela, tu ne pourras me le prouver que dans un combat Pokémon.
- Un combat ?! répétai-je.
- Parfaitement. La chose est simple ; si tu gagnes ce combat, j’estimerai que tes Pokémon répondent à ta volonté, et je vous laisserai partir suivre votre route. Mais si tu perds…c’est que tu n’auras agi qu’en imbécile égoïste, et je te ramènerai, de force s’il le faut, à l’agent Jenny.

Mince… Que faire ? J’étais une fois de plus embarqué dans un combat aux enjeux importants ! A croire que j’étais maudit…

Quelque chose me tira la jambe. Je baissai les yeux et croisai le regard déterminé de Pikachu. Les joues de mon vieux copain crépitaient, comme à chaque fois qu’il se préparait au combat.
Il avait raison. Nous n'avions pas d'autre choix, après tout. Alors autant en finir au plus vite. Rassuré par la confiance de mon ami, j'inspirai à fond, et hochai la tête.

- J’ai compris. (Je me tournai vers Genzo.) C’est d’accord, je…non, on relève votre défi !