Total Genesis de Serian Norua

Le message avait été clair : Hoenn avait une semaine, sept jours, pas un de plus, pour consolider sa base d'informations. Ou tout du moins, être certain de la cachette du GEP. En effet, si Désastre lançait l'attaque mais qu'il n'y avait rien à signaler, non seulement ce pourrait être un carnage mais également un scandale. Cela faisait cinq jours qu'il faisait le tour du net pour tenter trouver des éléments utiles. Jusque là, il était à quatre-vingt dix-neuf pourcent convaincu que l'immeuble de la SPP abritait le GEP. Dans tous les cas, même si ce n'était pas le cas, il le savait : la Société Protectrice des Animaux n'avait de ce nom qu'une façade, et détruire sa branche à Zeon ne serait pas plus mal, bien que personne n'en soit au courant.

Il passait ses journées devant l'ordinateur, et à terme, il commençait à sérieusement fatiguer. Peut-être était-il temps de prendre l'air, rien que pour une heure, afin de se changer les idées. Une heure, ce n'était pas suffisant pour ralentir ses recherches, assurément. Aujourd'hui, Chloé travaillait – dans une agence de communication – et il était donc seul à l'appartement, avec son Gobou.

"Sortons, dit-il."

La petite créature, entendant ce mot, s'emplit d'énergie et se mit à bouger dans tous les sens, visiblement heureuse. Hoenn sourit. Plus que quelques jours, et son rôle serait terminé, il n'aurait plus à craindre pour quoi que ce soit. Il sortit donc de l'appartement, et arrivé en bas de l'immeuble, savoura l'air frais. Il faisait chaud, malgré l'automne clairement installé. Le vent glissant sur sa peau lui procura une douce sensation agréable, qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps. Où irait-il, maintenant ? Il n'en avait aucune idée, mais encore et toujours, son instinct lui conseillait de se rendre à la fontaine de la Genèse. C'était certainement le seul endroit où il se sentait chez lui, bien que ce n'était pas véritablement le cas. Il se mit donc à marcher, le Gobou sur son épaule, crachant de petites bulles d'eau mignonnes. Par chance ce jour-là, il y avait moins de monde dans les rues, et c'était bien plus simple pour s'y déplacer. C'en était même presque agréable. Alors, il progressa à son rythme, profitant de l'environnement, et c'est sans s'en rendre compte qu'il arriva jusqu'à son objectif. La fontaine resplendissait de mille feux, au soleil, c'était magnifique. Il n'y avait quasiment personne, c'était mieux. Balayant l'espace du regard, il aperçut un enfant tout seul sur un banc, vêtu d'une veste noire, et capuche rabattue ne laissant pas voir son visage. Puisqu'il avait l'air de s'ennuyer, Hoenn en déduisit que ce serait une bonne idée d'aller le voir, comme cela lui ferait du bien de parler à quelqu'un. Alors, furtif au point que l'autre ne le remarqua pas, il se glissa à côté de lui. Ce dernier sentit cependant une ombre le frôler, et entendant sa voix, il ne paniqua pas.

"Elle est belle, hein ? dit Hoenn. Je ne sais pas pourquoi, mais je m'y sens toujours attiré.

L'autre hocha la tête, sans quitter la statue du regard.

- Moi aussi. Pourtant c'est la première fois que j'y viens.

Le détective se tourna vers lui.

- T'as pas chaud avec cette capuche ? Même moi en tee-shirt, j'étouffe presque.

- Je ne sais pas, je ne me rends pas compte. Mais c'est vrai qu'il fait chaud.

- Tu vois ! sourit Hoenn. Puis tu profiteras mieux de la ville, sans elle !

L'autre sembla réfléchir un instant, puis il s'exécuta, glaçant le sang de Hoenn, qui ne sut quoi penser. Il fit tomber sa capuche noire, et des éclats argentés apparus. Il voulut prononcer un mot, mais il ne parvint pas à le former. Au lieu de ça, il bégaya pendant plusieurs secondes. L'entendant, le garçon aux cheveux argentés se tourna vers lui.

- Hm ? Qu'y a-t-il ?

- Toi... Tu... Tu es... Son neveu ! parvint-il finalement à articuler.

- Son neveu à qui ? Mais enfin de quoi tu parles ?

Hoenn ne savait comment le dire. Un élément, pourtant, lui revint en mémoire : le nom de la mère de ce garçon. Il lui suffirait de le dire, et de voir sa réaction.

- Connais-tu... Une femme nommée Erica Beth ?

Cette fois, ce fut le sang de l'autre qui ne fit qu'un tour. Les yeux écarquillés, il le fixait.

- Comment est-ce que tu connais ce nom ?! fit-il.

Bingo. C'était à peine croyable : il avait devant lui le garçon qu'ils recherchaient depuis un mois, à savoir Sinnoh, lui-même.

- C'est sa sœur qui me l'a dit. Ta tante. Et elle te cherche.

Les affiches placardées en villes lui revinrent en mémoire ; cette femme était donc sa tante, et elle avait utilisé le nom de sa mère pour attirer son attention. Son regard perdu dans le vague, il discerna une forme mouvante aux pieds du garçon aux cheveux bleus, qui était en fait Gobou. Saisi par une vague de dégoût et de colère, il s'écarta brusquement du banc.

- Bon sang... T'es qui ?! criait-il presque.

- Un détective privé, chargé de te retrouver. Il y a un mois, tu as disparu, et si je suis là, c'est pour te récupérer. Je dois avouer que j'ai eu de la chance, quand même. Toutefois, si tu refuses de coopérer, je vais devoir utiliser la force. Gobou !

Le Pokémon sauta devant Hoenn et se prépara au combat, manifestant encore plus la colère chez Sinnoh.

-Dégage cette créature de là ! s'exclama-t-il.

- Non.

L'autre porta alors une main à son pantalon et en sortit une arme à feu. Un neuf milimètres, pour être plus précis.

- Tu préfères que je la tue ? lui adressa-t-il. Il n'y a aucune chance qu'un gars comme toi m'attrape pour aller voir une inconnue. Là où je suis, c'est chez moi, et je compte y rester !

- Au GEP, tu veux dire ? demanda Hoenn, saisissant sa chance pour glaner quelques informations, au cas où.

- Enfoiré... lui répondit l'autre. Comment tu sais ça ?

- Tant que j'y suis, poursuivit le détective, votre QG se trouverait-il dans le bâtiment de la SPP ?

- Pourquoi je te répondrais ? Ce genre de choses ne te concerne pas !

Les entendant se crier dessus, les gens présents se retournèrent, avant de s'enfuir en courant à la vue de l'arme. Bientôt, il ne furent plus que tous les deux face au Arceus de la fontaine.

- Tu n'as rien à faire là-bas ! s'écria Hoenn. Ce sont tous des fous qui n'hésitent pas à tuer ! Ils vont te transformer en un monstre dont le seul intérêt sera le meurtre ! De l'autre côté, il y a une femme honnête qui t'attend, et qui serait prête à faire n'importe quoi pour te retrouver !

- N'importe quoi ? Je ne la connais pas, et elle non plus !

- Qu'importe, tu es le dernier souvenir qu'il lui reste de sa défunte soeur !

Ces mots contribuèrent à accentuer la colère du jeune homme, déjà énervé. Il ôta le cran de sécurité de son pistolet, et pointa le Gobou.

- Fais un pas, et il est mort, dit-il. Ne parlez pas de ma mère comme si vous la connaissiez véritablement ! Vous ne savez pas par quoi je suis passé ni comment ils sont morts !

- Alors dis-le moi, comme ça je pourrai savoir.

Sinnoh fit non de la tête.

- Je vais compter jusqu'à trois. Une fois ce décompte passé, si vous n'êtes pas partis en courant, je tue la bestiole.

- Je me doutais que ce ne serait pas facile... Gobou, tu sais quoi faire ?

Le Pokémon acquiesça, et il se prépara à attaquer.

Le garçon aux cheveux argentés finit son décompte, et avec une ultime parole, appuya sur la détente, provoquant un bruit sourd. La créature sauta, évita une balle qui partit s'encastrer dans le pavé, faisant grincer des dents le tireur. Il réitéra l'action une seconde fois, et Gobou l'évita de même, avant d'enchaîner avec une attaque Hydrocanon qui percuta de plein fouet Sinnoh, le faisant trébucher.

- Tu peux t'estimer heureux, dit Hoenn, cette attaque était à puissance réduite. Autrement, je pense que tu n'aurais plus de visage à l'heure qu'il est. Mais mon devoir est de te ramener chez toi, pas de te blesser.

- Plutôt crever...

Il se releva, et rapidement, enchaîna les tirs, manquant à chaque fois sa cible, bien trop agile. Ce fut alors au tour du Pokémon de contre-attaquer, avec un nouvel Hydrocanon. C'était cet instant que le garçon attendait pour tirer, et le projectile, fendant le jet d'eau, fila en direction de la bête. Par chance, l'instinct de cette dernière lui fit esquiver, mais il fut néanmoins touché à la patte arrière.

- Avec ça, tu ne pourras plus autant sauter, sourit Sinnoh.

A cet instant, Hoenn le vit clairement : dans les yeux du garçon apparaissait une lueur meurtrière, il semblait se délecter de cette réussite. Profitant du temps pendant lequel il rechargeait, le détective se jeta sur son Pokémon, l'attrapa, et le fit disparaître dans sa Pokéball.

- Et maintenant, tu vas faire quoi ? Me tirer dessus ? Ça aussi, j'imagine, le GEP a dû te l'apprendre, non ?

- Si ton animal est blessé, répondit l'autre, c'est entièrement ta faute. En ce qui me concerne, je n'avais rien demandé, et c'est toi qui a cherché à m'attaquer ! Cesse de croire que tu vas faire ce que tu veux de moi, je ne suis pas un objet, et tu n'as aucun droit quant à moi !

Ce fut au tour de Hoenn de grincer des dents. Il avait devant lui une chance unique de récupérer le neveu de Chloé, il ne pouvait la laisser passer. Problème : son atout de combat était blessé, et alors inapte au combat. Obnubilé par leur rixe, il n'avait pas vu les nuages s'amassant au-dessus de leur tête et bientôt il se mit à pleuvoir. Histoire de faire encore plus cliché, songea-t-il. Dans l'eau, les capacités de son Pokémon seraient améliorées, mais blessé, c'était différent...

- Et toi alors, dit Sinnoh, qu'est ce que tu vas faire ?

Sa Pokéball se mit à trembler, et sans qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, le Gobou en sortit, toujours sanglant de la patte.

- Gobou, ça suffit ! s'écria son dresseur.

Il tourna la tête vers ce dernier, et un réel esprit combatif s'affichait sur son visage. Il voulait venir à bout de son adversaire, c'était certain. Il poussa un petit cri, manifestant sa rage de vaincre, et s'élança au combat, malgré la douleur. La pluie rehaussait quelque peu ses aptitudes, mais la blessure ne pouvait être oubliée. C'était visible, le Pokémon boitait légèrement, tentant cependant de le masquer au maximum.

- Saloperie... murmura Sinnoh entre ses dents.

Il tira, et manqua de peu la cible, avant d'essuyer un nouveau jet d'eau, plus puissant cette fois. Le liquide sous pression l'étourdit quelques instants, et son adversaire en profita pour viser sa main tenant l'arme. Le garçon l'avait prévu cependant, et accentua sa prise, avant de tirer une nouvelle fois. Un autre patte était touchée, et du sang jaillit, éclaboussant le pavé, et teignant l'eau d'une couleur cramoisie.

- Gobou !! cria Hoenn

La créature ne pouvait plus courir davantage, et elle s'écroula au sol. Comprenant sa victoire, le Lieutenant se releva et s'en approcha, puis pointa l'arme sur lui. Au quart de tour, le détective bondit et se jetant une nouvelle fois sur le petit corps bleu, il le protégea de son corps. L'autre s'apprêtant à tirer, il écarta vivement l'arme à temps, de telle sorte que la balle se perdit dans les buissons.

- I... Imbécile, tu veux mourir ?!

- Je suis prêt à mettre ma vie en jeu pour mon ami, lui répondit Hoenn.

- Toi... Comment peux-tu considérer cette bête comme ton ami ?

- Quant à moi j'aimerais te demander, qu'as-tu contre les Pokémon ? Que t'ont-ils fait pour que tu les haïsse à ce point ?

- Ce genre de choses ne te regardent pas ! Qu'importe ce que j'ai contre eux, ce sont des monstres qu'il faut éradiquer ! Car si nous ne le faisons pas, c'est eux qui le feront !

- Depuis le temps que nous apprécions ces créatures, jamais ils n'ont tenté de nous tuer ! Mais nous, par contre, nous avons inventé des prétextes bidons pour leur en vouloir !

- Jamais, tu dis ?! C'est à cause d'eux que je me suis retrouvé seul ! Ce sont eux qui ont détruit ce que j'avais de plus cher au monde, alors rien que pour ça, je suis prêt à tous les exterminer !

Ce qu'il avait de plus cher au monde ? Il devait sans doute parler de sa famille. En effet, Chloé avait mentionné le fait que sa sœur ainsi que ses enfants aient été massacré atrocement et que Sinnoh soit le seul rescapé. Ils auraient donc été tué par des Pokémon ? C'était étrange. Trop étrange.

- Maintenant, tu sais quoi ? fit le garçon aux cheveux argentés. Tu vas retourner voir cette femme, qui prétend être ma tante, et lui dire deux choses. La première : j'aimerai toujours ma mère, mais j'étais son fils adoptif. Comme tous les autres, d'ailleurs. Alors elle peut bien être sa sœur, nous n'avons aucun lien et n'en aurons jamais ! Ensuite la deuxième : vous pouvez prétendre ce que vous voulez, le GEP est ma maison, et même si je ne cautionne pas tous leurs actes, j'y ai trouvé des gens qui s'intéressaient à moi, et qui pouvaient me comprendre ! En es-tu capable, toi ?!

- Bon sang... Je ne suis pas psy ! Je suis détective, et en tant que tel, je n'ai rien à faire de tes états d'âme, ni même de ton passé ! Mon travail à moi, c'est de te ramener à Chloé, et faire en sorte que vous puissiez vivre normalement, comme une famille normale ! Franchement, qu'est ce qui ne tourne pas rond chez toi ?! Cette famille que tu pensais avoir perdue, il t'en reste une partie ! Certes, ce n'est pas celle avec qui tu as vécu, mais ce n'est pas n'importe quelle inconnue, c'est la sœur de ta mère ! Et qu'importe si vous n'avez pas de lien de sang, ce qui compte, c'est l'affection qu'elle te porte !

L'autre sembla se calmer.

- Je vois... Dans ce cas-là, j'ai une question pour toi : si j'allais vivre avec elle, pourrais-je toujours tuer toutes ces infâmes créatures ?

La question était tellement ridicule que le détective en eut presque envie de rire.

- Bien sur que non ! Pourquoi le ferais-tu ?

- Pour me venger.

Il n'y avait aucune trace de colère dans cette phrase, simplement de la haine, cristallisée dans son cœur.

- Ôte-toi de ce Pokémon, je vais lui donner le coup de grâce. Je n'apprécie pas les voir souffrir, mais je n'aime pas autant les voir vivre, alors finissons-en.

- Si tu veux l'avoir, tire-moi d'abord dessus !

Il fut un instant tenté d'appuyer sur la gâchette, mais hésita. Son Capitaine lui avait bien dit de ne pas rentrer dans le jeu de l'organisation. En ce qui concernait le meurtre des Pokémon, la barrière avait été brisée en tirant sur ce Queunotor, mais s'il tirait sur Hoenn aujourd'hui, alors la barrière pour les humains serait elle aussi brisée. Était-il prêt à devenir un meurtrier, simplement pour tuer une seule de ces bêtes ? Son regard se porta alors sur la Pokéball, laissée en retrait. Il savait que la détruire n'aurait pas énormément d'impact sur la créature, mais comme chaque Pokéball contenant un Pokémon était unique, la remplacer serait difficile. Alors, ne laissant pas au dresseur le temps de faire quoi que ce soit, il tira dessus, la faisant éclater en morceaux.

- Une dernière chose... fit Hoenn. Comment t-appelles-tu ?

L'autre sembla hésiter un instant, fixant le garçon au sol droit dans les yeux.

- Sinnoh, dit-il finalement."

Il remit alors sa capuche, rangea son arme, et tourna les talons, laissant le détective seul sous la pluie, serrant dans ses bras son Pokémon blessé, et baignant dans une petite mare de sang. Il finit par se redresser, à genoux au sol, tenant toujours dans ses bras son Gobou inconscient. Tournant la tête, il contempla tristement les restes de la Pokéball, traînant sur les pavés trempés. Il fut alors incertain. D'ici quelques jours, la SPP serait prise d'assaut par Désastre. Cependant, y avait-il vraiment moyen de gagner quoi que ce soit ? Sinnoh était épris d'une haine immuable pour les Pokémon, il en était convaincu. Et ni lui, ni l'armée, ni Chloé, ne pourraient le faire changer d'avis.