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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 01/07/2016 à 01:07
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:54

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -28 : Théâtre d'ombres et de fumée
« Je n'ai jamais été vraiment fan de ce genre de contes pour enfants. » fit Will en désignant les peintures mythologiques.

Les yeux de la jeune femme, seule partie éclairée de son visage, se plissèrent d'un air amusé.

« Qui sait, peut-être que ces dieux ont vraiment existé.
- Peut-être bien, et peut-être que leurs pouvoirs ont été largement exagérés. Mais des êtres capables de contrôler le temps ou d'exaucer les vœux, ça n'existe que dans l'imaginaire collectif. » répondit Will.

Tia se leva du piano et s'approcha de la baie vitrée, jetant un œil au soleil couchant à travers les stores. Au fur et à mesure qu'elle marchait, les rais de lumière filtrés parcouraient son visage de haut en bas, révélant des traits fins et déterminés. Elle portait un tailleur élégant qui la vieillissait de quelques années. Ainsi sculptée par la lumière, elle paraissait presque surréelle. L'atmosphère tamisée de la pièce achevait d'accentuer le charme de cette silhouette presque magnétisante.

« Et espérons qu'il en restera ainsi... » murmura-t-elle énigmatiquement.

Will, incertain de la marche à adopter, resta debout sur place, décontenancé par l'étrange mélancolie de son interlocutrice. La scène lui donnait l'impression d'être arrivé au mauvais moment, d'avoir débarqué à l'improviste et surpris un moment d'intimité qu'il n'aurait jamais dû voir. Il s'était donné pour mot d'ordre de rester le plus professionnel possible, d'être irréprochable afin de ne pas causer de tort à Garvin. Comment était-il censé se comporter avec cette bourgeoise lunatique ?

« Bien, mademoiselle Taylor… commença-t-il pour essayer de recentrer la conversation sur le sujet de sa présence.
- Appelez-moi Tia, l'interrompit la jeune femme aux cheveux auburn d'un ton doux.
- Tia, reprit Will en tâchant de rester professionnel. J'imagine que vous savez qu'il va y avoir beaucoup de questions à régler. Par où commence-t-on ?
- Pourquoi pas par une cigarette ? » suggéra l'intéressée avec légèreté, attrapant un paquet sur le dessus du piano.

Elle en sortit une cigarette et la tendit en direction de Will, sans prendre la peine de tourner le regard vers lui.

« Vous fumez ?
- J'ai déjà assez de défauts comme ça, répondit le détective du tac-au-tac.
- Dommage. » sourit-elle.

Elle porta la cigarette à ses lèvres et l'alluma d'un geste expert, les yeux toujours rivés sur le ciel orangé. Elle inspira une longue bouffée, puis souffla des volutes de fumée d'un air las. La jeune femme se tourna ensuite vers Will et, pour la première fois, sembla prendre pleinement conscience de la présence de l'ex-Elitien. Ses yeux marrons le détaillèrent de haut en bas, l'examinant dans son ensemble.

« Vous avez bon goût en matière de vêtements, monsieur Stelmar. »

Will ouvrit la bouche pour répliquer par l'un de ses habituels sarcasmes, mais se retint. Il n'y avait aucune once d'ironie dans la voix de Tia.

Reste pro, Will.

Il croisa les bras et attendit que la jeune femme se décide enfin à parler de ce que pour quoi il était venu. Visiblement, la fille du Chancelier remarqua son stoïcisme presque réprobateur, et lui décocha un sourire amusé avant :

« Désolée, je ne suis pas très coopérative. Allez-y, monsieur Stelmar, je vous écoute.
- … Bien. Comme vous le savez, si je dois assurer votre protection, il va falloir mettre un certain nombre de règles en place. J'imagine que le Commissariat vous a déjà transmis certaines consignes.
- Coopérer totalement avec vous, vous informer de chacun de mes déplacements, demander votre assentiment pour chaque destination et chaque itinéraire, récita Tia avec facilité. Accepter que vous m'accompagniez partout où vous l'estimerez nécessaire.
- Exactement. Je vais également avoir besoin de fouiller votre appartement, mademoiselle. »

La jeune femme s'assit sur un canapé de cuir, face à Will qui se tenait toujours près des tableaux accrochés au mur. Elle croisa ses longues jambes et le fixa intensément. Le détective soutint son regard.

« Cela va de soi. Autre chose ?
- Eh bien, j'ai un certain nombre de questions à vous poser, et il y aura des protocoles à établir, mais ça peut attendre. Vous ne comptez aller nulle part ce soir ?
- Non, je suis toute à vous, monsieur Stelmar. » sourit la brune en soufflant quelques volutes de fumée.

Will accueillit la remarque avec impassibilité et se contenta de la fixer sans se démonter. Oui, l'adolescente dont il avait sauvé la vie huit ans plus tôt avait bien changé.

« Je devrais peut-être vous faire visiter. » lança soudain la jeune femme en se relevant.

Elle passa à côté de lui et repartit dans le couloir. Il lui emboîta le pas en arquant un sourcil. La jeune femme frappa dans ses mains, et l'appartement s'illumina. De nombreuses lampes disposées sur les différents meubles s'allumèrent, et le salon, ainsi que le couloir, furent bientôt baignés d'une lueur chaleureuse.

« La cuisine, indiqua Tia en tendant la main vers une pièce spacieuse, quoiqu'assez sobre. Vous avez déjà mangé ?
- Avant de venir, oui, merci. Il n'y a que vous ici ? Pas de majordome, de personnel ?
- Et non ! sourit la jeune femme. Je sais, vu la taille de l'appartement, ça peut paraître étonnant, mais je préfère vivre seule. Je fais ma propre cuisine, quand je ne mange pas en ville.
- Et vous mangez souvent en ville ?
- Quatre-cinq fois par semaine. »

Will en prit note en s'efforçant de ne pas grimacer. Quelque chose lui disait que le train de vie qu'il allait devoir mener dans les prochains jours allait être excessivement fastueux et dépensier.

« Je sais ce que vous vous dites, monsieur Stelmar, sourit Tia en passant à la pièce suivante.
- Quoi donc ?
- Vous vous dites que vous allez devoir protéger une bourgeoise pendant des semaines, et ça ne vous enchante pas vraiment. J'espère ne pas trop vous ennuyer malgré tout.
- Je suis là pour assurer votre sécurité, mademoiselle, pas pour juger votre quotidien. » répondit Will d'un ton neutre.

La jeune femme gloussa d'un air amusé, mais ne répondit rien. Le détective eut l'impression qu'elle savait pertinemment qu'il se retenait de commenter ses étranges manières.

« Ma chambre. » indiqua Tia.

La pièce, équipée d'une moquette carmin, faisait presque la taille du salon de Will. Un énorme lit, assez large pour accueillir trois ou quatre personnes, s'étendait là, entouré de deux tables de nuit à l'ancienne. Les murs de la pièce étaient peint dans des tons chauds, de l'acajou au brun taupe. La paroi opposée à l'entrée contenait une bibliothèque remplie d'ouvrages. Le détective en fut étonné. Il croyait être le seul habitant de la ville haute assez vieux jeu pour ne pas avoir cédé au numérisé.

Une porte s'ouvrait depuis la chambre sur une salle de bain carrelée, constituée d'une imposante baignoire, d'une douche, de toilettes et d'un lavabo.

« Venez, je vais vous montrer la vôtre. » lui annonça Tia en le ramenant dans le couloir.

Elle le guida jusqu'à la porte d'en face, qui s'ouvrait sur une chambre d'invité moins spacieuse mais tout aussi luxueuse. Le lit était ramené à des proportions plus raisonnables ; face à lui, une commode en chêne aux nombreux tiroirs qui permettrait à Will de ranger ses affaires. Là aussi, une porte donnait sur une salle de bains privée sensiblement identique à la première.

« J'enverrai quelqu'un chercher les affaires que vous estimerez nécessaires. J'espère que la chambre vous convient.
- Je suis habitué à largement pire. »

Elle hocha la tête en souriant, tira à nouveau sur sa cigarette et reprit sa visite du reste de l'appartement, décidément immense. Tout en visitant les différentes pièces, Will inspectait rapidement les recoins, les tiroirs, identifiant les endroits à fouiller ultérieurement. Il n'avait pas le temps de s'adonner à un examen minutieux de l'appartement dans l'immédiat, mais il n'y manquerait pas.

« Dites-moi, Tia, je peux vous poser une question ? demanda Will en s'efforçant d'appeler la jeune femme par son prénom.
- Bien sûr.
- Pourquoi avoir insisté pour que j'assure votre protection la nuit ?
- L'idée de vivre avec moi quelques jours vous déplaît-elle donc à ce point, monsieur Stelmar ? sourit Tia en lui montrant une troisième chambre, vide. Vous me vexez.
- Il est rare que les protections rapprochées soient effectives vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Dans le cas de la protection de témoins cruciaux, pourquoi pas, mais vous n'en êtes pas un, et je doute que vous risquiez quoi que ce soit dans cet appartement, répliqua Will avec franchise. Vous auriez pu simplement demander à ce que l'on stationne quelqu'un devant votre porte, et à ce que l'on vous accompagne pour le reste de vos sorties. »

La jeune femme aux cheveux auburn s'arrêta, pensive. Elle lui fit face en expirant une bouffée de fumée avant de répondre d'un ton léger :

« Je comprends que c'est un travail exigeant et que vous préféreriez dormir chez vous. Si c'est l'argent qui pose problème, je suis prête à monter vos honoraires, monsieur Stelmar. Vous n'avez qu'à demander.
- Vous me payez déjà trois fois plus que ce que je demanderai normalement pour ce genre de travail, mademoiselle, rétorqua Will.
- Un salaire exceptionnel pour un homme exceptionnel, voyons. » lança Tia en lui décochant un sourire enjôleur.

Will, insensible à la flatterie, croisa les bras et fronça les sourcils.

« Pourquoi tenir absolument à ce que ce soit moi qui remplisse le rôle ? N'importe quel Elitien aurait pu faire l'affaire, et vous serait revenu moins cher. »

La fille du Chancelier épousseta son tailleur, resta silencieuse quelques secondes, puis reprit :

« Je ne voulais pas n'importe quel Elitien, monsieur Stelmar. Si je suis ici aujourd'hui, c'est grâce à vous, et uniquement grâce à vous. Vous m'avez sauvée il y a huit ans, et j'ai entendu dire que vous aviez beaucoup perdu ce jour-là. Vous vous rappelez sûrement du bond que mon père a fait dans les sondages de popularité à l'époque. Cet attentat a au moins en partie contribué à son élection. La famille Taylor est votre débitrice, et il est bien normal que l'on vous rende la pareille aujourd'hui, non ? »

Elle lui sourit à nouveau et le dépassa en le frôlant, avant de retourner dans le couloir.

Will, resté debout dans la chambre, la regarda disparaître à l'angle, pensif et méfiant.

Peut-être que ce que venait de dire Tia était vrai, mais il était certain que ce n'était pas la raison pour laquelle elle avait absolument tenu à ce qu'il entre à son service. Son instinct lui disait que quelque chose clochait chez cette jeune femme trop enjôleuse, trop généreuse. Quelque chose qu'elle lui cachait, mais à peine, juste pour titiller sa curiosité.

Et il comptait bien découvrir quoi.