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Freeze de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 12/06/2016 à 14:49
» Dernière mise à jour le 04/07/2016 à 14:18

» Mots-clés :   Action   Drame   Science fiction   Suspense   Unys

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025 - Pharmaco-logique
Un flot de lumière lui inondait les yeux et l'empêchait de distinguer quoi que ce soit. Il ressentait comme une brûlure au niveau de ses globes oculaires, qu'il ne saurait décrire avec des mots. C'était douloureux, et ça commençait à se répandre progressivement, jusqu'à son nez et sa bouche ; sa respiration se fit plus saccadée encore. Des voix s'agitaient autour de lui. Plusieurs voix, au moins trois ou quatre, voire cinq, d'hommes et de femmes, entremêlées, entraînées dans une danse folle et dénuée de sens. Il ne savait pas où il était. Tout ce dont il se souvenait restait plutôt vague. Il voyait une silhouette floue, probablement masculine, fondre sur lui rapidement et lui asséner un coup au visage. Il se voyait répliquer, puis une tache de sang apparaissait, et tout devenait rouge, et il perdait connaissance. Ce souvenir tournait et retournait dans sa tête, sans cesse, encore, et encore, et encore, inlassablement...

Il réussit, péniblement, à émettre un grognement faible qui fit taire les voix non loin de lui. Il sentit une main glacée lui toucher le visage et prendre son pouls, puis parvint enfin à retrouver la vue et à entendre correctement ce qui l'entourait. Le visage de l'homme en face de lui inspirait plus ou moins confiance, bien qu'il semble fatigué, comme en témoignaient les cernes visibles sous ses yeux gris. Il avait l'impression de l'avoir déjà vu quelque part, mais ses souvenirs ne remontaient pas encore à la surface.

"Il est totalement réveillé, annonça Ethan aux autres, qui observaient avec intérêt l'homme surnommé le Joker émerger de son sommeil.
- J'ai peut-être frappé un peu fort, ajouta Walter en avisant la blessure que le rouquin avait au visage.
- Il t'a quand même bien amoché aussi, je te rappelle !", soupira Linda.

Le voleur le concéda volontiers et se pencha à la fenêtre ouverte de la chambre d'hôtel pour respirer l'air frais, quoiqu'un peu pollué, de l'extérieur. Il avait toujours apprécié la capitale d'Unys, beaucoup plus que ce berceau de la pègre qu'était Port Yoneuve. Il en venait souvent à se demander comment Linda et Will supportaient de vivre dans une ville pareille, où on n'était en sécurité que chez soi, et encore. La peur d'être en danger était omniprésente, là-bas.

L'assassin de profession observait avec attention, sans bouger - il ne pouvait pas tellement se mouvoir, de toute façon, à cause des cordes qui l'enserraient -, tous ces visages qui, pour la plupart, lui étaient familiers. Les pièces du puzzle se réunirent enfin. Le patron, le Juge, leur avait montré des photographies de ces gens-là pour qu'ils puissent les reconnaître facilement. Ainsi donc, le type penché à la fenêtre était Walter Leary, dit Freeze, qui avait réussi à lui échapper non sans une blessure. Il semblait déjà aller mieux, en revanche. Il ignorait tout des deux blonds qui se ressemblaient plus ou moins. Sans doute n'étaient-ils pas des ennemis assez dangereux pour inquiéter le Juge. La jeune femme aux cheveux bleus ne pouvait être que Liz Bradley, cette pirate informatique très douée et particulièrement audacieuse. Quant à l'homme qui l'examinait sous toutes les coutures, il devait s'agir d'Ethan Sterling, qui avait osé trahir le chef des Quatre en ne lui remettant pas la formule de Freeze.

"Qu'est-ce qu'on fait, alors ? On le secoue comme un prunier pour le faire parler ? proposa Liz.
- ...t'es certaine que c'est une bonne idée ? Il m'a l'air bien pâle et fatigué, fit remarquer Walter.
- Je ne crois pas qu'il soit encore en état de nous raconter quoi que ce soit, mais on peut toujours essayer", suggéra le médecin.

Le voleur haussa les épaules et se pencha de nouveau vers la fenêtre pour observer l'extérieur. Liz s'approcha de l'homme roux, précautionneusement, et s'accroupit juste devant lui. Il la voyait bien distinctement. Très jolie, mais avec une expression renfrognée qui gâchait un peu le tableau. Dommage, il aurait bien aimé voir un sourire sur ce visage aux traits délicats. Elle repoussa une mèche bleue en arrière et soupira.

"Bon. Le mec que tu as essayé de tuer nous a dit que tu te faisais appeler le Joker, que tu fais partie des Quatre et que ton vrai nom est Edward Stark. Est-ce que c'est bien ton nom, ou alors tu t'es foutu de nous ? Esther t'a aussi appelé "Ed" avant qu'on ne la tue. Ce qui veut dire que tu lui as donné ce nom. Qui n'est peut-être qu'un pseudonyme.
- Alors elle est morte, hein... est-ce qu'elle a souffert ?
- Je l'ignore, je suis pas dans sa tête de folle furieuse séductrice à la noix. Réponds à la question.
- ...je n'irais pas jusqu'à m'inventer un faux nom. Edward Stark est mon vrai nom, et si vous doutez de moi, j'ai ma pièce d'identité dans mon portefeuille, qui se trouve dans la poche arrière droite de mon pantalon."

La jeune femme haussa un sourcil et retourna le prisonnier pour extirper l'objet de sa poche. Elle farfouilla un instant à l'intérieur, sans céder à la tentation de récupérer tous les gros billets fourrés dedans, et trouva la carte d'identité qui disait, effectivement, que cet homme se nommait Edward Stark, qu'il avait - si ses calculs étaient corrects - trente-quatre ans et qu'il était né un douze décembre. En l'occurence, des informations dont elle se fichait royalement. Non pas qu'elle pensait obtenir des détails, car les cartes d'identité ne révélaient que le strict minimum. Elle décida de poursuivre l'interrogatoire avec ce qu'elle savait.

"J'espère pour toi que ce n'est pas une fausse pièce d'identité, auquel cas je risque de ne pas apprécier. Bon. Une rumeur dit que l'un des Quatre travaille dans le monde juridique. On a des raisons de penser que ça pourrait bien être toi.
- Je vois que vous êtes bien informés. Effectivement, vous avez vu juste. Je travaille au bureau du procureur local.
- C'est bon à savoir. Et connais-tu l'identité véritable du Juge ?"

Le rouquin en costume bleu allait répondre, mais il fut pris d'une violente quinte de toux, et se mit à cracher du sang en quantité. Liz recula, effarée, son jeans couvert de liquide rouge. Ethan n'hésita pas à une seconde et se précipita sur Edward, tandis que tous les autres, étonnés, observaient la scène, l'air grave. Le médecin réquisitionna un couteau pour trancher les liens qui retenaient l'homme de loi prisonnier, et Will lui en tendit un. Une fois cela fait, avec l'aide de Walter, il transporta le malade jusqu'à l'un des deux lits de la chambre pour l'allonger.

La toux cessa, mais le pauvre homme était d'une pâleur incroyable et ses mains tremblaient sans même pouvoir s'arrêter. Linda manqua de s'évanouir en voyant tout ce sang au sol et sur son visage blanc comme neige. Il semblait prêt à mourir à tout moment. Toujours conscient, il marmonna quelques mots.

"...dans la poche de ma veste. Médicaments."

Ethan vérifia dans les poches et ne trouva qu'un flacon de comprimés - portant un nom incroyablement long - vide. Il grimaça et il lui sembla que le Joker levait les yeux au ciel, atterré. Allait-il mourir ici, sur ce lit d'hôtel, à court de médicaments ? Il trouvait cette fin bien cruelle. Sans lui laisser le temps d'y penser davantage, les ténèbres l'enveloppèrent et il perdit conscience.

"Il faut aller lui chercher un médicament à la pharmacie la plus proche ! s'exclama Linda, horrifiée.
- C'est notre ennemi, on pourrait tout aussi bien le laisser crever ici... soupira Walter.
- T'as du cœur, mon vieux... marmonna Will. De toute façon, même si on le voulait, on aurait bien du mal à mettre la main sur ce médicament sans une ordonnance, et je doute qu'il en ait une sur lui.
- Il n'y en avait pas dans ses poches, admit Ethan. J'ignore comment on va se débrouiller, mais je n'ai pas l'intention de laisser mourir quelqu'un ici. Surtout s'il peut nous renseigner."

Tout le monde approuva les dires du médecin, et il ne fallut pas longtemps à Walter pour trouver une idée de génie. Il en fit part à tout le monde, et quand bien même c'était risqué, ils n'avaient pas d'autre choix, alors ils acceptèrent sans rechigner.


x x x

Walter et Liz se tenaient juste devant la pharmacie la plus grande du quartier, située à quelques rues de l'hôtel. La jeune femme tenait le flacon vide dans sa main, un large sourire aux lèvres. Cela faisait un moment qu'ils n'avaient pas travaillé en équipe, tous les deux, et comme toujours, ils allaient assurer. Si l'on faisait abstraction du braquage au musée de Maillard, tout s'était toujours déroulé sans accroc, grâce à la discrétion légendaire du voleur et au professionnalisme de la pirate informatique.

"Je sens que ça va être une partie de plaisir, soupira l'homme en passant sa main dans ses cheveux ayant repris leur teinte originelle.
- Ne dis pas ça, ça porte malheur... t'as pensé à acheter des lentilles pour tes yeux ? C'est qu'ils sont vachement voyants.
- ...pas faux."

Les deux amis se séparèrent et entrèrent, avec cinq minutes d'intervalle, dans la pharmacie bondée. Lorsque le voleur passa les portes, la jeune femme se trouvait déjà à faire la queue parmi les clients. Faisant mine de chercher quelque chose et de se montrer très indécis, il attira le regard d'une employée du magasin, qui vint l'aborder pour le renseigner. Tout se passa très rapidement. Il lui demanda conseil, la laissa parler, sortit le mouchoir imbibé de chloroforme qu'il avait pris soin de préparer avant de venir, et une fois qu'elle fut au pays des rêves, il ouvrit le placard à balais et l'installa à l'intérieur. Il connaissait très bien les lieux, et savait qu'il n'y avait aucune caméra de surveillance ici, pour une raison qu'il ignorait et qui ne l'intéressait pas le moins du monde. En fait, ça l'arrangeait surtout, et s'il avait accepté l'aide de Liz sur ce coup-là, c'est qu'elle avait absolument tenu à se rendre utile.

Lorsque vint son tour, la jeune femme se présenta à l'unique comptoir pour occuper l'employé. Elle lui présenta le flacon, et lui demanda si elle pouvait en obtenir un, qu'elle était prête à payer cher, mais le pharmacien lui répliqua que non, il fallait impérativement une ordonnance. Elle ne se laissa pas faire et tenta de gagner un maximum de temps pour que Walter puisse passer derrière le comptoir en toute tranquillité maintenant que la seconde employée était neutralisée. Une chance qu'à cette période de l'année, beaucoup de personnes prenaient des vacances, laissant les commerces plutôt vides de personnel. Discrètement, il se glissa entre les rayonnages et se faufila derrière le comptoir sans problème, pour se rendre dans la réserve, où une femme prenait sa pause. Il n'avait pas prévu cela, mais il lui fit subir le même sort qu'à l'autre, si bien qu'elle ne se rendit même pas compte de sa présence.

Une fois la besogne accomplie, il chercha pendant quelques minutes ce dont il avait besoin, et le trouva sans trop de difficulté, ayant bien gravé l'image du flacon dans son esprit. Il en saisit trois, par précaution, retira leurs étiquettes où figuraient les code-barres, et les fourra dans la poche de sa veste noire, puis sortit de la réserve aussi facilement qu'il y était entré. Liz, en le voyant quitter la pharmacie, coupa court à la conversation avec le vendeur et s'éclipsa elle aussi, au grand soulagement des clients derrière elle qui commençaient à trouver le temps long.

Ils se retrouvèrent tous deux dans une rue adjacente, et Walter donna une tape amicale dans le dos de son amie, satisfait. Il sourit, narquois.

"Je t'avais bien dit que ce serait une partie de plaisir. Braquer trois flacons de médicaments dans une pharmacie vieille comme celle-ci, même pas équipée avec des caméras, c'est plus simple que de dire "bonjour".
- T'avais pas besoin de moi, hein ? T'aurais très bien pu le faire tout seul, admets-le."

Un silence pesant remplaça l'allégresse et la satisfaction d'un travail bien fait. La jeune femme secoua la tête et esquissa un sourire forcé, puis s'éloigna, en marmonnant qu'il fallait rejoindre l'hôtel au plus vite. Sans trop savoir pourquoi, Walter la saisit par le bras. Elle se stoppa net.

"Si c'est pour t'excuser ou quoi que ce soit, laisse tomber, c'est ma faute, j'aurais pas dû dire ça. Bien sûr que tu aurais pu te débrouiller tout seul, même moi ça ne m'aurait posé aucun problème."

Le voleur eut un pincement au cœur et grimaça. Elle ne le regardait pas, mais il savait à peu près quelle expression figurait sur son visage, et il ne tenait pas à la voir.

"J'suis pas doué avec les mots, mais je crois que t'as compris que j'étais pas d'accord avec toi."

Pas de réponse de la part de Liz.

"J'aurais très bien réussi sans toi, c'est un fait. Mais ça ne veut pas dire que tu es inutile. Peut-être bien que je pouvais me passer de toi aujourd'hui, mais ce n'est pas le cas tout le temps. Tu te souviens de ce casse au Manoir de Cramois'Île, l'an dernier ? Sans toi, ç'aurait été irréalisable. T'es loin d'être inutile.
- Walter... grommela-t-elle, presque honteuse.
- Oh la ferme, et la prochaine fois que tu te descends comme ça, tu vas le sentir passer. J'ai le poing qui me démange presque."

La jeune femme sourit et hocha la tête. Il avait raison. Il n'y avait pas lieu de se prendre la tête comme ça pour rien. Pourquoi diable avait-elle réagi comme cela ? Bien sûr qu'elle était utile. Et même s'il ne le lui avait pas clairement dit, elle l'aurait ressenti. Elle savait la plupart du temps ce qu'il ressentait grâce à cette empathie extrême dont elle était douée, et en conséquence, était la plus apte à le comprendre. Elle se maudit de cet instant de faiblesse inexplicable et le suivit jusqu'à l'hôtel.


x x x

"Il vient de reprendre conscience, mais il est extrêmement faible", annonça Ethan tandis que Will et Linda observaient avec attention les paupières du rouquin papillonner.

Quelques instants plus tard, la porte de la chambre s'ouvrit, grinça sur ses gonds et se referma derrière Liz et Walter. Voyant qu'ils n'avaient rien dans les mains, Will s'inquiéta, mais son ami le rassura tout de suite en sortant trois flacons dépouillés de leurs étiquettes de sa poche. Le médecin ne perdit pas de temps et fit avaler les comprimés au malade, qui s'en sentit soulagé.

Après que quelques minutes se soient écoulées, il fut en mesure de se redresser et de s'asseoir dans le lit, ainsi que de parler.

"Puisque vous aviez un flacon vide, je suppose que ça vous arrive souvent ? questionna Ethan.
- En effet. Je n'en ai pas l'air, mais je suis très fragile à cause d'une maladie grave, et je dois prendre ce traitement cinq fois par jour. Trois cachets à chaque fois. Les flacons ne durent pas beaucoup plus d'une semaine, expliqua Edward, las. Pourquoi ne m'avez-vous pas laissé mourir ? Je suis votre ennemi, après tout."

Ethan baissa la tête, les souvenirs douloureux de sa dernière rencontre avec Esther refaisant surface.

"J'ai déjà ôté une vie aujourd'hui, or mon travail consiste à les sauver. Quand bien même Esther était une personne méprisable, je n'avais aucun droit sur sa vie, et le fait que j'aie appuyé sur la gâchette restera toujours gravé dans ma mémoire. Je ne voulais pas laisser quelqu'un d'autre mourir alors que j'avais les moyens de le sauver. Considérez que vous devez votre vie à la mort d'Esther."

Le médecin s'éloigna. Edward esquissa un sourire.

"Finalement, je crois bien que cette folle furieuse m'aura été utile au moins une fois avant de mourir", songea-t-il.