Bleuet fané de M@xime1086

Depuis que l'orage avait éclaté sous le toit de l'arène, deux clans s'étaient formés. Violette n'avait pas eu besoin de convaincre Lily de prendre son parti. En revanche Daisy restait sur des charbons ardents. La nouvelle relation avec sa cadette était toute récente. Depuis quelques mois, les sarcasmes n'étaient plus sortis de la bouche de la sœur blonde. Cette guéguerre entre filles était puérile, elle en avait conscience. Elle était bien la seule d'ailleurs à s'en rendre compte. Ondine n'avait jamais rien demandé aux autres pour qu'on la traite de telle sorte pendant des années.

Elle a conquis le respect de Daisy par sa remarquable maîtrise des Pokémon et par la consciencieuse gestion de l'arène. Sans elle, il fallait l'avouer, l'arène d'Azuria ne serait plus. Grâce à la détermination de la sœur cadette, l'arène aquatique avait une solide réputation. Outre sa spécialité qui la démarquait des autres gymnases concernant les spectacles, beaucoup de dresseurs venaient des quatre coins de Kanto pour se mesurer à elle. Au lieu de la soutenir et de l'accompagner, Violette continuait sa persécution et maintenait son train de vie de princesse. Elle ne se préoccupait de rien d'autre que des garçons et du shopping. Elle faisait de brèves apparitions dans les show mais préférait reléguer son rôle à une danseuse professionnelle la plupart du temps.

Quand, les jours qui suivirent cet échange houleux, Daisy sentit la rupture entre ses sœurs, elle estima ne pas à avoir à choisir un camp. Elle les chérissait toutes deux d'un amour égal. Elle savait qu'il fallait qu'elle rattrape toutes ses années perdues en conflit inutile avec Ondine. Mais Violette ne l'entendait pas de cette oreille.

Daisy n'était pas au courant du sujet de la dernière dispute. Il devait s'agir, comme d'habitude de simples broutilles. Quand Violette clama dans toute l'arène que sa sœur cadette avait levé la main sur elle, l'effarement la plongea dans un état de profonde réflexion. Si Ondine avait effectivement giflé sa sœur, cela voulait dire que le problème était bien plus grave qu'il n'en avait l'air.

Malgré l'insistance et le bonne volonté de Daisy, Ondine préféra se taire. Depuis qu'elle était revenue à Azuria, il y six ans, son existence n'était que le quotidien amère d'une fille rejetée par sa propre famille. Son sourire qu'elle avait gardé pendant plusieurs semaines, après son long périple d'avec Sacha, s'était estompé à mesure que les mauvaises habitudes de Violette ressurgissaient. La seule chose qui pouvait rendre la vie de la championne plus agréable à supporter était le lien fort qu'elle entretenait avec ses Pokémon.

Plusieurs fois, quand Sacha était revenu au Bourg-Palette après la Ligue de Sinnoh et la Ligue d'Unys, Ondine avait reprit contact avec lui. Daisy acquis la certitude que sa sœur voulait repartir sur les routes. Mais Sacha, trop impatient de découvrir de nouveaux Pokémon, partait de chez lui sans avoir vraiment répondu à la silencieuse requête de son amie. Ce qui plongeait de nouveau Ondine dans la mélancolie d'avoir laissé une nouvelle fois s'échapper une chance de pouvoir quitter cette vie qu'elle exécrait auprès de ses sœurs.

Mais depuis que Gary avait fait irruption dans sa vie, Ondine retrouvait des couleurs. Son sourire si absent, revint comme le printemps succède au dur hiver. La jeune rouquine faisait attention aux vêtements qu'elle portait et prenait soin d'elle, ce qu'elle avait arrêté de faire depuis des mois. Son ardeur au combat était de nouveau revenu. Sa gestion de l'arène était plus ferme et menée d'une main de championne. Enfin, Ondine renaissait.

Quelques jours après son déjeuner d'avec Gary, Ondine entraîna Psykokwak près du bassin. Il était temps pour lui de commencer son apprentissage de la natation. Le canard jaune, posté devant sa dresseuse, courait dans tous les sens, les griffes plantées sur sa tête malade.

« Allez, viens ! Je vais t'enfiler ces brassards !
- Psyko ? Kwaaaaak ! »

D'un mouvement de tête négatif, il refusa. Les poings sur les hanches, Ondine soupira.

« Je ne vais pas courir après toi... As-tu envie de revivre ta noyade ? »

Le Pokémon eau vint se blottir contre les jambes fuselées de sa dresseuse.

« Ça fait des années que j'essaye de t'apprendre à nager. Ne fais pas l'enfant. Je n'ai pas envie de te repêcher à chaque fois que tu trempera tes pieds palmés dans l'eau. »

Psykokwak n'opposa aucune résistance quand la championne lui enveloppa les pattes de deux brassards.

« Tu sais que j'ai eu peur quand tu n'es pas remonté à la surface l'autre fois. Je ne veux pas que ce scénario se reproduise. Regarde comme tu es mignon ! »

Ondine se redressa et laissa son Pokémon gambader, sautiller et s'exclamer devant l'enthousiasme généré par ces nouveaux accessoires.
Soudain au milieu de l'agitation puérile de Psykokwak, les oreilles de la championne se mirent à bourdonner.

« Si tu avais apprit à ce stupide canard à nager, il n'aurait pas coulé comme un boulet. C'est toi l'irresponsable ici. Tu prétends aimer les Pokémon mais tu ne penses qu'à gagner, peu importe si ils se sentent bien. »

Les paroles de Violette lui brûlaient les tympans. Pour détourner son attention de ce mauvais souvenir, elle plongea dans l'eau froide du bassin. Elle fit quelques longueurs sous la bouille mi-admirative mi-apeurée du canard. Ce dernier, convaincu que l'eau ne tuait pas tout ceux qui y plongeait, s'avança avec prudence.

« Je vais t'accompagner, lui souffla Ondine, la tête hors de l'eau. »

Elle fit quelques brasses pour rejoindre le bord du bassin. Psykokwak s'accroupit vers les mains tendues de sa dresseuse qui le saisit doucement. Les orteils palmés du Pokémon se mirent à battre furieusement la surface de l'eau.

« Psyyyyyyyy-kokwaaaaaaak !
- Calme-toi, je suis là. Je ne te lâcherais pas. »

Il cessa peu à peu ses mouvements enragés et s'accrocha au cou d'Ondine. Cette dernière lui fit lâcher prise pour le déposer devant elle. Psykokwak, les yeux clos, n'osa imaginer qu'il flottait sans l'aide de personne. Cependant son expression sereine s'effaça quand il se rendit compte que son poids ne lui permettait pas de rester à la surface trop longtemps sans bouger. Désespéré à l'idée de mourir, il éclaboussa Ondine par des gestes précipités.
La dresseuse attrapa ses brassard et tint son Pokémon bien verticalement.

« Tes mouvements doivent être répétés. Tes pieds palmés doivent monter et redescendre de manière cadencés. »

Psykokwak avait l'air de comprendre, faisait preuve de patience. Ondine lâcha un brassard. Le second ensuite. Grâce aux accessoires de natation et à l'impulsion de ses pieds palmés dans l'eau, le canard arrivait à flotter. Cependant Ondine demeura à ses côtés pour le rassurer.
Le Pokémon parvenait à faire du sur-place. Ondine s'éloigna pour laisser Pyskokwak s'approcher d'elle. Désemparé, il tendit en l'air ses griffes vers sa dresseuse. Il se mit à couler progressivement.

« Pour nager, tu ne dois pas laisser tes bras en l'air sinon tu risques de couler. Surtout que tu viens seulement d'apprendre à te maintenir à la surface par la force de tes pieds palmés... »

Pendant encore une heure, ils s'entraînèrent à faire du sur-place puis Psykokwak parvint à esquisser les premiers gestes directionnels. Tout cela était encourageant et mit du baume au cœur à la championne. Durant cette séance passée avec son Pokémon, elle avait oublier ses préoccupations. Violette et ses remarques avaient laissés les tympans de la sœur cadette reposés.

« Tous les soirs on s'exercera pour que tu ne perdes pas tes appuis. »

Ainsi, Ondine devint le professeur particulier de son Pokémon. Après tout, c'était de son devoir de se charger de l'éducation de ses créatures qu'elle considérait comme ses enfants. Il était normal qu'elle leur accorde du temps pour leur apprendre les choses de la vie. D'ailleurs, elle faisait la même chose avec Azurill. Ondine lui avait apprit à manger, à nager (il était plus doué que Psykokwak) et à se défendre en cas d'agression. Cela avait été la même chose avec Togepi, quelques années plus tôt.

Violette se trompait sur son compte, prouvant son ignorance quant aux activités de sa sœur. Toutefois, Ondine, elle, connaissant par cœur l'emploi du temps de son aînée. Tout chez Violette se résumait à un seul verbe : sortir.

L'arène était presque toujours vide. Ondine était la seule à être constamment présente, pour recevoir les challengers. Violette faisait preuve de sérieux quand il s'agissait des spectacles. Là, au milieu du désordre des répétitions, elle montrait le bout de son nez et accablait les danseuses et les actrices de reproches, de critiques désobligeantes.

Depuis la querelle, Violette s'absentait encore plus souvent que de coutume. Elle passait ses matinées et ses après-midis avec Lily dans des cafés, à examiner les passants (notamment les jolis garçons) ou à faire les boutiques.

Daisy était la seule avec Ondine à s'être lassée de ce quotidien trop rébarbatif. Préférant s'occuper de la publicité et de la gestion des spectacles, la sœur blonde restait enfermer dans son bureau jusque tard le soir pour assurer un bel avenir à leur second gagne-pain, après celui de l'arène.

Pokémon Anime Soundtrack - Dawn's Theme
Le week-end l'arène était donc très souvent désertée par deux des quatre sœurs. Le silence y régnait comme dans une l'église. Ce calme uniquement appréciable pendant ces deux jours, permettait à Ondine de disputer des match plus posés le samedi.

Le dimanche, Psykokwak goûtait cette tranquillité et faisait de grands progrès. Il arrivait à se diriger d'un bord du bassin à l'autre. D'abord tatillon, il avait finalement prouvé qu'avec de la rigueur et des efforts, on pouvait dépasser ses peurs.

Deux semaines après leur déjeuner, Gary vint enfin rendre visite à la jeune femme pendant l'un de ses cours de natation. Discret, il prit place dans les tribunes. Il écoutait d'une oreille distraite les conseils prodigués par la championne à son Pokémon, tandis que son regard se figeait sur la silhouette gracile de la jeune femme.

Avec un profond sentiment de manque, il prit conscience que ces deux semaines s'étaient passées difficilement bien. Ondine, quand elle le retrouva, l'avait senti fatigué et préoccupé.

Il n'arrivait pas à détacher sa paire d'émeraude de sa chevelure rousse. Pendant ces deux semaines il avait voyagé dans plusieurs villes avec derrière lui le spectre d'Ondine qui le poursuivait à fleur de peau. A chacun de ses matchs, il imaginait la jeune femme à la place du champion local. Il sentit le soulagement soulevé sa poitrine quand il la retrouva dans l'arène, comme si ces deux semaines n'avaient jamais existé.

Il se leva, décider à rattraper le temps perdu.

« J'ai une proposition à te faire, sirène. La semaine prochaine, je t'emmène avec moi nager au bord d'un lac. »