N'abandonnez jamais de Goldenheart

La foudre est un élément indomptable.
Et ceux qui en font leur pouvoir le sont également.

~*~
Il la sentait ; cette douce lumière, chaude et réconfortante. Il sentait ses blessures se refermer, les plaies et les brûlures qui s’estompaient comme par magie, et ses muscles qui recouvraient peu à peu toute leur vigueur. Pourtant, il avait mal. Mal à la tête. Tout son corps était détendu, mais la migraine ne partait pas. Au contraire, elle empirait de minute en minute.
Pour ne rien arranger, il étouffait, ici. Il était tellement à l’étroit qu’il avait l’impression de manquer d’air. Et ce sentiment ne lui était pas inconnu…
Surgie des tréfonds de sa mémoire, une image lui vint à l’esprit : celle d’un vieil homme, tenant une balle rouge et blanche à la main. Il se souvint qu’il avait eu peur, ce jour-là. Quand le laser rouge l’avait frappé, et qu’il avait eu cette sensation de tomber dans le vide.

Il ouvrit les yeux. Tout était comme dans son souvenir. Noir. Des ténèbres oppressantes, à la fois infinies et bornées par ces parois froides qui l’entouraient. Son poil se hérissa. Il se souvenait de ce sentiment désagréable. De cette peur. La peur de ce vide où il perdait tous ses repères. Tout était si noir…Si petit…

Et par-dessus tout, il se sentait seul. Si seul…

~*~
La salle, faiblement éclairée par la lumière blafarde des écrans d’ordinateurs, était plongée dans un silence pesant. Toutefois, ce silence était parfois troublé par des grognements ténus, assourdis.

Penché sur l’ordinateur principal, un homme pianotait frénétiquement sur un clavier tactile. Petit et trapu, il se distinguait par son teint cireux – sans doute dû à un manque d’exposition à la lumière du soleil – et sa tignasse rougeâtre qui partait en une pointe négligée, ayant probablement eu un jour pour but d’évoquer une flamme. Sa blouse, couleur rouge vif, aurait pu paraître criarde si elle avait été exposée en plein jour. Mais comme cet homme passait le plus clair de son temps dans son laboratoire, elle semblait au contraire plus sombre, couleur sang séché. Ce qui n’avait pas pour rassurer ses assistants de laboratoires…
Les données numériques qui défilaient à toute allure sur l’écran se reflétaient dans les petites lunettes rondes l’homme. Puis une série de graphiques s’afficha. Alors le scientifique leva la tête, et considéra son sujet d’expérience.

Ce dernier, à l’affût, grondait férocement, à tel point que malgré l’épaisse paroi vitrée derrière laquelle il était enfermé, ses grognements étouffés parvenaient encore à faire vibrer le tympan du scientifique.
Bien qu’il ait eu l’air d’un Raichu, ce Pokémon différait par son apparence singulière. Ses queues, deux éclairs effilés telles des faux, fendaient nerveusement l’air. Ses griffes acérées cliquetaient sur le sol. De temps en temps, il les passait sur la vitre, sans toutefois parvenir à l’entailler. Visiblement tendu, il reniflait son environnement – une pièce entièrement blanche, à l’exception de la vitre, sans rien à l’intérieur – avec méfiance. Ses joues crépitaient, et des éclairs commençaient à se former le long de sa crinière noire, lui donnant l’apparence d’un nuage d’orage.

Le scientifique, après une dernière vérification, activa le micro portatif collé à son oreille :

- Le sujet ME-08 est en place. Commencez le traitement.
- « Bien reçu »

Trois paraboles sortirent des murs de l’antichambre, leurs antennes braquées sur le Pokémon électrique. Soudain, toutes envoyèrent simultanément un rayon multicolore. Réactif, le Raichu esquiva les lasers sans difficultés et riposta aussitôt avec une décharge surpuissante, qui fut automatiquement absorbée par les paraboles. Au même instant, les données sur le graphique qu’affichait l’ordinateur principal changèrent, montrant une courbe rouge à la croissance exponentielle. Devant ces résultats, le scientifique jubila d’une voix ridiculement aigue :

- Fantastique, tout simplement fantastique ! Ce Raichu dépasse toutes mes espérances !

En arrière, camouflé parmi les ombres, un autre homme observait la scène, les bras croisés. Les flashs provoqués par les attaques électriques du Raichu jetaient d’inquiétants reflets sur son masque noir. Lorsqu’il parla, sa voix résonna à travers toute la pièce :

- Il est devenu très puissant, certes…
- GYAH ! s’écria l’homme en rouge. Mes aïeux, Chasseur, évitez de parler sans prévenir dans mon dos ! Je vous ai déjà dit que ce masque vous donnait une voix terrifiante !

L’homme masqué fit comme si de rien n’était, et poursuivit :

- …mais je crois qu’il peut encore faire mieux. La dernière fois qu’il a combattu, mon Raichu était loin d’avoir déployé toute sa puissance.
- C’est normal, Chasseur, assura le scientifique après avoir repris son sérieux. Il lui faut un temps d’adaptation. Mais pour un premier essai, avouez que c’est déjà une réussite ! La vitesse et sa puissance d’attaque de ce Raichu ont considérablement augmenté ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une hausse de plus de soixante pour-cent par rapport au chiffre initial ; on est véritablement proches des effets d’une vraie Méga-Evolution !

Soudain, les éclairs s’intensifièrent, jusqu’à devenirs aveuglants. De l’autre côté de la vitre, le Raichu hurlait de plus en plus fort, sans cesser de cracher son électricité. Sur l’écran, les chiffres s’affolaient, tandis que les paraboles censées absorber l’électricité du Pokémon commençaient à surchauffer. L’une d’elle explosa. Un signal d’alarme hurla dans toute la pièce.

- Vite, stoppez tout ! ordonna le scientifique.

Les aides de laboratoires se précipitèrent sur les commandes à distance. Plusieurs voyants s’éteignirent sur l’ordinateur, mais Raichu continuait de rejeter toujours plus d’électricité. Soudain, une lumière irisée l’enveloppa, et il reprit son apparence normale, avant de s’effondrer sur le sol, inerte.
Après un instant de flottement, toutes les personnes présentes dans la pièce soupirèrent de soulagement. Le pire avait été évité.

- Que s’est-il passé ? s’enquit le Chasseur.

Rien dans le ton de sa voix, déjà déformée par le masque, ne laissait filtrer la moindre émotion. L’homme en blouse rouge observa ce qu’affichait l’ordinateur.

- Il semblerait que Raichu ait fait une surcharge… Sa puissance a échappé à son contrôle, et il s’est emballé. Son organisme n’a pas supporté l’augmentation soudaine d’électricité ; en conséquence, il s’est évanoui.

Une porte s’ouvrit, permettant l’accès à l’antichambre. Le corps de Raichu était encore parcouru par de fins arcs électriques, qui faisaient tressauter ses muscles. L’homme masqué rappela son Pokémon dans sa Pokéball Obscur, avant de revenir vers le scientifique.

- J’espère pour vous que vous saurez trouver un moyen d’arranger ça, dit-il d’un ton calme, mais froid. Car je n’ai que faire d’un Pokémon qui ne maîtrise pas son pouvoir, si puissant soit-il.
- Bien sûr, Chasseur, bien sûr ! s’exclama son interlocuteur avec une excitation non feinte. Après tout, aucune découverte scientifique ne s’est faite en un jour ! Il faut sans arrêt faire de nouveaux tests, pour atteindre l’excellence… Mais je tiens à vous signaler que votre Raichu est, jusqu’ici, le seul de mes sujets d’expérience qui ait obtenu de si bons résultats ! Encore quelques modifications, et il maîtrisera sa Méga-Evolution artificielle à la perfection !
- Ça vaudrait mieux pour vous, professeur Xanthin…

Le Chasseur était quelque peu sceptique de penser que cet hurluberlu était capable de réussir quoi que ce soit. Mais les apparences étaient trompeuses ; malgré son air de clown raté, Xanthin était un scientifique de renom, notamment connu pour ses prouesses en matière de manipulation génétique des Pokémon. Ce n’était pas pour rien que Lysandre en avait fait son subordonné ; l’homme d’affaires savait s’entourer des meilleurs éléments… Du moins le Chasseur l’espérait-il.

- Allons, Chasseur, reprit le scientifique, ne soyez pas si déconfit. Vous avez tout de même l’honneur d’être le premier à expérimenter ma Méga-Evolution artificielle !

Il se retourna vers l’ordinateur, de nouveau plongé dans la lecture de ces données chiffrées que lui seul était à même de comprendre.

- Bien sûr, reprit-il à voix haute, il faudrait peut-être diminuer la fréquence des ondes bêta, afin de limiter les risques de…
- Ecoutez, Xanthin, l’interrompit le masqué. Je me fiche bien de vos théories et de votre blabla de scientifique. Ce que je veux, ce sont des résultats.

L’homme en blouse rouge fit la moue, déçu ne pouvoir étaler sa science, chose qu'il aimait par-dessus tout. Le Chasseur pointa la Pokéball noire vers son visage pâlichon.

- Souvenez-vous que j’ai consenti à traquer et capturer ce Pikachu qui embêtait tant vos Sépiatroces uniquement pour m’assurer de votre entière collaboration. Ce que je vous ai demandé en échange de mes services est clair : vous devez trouver un moyen de faire méga-évoluer Raichu, Arcanin et Akwakwak. J’ai fait ma part du marché ; à vous de tenir votre engagement. Débrouillez-vous pour que cette Méga-Evolution artificielle soit au point avant mon prochain déplacement. Je ne tiens pas à ce que mon Pokémon s’évanouisse au beau milieu d’un combat…
- Oh, oui, ne vous en faites pas pour ça. Confiez-moi votre Raichu, et je vous promets de travailler dur afin que cette innovation soit au point le plus vite possible.

Le Chasseur renifla avec mépris. Néanmoins, il laissa sa Pokéball au scientifique. Même s’il avait cessé depuis longtemps de faire confiance aux autres, l’homme masqué savait que Xanthin tiendrait parole. Ce genre d’énergumène serait prêt à tout pour que sa découverte soit la plus parfaite possible, ne serait-ce que pour s’en vanter.

Après avoir confié la balle noire à l’un de ses subalternes, Xanthin se tourna de nouveau vers l’homme masqué.

- Au fait, puisque vous en parlez, les Sépiatroces ont été ravis d’apprendre que vous aviez réussi à capturer ce Pikachu !

Comme si les mentionner les avait appelés, trois Pokémon Révolution sortirent de l’ombre et virent saluer le professeur.

- Ah, vous voilà, mes bébés ! se réjouit celui-ci, sa voix repartant de nouveau dans les aigus. Hein que vous êtes contents d’être débarrassés de ce Pikachu, hein ? Maintenant, plus personne ne viendra se mêler de vos affaires ! Alors, dites-moi, qu’avez-vous prévu de faire, cette-fois ?

Le Chasseur se retint de justesse de soupirer. Ce type traitait ces Pokémon comme s’ils étaient des enfants de cinq ans. D’ailleurs, les Sépiatroces non plus ne semblaient pas apprécier la manière dont Xanthin s’adressait à eux. Cela se voyait à leur expression sombre.

- Vous voyez, Chasseur, expliqua Xanthin, ces Sépiatroces sont bien plus intelligents que la plupart des Pokémon. Ils sont entre autres capables d’élaborer des stratégies, et des plans d’un machiavélisme impressionnant !

Si le masque du Chasseur empêchait de voir son expression, il n’en était pas moins effaré. Des Pokémon intelligents ? Mais où allait le monde… Dans cinq minutes, il allait lui annoncer que ces Pokémon gouverneraient la planète à la place des humains…

- Ils ont même développé un projet de conquête du monde ! s’extasia le professeur en écho aux pensées du Chasseur. Si c’est pas mignon tout ça ! Mais à chaque fois qu’ils ont tenté quelque chose, ce gamin et son Pikachu se sont interposés… Mes pauvres chéris étaient si démoralisés…

L’homme masqué n’attendit pas que Xanthin ait fini son discours mélodramatique pour s’éclipser. Mais alors qu’il sortait du laboratoire, il sentit qu’on le suivait. Il se retourna, et vit qu’un des Sépiatroces flottait derrière lui, son bec déformé par un rictus effrayant.

- Qu’as-tu à me suivre ? fit l’homme de sa voix métallique. Si c’est ce Pikachu que tu veux, tu peux oublier. Il est à moi, désormais.

Il s’apprêtait à repartir, quand le Pokémon passa devant lui, les lumières sur son ventre légèrement allumées.

- Et ne tente pas de m’hypnotiser. Cela serait inutile. (Il tapota son masque du doigt.) Je suis protégé par ceci ; et de toute manière, tu crois vraiment qu’un pauvre Pokémon comme toi parviendrait à me contrôler ? Xanthin ne vous a peut-être pas rendus si intelligents que ça en fin de compte…

Sur ce, il s’en fut, laissant là un Sépiatroce désabusé et furieux. Mais tout en errant dans les couloirs, le Chasseur repensa à ce qu’avait dit le scientifique. « Des plans pour conquérir le monde. »

Le soupir sonore de l’homme au masque retentit sinistrement entre les murs de béton. Au final, toutes les organisations était les mêmes. Qu’elles se nomment Team Flare ou Team Rocket, elles avaient toutes le même but fou : dominer le monde. Comme si ce dernier n’était pas déjà assez injuste…

~*~
La chaleur était partie. Ne restait plus que le froid, et l’obscurité. Et toujours, toujours ce mal de crâne, qui ne cessait d’empirer. C’était comme si quelque chose d’étranger tentait de s’immiscer dans son esprit. Pourquoi avait-il si mal ? Est-ce que cette souffrance allait un jour cesser ?

Il ne savait plus si les images qui traversaient son esprit étaient des souvenirs ou des hallucinations. Un Raichu, un Croâporal. L’un était l’ennemi, l’autre l’ami. Mais qui était qui ? Il ne savait pas, il n’arrivait pas à réfléchir… Un Papilusion, un Miaouss. Qui étaient-ils ? Il avait si mal à la tête… Un Togepi, un vieil homme, un humain masqué. Tout se mélangeait.

Puis, enfin, l’image d’un humain aux cheveux noirs, aux yeux ambrés, avec un chapeau rouge sur la tête, se matérialisa. Son cœur bondit. Il le connaissait, cet humain, il le connaissait très bien… Non ! Pourquoi l’image s’évaporait-elle ? Non ! Il devait se souvenir !

Instinctivement, son corps se chargea d’électricité. Puis il s’agita, se cogna la tête de toutes ses forces contre les parois froides de cet endroit si exigu. Il rua, s’ébroua du mieux qu’il pouvait dans cet espace confiné. Mais seuls les chocs électriques arrivaient à dissiper la brume qui envahissait son esprit. Oui, il se souvenait. Cet humain… était son ami.

Douleur, de nouveau à la tête. Sa conscience vacilla. Non ! Il ne devait surtout pas s’évanouir ! Il devait garder cette image en mémoire ! Alors il accumula encore plus d’électricité dans son petit corps. Encore plus. Toujours plus. L’électricité envahit tout l’espace. A tel point qu’il s’électrocutait lui-même. Ça faisait mal, mais pas autant que cet étau qui lui enserrait le crâne. Et surtout, ça l’aidait à se souvenir. Se souvenir de lui.

De Sacha.

Pikachu hurla, et libéra toute son énergie. Il y eut une décharge de lumière, puis tout explosa.

~*~
Pas un bruit, pas un mouvement à l’horizon. Juste le mugissement lointain du vent dans les montagnes. Satisfait, l’homme tout de rouge vêtu ajusta ses lunettes – également d’un rouge criard – et poursuivit sa ronde. Soudain, un cri aigu, semblable à un hennissement, retentit derrière les rochers. Le vigile se figea. Tout doucement, il arpenta le terrain escarpé, une Pokéball à la main, prêt à appeler le Pokémon qui y était enfermé si besoin.

- Qui est là ? lança-t-il.

Mais seul le silence lui répondit. Puis le bruit d’un caillou roulant sur sa droite attira son attention. Le temps de se retourner, le sbire reçut un coup sec et précis à l’arrière de la nuque, avant de s’affaisser comme une poupée de chiffons.

Le Lucario s’assura que sa victime ne bougeait plus, puis projeta son aura afin de détecter s’il n’y avait personne d’autre dans les environs. Désormais certain que le danger était écarté, le loup bleu fit un signe à celui qui se cachait entre les rochers.

Genzo put finalement sortir de l’ombre.

- Ouf… C’est pas passé loin, cette fois… Bien joué, Lucario.

Le Pokémon lui répondit d’un simple hochement de tête, avant de l’aider à déplacer le vigile inconscient à l’abri des regards.

Genzo était un homme dans la fleur de l’âge, qui allait sur ses soixante-sept ans, comme en témoignaient ses cheveux gris blanchis aux tempes. Malgré cela, il avait conservé une physionomie et une condition physique très nobles, même si la courbe de ses muscles n’était plus aussi parfaite que celle de ses vingt ans…

Une fois le sbire ligoté et bâillonné, le vieil homme lança sans se retourner :

- Quant à toi, Galopa, je ne te félicite pas. Bon sang, qu’est-ce qui t’a pris de hennir comme ça ? Pile quand un vigile passait en plus… On aurait pu se faire prendre à cause de toi !

Genzo se tourna, cette fois, pour planter ses yeux bruns dans ceux du cheval de feu, qui s’était approché. Celui-ci renâcla, visiblement peu désireux de s’excuser. Genzo soupira et étira ses membres endoloris.

- Enfin, l’avantage, c’est qu’au moins, je peux maintenant me dégourdir les jambes… Aïe ! lâcha-t-il quand une vertèbre craqua. Décidément, c’est plus de mon âge de jouer les espions… Mon pauvre dos…

Tout en se massant les lombaires, il observa le bâtiment qui se dressait devant lui. Même vus de derrière, les Laboratoires Lysandre avaient de quoi impressionner. Le PDG à la chevelure flamboyante avait mis le paquet pour offrir le meilleur à son entreprise.

« Et pourtant, il n’est pas fichu de payer de meilleurs gardiens… Non mais franchement, qui peut espérer surveiller quoi que ce soit en s’habillant comme ça ? » songea Genzo en regardant avec dégoût le costume rouge pétant du sbire ligoté. Et encore, s’il n’y avait que le costume… Les lunettes et les cheveux aussi étaient teints en rouge, et le tout combiné était un véritable supplice pour les yeux. « Je sais que Lysandre aime le rouge, mais là, c’est trop… »
Aussi silencieux qu’une ombre, le vieil homme se faufila entre les maigres buissons qui entouraient cette partie du complexe. Il fallait faire attention. La sécurité autour du bâtiment avait été renforcée, ces derniers temps.

« Je suis certain que ça a un rapport avec la visite du Maître Pierre aux labos Lysandre… C’était sa voiture, à l’extérieur, j’en mettrais ma main à couper. » Si le Maître de Hoenn avait fait tout le déplacement jusqu’ici, c’est qu’il y avait Wailmer sous gravillon. Et Genzo devait savoir ce qui se tramait.

Le Lucario vint rejoindre son dresseur avec la même fluidité et la même discrétion. Le vieil homme s’apprêtait à continuer d’avancer, quand un « clop-clop » tonitruant rompit le silence.

- Pour l’amour d’Arceus, Galopa, arrête ! Tu veux avertir tout le monde de notre présence, ou quoi ?! Reste ici !

L’équidé s’ébroua, marquant son mécontentement. Néanmoins, il obéit et cessa son raffut. Genzo leva la main. Une seconde passa, puis deux. Toujours rien. Le vieil homme s’autorisa à respirer. Heureusement pour lui, ce garde devait être le seul à surveiller cette partie plus abandonnée du bâtiment. On voyait très bien aux tôles mal soudées, à l’absence de fenêtres et aux vieux tuyaux fuyants que les travaux avaient été négligés sur la fin.

« Ce qui veut dire qu’il n’y a rien de très important pour eux de stocké ici. Si ça se trouve, derrière ces murs, c’est le placard à balais, ou pire, les toilettes… » Mais d’un autre côté, cela représentait une magnifique porte d’entrée à tous ceux qui souhaitaient infiltrer le complexe. Comme c’était le cas de Genzo.

- O.K., murmura-t-il à son Lucario. Il va falloir faire gaffe, à partir de maintenant. Ce n’est pas parce que la sécurité ici est mauvaise qu’ils ne nous ont pas collé des caméras, ou je ne sais quel système d’alarme à la noix. Alors voilà ce que…

Il ne put finir sa phrase. Non loin de lui, une explosion fit voler l’arrière du bâtiment en éclats. Genzo fut projeté à terre, mais ne fut pas blessé par les éclats de tôle et de verre qui volaient dans tous les sens, grâce à Lucario qui avait lancé Abri juste à temps.

- Mais…, haleta le vieil homme. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Une épaisse fumée noire s’échappait du mur éventré, faisant tousser Genzo. Au loin, une sonnerie d’alarme retentit. Mais un rugissement de rage, et de douleur, couvrit tout le reste. Soudain, un formidable éclair jaillit de la fumée, éblouissant le vieil homme et son Pokémon. Genzo put juste sentir une vague de chaleur passer à côté de lui à toute vitesse.

- Attends ! Galopa !

Sans perdre une seconde, il partit à la poursuite du Pokémon feu. Il le rattrapa quelques mètres plus loin, quand un arc électrique faillit le griller sur place. Genzo tomba à la renverse, rallumant les protestations de sa colonne vertébrale. Lorsqu’il reprit ses esprits, il écarquilla les yeux malgré la fumée. Devant lui, au milieu des restes d’un appareil électronique quelconque – impossible de deviner quoi vu l’état dans lequel il avait été réduit – un Pikachu se tenait la tête, en poussant des cris étranglés.

« C’est ce Pikachu qui a… ? » Soudain, le Pokémon électrique envoya un nouvel éclair surpuissant, manquant de peu l’homme et les deux Pokémon à côté de lui. Genzo se protégea derrière ce qui restait d’un mur en béton, et analysa la situation. De toute évidence, ce Pikachu souffrait le martyr. Il n’avait même pas remarqué Genzo et ses deux Pokémon, et lançait ses attaques électriques au hasard. Probablement sous l’effet de la douleur…

- Vite, Lucario, utilise Vibra Soin sur ce Pikachu ! ordonna le vieil homme.

Le loup bleu s’élança, esquivant avec agilité les éclairs lancés par le Pikachu. Puis, quand il fut suffisamment près, il joignit les pattes et envoya des vagues d’énergie roses sur le Pokémon souffrant. Le Pikachu se figea, grogna contre Lucario, se figea encore, puis finit par relâcher lentement ses muscles. Genzo en profita pour s’approcher.

- Reste calme…, murmura-t-il doucement. Nous ne sommes pas tes ennemis.

Le Pokémon électrique, haletant, plongea ses yeux dans les siens. Le temps sembla s’étirer à l’infini ; le bruit de la sirène d’alarme paraissait très lointain, comme coupé de la scène. Les étincelles autour du Pikachu faiblirent. Puis, ses yeux se voilèrent, et il perdit connaissance. Après un instant d’hésitation, Genzo le prit dans ses bras et l’examina.

« Il est blessé, mais ses blessures sont superficielles… Il est surtout tombé d’épuisement. Mais qu’est-ce qu’il faisait là ? Et qu’est-ce qui le faisait souffrir comme ça ? »

Pas le temps d’y réfléchir. Déjà des bruits de pas précipités approchaient, accompagnés par des éclats de voix.

- Merde, ils arrivent, il faut filer ! Viens, Galopa !

Genzo rappela son Lucario dans sa Pokéball, plaça le Pikachu inconscient sur son épaule, et enfourcha le cheval de feu. Mais ce dernier resta immobile, son regard obstinément fixé sur les morceaux éparpillés d’une sphère noire, d’où s’échappaient de petits arcs électriques violacés…

- Alors, qu’est-ce que tu attends ? s’impatienta Genzo. C’est vraiment pas le moment de faire ta tête de mule ! Allez, hue !

Il tira de toutes ses forces sur les rênes, et finalement Galopa se mit en mouvement. Mais avant de partir, l’équidé écrasa sous son sabot les bris de métal noirs. Puis il s’élança avec la vitesse du vent.

Lorsque les sbires de la Team Flare arrivèrent finalement sur les lieux, il n’y avait déjà plus personne.