Garous de GalloViking

Lorsque je m'éveillai, je fus accueillie par le doux son du bruissement des roseaux dans le vent, tout autour de moi. Mon cœur battait doucement dans ma poitrine, et je n'avais pas froid. Je n'étais donc pas morte, même s'il s'en était fallu de très peu... La lumière du soleil réchauffait mon corps, me redonnant des forces par la même occasion. Je fus rapidement capable de prendre une grande inspiration. Contre toute attente, ma gorge était extrêmement sèche et cela me fit mal. Ironie du sort, d'avoir soif alors qu'on venait de se noyer... Incapable d'ouvrir les yeux pour l'instant, je me dirigeai vers le cours d'eau situé très proche de moi, me fiant à mon ouïe. Les mains en coupe, je bus l'eau gelée à grande gorgée. La température acheva de me réveiller et je pus enfin ouvrir les yeux.

Je me trouvais sur la berge du fleuve. Autour de moi, de très grands roseaux s'étendaient à perte de vue. L'endroit avait été aménagé pour faire un nid à l'abri des regards. Des roseaux avaient été aplatis pour faire un sol qui tenait chaud aux pattes du quelconque Pokémon vivait ici. Le nid donnait aussi directement sur le fleuve, signe qu'il appartenait très probablement à un Pokémon aquatique.

Ne sachant pas si je devais chercher à fuir ou à attendre, j'entendis un léger son dans l'eau. Un Aquali émergea, un Magicarpe entre les dents. Il s'arrêta immédiatement lorsqu'il me vit, surpris, mais ne parut pas effrayé pour autant. Il me contourna sans me quitter des yeux, et déposa sa proie sur le sol. Voyant que je ne réagissais pas, il me demanda :

« -Enfin debout ? Il était temps.
-Comment ça ? Demandai-je.
-Tu dors depuis presque deux jours. J'ai cru que tu n'allais jamais te réveiller. »
-Deux jours ?! J'ai passé deux jours entiers inconsciente ? »

Il hocha la tête.

« -C'est toi qui m'a sauvée ? Demandai-je.
-Oui. Je chassais, et je t'ai vue au fond de l'eau, immobile. Comme ton cœur battait encore, je t'ai amenée ici.
-...
-J'ai ensuite retiré l'eau de tes poumons. Je suis de type Eau, donc ça été facile. »

Voilà pourquoi j'avais aussi soif.

« -Tu avais le sommeil agité, me dit-il. Tu n'arrêtais pas de gémir et de te débattre.
-Je... J'ai fait un cauchemar.
-Je suppose que c'est normal, quand on est sur le point de mourir, dit-il simplement. »

Et il attaqua son repas. Il m'en proposa, mais je refusai. Je ne mangeais ni viande, ni œuf, ni poisson. En revanche, la tige des roseaux était comestible et même si difficile à mâcher, cela m'irait. Je déterrai quelques jeunes pousses, et nous mangeâmes lentement. Cela qui me permit de réfléchir. Deux jours entiers... Avais-je vraiment passé autant de temps dans ce cauchemar infernal ? Il avait pourtant semblé si réel. C'était sans doute ce qu'on appelait une expérience de mort imminente... Je l'avais vraiment échappée belle. Encore une fois, j'échappais à la mort.

« -Tu viens d'où ? Me demanda-t-il. C'est la première fois que je vois quelque chose comme toi. Au début, je t'ai prise pour un être humain, mais tu ressembles plus à un Mentali.
-C'est vrai, répondis-je. Je suis un peu des deux.
-Comment c'est possible, ça ? Demanda-t-il. Une nouvelle évolution ?»

Je ne savais pas comment expliquer ça à un Pokémon sauvage. Le concept d'arme vivante, de sujet de laboratoire ? Il ne comprendrait pas. Je choisis la voie la plus facile.

« -On peut dire ça. Une nouvelle évolution créée par les humains.
-Les humains sont fous, se contenta-t-il de me répondre.

Alors que nous mangions, quelque chose me vint à l'esprit. Lors de mon escapade dans la forêt de Zvigold, avant mon évolution, j'avais rencontré la reine Isadoras. D'après elle, les Évoli n'étaient pas originaire de cette région. Alors que faisait un Aquali ici ?

« -Et toi, d'où tu viens ?
-Je ne sais pas vraiment, dit-il. J'ai été élevé par des humains dès ma naissance. Je n'ai jamais connu mes parents. »
-Tu as été abandonné ?
-Pas vraiment. Je me suis enfui après mon évolution.

L'expression de son visage changea. Il avait l'air triste. Autant éviter de lui demander trop de choses... Cependant, il continua, probablement soulagé de pouvoir confier ça à un autre Pokémon :

« -Un jour, il s'est mis à pleuvoir, alors que je jouais dans le grand parc. Il pleut souvent pendant la saison des fleurs, donc cela ne me dérangea pas tellement à l'époque.
-La pluie est devenue plus violente, n'est-ce pas ? Demandai-je.
-Oui... Il pleuvait tellement que je ne voyais plus rien. J'ai essayé de rentrer me mettre à l'abri, mais c'était trop tard. Me fourrure était tellement trempée que j'ai évolué en Aquali.
-Pourquoi fuir ? C'est naturel qu'un Pokémon évolue. »

Son visage s'assombrit encore plus. J'avais touché un point sensible. Alors que je m'apprêtais à m'excuser, il continua :

« -Ces humains n'étaient pas vraiment mes maîtres. En fait, ils aidaient les Pokémon perdus à trouver de nouveaux maîtres pour s'occuper d'eux, tu vois ?
-Des éleveurs...
-Les humains veulent adopter des Pokémon encore bébé, répondit l'Aquali. Les évolués trouvent rarement une nouvelle famille. J'ai vu assez de Pokémon partir pour le comprendre. Ma sœur, par exemple.
-Ta sœur ?
-Pardon. Une de mes sœurs. Elle a été adoptée très rapidement. Ma seconde sœur, je ne sais pas. Je me suis enfui immédiatement après avoir évolué. »

Il avait donc deux sœurs ? Une idée folle germa dans mon esprits. Cela aurait été une énorme coïncidence que cela soit vrai, mais était-il possible que l'une de ses deux sœurs soit Miyu  ou moi?

« -L'une de tes sœurs était-elle une Noctali ? Demandai-je.
-Non, répondit-il. Aussi loin que je m'en souvienne, ni l'une ni l'autre n'avait évolué.
-Et l'autre ? Tu peux m'en dire plus ?
-Pourquoi ? Me demanda-t-il.
-Je ne connais pas mes origines, répondis-je. Je les cherche. Je pensais que tu aurais pu m'aider...
-Aucune n'avait évolué, c'est vrai. Mais Miyu passait ses nuits dehors, alors elle a peut-être...
-Miyu ?! Je connais une Miyu ! M'écriai-je. »

L'Aquali pencha la tête sur le côté, dubitatif.

« -C'est vrai, dis-je. Elle a évolué en Noctali. C'est pour ça que je t'ai demandé. Enfin... Elle est comme moi.
-Une Noctali-Humaine ?
-Oui, répondis-je. Dis-moi, ton autre sœur, comment s'appelait-elle ?
-Maya. Pas très originaux, nos noms. Maya, Miyu, et Moya. »

Maya. Une autre pièce du puzzle venait d'être dévoilée. Mais je n'allais pas arrêter pour autant. Il me fallait plus de réponses.

« -As-tu vu par qui Maya a été adoptée ? (Ma demande sonna presque comme une supplication.)
-Parfaitement bien, fit-il. Un être humain qui portait un drôle de vêtement bleu. Il a lui-même pris Maya dans ses bras, après avoir hésité entre nous trois. »

L'humain que j'avais vu au laboratoire, André Cide, portait lui aussi une blouse bleue...

« -Peux-tu me dire autre chose sur cet humain ?
-Hum... Tous les humains se ressemblent à mes yeux.
-Un tout petit détail ? Quelque chose de différent ?
-Maintenant que j'y pense, quand il s'est penché pour prendre Maya, il a fait tomber un crayon et un cahier de son vêtement bleu. »

Cet humain, André Cide, avait sur lui un journal et un stylo à plume quand il est entré dans ma cellule, lors de ma troisième nuit. Et lorsqu'il m'a vue, il a enragé.

« Maya... C'est moi. »

Cela ne faisait plus aucun doute, maintenant. J'ai été adoptée par cet humain, André Cide, qui était à cette époque à la tête du Projet Garou. Des années plus tard, j'ai été utilisée en tant que sujet de laboratoire. Ma geôlière en avait parlé : j'étais une erreur. Une inversion de Pokéball a fait de ma vie ce qu'elle est maintenant. Lorsque mon maître André Cide l'a compris, c'est-à-dire en me voyant derrière cette vitre dans le laboratoire, il est devenu comme fou et a coupé le courant, ce qui a donné lieu au carnage. J'étais donc Maya. Maya, la créature recherchée par le Sujet 21A, le Zoroark Garou. Moya, quant à lui, regardait maintenant son reflet dans l'eau du fleuve. Encore sous le choc de la révélation, je fis de même.

J'avais beaucoup changé, et pas seulement physiquement. Avec le temps, mon regard était devenu plus dur, plus déterminé. L'Évoli apeurée qui se regardait dans le reflet de la vitre de sa prison était loin derrière moi, maintenant. Moya se blottit contre moi, et un sentiment de sérénité m'envahit. Je savais enfin qui j'étais... Une question demeurait, cependant. Qu'était ce Zoroark, et que voulait-il à Maya ? À moins que...

« -Tu vas faire quoi, maintenant ? Me demanda Moya.
-Maintenant que je sais qui je suis, je me sens... Libre. Libre comme je ne l'ai encore jamais été. Je vais continuer ce que j'ai commencé.
-C'est-à-dire ?
-Je vais cesser cette folie d'une manière ou d'une autre. »

Aider les autres, ce que j'ai toujours fait. Mettre fin au Projet Garou et à cette stupide guerre. Essayer de retrouver Miyu pour lui expliquer nos origines. Et... Retrouver Isadore. Il me manquait énormément, presque autant que ma sacoche, restée dans ce bunker souterrain. Mais pour où commencer ? Je soupirai.

« -Pourquoi ne pas prévenir Miyu ? Me demanda l'Aquali.
-Elle est probablement très loin, dis-je. Je ne sais pas où elle est.
-Utilise la télépathie, me dit-il. Tu es une Mentali.
-Je ne sais pas utiliser mes capacités. Et Miyu est de type Ténèbre maintenant, ça ne marchera pas...
-C'est vrai... Soupira-t-il. Mais tu peux essayer avec un autre Pokémon non ? Il faut que tu sois assez proche de lui. Pas physiquement, mentalement. Et ça marchera.
-Comment faire ? Demandai-je. Je n'ai jamais essayé et ça a l'air compliqué.
-Non, c'est facile, me dit-il. Il faut juste penser à un Pokémon, et vouloir communiquer avec lui pour créer un lien. »

Pourquoi pas, après tout. Isadore... Isadore... Par pitié, qu'il soit en bonne santé. Suivant les instructions de Moya, je visualisais Isadore dans ma tête. Un Feunard bipède, n'ayant qu'une seule queue. Ses yeux rouges flamboyants. Son corps musclés. Ses jambes difformes. Lentement, Isadore prenait forme dans mon esprit. Maintenant... Je devais entrer en contact avec lui, mais comment faire ça ? Je me concentrai maintenant sur le son qu'avait sa voix, et cela sembla aider. Sensation difficile à décrire, mais j'eus l'impression qu'un canal venait de s'ouvrir. C'était ma chance.

« Isadore? »

La télépathie fonctionnait ! Même s'il ne répondait pas, je savais qu'il m'avait entendue. Après tout ce temps à me demander pourquoi je ne pouvais pas utiliser mes dons psychiques, j'avais ma réponse. Ce qu'il me manquait c'était de la volonté, vu que j'étais toujours à obéir aux ordres de telle ou telle personne... Je subissais tout ce qui se passait autour de moi, je n'avais pas une volonté assez forte, vu que je n'en avais pas besoin. Grâce à Moya, j'avais enfin compris comment enlever cette entrave qui bloquait mes pouvoirs psychiques. L'Aquali, quant à lui, avait plongé et était parti faire je ne sais quoi.

« -Isadore, c'est moi, Sereina. Pense à ce que tu veux me dire.
-Sereina ?! Comment as-tu réussi à faire ça ?
-Tout va bien. J'utilise la télépathie pour te parler.
-Sereina... Tu m'as tellement manqué. Où es-tu ?
-Isadore. Écoute-moi bien. Je connais mes origines. Et je connais les tiennes.
-Nom de...
-Tu es où, toi ? C'est très important.
-Je... Je suis en face du Zoroark Garou, dans un campement Progressiste.
-?!
-Du calme, Sereina. Il... Il a trouvé l'antidote. Et tu ne devineras jamais qui c'est, en réalité.
-André Cide.
-Que... Comment tu sais ça ?!
-Isadore. Maya, c'est moi. André Cide... Ce Zoroark... c'est mon maître. Dis-lui ça. »

Isadore allait bien. Le Zoroark avait trouvé un antidote, Isadore ne voulait plus lui faire de mal. Et il semblait être déjà au courant de sa situation. J'étais soulagée. Mais comment était-il devenu un Garou, c'était la question. Le laboratoire avait-il aussi travaillé sur un Projet Garou inversé ?

« -Je lui ai dit, Sereina.
-Quelle a été sa réaction ?
-Il a dit que tout concordait, maintenant. Et qu'il avait été idiot de ne pas le comprendre plus tôt.
-Merci, Isadore. Maintenant, je veux que tu saches quelque chose...
-Moi d'abord, Sereina. Tu ne cesseras jamais de me surprendre.
-Écoute-moi attentivement, Isadore. Jusqu'à présent, je n'ai jamais réussi à te le dire, mais maintenant, je peux. Je sais d’où tu viens. Va dans la forêt de Zvigold, le plus profond possible. Tu trouveras toutes tes réponses là.
-Sereina... Moi aussi, je n'ai jamais réussi à te dire quelque chose que j'aurais dû te dire depuis longtemps. Je t'aime. »

Sa révélation fut si soudaine que je perdis ma concentration et la communication cessa. Réessayant plus fois, je fus incapable de recommencer, étant trop ailleurs... Était-ce pourquoi il avait été aussi protecteur et bizarre avec moi avant ma disparition ? Par amour ? J'avais été trop aveugle pour m'en rendre compte et au final nous avions failli mourir tous les deux. Lui par amour pour moi, et moi à cause de mon entêtement. Alors qu'au final, celui qui avait le plus besoin d'aide se trouvait si proche de moi...

Cela serait futile de quitter le nid de Moya maintenant, me dis-je. Et j'étais encore fatiguée et endolorie. Je décidai de m'allonger et de profiter du soleil pour pouvoir être en forme et partir demain. Mon choix était clair, à présent : je devais retrouver Isadore à la forêt de Zvigold, peu importait le prix. Et ensuite, j'aviserai.