Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Pawn Sacrifice (OS) de Star-Killer



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Star-Killer - Voir le profil
» Créé le 01/02/2016 à 19:07
» Dernière mise à jour le 11/04/2016 à 11:44

» Mots-clés :   Drame   One-shot   Sinnoh

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Une fois le roi pris, c'est échec et mat
Pour gagner, il faut prendre le roi.

Qu'y avait-il autour de moi il y a un instant ? Je n'en suis plus très certain. Il faut dire que quand mon cerveau fait ce genre de choses, j'ai du mal à visualiser à nouveau l'environnement externe. Je sais que je me tiens debout. Probablement les mains dans les poches, comme d'habitude. Grahyèna doit se tenir devant moi, les crocs dehors, prêt à bondir. La jeune fille en face... sans doute qu'elle me dévisage d'une manière intriguée. C'est ce qu'ils font tous, alors, au point où j'en suis... Je crois que ça y est, les choses commencent à me revenir. Doucement, tout doucement. Elles m'effleurent, mais je n'arrive pas à les toucher du doigt. Il n'y a pas âme qui vive à des kilomètres, je crois. Nous sommes en pleine nature, prêts à déterminer qui de nous deux devra une faveur à l'autre. Par faveur, je veux bien entendu parler d'argent. Il n'y a plus que cela qui compte désormais, dans notre esprit humain, cupide et borné.

Je ne sens pas le vent me fouetter le visage, alors même que je sais qu'il souffle. Je n'entends pas les Pijako, alors même que je sais qu'ils chantent. Je suis coupé du monde, enfermé dans mon esprit, entre toutes les pensées, qu'elles soient négatives ou non, qui flottent dans mon inconscient. C'est dingue. Je réalise que je peux penser à des tas de choses à la fois, en libérant pleinement mon potentiel cérébral. Le problème, c'est que je ne peux pas utiliser ce... "don", à ma guise. Mais je comprends parfaitement. Un Homme possédant un tel potentiel intellectuel serait capable de tenir le monde entier dans le creux de sa main. Ce qui ne m'intéresse pas, en l'occurence. Le monde, je ne l'aime pas, alors à quoi bon vouloir le posséder ou le diriger ?


Comment ? Qui je suis ? Ah, la curiosité, c'est là l'un des défauts les plus récurrents chez nous autres humains. Nous voulons toujours savoir ce qui ne nous concerne pas. C'est bien pour cela que les serrures existent, non ? Pour nous permettre de risquer un coup d'œil avisé à l'intérieur, histoire de découvrir les cadavres que cachent les autres dans leur placard. Pardon ? Je divague ? Certes oui, les serrures servent avant tout à empêcher les autres de découvrir ces fameux cadavres dans le placard. Mais où diable en étais-je ? J'ai beau pouvoir utliser la quasi-totalité de mes fonctions cérébrales à certains moments, je ne suis pas infaillible pour autant. Mon nom est David. Appelez-moi Dave, si vous voulez. Mais cela n'a de toute façon pas la moindre importance. Ce dont je veux vous parler, c'est la pensée ; n'est-ce pas un bon sujet de réfléxion ?

J'ai aujourd'hui trente-quatre ans. Depuis très exactement soixante-quatorze jours et huit heures. Pourquoi une telle précision ? Le monde m'a appris que si l'on ne faisait pas preuve de rigueur et de pointillisme, on se retrouvait toujours à la traîne. Il faut être minutieux. Il y a une différence entre cinq et six degrés, par exemple. Une différence plus importante que vous ne l'imaginez. Bien sûr, personne ne s'en rend compte. Il fait froid. C'est tout ce qu'ils comprennent et ça leur suffit amplement. Pourquoi donc se satisfaire du minimum ? Eh bien, tout simplement parce qu'on n'utilise pas notre cerveau pleinement. Nos capacités sont bridées. A quel point se sert-on de notre intellect ? Pas plus de dix pour cent. C'est incroyable, non ?

Êtes-vous capable de calculer la force de gravitation exercée par la Lune sur la Terre, et ce uniquement en utlisant votre cerveau ? Non, bien sûr que non. Vous n'utilisez qu'une infime partie de vos facultés. Eh bien moi, j'en suis capable. Uniquement lorsque mon "don" se manifeste, mais ça n'en reste pas moins quelque chose d'intéressant, n'est-il pas ? Oh, non, non. Je ne suis pas là pour me vanter devant vous. Je suis juste là pour vous raconter mon expérience de la vie. Et elle n'a pas toujours été rose, loin de là. Seulement, elle m'a appris des choses que peu d'autres humains peuvent se targuer de connaître.

Je ne suis pas né dans une famille pauvre, loin de là. Non, mon histoire ne commence pas comme toutes les histoires dramatiques classiques. Ma famille, donc, n'était pas au bord du gouffre, mais ne roulait pas sur l'or non plus. Nous étions un foyer... quel est le mot juste, déjà ? Ah, je sais. Modeste. Une famille modeste. Un père boulanger et une mère conseillère en assurances. Je sais, ça ne casse pas trois pattes à un Canarticho, et pourtant, je suis un humain pas comme les autres. Eux n'y sont strictement pour rien. Mes parents, les pauvres, avaient du mal à s'occuper de moi. Je devais être un gosse difficile à cerner. Je passais mes journées à lire et à m'exercer aux échecs lorsque je n'avais pas école. Pour eux, j'étais peut-être une malédiction, mais le fait est que jamais ils ne m'ont fait de mal.

La partie la plus riche en action débute maintenant, alors j'ose espérer que vous n'avez pas décroché jusqu'à maintenant. J'étais barbant. Maintenant, je vais devenir un peu plus intéressant. Du moins est-ce le but de mon récit. J'avais très exactement treize ans. C'était le jour de mon anniversaire, et comme chaque année - on appelait ça une tradition familiale -, on se rendait dans mon restaurant favori pour déguster un repas exotique. Une spécialité de Hoenn. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de goûter le filet d'Ecayon à la broche, mais c'est un réel délice. Mais ça, ce n'est pas important. Venons-en plutôt à la meilleure partie. On se rendait, donc, au restaurant, en voiture. Malheureusement, ce qui devait arriver arriva : le pneu a crevé, et on s'est retrouvé devant une ruelle, comme trois humains perdus, à tenter de réparer. Je me souviens encore des conducteurs mécontents qui nous hurlaient de nous dépêcher. A croire qu'ils n'avaient pas remarqué que la route comportait deux voies pour chaque direction.

Bon, d'accord. Je vous promets que là, maintenant, il va y avoir de l'action. Ne me lancez pas de cailloux s'il vous plaît, je déteste ça. Bon, alors. Dans la ruelle, il y avait une meute de Medhyèna, menée par un grand et majestueux Grahyèna, avec son pelage gris et noir soyeux. C'étaient des Pokémon de la rue, et pourtant, celui-ci avait l'air tout à fait soigné. Je n'y connaissais pas grand chose en Pokémon, à vrai dire. Vu que l'âge légal pour en obtenir un est de quatorze ans, à Sinnoh, j'avais encore un an devant moi. Donc, la meute de Pokémon, en nous voyant près de son territoire, se mit à nous attaquer. C'est étrange, je sais. Moi non plus, je ne comprenais pas pourquoi ces Pokémon nous agressaient comme ça. Mes parents ne s'en sont pas sortis, paix à leur âme. Ils n'auront pas vécu assez longtemps pour me voir quitter la maison et m'épanouir dans le monde professionnel. Bah. Qu'Arceus les guide vers un monde meilleur.

J'étais tout recroquevillé, roulé en boule. Je le voyais, le Grahyèna, prêt à m'abattre de sa grande pattre griffue. Mais le coup ne vint jamais. Ou du moins, n'atteignit jamais sa cible initiale. L'un des Medhyèna de la meute s'était interposé entre le grand Pokémon et mon frêle corps de gosse de treize ans. Je me souviens comme si c'était hier ; son œil pissait le sang, il devait être complètement crevé, et le liquide vital rouge ruisselait sur les griffes acérées du Grahyèna. J'avais la trouille. Ce Pokémon m'avait sauvé la vie, et moi, je me sentais redevable. Sans trop savoir pourquoi ni comment, je l'ai pris dans mes bras et emmené dans le Centre Pokémon le plus proche. Je suis resté à son chevet durant toute l'opération. C'était dégueulasse, mais je pouvais pas détourner le regard. Je sentais mon destin lié à celui de cette petite créature à qui je devais la vie. C'est ridicule, dit comme ça, je sais. Il aimait pas se faire soigner par des humains, ça se voyait. Mais son unique œil me regardait et je le trouvais bienvieillant. Alors j'avais décidé de vivre ma vie avec lui. Dans la rue. Sur son territoire.

On avait une vie plutôt pourrie, tous les deux. Pas de toit, c'était la guerre pour avoir de la bouffe et de l'eau, et on se faisait souvent attaquer par des gamins plus grands qui voulaient nous racketter. Mais Medhyèna était tout ce que j'avais, et inversement. D'ailleurs, ça doit paraître vraiment stupide de dire une telle chose, mais ce Pokémon m'a véritablement éduqué. Il m'a appris à survivre en milieu hostile, et peu à peu, les choses se faisant naturellement et inconsciemment, mon cerveau s'est ouvert, de plus en plus, jusqu'à m'octroyer une intelligence hors normes - malheureusement, ces effets étaient temporaires. Je pouvais même communiquer par la parole avec mon Pokémon. On était en symbiose, tous les deux. Et nous le sommes toujours autant.

Je vous épargne les détails qui suivent et qui relatent ma sortie de la rue et mon ascension dans le monde professionnel, parce qu'honnêtement, ça n'a pas le moindre intérêt à vos yeux. Pas le moindre, j'insiste.

J'ai, pendant toutes ces années, développé un mode de pensée que je trouve moi-même assez spécial. Je vous l'ai dit, j'ai toujours été friand du jeu d'échecs. J'étais plutôt bon. Et peu à peu, je me suis mis à mieux comprendre le monde et à l'assimiler à un plateau d'échecs. Les blancs sont les bons, et les noirs sont les mauvais. Dit comme ça, en effet, ça semble très manichéen. Peut-être que je vivais avec des convictions étranges et ridicules. Mais le monde, que vous le vouliez ou non, a tout d'un plateau d'échecs. Les rois en sont les dirigeants, les pions sont les foules. Les tours, ce sont nos lieux de travail. Les fous commettent des crimes et se font enfermer. Les cavaliers sont sans doute les seuls auxquels je n'ai pas de rôle à donner.

Venons-en à ce que je tente de vous raconter depuis le début, sans vraiment y parvenir. J'adore tourner autour du pot. Un atout qui m'aide beaucoup dans mon travail, mais passons. Le monde est comme un plateau d'échecs. Et les combats Pokémon, c'est la même chose. Les pions - bien que je ne considère par Grahyèna de la sorte - sont les Pokémon, et les rois, ce sont nous, les dresseurs. Et je vais vous dire une bonne chose. J'ai toujours fonctionné selon un principe bien précis. Dans la vie comme dans les combats Pokémon...

Pour gagner, il faut prendre le roi.

J'ai mis énormément de temps à réaliser tout ce qu'impliquait ce principe de vie. Mais maintenant que j'en suis pleinement conscient, je ne parviens même plus à me regarder dans un miroir. Je me trouve inhumain. J'ai du sang sur les mains. Mais je n'y peux rien, il n'y a pas de remède. Car je veux gagner. Aux échecs, dans les combats, dans la vie. J'ai toujours voulu gagner.


Je commence à voir de nouveau ce qui m'entoure. C'est flou, au début, puis ça se précise. Je me tiens debout, les mains dans les poches, comme d'habitude. Grahyèna se tient là, devant moi, les crocs dehors, prêt à bondir. La jeune fille en face... elle me dévisage d'une manière intriguée. C'est ce qu'ils font tous.

Son Pokémon aussi me dévisage, tiens. Un Spinda qui titube à moitié comme un humain ivre. Mais je ne m'en soucie plus. Je veux gagner. C'est tout ce qui m'importe à l'instant présent. Et pour gagner, il faut prendre le roi. Alors très bien. Je vais le prendre. Grahyèna a compris. Sans que je ne donne d'ordre, il rugit et s'élance, non pas sur le panda tacheté, mais sur l'adolescente, qui hurle de terreur. Je la regarde se faire déchiqueter par les mâchoires puissantes de mon unique Pokémon et ami. Maintenant, ça ne me fait plus rien. Car j'ai du sang sur les mains. Je me trouve inhumain. C'est ma soif de victoire qui m'a rendu comme ça. Et je suis près à sacrifier tous les pions qu'il faudra.


Car pour gagner, il faut prendre le roi.