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Pokemonis T.1 : La Pokeball perdue de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 20/01/2016 à 08:57
» Dernière mise à jour le 10/11/2016 à 19:04

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 40 : Avant la bataille
Tannis



Toute la cité était dans l'effervescence la plus totale depuis que tout le monde savait que le colonel Tranchodon, accompagné d'une armée de 50.000 Pokemon, allait se pointer dès demain. Enfin, demain, on y était déjà, vu qu'il était minuit passé. J'aurai été bien incapable de dormir sachant le danger qui nous menaçait, et surtout avec les hommes et les Pokemon qui courraient dans tous les sens dans la base pour préparer les défenses. J'avais bien essayé de me rendre utile. Après tout, j'étais un Paxen comme eux. Mais on ne me laissait pas entrer dans les lieux sensibles comme la salle de commandement, où Ludmila devait se trouver avec Astrun. De même, à chaque fois que j'essayais d'aider à quelque chose, on me rembarrait poliment, affirmant que je devais me reposer, mais tous avaient dans le regard quelque chose de froid et de suspicieux.

Bon. J'ignorais ce qu'il se passait et j'ignorais quoi faire pour aider. Mais il me semblait quand même naturel de me battre pour défendre cette base le moment venu. Même si personne ne me disait rien, il me semblait évident qu'on allait pas évacuer ou se cacher. On ne le pouvait pas, en réalité. La bataille était notre seule option. Penombrice et même Ludmila m'avaient vanté mes anciennes capacités de Paxen. J'étais apparemment un type qui savait se battre. Le problème, c'était que je ne m'en souvenais pas. Nos échauffourées avec les forces impériales avant d'arriver ici me l'ont prouvé : je serai tout à fait incapable de me battre comme le faisait Ludmila, et même Kerel. Et comme je n'avais pas non plus de partenaire Pokemon, j'étais au final totalement inutile. Et ça me déprimait sévère.

- Tu es trop dur avec toi-même, fils, me dit ma mère alors que j'étais affalé sur le canapé de l'appartement. Tu as subi énormément de choses, et personne ne peut en attendre plus de toi.

J'avais encore du mal à me faire à sa présence et à assimiler son visage comme celui de ma mère, mais Cesta, par sa douceur et la compréhension qu'elle montrait envers moi avait vite réussi à s'imposer comme une figure maternelle évidente. On avait passé ces derniers jours à mieux faire connaissance, à rattraper le temps perdu. Tout ce qu'elle me disait sur moi et sur autre chose faisait pas mal travailler mes méninges engourdies, et parfois, une image ou une sensation de mon passé pouvait refaire surface.

C'était difficile toutefois. Mon esprit était si écartelé que j'avais la curieuse impression d'avoir vécu plusieurs vies, d'avoir été plusieurs personnes. Parfois, les souvenirs qui remontaient étaient si flous que leurs sens m'échappaient, et dans certains cas, ils étaient contradictoires entre eux. Bref, c'était encore un sacré fourbi dans ma tête. Mais un chose était sûre : Cesta Chalk, la femme devant moi qui prétendait être ma mère, était dans mes souvenirs enfouis. De même que cette chambre, et la base elle-même. Tout cela était réel, et en un sens, ça me rassurait. Je n'avais jusqu'alors que la parole de Sol, de Ludmila et de Penombrice. Maintenant, je pouvais dire que j'étais Tannis Chalk, que j'avais existé, que j'avais vécu ici.

- Ça serait ballot que juste après deux années dans le coma et après avoir échappé de justesse à Tranchodon, je me retrouve dans une base sur le point d'être détruite sans pouvoir rien tenter pour l'empêcher, rétorquai-je à ma mère. Si ce qu'a dit ce Pandarbare est vrai, c'est 50.000 Pokemon impériaux qui vont se pointer. Les Paxen auront besoin de tous les bras disponibles !

- Tu es en rééducation, Tannis.

- C'est ma tête qui pose problème, pas le reste de mon corps. Je peux me battre, m'man. Je veux me battre !

Cesta soupira, soudain très lasse.

- Bien sûr que tu le veux. Tu n'as jamais rechigné à aller au combat. C'est ce qui t'a valu d'être capturé par l'Empire, quand tu t'es précipité pour tenter de ramener Ludmila qui était partie défier Xanthos. Je ne veux plus te perdre à nouveau...

En serrant ma mère dans les bras pour la rassurer, je me disais qu'être parent chez les Paxen était probablement la chose la plus difficile qui soit. Risquer sa propre vie, beaucoup de monde pouvait le faire. Mais voir ses enfants la risquer continuellement eux aussi, c'était autre chose. Ils pouvaient sans doute les préserver du combat et de la mort jusqu'à un certain âge, mais les enfants de Paxen cessaient justement d'en être relativement tôt. D'un autre coté, si aucun Paxen n'avait eu d'enfant, la rébellion aurait été terminé il y a de ça des années.

Même si on voulait de moi nulle part, j'en avais assez de rester dans cette pièce à ruminer, et je sortis faire le tour de la base, en observant les autres poster les défenses. Les Paxen avaient certains de ces armes de fabrication humaine datant d'avant la Guerre de Renaissance. C'étaient des espèces de canons miniatures qui tiraient des projectiles à grande vitesse. Il y en avait de toute tailles et de toute formes. C'était sans nul doute efficace contre un humain, mais contre des Pokemon, ça restait assez limité, surtout si le Pokemon visait était de type Roche, Acier ou Spectre.

Bien sûr, les Paxen avaient les fameux bâtons Desgen, l'invention d'Anthroxin qui s'attaquait directement à l'ADN des Pokemon. Je lui avais demandé pourquoi il n'avait pas mis sa formule dans des projectiles ou des bombes, mais apparemment, c'était trop risqué. Le poison pouvait se rependre et toucher des Pokemon alliés ou civils. La formule Desgen était très instable et dangereuse, voilà pourquoi les Paxen ne l'utilisaient qu'en faible quantité dans des armes uniquement destinées au corps à corps. Mais il y avait apparemment certains Paxen adeptes d'une ligne plus violente qui prônait son utilisation à plus grande échelle, comme en balancer sous forme de bombes sur la capitale de l'Empire, Axendria. Mais le chef Astrun et son camarade Cernerable s'y étaient toujours opposés. Heureusement d'ailleurs. Attaquer Axendria avec des bombes Desgen aurait été ni plus ni moins qu'un génocide, étant donné le nombre de Pokemon qui y vivaient. Les cibles des Paxen, c'étaient l'Empereur et les hautes autorités impériales, pas les Pokemon civils.

Mais plus la situation des Paxen se détériorait, plus des mouvements extrémistes comme celui-ci gagnaient en puissance au sein de la rébellion. Je n'étais là que depuis quelque jours, et déjà j'avais pu me rendre compte des tensions entre différents groupes de Paxen. La rébellion était loin d'être unie. Leurs hautes personnalités elles-mêmes étaient souvent en conflit. Le chef Astrun prônait toujours la justice et la réflexion, mais des Paxen de renoms, un peu trop excités, n'hésitaient pas à clamer que pour vaincre l'Empire, il fallait tout simplement l'annihiler, lui et tous ceux qui le soutiennent. Ma chère et tendre Ludmila était assez proche de cette vision. Mon amour pour elle resterait intact quoi qu'il arrive bien sûr, mais j'avais un peu peur de ce qu'elle pourrait faire si jamais un jour elle se retrouvait à la tête des Paxen...

- Euh... excuse-moi. Tu es bien... Tannis Chalk ?

La voix qui venait de me parler était douce, timide et joliment féminine. Je me retournai avec mon plus beau sourire pour voir une jeune fille qui devait avoir quatorze ans, aux courts cheveux verts et aux yeux jaunes, presque or. C'était la première fille que je voyais dans la base en dehors de Ludmila et des quelque femmes de plus de trente ans comme ma mère. Évidement, en raison du poison d'Anthroxin qui a modifié les gènes humains pour diminuer les naissances de filles de près de 90%, les représentantes du beau sexe se faisaient rares un peu partout.

- C'est bien moi, confirmai-je. Et je maudis le sort qui fait que ma mémoire a fichu le camp et qui m'empêche donc de me souvenir d'une si charmante demoiselle.

L'adolescente rougit, et marmonna :

- Euh... je m'appelle Laura. Je... je suis une combattante Paxen que depuis peu, mais euh... je t'ai déjà rencontré quelque fois avant que tu ne perdes la mémoire.

- Je vois je vois. C'est alors un grand bonheur que de te revoir, chère Laura !

Enfin, peut-être un Paxen qui acceptait de lui parler ! Et que ce soit une fille, et même plutôt mignonne, était encore mieux.

- Je... je voulais juste faire quelque chose. En fait, il y a quelque chose que je te dois te donner.

- Me donner ?

Laura paraissait embarrassé, voir même un peu effrayé. Ça avait l'air intéressant, tout ça ? Était-ce une lettre d'amour qu'elle avait pour moi ?

- O-oui. Quelque chose... que je te dois depuis un moment...

Elle avait la main fermée, comme si elle cachait quelque chose dedans. Je m'approchais pour voir, quand soudain, sa main partit au quart de tour pour me gifler violemment. J'étais plus sonné par la surprise que par la douleur, et je le fus encore plus quand Laura perdit son air de fille timide pour me regarder avec la plus grande répugnance.

- Voilà ce que je te devais, pov'mec. Ne croises plus jamais mon regard !

Et elle fit demi-tour en me plantant là. Perplexe, je me massai ma joue douloureuse. J'aurai voulu la rattraper pour m'excuser, mais le problème, c'était que j'ignorai ce que je lui avais fait pour qu'elle soit si furieuse contre moi.

- Peut-être une affaire de cœur, dis-je à voix haute pour moi-même. Elle devait m'aimer, mais moi, je ne me vouais qu'à Ludmila de mon cœur. Oui, ça doit être ça.

N'empêche, je me sentais mal à l'aise. Quasiment tout le monde ici me regardait avec un air bizarre, comme s'ils rêvaient tous de m'en mettre une eux aussi. Tannis Chalk avait-il bien été le mec courageux et admiré que Ludmila et Penombrice m'ont décrit ? Ou bien alors avais-je été un parfait salaud avant mon coma ? De dépit, je me frappai le front.

- Foutue mémoire ! Tu vas me laisser comme un con encore longtemps, hein ?


***


Cielali




Le commandant Etouraptor dirigeait l'unité aérienne de combat des Paxen, c'est-à-dire la quasi-totalité des Pokemon vol de la base. En prévision de la bataille à venir, on m'avait demandé de rejoindre ce groupe, si j'étais décidée à me battre. Je l'étais bien sûr, mais j'aurai préféré rester avec Kerel. Mais mon ancien esclave avait été affecté à la défense de la patte arrière gauche de Jartobylon, avec tout un groupe d'humains maniant des bâtons Desgen. Tel que je le connaissais, il aurait sans doute préféré aller en première ligne pour avoir une chance d'affronter Tranchodon en personne, mais au vu des forces en présence, valait certainement mieux pour lui de rester à l'arrière.

- Leurs skippers seront pour nous les cibles à abattre en premier, disait le commandant Etouraptor à notre groupe d'une centaine de Pokemon. Ils disposent d'un armement suffisant pour détruire l'attaque Protection que nos Pokemon psy vont placer tout autour de la cité. De plus, ils sont eux aussi protégés par des espèces de bouclier énergétique, et il faudra compter sur au moins deux escortes pour chaque skippers.

J'écoutais attentivement le briefing du commandant. Ça allait être ma première bataille pour les Paxen, et je comptais bien que ce ne soit pas la dernière. Avec moi, il y avait Yanmega, un des Pokemon Paxen avec qui j'avais sympathisé dès mon arrivée ici. D'ordinaire, les Pokemon Insecte et moi, ce n'était pas le grand amour, mais Yanmega était aussi un Pokemon Vol, et elle m'avait bien accueilli.

- Les boucliers des skippers impériaux absorbent bien les dégâts physiques, mais moins les attaques spéciales, continua le commandant. Ce sera donc aux Pokemon avec les plus hautes attaques spés de lancer l'assaut contre eux. Ceux d'entre nous qui, comme moi, attaquent plus dans le physique, nous couvrirons les autres en les défendant contre les escortes impériales. Nous allons faire les deux groupes dès à présent. Que tous ceux qui sont plutôt spécialistes des attaques spéciales se rangent à droite.

C'est là que j'allais. En effet, à part Vive-Attaque, je ne connaissais que des attaques spés, et j'étais plutôt fière de mes statistiques en ce domaine, qui dépassaient largement la moyenne. Mon amie Yanmega me suivit, ainsi que 40% de l'unité. Ce serait donc à nous d'attaquer les vaisseaux impériaux.

- Nous n'aurons pas grand-chose à craindre de leurs canons, reprit Etouraptor. Ils sont assez longs à charger et facile à éviter. Par contre, si on se base donc sur une estimation de 50.000 Pokemon impériaux, on a aura bien 10.000 dans les airs.

Il y eut un lourd silence, puis un Rhinolove posa la question que tout le monde devait se poser :

- Pardonnez-moi mon commandant, mais qu'est-ce que peut faire une centaine de Pokemon face à dix-mille ?

- Elle peut ruser, répondit Etouraptor. Nous autres Paxen avons toujours été en sous-effectif comparé à l'Empire. Les victoires que nous avons remportées, nous les devons à notre intelligence, pas à notre nombre. L'Empire voit en nos stratégies le signe de notre lâcheté, mais laissons-le dire ce qu'il veut. Il se trouve que nous, contrairement à l'Empire, nous n'avons pas eu notre dieu souverain tout-puissant et immortel vaincu par une fillette humaine de quatorze ans.

Il y eut de nombreux éclats de rire. La mort de Xanthos semblait être une éternelle source d'optimisme et de courage pour les Paxen. En même temps, il y avait de quoi.

- Comme vous le savez, les Pokemon qui servent dans l'Armée Impériale portent des armures, chacune adaptées pour toutes les races de Pokemon. Ça ne sert pas vraiment à les protéger, mais plutôt à les distinguer. Eh bien, durant nos nombreuses batailles et raids contre l'Empire, nous avons réussi à réunir un grand nombre de ces armures. Nous allons tous en enfiler une. Ainsi, durant la bataille, les impériaux auront du mal à nous différencier de leurs camarades, et ils s'attaqueront eux-mêmes.

Ça me paraissait ingénieux, si toutefois le commandant avait une armure impériale à ma taille. Les Cielali étaient des Pokemon assez rares.

- Mais, mon commandant, et pour nous ? Demanda un Noarfang. Si on est tous fringué comme des impériaux, nous non plus, nous ne pourrons pas nous reconnaître.

- Nous ne sommes que cent. Les impériaux seront dix-mille. Durant les dernières heures qui nous restent, nous allons devoir nous étudier avec attention entre nous. Nos odeurs, la couleur de nos yeux, notre taille... tout ce qui pourra nous permettre de nous reconnaître.

Et nous fîmes donc ainsi. Je dus presque renifler chacun de mes nouveaux camarades de type vol, et parler avec nombre d'entre eux, en m'efforçant de tous les mémoriser. C'était assez gênant, mais je savais que je devais vite m'habituer à cette nouvelle proximité. Les Paxen étaient des camarades. Ils vivaient ensembles. Entre eux, il n'y avait aucune forme de limite privée ou de pudeur. Moi, on ne me renifla que très peu. Il y avait peu de chance pour que l'Empire ait un Cielali dans ses rangs pour cette bataille, et même si c'était le cas, mes yeux ambrés si particuliers me distingueront à tout les coups.

Quand nous fumes capables de tous nous reconnaître comme si nous nous connaissions depuis des lustres, le commandant Etouraptor nous fit parvenir les armures impériales en question. Comme je m'en doutais, il n'y en avait aucune pour un Cielali, alors je dus prendre celle d'un Noctali. Ça ne faisait guère de différence ; toutes les évolutions d'Evoli avaient plus ou moins le même gabarit. En passant l'armure, je songeai à mon père, lui aussi un Noctali. Si Arceus était juste, il allait être vengé aujourd'hui.

Durant les derniers moments qui nous restait avant l'arrivée de l'armée ennemi, je décidai d'aller à la recherche de Kerel. J'étais consciente du fait que l'un de nous risquait de mourir, peut-être même nous deux. Je voulais être sûre de le revoir une dernière fois. Je le trouvai au second niveau, les bras adossé contre le mur d'enceinte, à observer l'horizon. On l'avait déjà habillé comme un soldat Paxen humain, et il portait un bâton Desgen au bout pointu, dont une seule entaille sur un Pokemon pouvait être fatale. Il se redressa vite quand il me vit arriver.

- Maîtresse...

- C'est uniquement parce que je veux que tu sois en pleine forme contre les impériaux que je t'épargne la Lame-Air sur les fesses cette fois ci.

Le jeune homme prit un air penaud.

- Veuillez m'excuser... Cielali.

Il dit mon nom comme s'il s'agissait d'une langue étrangère. Bah, il allait devoir s'habituer. Et j'aimais bien qu'il m'appelle ainsi. Pas de maîtresse, pas de dame, juste Cielali. Juste ce que j'étais. Il remarqua alors la tenue que je portais.

- Euh... pourquoi vous êtes déguisée en soldat impérial ?

- Une stratégie pour troubler l'ennemi. Bien que sur moi, avec mon visage à chaque coin de rue de chaque cité sur un avis de recherche, je doute que ça fonctionne beaucoup.

Je me posai sur la tête de Kerel, comme je l'avais toujours fait. Ce perchoir était pour moi l'un des rares lieux où je me sentais bien et en sécurité.

- Tu as l'air soucieux, remarquai-je. La bataille te fait-elle peur ?

- Pas plus qu'un combat dans l'arène, dit-il. Si ce n'est là que je risque de mourir à chaque instant. C'est surtout le fait de devoir tuer qui m'angoisse. J'ai toujours vénéré les Pokemon, et là, on me demande de les combattre.

- Tu l'as déjà fait. Tu as tué le major Lancargot en sauvant Ludmila.

- C'était par instinct. Je n'étais même pas conscient de ce que je faisais.

- Eh bien, refais pareil. Je pense qu'au plus fort de la bataille, quand nous serons entourés d'ennemis qui veulent notre mort, nos corps passeront en mode instinctif d'eux-mêmes.

Kerel avait peur de tuer ? Alors que devrai-je dire, moi, qui n'ai jamais tué de ma vie ? Je n'ai même pas été capable d'achever cette vermine de Frelali, alors qu'il était devant moi sans défense. Je pouvais penser ce que je voulais, dire que je ne l'ai pas tué pour qu'il souffre, ou par pitié, mais la raison était toute simple : c'est parce que j'en avais pas eu le courage. Je n'ai pas pu prendre une vie.

- Je n'aurai jamais pensé me battre un jour contre l'Armée Impériale aux cotés de ces rebelles de Paxen, marmonna Kerel. À vrai dire, je n'y crois pas encore, bien que je porte leur saleté de bâton Desgen. Si seulement je n'avais pas gagné ce combat contre Galbar lors du tournoi. Nous n'aurions pas rencontré Ludmila, et...

- Est-ce que cela aurait changé quoi que ce soit à la cruauté de l'Empire ? L'arrêtai-je. Nous aurions continué à vivre dans l'ignorance et la naïveté. Je préfère vivre dans le vrai monde, même s'il est périlleux, que rester cloîtrer dans une douce illusion.

Je descendis de la tête de mon ami humain pour le regarder droit dans les yeux.

- Kerel, si je m'en sors vivante, je rentrerai après officiellement chez les Paxen. Ils ne sont pas parfaits, ni ne représentent le monde idéal, mais je crois que la justice se situe plus de leur coté que de celui de l'Empereur.

Comme Kerel ne dit rien, je poursuivis :

- Bien sûr, tu seras libre de faire ce tu veux. Tu n'es plus un esclave. Si tu veux partir, tu pars. Tu as le droit de vivre ta vie comme tu l'entends.

- Esclave ou pas, je vous ai fait une promesse, à vous, et à moi-même, rétorqua Kerel avec détermination. Je resterai avec vous, Cielali. Ou que vous alliez, quoi que vous fassiez, et ce tant que vous voudrez bien encore de moi.

Touchée, je frottai ma tête contre sa joue en signe d'affection.

- Alors je crois, mon vieil ami, que la prochaine étape sera que tu parviennes à me tutoyer.


***


Astrun




Du plus haut sommet de la cité-tour, j'observai toute la Vermurde autour de moi, cette énorme forêt paisible mais sauvage qui allait bientôt devenir le théâtre d'une bataille mortelle. Dans peu de temps maintenant, le sort des Paxen allaient se jouer. La disparition nous guettait face à une armée d'une proportion que nous n'avons encore jamais eu à affronter. Est-ce que mon destin sera d'être le tout dernier dirigeant des Paxen ? Retiendra-t-on mon nom comme celui qui aura laissé s'écrouler cent ans de rébellion ?

- Nous ne sommes pas prêts à affronter ça, soupirai-je.

Derrière moi, Cernerable, mon vénérable partenaire, renâcla.

- Nous ne l'aurions jamais été, même si nous avions eu un mois de plus. Parfois, nous devons cesser de réfléchir et tergiverser, et juste foncer.

- Une remontrance à mon égard, noble Cernerable ? J'entends bien les critiques de tous ceux qui trouvent que je suis trop mou, trop intellectuel, pas assez spontané ni solide.

- Ce sont les situations différentes qui exigent des réponses différentes. Avant toi, Braev réagissait à chaque situation par le défi et l'insouciance. Je n'ai jamais manqué de lui faire remarquer.

- C'est vous qui devriez nous diriger, dis-je avec certitude. Vous êtes l'un des fondateurs, vous avez l'expérience, le savoir, la sagesse.

- La rébellion Paxen doit être dirigée par un humain. Sinon, à quoi tout cela servirait ? Nous combattons un Pokemon tyrannique qui entend régner sans partage pour l'éternité. Ça serait du premier comique si les Paxen étaient commandés par un Pokemon centenaire comme moi. On me taxerait de futur empereur.

- C'est absurde. Daecheron est plein d'avidité et de cruauté. Vous, vous êtes la sagesse incarnée.

Le vieux Pokemon ricana.

- La sagesse ? Mais qu'est-ce que c'est, la sagesse, Astrun ? C'est parce que je suis vieux et érudit qu'on me nomme « sage » ? La connaissance et l'expérience sont très différentes de la sagesse.

- Vous philosophez à un moment pareil ?

- Je pense. Je n'ai pas cessé de le faire depuis que j'ai rejoint Jyvan et que j'ai fondé cette rébellion à ses cotés. Je me demande toujours si j'ai bien fait, si j'ai agis comme il fallait pendant tout ce temps. Mais à force de toujours songer au passé et à l'hypothétique, j'ai trop perdu de vue le présent et le futur qu'on essaie de bâtir. Parce que les Pokemon vivent longtemps et privilégiés, il sont plus en retraits de la réalité. Vous, les humains, vous avez une vie bien plus courte et fragile, mais en contrepartie, vous vivez pleinement et sur le moment. Voilà aussi pourquoi il faut que ce soit vous aux commandes des Paxen. Un Pokemon ne réfléchirait jamais comme vous.

- N'empêche, j'aurai aimé que ce soit Dame Sol qui nous dirige. Ou le Premier Fondateur. Ou encore oncle Braev.

- Mais ce ne sont pas eux, c'est toi, déclara Cernerable avec force. Je te connais depuis ta venue au monde, Astrun Beneos. J'ai connu tes parents, et les parents de tes parents. Je sais que, quelque soient tes doutes, tu feras ton devoir du mieux que tu peux. C'est là la qualité fondamentale d'un chef, et la plus haute forme de courage.

Si entendre les louages de Cernerable me faisait plaisir, j'avais quand même des doutes. Certes, je n'étais pas spécialement un lâche, mais niveau courage, j'étais quand même très loin derrière pas mal de Paxen, Ludmila en tête. Et du courage, il allait m'en falloir très vite, car déjà, je voyais le ciel sombre qui commençait à rougeoyer au loin, ainsi que très vite, la vision des flammes. La forêt de la Vermurde était en train de prendre feu tout autour de nous.

- Ils arrivent, dis-je.