Checkmate de Kazuuya

"La sérénité, je ne l'ai pas atteinte. J'ai encore trop de chaînons manquants et je crains que le doute soit mon éternel compagnon de route."
(Mylène Farmer)

"L'ouverture d'esprit n'est pas une fracture du crâne."
(Ariane Moffatt)



Au petit matin, très tôt, Keira se réveilla bercée par le son apaisant des vagues venues s'échouer sur la plage. Serrée contre les autres dans l'abri sommaire que certains d'entre eux avaient construit, elle était plus heureuse que jamais de se retrouver couverte par une bâche. Bâche que Vesper avait trouvé la veille sur l'épave du petit bateau à quelques kilomètres de leur campement. Se préparant au pire, elle serra les dents et essaya de bouger sa jambe. Etonnement.

"Qu'est-ce que..." songea-t-elle.

Revigorée par un espoir soudain, elle tenta de se lever et en le faisant, eut beaucoup moins mal que les deux jours précédents. C'était un pas en avant, elle pourrait donc très certainement mettre l'un de ses talents au service du groupe. Elle pourrait de nouveau se sentir utile.

La rouquine marcha un bon moment sur la plage, profitant du fait que sa souffrance soit - peut-être momentanément - atténuée. Et elle se rappela les moments passés avec son père, lorsqu'elle était enfant et que chaque semaine, ils partaient pêcher. C'est ça. Elle savait pêcher. Et dès maintenant, elle rendrait cette compétence utile pour tout le monde. Déterminée, elle pressa le pas et fit demi-tour pour revenir près du camp, se perdre n'étant pas une bonne idée. Arrivée à proximité des autres, encore assoupis, elle s'autorisa un sourire puis partit à l'entrée de la jungle. Il lui fallait un bâton solide et pointu, pour réussir à harponner les poissons qui lui passaient sous le nez. Sans arme, ce n'était même pas la peine d'essayer.

Ravie de sa trouvaille, un bambou effilé et résistant, elle revint sur ses pas pour se diriger vers la mer, ou bien l'océan, qu'en savait-elle. Par précaution, elle se risqua lentement dans l'eau, qui n'était pas aussi froide que ce qu'elle pensait au départ, et s'éloigna à un mètre à peine de la plage. Avec un peu de chance, des Magicarpe, connus pour être les meilleurs Pokémon aquatiques au niveau du goût, vivaient dans cette partie du monde.

- Allons bon, voyons ce qu'on peut trouver ici...

Après, quoi, une bonne heure à patauger maladroitement dans l'eau, elle attrapa le sacro-saint Magicarpe, qui ne pouvait guère se défendre, barbotant allègrement aux pieds de Keira. La rouquine déglutit, toujours peu enthousiaste à l'idée de prendre une vie d'elle-même, fut-elle celle d'un poisson, et ferma les yeux tout en harponnant le Pokémon, dont la vie s'évanouit dans un cri rauque.

- Désolée... mais c'est toi ou nous, mon vieux. Et je suis pas suicidaire.

Et elle continua, longtemps, sans relâche, sa pêche au Magicarpe, qui se révéla fructueuse : en quelques heures, elle avait réussi à en attraper dix. Alors qu'elle déposait sa dernière victime sur le sable, elle vit Seth qui marchait dans sa direction.

- Vous allez bien mieux, on dirait.

Keira hocha la tête et, avec un sourire, répondit :

- Inutile de s'encombrer de formalités, veux-tu ?
- Si tu le dis, souffla le blondinet en s'asseyant à proximité des cadavres de poissons aux yeux exorbités. Même mortes, ces bestioles ont un regard vide et flippant...

La rouquine pouffa et se laissa elle aussi tomber sur le sable.

- Bah, je suppose qu'ils sont incapables de fermer les yeux. Ouais, c'est flippant.

Seth remit ses cheveux en place et offrit un sourire rassurant à sa camarade, qui semblait radieuse en comparaison avec les deux jours précédents. La voir comme ça lui redonnait de l'espoir, même s'il redoutait de ne jamais quitter cette île. C'est vrai, quoi, il ne savait même pas comment il y était arrivé. Un peu bizarre comme situation, il fallait l'admettre...


* * *


Assis sur un banc, juste en face de la célèbre statue de Vestigion, un jeune homme griffonnait dans un carnet à croquis ce qui semblait une esquisse de ladite statue. Etant fasciné depuis son plus jeune âge par les légendes Pokémon de Sinnoh, il avait réalisé son rêve d'enfant en se payant un billet d'avion pour cette région à l'histoire passionnante. Les feuilles des arbres bougeaient au gré du vent, certaines venant se jucher sur la tête de la statue, donnant une atmosphère paisible au lieu.

Et pourtant, le bâtiment menaçant visible à proximité de l'herboristerie Pokémon contredisait un peu ce côté paisible. Des pointes blanches se dressaient vers l'extérieur, symbolisant une hostilité quelconque envers l'extérieur, alors qu'un "G" majuscule jaunâtre trônait fièrement juste au dessus de la porte. Aucun doute là-dessus, cet immeuble n'était pas ouvert au public.

- Vous ne devriez pas vous intéresser de trop près à cet endroit, jeune homme...

Wallace sursauta. Il n'avait pas aperçu la vieille dame assise à côté de lui, qui était l'incarnation humaine de la discrétion.

- Qu... de quoi vous parlez, madame ?

Elle se tourna vers lui et le dévisagea, forçant sur ses yeux abîmés par le temps.

- Ce bâtiment que vous scrutez depuis un petit moment... il est dangereux, mon garçon, vous ne devriez pas l'approcher.
- Oh croyez-moi, c'était loin d'être mon intention... la rassura-t-il en observant l'apparence peu engageante de l'immeuble.

La femme âgée hocha la tête et offrit un sourire énigmatique au brun, avant de s'éclipser. Wallace ne remarqua que trop tard qu'elle avait laissé tomber un morceau de papier, sur lequel étaient inscrits un nom et une adresse. De toute évidence, une carte de visite.


* * *


- Cette idée qu'a eue Vesper est excellente, j'ai été bête de ne pas y avoir pensé, admit Robbie en taillant précautionneusement des morceaux de bois.
- Dans ce cas, nous sommes tous stupides, monsieur Robbie. De toute évidence, cette femme a l'expérience que nous n'avons pas, répondit calmement Wallace.

Le plus vieux des deux hocha la tête et se stoppa dans son travail, observant son compagnon qui récoltait des matériaux naturels susceptibles de servir. Ils entamaient leur troisième jour de survie sur une île peuplée de Pokémon seulement - du moins le pensaient-ils - et les voilà déjà persuadés qu'ils finiraient leur vie ici. Bon, après tout, ce lieu tropical semblait loin de tout et ce serait un miracle qu'un bateau passe par là. Il n'y avait pas même un ponton pour s'y amarrer, de toute manière. Vesper et Seth, tous deux les bras chargés de peaux de Pokémon, probablement issues de Goupix au vu de leur couleur, rejoignirent le duo.

- Et voilà ! souffla Seth en déposant sa lourde cargaison au sol. Ca n'a pas été facile, mais au moins, on pourra construire des tentes.
- Ne crions pas victoire trop vite, tout de même, intervint Vesper. Il nous faudrait aussi régler le problème des vêtements, et en l'occurence, nous n'avons rien pour nous changer.

Robbie et Wallace se regardèrent, frappés par l'évidence, et geignirent à l'unisson. Ah ça non, ça ne leur plaisait pas du tout.

- Oh les garçons, cessez de râler, on a du pain sur la planche ! protesta Vesper en souriant néanmoins.
- Oui madame...

La brune secoua la tête, amusée, puis tourna les talons, tandis que les trois hommes se mirent au travail, soucieux de dormir couverts. Ouais, tout de même, c'était mieux que de passer la nuit complètement dehors. Même si ça ne se rapprochait pas d'un hôtel trois étoiles, tout était bon à prendre.


* * *


Wallace regarda la carte une nouvelle fois, pour vérifier qu'il se trouvait bien devant la bonne porte. Il semblerait que oui. Hésitant, il frappa à la porte et attendit que l'on vienne lui ouvrir. Mince, il ne savait même pas où il était, et il frappait quand même. Sans savoir ce qu'il allait dire une fois la porte ouverte face à lui. Pas cool.

Finalement, la femme âgée qu'il avait croisée devant la statue de la ville vint lui ouvrir, un sourire aux lèvres. Elle n'avait pas l'air vraiment étonnée de la venue du jeune homme, et le laissa entrer sans un mot.

- Euh, excusez-moi mais...
- Inutile de vous sentir gêné, voyons. Faites commes chez vous, j'en viendrai au fait dans une minute. Voulez-vous un thé ?
- Oh, euh... oui, pourquoi pas.

La vieille dame acquiesça et disparut en cuisine pour revenir avec deux tasses de thé encore fumantes. Wallace en prit une mais ne toucha pas à la boisson, trop préoccupé par toutes les questions qui tournaient dans sa tête.

- Je ne comprends pas pourquoi vous m'avez laissé votre carte.
- J'ai vu votre dessin. Vous avez reproduit la statue de Vestigion, alors à tout hasard, je me suis demandé si vous vous intéressiez à la mythologie Sinnohite.

Le brun pencha la tête sur le côté, perplexe, puis répondit :

- Bien sûr que je m'y intéresse.

La vieille dame sourit.

- Eh bien, je connais une légende à laquelle nul ne croit ici. Voudriez-vous l'entendre ?


* * *


Juliet faisait du mieux qu'elle pouvait pour dépecer les deux Magicarpe que Keira lui avait demandé de préparer avant cuisson. Vesper, assise à ses côtés, ne disait rien, observant les gestes méticuleux de la blonde. Le vent frais leur caressait le visage et faisait virevolter leurs longs cheveux, les obligeant à replacer quelques mèches rebelles de temps à autre.

- Dites, je ne sais pas ce qu'il en est pour vous... mais je n'ai pas croisé Ben de la matinée.

Juliet s'interrompit dans sa tâche pour regarder son interlocutrice. Ah. Eh bien, elle non plus ne l'avait pas vu. Au départ, elle ne s'inquiétait pas. Mais là... si elles étaient deux à ne l'avoir vu nulle part, ça changeait la donne. Peut-être lui était-il arrivé malheur.

- On ne devrait pas en parler aux autres ? demanda la blonde.
- Je n'en sais rien, et à vrai dire il n'y a peut-être pas lieu de s'inquiéter, qu'en sais-je ? Je vous posais juste la question.

Réponse plus évasive, ça existait ? Sûrement pas. Mais bon sang, que se passait-il ? C'était un remake grandeur nature des "Dix petits nègres", et tout le monde allait se faire tuer tour à tour ? Juliet n'avait plus qu'à espérer que non. Mourir, et puis quoi encore, elle avait toute la vie devant elle. Trente ans, c'était peut-être une espérance de vie inimaginable au Moyen-Âge, mais en 2015, sûrement pas.

- Vous savez quoi ? Je vais demander à mon mari.
- A votre guise, souffla Vesper, en la suivant cependant.

Les deux femmes longèrent la plage sur quelques mètres, pour trouver l'architecte à l'entrée de la jungle, transportant des morceaux de bois et des peaux de Pokémon. Vesper le salua d'un hochement de tête, restant en retrait tandis que Juliet s'approcha de lui.

- Ecoute... je voulais te demander, as-tu vu Ben aujourd'hui ?
- Si c'est le cas, je ne m'en souviens pas. J'étais concentré dans mon travail aujourd'hui, désolé de ne pas t'être un grand secours, soupira Robbie.

Juliet secoua la tête avec un sourire.

- Tu n'y peux rien. Il est peut-être dans la jungle, je vais aller le chercher.
- Non, n'y va pas !
- Pardon ?
- N'y va pas, répéta le brun.

La blonde haussa un sourcil. Quoi, il avait peur pour elle ? Oh, elle avait ses Pokémon, elle saurait se défendre... non ? Bien qu'elle apprécie l'attention, elle ne pouvait pas se permettre, si danger il y avait, de laisser Ben en mauvaise posture.

- Je t'en prie, Juliet. C'est dangereux.
- ...bon. Je ne me mettrai pas en danger. Dépecer des poissons est certainement plus à ma portée de toute manière, je n'ai jamais été une exploratrice...

Robbie hocha la tête et déposa un baiser sur la joue de sa femme, avant de la regarder repartir. Il lui était reconnaissant. Si elle courait le moindre risque, il ne pourrait pas s'empêcher de paniquer, c'était dans sa nature. Peut-être s'inquiétait-il un peu trop. Peut-être pas.


* * *


- Une île à un millier de kilomètres d'ici ?

La vieille dame acquiesça et lui montra le livre qu'elle tenait. Intitulé "Les merveilles légendaires de Sinnoh", il regroupait toutes les légendes et histoires, vraies ou non, qui circulaient dans la région. Un ouvrage de référence pour tout adepte de mythologie Sinnohite, en somme. Wallace était en admiration devant le vieux livre, les yeux brillants et limite la bave aux lèvres. Mais bon, il ne fallait pas trop exagérer non plus.

- Cette île, elle est habitée ?
- Non, en réalité... eh bien, personne ne l'a jamais trouvée, expliqua la femme.
- Personne ? Elle n'est pas réelle, alors, ce n'est qu'une légende.
- L'un n'empêche pas l'autre, jeune homme.

Le brun haussa un sourcil, perplexe.

- Pardon ?

Nouveau sourire énigmatique de la vieille dame.

- Je disais que l'un n'empêche pas l'autre. Une légende n'est pas forcément fausse, de même qu'une histoire vraie peut tout à fait être une légende. Vous suivez ?

Wallace se gratta la tête, un sourire nerveux aux lèvres.

- J'admets que non.

La femme âgée reporta son regard vers la fenêtre, qui donnait sur un petit jardin, et murmura comme pour elle-même :

- Vous comprendrez un jour, j'en ai la certitude...


* * *


Ben, qui veillait depuis la nuit sur l'inconnu toujours inconscient, commençait à s'impatienter. Il aurait bien voulu retourner au campement pour en parler aux autres, mais il craignait que le type ne se réveille et s'enfuie pile à ce moment-là. Un poil paranoïaque, mais il avait ses raisons. Après tout, cet homme avait peut-être découvert quelque chose qui, jusque-là, leur avait échappé. Le Lugulabre du blond lévitait à un mètre environ du sol et promenait son regard un peu partout sur la nature qui l'entourait. Le Pokémon Spectre n'avait pas l'habitude de voir des endroits tels que celui-ci, alors bien sûr, il profitait de la vue. Un faible grognement alerta le jeune homme. L'inconnu commençait à reprendre conscience.

- A-argh...
- Attendez, je vais vous aider.

Ben lui attrapa les deux mains et l'aida à se redresser. Une fois debout, l'autre s'adossa à un arbre, le temps de retrouver tous ses repères. Le blond en profita pour le détailler. Ses cheveux gris courts partaient un peu dans tous les sens et ses yeux étaient d'une couleur étrange, oscillant entre le bleu et le violet. Sa chemise rayée était tachée de sang par endroits et ses vêtements étaient poussiéreux. Un peu comme tous les autres qui avaient eu le malheur de se réveiller sur l'île - à l'exception du sang.

- Qui êtes-vous ? demanda l'inconnu.
- Ben. Ben Finch, je me suis réveillé ici y'a deux jours. Comme vous, j'imagine.

Le type au regard violet observa un moment son environnement et tout sembla lui revenir d'un coup.

- Oui, bien sûr, cette fichue île... la barbe. Et pourquoi j'ai du sang ?
- A vous de me le dire... souffla le blond. Votre nom ?

Le jeune homme aux cheveux grisonnants tendit sa main à Ben, qui la serra en retour.

- Hinks. Kenneth Hinks.
- Kenneth Hinks, ok, c'est noté. Et, vous faites quoi dans la vie ?

Hinks pencha la tête sur le côté, ne comprenant pas vraiment l'utilité de la question. Ben laissa vite tomber et rappela Lugulabre dans sa Pokéball, pour que le chandelier fantôme puisse se reposer.

- Ecoutez, je vais vous conduire à notre campement. Nous sommes sept en tout.
- Sept. Bah ça alors, ça tombe plutôt bien. Je vous suis.

Le blond sourit et le guida à travers les arbres et les feuillages épais, cueillant aux passages quelques baies exotiques. Le bruissement des feuilles causé par leur pas agaçait les deux jeunes hommes, mais nulle remarque ne fut prononcée. Ils étaient murés dans un silence presque assourdissant, tant il était oppressant. Finalement, lorsqu'après une bonne heure de marche le camp daigna se montrer visible, Ben soupira de soulagement.

- Eh bien Kenneth Hinks, voici notre campement. Pas le grand luxe cela dit...
- Ben !

Le jeune blond se retourna à l'entente d'une voix féminine quelque peu familière. Juliet arrivait dans leur direction, un sourire radieux peint sur le visage. Elle était soulagée de le voir en un seul morceau, tant et si bien qu'elle l'enlaça dans une étreinte presque fraternelle. Ben sentit le rouge lui monter aux joues et se dégagea doucement.

- Content de te revoir, moi aussi, Juliet.
- Qui est-ce, lui ?
- Oh, je l'ai trouvé dans la jungle, je te présente...
- Merci mais j'ai l'âge de me présenter tout seul... Kenneth Hinks, bonjour.

La blonde le salua en retour et partit avertir le reste du groupe, aussi bien du retour de Ben que de l'arrivée d'un nouveau. Les deux jeunes hommes se regardèrent puis suivirent Juliet, toujours dans le silence le plus total.


* * *


- Pardon ? Tu es allé te promener dans la jungle en pleine nuit, comme ça, tranquille ? demanda Keira.
- Je me suis inquiétée pour un imprudent... soupira Vesper, néanmoins soulagée qu'il soit de retour.

Ben se gratta la tête, honteux, mais se reprit bien vite. C'est vrai, quoi, s'il n'avait pas eu l'idée d'aller se balader, qui sait quelle mort atroce et lente aurait subi ce type. Seth et Robbie le jaugeaient du regard, alors que Wallace était complètement plongée dans une observation attentive de l'individu. Il avait cette impression étrange de l'avoir déjà rencontré auparavant. Dans quelle circonstances ? Aucune idée. Cette impression de déjà-vu ne voulait seulement pas le quitter.

- Monsieur Hinks ?

Lequel se tourna vers Vesper, l'interrogeant du regard.

- Plaît-il ?
- Pouvez-vous nous raconter ce qu'il vous est arrivé après votre réveil ?

Le jeune homme aux yeux d'une couleur étrange sembla réfléchir un moment, puis acquiesça. Après tout, peut-être savaient-ils des choses, eux aussi. Il espérait au moins que ces autres personnes l'aideraient à s'en tirer.

- Je me suis réveillé, comme vous je suppose, dans la jungle. Il y avait une femme avec moi. Les cheveux noirs, la trentaine... Linda, elle s'appelait Linda. J'en suis sûr.

Vesper s'étonna à l'entente de ce nom mais ne l'interrompit pas.

- Ensuite... oui, ensuite on a trouvé trois autres personnes. Deux femmes. Une japonaise, je crois, et puis une autre, je ne me souviens que vaguement de son nom... Johanna peut-être. Et un homme, un médecin. Je suis sûr qu'il était médecin. Oui, certain. On a trouvé une sorte de temple et on s'y est réfugiés. Je suis sorti pour récupérer des provisions pour les jours à venir, des fruits, vous voyez. Et après... le trou noir.

Tous regardaient Kenneth, réfléchissant de façon intensive à l'histoire qu'il venait de leur raconter. De toute évidence, c'était vraisemblable, ça avait pu arriver. Le temple, c'était un peu compliqué à comprendre, mais bon, pourquoi pas. Il leur faudrait résoudre cette nouvelle énigme au plus vite s'ils voulaient trouver l'autre groupe. En attendant, la brune avait les yeux rivés sur la tache de sang qui ornait la chemise rayée du nouveau venu, le prénom "Linda" tournant et retournant dans sa tête...