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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 24/08/2015 à 07:08
» Dernière mise à jour le 28/05/2020 à 11:38

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 10 : Une arrivée mouvementée
(Modifié le 04/04/20)

(Une arrivée mouvementée)

La barque fusa au-delà de la cascade. Elle fendit le ciel et vola sur plus d'une cinquantaine de mètres, filant par-dessus de beaux jardins, de l'herbe fraiche, des terreaux humides. Puis elle retomba en un immense arc de cercle tel un kamikaze. Et elle se fracassa contre un immense vitrail.

Des éclats de verre explosèrent partout autour d'eux. Une des brisures déchira la joue d'Elsa, coupant net dans sa chair. Elle ferma les yeux par instinct et gémit, paniquée, se sentant plonger, plonger. le cri horrifié d'une foule entière envahit ses oreilles, se mêlant à son propre hurlement impuissant.

Un poids s'abattit brusquement contre son dos, c'était Syd qui reprenait à peine conscience et se débattait comme un fou pour survivre ! Oscar le retint à bout de bras, elle l'aida, elle avait ouvert les yeux, Élin était tout à l'avant du bateau et avait perdu son sourire.

Leur petite barque de bois s'écrasa au beau milieu d'un écran géant. D'immenses éclairs jaillirent autour d'eux, des étincelles, explosion. Ils tombèrent.

Elsa perdit conscience.

[...]

— Bonjour, ici Clara Chasal pour Unys 1 ! Je me trouve au Multiplex de Pokéwood, après le grand incident qui a non seulement blessé quatre adolescents mais ruiné la graande première de Jeux d'Arènes, premier film de l’auteure du Conseil Quatre, Anis ! Avec moi se trouve Evan Lecapitaine aka Capitaine—père de la championne d'Ondes-sur-Mer Strykna—qui jouait le rôle du boss machiavélique !

La rousse à l'écran envoya un sourire aveuglant à la caméra, puis tira un grand homme barbu à ses côtés. Entre ses manières gracieuses et son expression photogénique et la surprise de l’interviewé, le contraste était comique.

— Capitaine, que pouvez-vous nous dire de cet indicent sans précédent ? Quelle est votre réaction ?
— Euh... ben eh bien je... l'homme avait visiblement du mal avec les flashs des caméras mais ne savait pas comment se dépêtrer du marasme médiatique. J'espère simplement que les enfants vont bien...
— Ils ont tout de même ruiné l'avant-première de votre film, que pouvez-vous nous dire là-dessus ?
— Ah... bafouilla Capitaine. Je...

Une voix glaciale intervint.

Nothing. Viens, papa.

Une rockeuse. C'était la première chose que l'on pensait en la voyant. Des cheveux teints en blanc spectral, coupés aussi élégamment qu'avec une hache, les mèches trop longues réunies en haut de son crâne en un chignon mal fait. Des yeux bleus cerclés d'un khôl noir, brillant. Un visage aux traits brusques, comme son père.

Elle portait des vêtements trop amples, rayés de différentes couleurs, selon les jours et les humeurs. En ce moment, c'était jaune énergique et rouge passionné, des nuances pourtant bien éloignés du regard noir qu'elle envoyait aux médias.

— Championne Strykna, qu'avez-vous à dire sur l'incident ? Ne pensez-vous pas que la sécurité de Pokéwood aurait dû prévoir une intrusion par les fenêtres ? l'assaillit néanmoins la journaliste, caméra à la traîne, tandis que la jeune femme tirait son père vers l'arrière du multiplex.
— Yeah, bien sûr, allez prévoir que quatre gamins pulvérisent votre fenêtre avec un canoë-kayak ! rétorqua la dresseuse, irritée.

Des policiers les encerclèrent bientôt, retenant les journalistes et laissant à Strykna la route libre vers les loges des acteurs.

— Championne Strykna !
— ... pff. La rockeuse fit un geste agacé, revint sur ses pas, puis envoya un sourire mielleux à la journaliste. Vous voulez que je vous dise un truc ?
— Bien sûr, répliqua cette-dernière sans se démonter.
— Cassez-vous !

[...]

Elsa reprit conscience peu à peu. Ses yeux papillonnèrent... et se refermèrent aussitôt, aveuglés par des néons blancs. Elle gémit. Sa tête lui vrillait, elle avait le tournis, elle sentait qu'elle avait été allongée sur une sorte de canapé mais, la surface était trop dure, lui blessait la tempe. La jeune fille tenta de se redresser, mais trop vite ses bras tremblants cédèrent et elle s'écroula par terre.

— Woah ! Y en a une qui se réveille !

On la redressa doucement. Elsa se laissa fondre dans les bras de son sauveur, s'imaginant un Oscar inquiet et adorable... qui l'embrasserait tendrement. Instinctivement, elle approcha ses lèvres de celui qui la tenait, sans ouvrir les yeux pour ne pas briser l'illusion...

— Euh...

Elsa ouvrit les yeux.
Elle se figea sous le choc.

En face d'elle se tenait un jeune homme qu'elle avait vu toute son enfance à la télé. Beau comme un prince de contes de fées, une statue ou une œuvre d'art. Il avait une beauté presque féminine, des lèvres roses et charnues, un nez droit, et des yeux verts comme des joyaux. Seules marques sur sa peau claire, une petite cascade de tâches de rousseurs sous sa touffe de boucles brunes. Il aurait pu ressembler à Oscar. Mais la beauté de cet homme était tout autre.

— M-M-M-Monsieur A-Art-tie ! AH ! balbutia Elsa, le repoussant, se cognant contre le canapé, retombant sur ses fesses. P-P-Pard-don !

Le champion de Volucité la fixa d'un air sidéré. Puis il se fendit d'un large sourire.

— Oh tu sais, je suis habitué à ce qu'on veuille m'embrasser, ne t'inquiète pas...

Gênant.

Elsa voulut se défendre mais sa gorge se serra. Elle étouffait. Impossible de parler, elle. Ne. Pouvait. Pas. Son cœur battait trop vite, trop vite il faisait mal, elle était paralysée et morte de honte, les yeux écarquillées, les joues en feu, jamais elle n'avait osé ne serait-ce que rêver de rencontrer cet homme et il était là devant elle ! Mais pourquoi ? Où était-elle exactement ?

Elsa lança un regard angoissé autour d'elle, rencontra ses yeux bleus dans mille miroirs, ses reflets, elle était dans une sorte de loge, une loge ? Pourquoi une loge ? Il y avait d'autres canapés, Syd, Élin et Oscar étaient étendus dessus, ils commençaient à peine à émerger, des néons blancs baignaient l'immense salle d'une lumière crue.

Des mains fines et chaudes attrapèrent ses poings crispés, et les détendirent peu à peu en les massant doucement.

Elsa leva. Lentement. Sa tête. Vers Artie. Il s'était mis à genoux devant elle, à même la moquette, ses yeux brillaient. Il était vraiment beau. Soudain elle n'était plus si sûre d'aimer Oscar.

— Daignerez-vous me dire votre prénom, jeune demoiselle ? lui sourit-il.

De nouveau la gorge d'Elsa se serra. Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux. Artie, toujours souriant, parut comprendre son malaise et s'éloigna d'elle.

— Demoiselle, j'oublie la bienséance. Je me présente : Artie, de Volucité. J'étais dans le Multiplex quand... mais peut-être n'es-tu pas au courant de la situation ? Votre embarcation a fait un immense vol plané avant de s'encastrer dans l'écran-géant du Multiplex. Était-ce prémédité ?

Non ! Elsa secoua vivement sa tête, apeurée, elle ne voulait pas aller en prison non ! Artie lui lança un nouveau sourire aveuglant. Et même son sourire était beau, noble, si délicat et différent de la masse.

— Je te crois. En tout cas, il a interrompu la projection du premier film d'Anis, Jeux d'Arènes, dans lequel j'avais un rôle principal... Devant l'expression catastrophée d'Elsa, il ajouta : je te pardonne ! Demoiselle, tu es pardonnée. En revanche, j'ai une amie qui ne sera peut-être pas aussi magnanime...
— Artie ?

Ils tournèrent la tête au même instant. Une adulte vêtue de noir et de violet avait fait son entrée, un vieux grimoire serré contre sa hanche. Elle se pencha vers Elsa, ses cheveux courts voletant autour d'elle en un nuage indigo. Ses yeux sombres semblaient énormes et déformés à travers ses lunettes rondes.

— La plupart des dégâts sont réparés... marmonna-t-elle, attrapant le visage d'Elsa d'une main gantée. La jeune fille resta figée. Dis-donc, tu as… une vilaine coupure sur la joue… il faudrait vite soigner ça... Artie ?
— Oui, dame Anis ?
— Ta Manternel connaît Glas de Soin… je me trompe ?

Elsa entendit le champion de Volucité se lever, puis appeler un Pokémon. Une chanson douce et irréelle remplit la salle. Chacune de leurs silhouettes luisit un instant d'une lueur pure et blanche. Et leurs muscles se détendirent. Et leur peau se régénéra. Ils laissèrent échapper un soupir de contentement.

— Merci, Ficelle. Tu peux revenir si tu le souhaites.

Anis lâcha visage d'Elsa, la laissa respirer un peu. La jeune fille était complètement, totalement ébahie, sidérée, abasourdie, hébétée... elle n'avait pas compris qu'Artie parlait de l'Anis du Conseil Quatre. Une des dresseuses les plus PUISSANTES d'Unys !

— Alors, alors... murmura l'adulte, perdue dans ses pensées. Ah oui ! Strykna est dehors, elle est allée chercher son père.. et vous, bande de terroristes ! Vous aviez… pour intention de ruiner mon film ? Le premier que j'ai écrit et dirigé !

Non. Muette, Elsa secoua de nouveau la tête. Peur.
Et c'est ce moment qu'Oscar choisit pour se retourner, glisser de son canapé et s'effondrer par terre.

— OUARPS !
— Oh... décidemment, vous êtes abonnés aux réveils brutaux ! s'exclama Artie, s'élança vers le garçon à la queue-de-cheval. Comment ça va, petit ?
— Ouah euh... bien je suppose... Attendez, vous êtes Artie ? ZE Artie ?

Le champion de Volucité se fendit à nouveau d'un sourire éclatant.

De son côté, Syd émergeait confusément. Le mal de crâne survenu après la collision s'était évanoui, et il lança de petits coups d'yeux autour de lui, tentant de comprendre où il était, et avec qui. Il ne se réveilla entièrement qu'après avoir réalisé que c'était Artie de Volucité et Anis du Conseil Quatre qui discutaient avec Oscar et Elsa. Artie et Anis. Les stars. Les vraies.

Il resta hébété quelques instants, puis il se redressa avec difficulté. Puis ses yeux se posèrent sur Élin et il ne put se retenir. Il hurla de rage.

Quant à Élin, elle ne reprit conscience qu'après avoir brutalement été jetée à terre et avoir été agrippée par le col !

— ARGH !
— Abonnés aux réveils très brutaux, constata Artie, halluciné.

La blonde attrapa par instinct à la jambe de son agresseur. Elle leva son regard noir et vit... vit... Syd ?! Sa fureur retomba, son ami la menaçait, c'était absurde. Ça... ça la blessait... mais d'un côté la main qui serrait son tee-shirt XL la vexait dangereusement et elle ne se laisserait pas faire, pas question !

— Lâche-moi ! siffla-t-elle, tandis qu'il se redressait, livide. Tu veux te battre ?!
— Oh oui que je veux me battre, tu vas voir la raclée que je vais te ficher ! cracha-t-il en réponse. Ça va pas de mettre nos vies en danger, tu crois que t'as le droit de faire ce que tu veux avec nous ?

S’il mourrait il ne pourrait jamais trouver le moyen de guérir son frère !

— Mais qu'est-ce que ! qu'est-ce que tu racontes ! protesta Élin, se débattant encore dans l’emprise du garçon, sa main cherchant la Pokéball de Baggy à sa ceinture. On n'allait pas mourir !

Mais elle. Finalement elle. N'était plus si sûre...

Puis Artie attrapa Syd par les bras et l'assit de force sur un canapé. Mais si l'homme retenait la colère de Syd, il n'en empêchait pas les cris.

— MAIS ÉVIDEMMENT QUE SI ! On aurait vraiment pu mourir tu m'entends ! Tu m'entends espèce d'égoïste sans cervelle de...?!

Il ne trouvait pas à les mots pour l’insulter, autre les grossièretés qu’on lui avait interdit petit. Alors il ferma les yeux et se tut.

Quant à Élin… elle était à peine réveillée. Carrément hébétée. Elle ne parvint plus à formuler de réponse, encaissant les mots silencieusement.

— Eh mais on les connaît, les petits ! intervint soudainement une voix joviale. Toi t'es Élineera Hei, la fille de Black ! Et toi, Syd Park, neveu d'Aloé !

Un soupir parcourut les adolescents. Oui, c'était bien eux, eux qui avaient signé un Pacte... le rappel de leur identité (slash humanité, slash amitié), les calma soudainement ; ils se figèrent.

Élin sentit, toujours les yeux fermés, qu'Artie aidait Syd à se relever, que la colère était passée. La voix calme et digne de l'adolescent la transperça de part en part.

— Je porte le nom de ma mère. Redding. Sinon, enchanté.

Et ce fut tout. Élin se redressa et ne dit rien, tandis que les adultes discutaient entre eux à propos de dégâts, d'argent perdu, de pertes trop importantes pour les imputer aux enfants. On vérifia auprès de Syd que l'affaire était bien un accident, il confirma. Artie et Anis supposaient qu'on pouvait réclamer un remboursement au moins partiel auprès de la compagnie censée assurer la sécurité du Multiplex. L'ambiance dans la salle se tassa, s'adoucit, même si Syd refusait de parler à Élin. Ils s'assirent tous sur les canapés.

Puis Strykna d'Ondes-sur-Mer déboula avec son père, hurla un grand nombre d'obscénités, insulta « les sales cons en canoë-kayak » et lança le regard le plus terrifiant du monde à Élin quand elle apprit exactement qui était responsable du drame.

You. C'était le premier grand rôle de mon père. Le first big fucking role. Tu lui as fait perdre ça tu m'entends ? Avec ton plan à la con ! Elle se pencha, saisit violemment le menton d'Élin puis dit : Excuse. Toi.

Et la gamine répondit machinalement, sans passion : Pardon.

— Mais très biien... grinça Strykna. Maintenant que t'as essayé une fois, do it again ! Fais-le pour Artie, Anis et mon père !
— Championne Strykna... soupira Anis.
— Na-Na... soufflèrent les deux hommes adultes.
Personne ne m'appelle comme Na-na ! siffla la dresseuse. Maintenant. Excuse. Toi.

Alors Élin se leva. Elle alla d'abord voir Artie, que son père avait déjà invité quelques fois chez eux, puis Capitaine, qui la reçut avec un sourire indiquant clairement qu'il avait fait pire de son jeune temps, et enfin Anis, si distraite qu'elle était déjà passée à autre chose. Strykna tempêtait. Oscar et Elsa ne savaient plus où se mettre, se recroquevillant sur un seul canapé, et Syd n'osa même pas regarder son portable.

— Strykna... sourit alors Anis. J'ai trouvé...

La championne se figea, méfiante.
La dresseuse de l’Élite Quatre était une auteure plongée dans son monde, et avait souvent des idées pour le moins… étrange.

— Yeah ? Trouvé quoi ? demanda-t-elle néanmoins.

Anis fit un geste vague.

— J'ai trouvé... comment réparer la situation. J'écris un autre film... les adolescents joueront dedans avec Artie, Guajava... ton père...

Et alors, un seul et même cri étranglé se répercuta dans la loge. Mais personne ne sut jamais qui hurla, ou si ce fut tout le monde à la fois.

— De QUOI ?!

[...]

— Rebonjour, c'est encore Clara Chasal d'Unys 1, je suis toujours devant le Pokéwood cette fois avec le célèbre directeur et metteur en scène Est Wood ! Monsieur Wood, que pouvez-vous nous dire sur l'incident ou à défaut le premier film d'Anis ?

La journaliste rousse, toujours aussi souriante et déterminée, tendit son microphone à un vieil homme au crâne dégarni, que les autres chaînes de télés voulaient s'arracher. L'homme se caressa la barbe.

— Hm eh bien... c'était une fin étrange...


(En probation)
— De QUOI ?!

La mine de Syd s'assombrit. Il soupira. Derrière lui, Oscar et Elsa se tendirent, Élin se fit toute petite. Les adolescents lancèrent des regards effrayés autour d'eux, en direction des patients, de l'infirmière Joëlle... mais heureusement, avec la cacophonie du Centre Pokémon, personne n'était dérangé par le cri.

— Eh bien, nous allons jouer dans un film Pokéwood dirigé par Anis, avec Artie de Volucité, Guajava de la Ville Noire, et le père de Strykna...

À l'écran, la mine de Bianca Lenoir pâlit brusquement.

— M-Mais... alors c'est vous les quatre adolescents qui ont détruit l'écran géant du Pokéwood ?
— ... oui, admit Syd.

La scientifique gémit. Elle plongea sa mine fatiguée dans ses mains, se tira brutalement quelques mèches de cheveux—repensa aux traites de remboursement de ses études et aux nouilles qu’elle allait devoir manger matin, midi et soir durant au moins dix ans—et s'étrangla :

— Ça va me coûter combien ?
— Rien, madame. L'assurance prend tout en charge.
Un ange passa.
—... Ah… Ah bon ?
— Euh… Oui ?

Cette fois la chercheuse se redressa et s'époumona « YEAH ! » assez fort pour que chacun des patients du Centre les foudroie du regard. Les adolescents sursautèrent, Élin particulièrement, et c'est de cette manière que Bianca remarqua la jeune fille. Elle réfléchit à toute vitesse. Accident improbable. Élin. ÉVIDEMMENT.

— Élineera Hei, tire tes fesses jusqu’à cet écran, grinça-t-elle, plissant dangereusement ses yeux.

L'adolescente blanchit si soudainement qu'on put croire à un malaise. Elle chercha un endroit où se cacher—derrière le canapé ?!—et esquissa même une fuite, mais Syd l'attrapa sur les yeux peinés d'Oscar et la poussa sans ménagement devant l'ordinateur. La blonde n'osa pas affronter le regard de son aînée.

Un silence s'étira.
Finalement, devant le mutisme atypique d'Élin, Bianca soupira.

— Dis-moi, combien de personnes t'ont disputée depuis ton arrivée à Ondes-sur-Mer ?
— Syd. Et Strykna. répondit la gamine, de mauvaise grâce.

Le regard de la scientifique s'assombrit.

— Eh bien ce n'est franchement pas assez. Oscar, Elsa, Syd, je suis très contente et soulagée de voir que vous allez bien. Félicitations pour ton match Elsa. Maintenant, je vais devoir sérieusement parler à Élin. Pouvez-vous nous laisser seules un moment ?

Les trois adolescents acquiescèrent, se levant promptement, et s'en allant sans un mot, sauf un au-revoir pour Bianca. Elsa n'adressa pas de sourire à Élin. Oscar ne lui serra pas l'épaule en passant—et s’il était seulement trop gêné pour traîner un instant de plus devant le visiophone, il n’eut pas le temps de l’expliquer à Élin. La fille de Black se demanda s’il avait oublié combien elle était terrifiée face à Bianca, au ranch d’Amaillide, s’il ne voulait plus la soutenir comme avant. Elle se sentit à cet instant, plus que jamais, seule.

— ... Élin, soupira Bianca.

La blonde se mura dans un silence buté, craquant ses doigts, jouant avec ses Pokéball, donnant des coups de pieds dans le vide.

— ... roh bon, tu m'énerves, finit par soupirer Bianca, exaspérée par tant d’immaturité. Non, je ne vais pas te gronder, j'imagine que Strykna s'en est déjà chargé. J'aimerais simplement discuter. Ne t'enfuis pas.

La scientifique sourit d'un air fatigué. Son visage s'adoucit sans qu'elle ne le sache, tout en peau laiteuse et joues roses.

— Je ne sais pas pourquoi tu passes ton temps à faire des bêtises. Mais si je devais émettre une hypothèse, Élin... je dirais que tu veux attirer l'attention, non ?
— ... pas du tout ! rétorqua la jeune fille, livide.

Non, la scientifique se trompait complètement, la dresseuse souhaitait simplement s'amuser avec ses amis, elle ne pensait certes pas toujours aux conséquences de ses actes mais... ce n'était pas pour... La gamine secoua vivement sa tête, queue-de-cheval voletant. Mais cela n’arrêta pas Bianca pour autant.

— Élin, j'ai grandi avec ton père, répliqua-t-elle. Je sais comment il est, et je sais que ce n'est pas exactement un cadeau.

À ces mots, les poings d'Élin se crispèrent, et elle se recroquevillant inconsciemment comme pour se protéger.

— Cool ta vie, renvoya-t-elle avec une fausse assurance. Mais je ne vois pas pourquoi tu parles de mon père !
— Parce que je suis sûre que c'est son attention que tu veux attirer ! s'écria la scientifique.

Son interlocutrice resta coite. Ses mains s’immobilisèrent, son visage expressif devint brusquement flasque.

— Mais enfin Élin, ça crève les yeux, à qui crois-tu mentir ? Tu as oublié que j'étais là, à chaque réveillon, à chacun de tes anniversaires parmi nous ? Je sais que Black ne parle pas. Et je vois très bien que son comportement ne te plait pas. Tu veux qu'il change.

Élin resta réellement incapable de répondre quelques secondes. Puis elle balbutia. Les mots, les syllabes, restaient coincés dans sa gorge. Puis la fureur reprit le dessus. Non mais de quoi elle se mêlait l'autre ? Ce n'était qu'une amie de famille, maintenant une prof, pas une confidente ! Qu'elle se contente d'enseigner au lieu de remuer les tripes de ses élèves !

— Depuis quand t'as un degré en psychologie toi ? siffla alors la jeune fille, lançant un regard meurtrier à Bianca. Depuis quand t'es impliquée dans ma vie, tes trois années à Kanto peut-être ? J'aime mon père. Et je sais qu'il m'aime. D'ailleurs je n’ai rien besoin de lui prouver.

Cette réplique scella la fin de la conversation. La mine de Bianca se referma, et s'assombrit. Le temps de la parole et du pardon était fini.

— J'avais juste envie de déconner et je l'ai fait, c'est tout ! Alors garde tes analyses foireuses pour toi !

Et voilà. L'adolescente avait dépassé les bornes. Elle voulait être traitée comme une écervelée, une fille incapable de reconnaître un danger évident ? Alors elle serait punie comme telle.

— Très bien. Je t'avais déjà prévenue dès Pavonnay que je ne peux pas te permettre de perturber le bon déroulé du voyage. Je t'ai intégrée parce que ton père est mon ami, mais à la prochaine incartade, tu es virée du programme.

Élin se figea.
Bianca raccrocha.

Le reste de la journée s'écoula au Centre Pokémon, dans une ambiance oscillant entre le nerveux et le maussade. Personne ne parlait à Élin, même si Oscar en semblait peiné. Syd regardait le soleil se coucher par la fenêtre de leur chambre, sourcils froncés. Il ne touchait même pas son portable.

Et Élin, réfugiée dans son lit, avait ravalé ses larmes, mais les mots de Bianca la tuaient, elle se rappelait encore de la colère de Syd, et elle n'arrivait pas à trouver la paix. Peut-être... était-ce dû à elle-même. Alors, elle se redressa et prit une grande inspiration.

— Les amis, je, euh... je voulais juste vous dire que je suis... enfin...

Trois regards convergèrent vers elle, implacables. Les Pokémon se levèrent pour mieux l'observer, et Baggy levait les yeux au ciel... La blonde rougit, son souffle se faisait court.

— Je suis désolée, acheva-t-elle faiblement.

Un silence lourd plana dans la petite chambre. Elsa hésita, sentant qu'on avait joué avec sa vie, se disant, que l'esprit de la blonde la dépassait réellement, elle ne parvenait tout simplement pas à comprendre tant de... bêtise. Et Oscar, bien que pensant différemment, hésita à répondre, hésita à pardonner aussi tôt. Ce fut Syd qui dû répondre.

— Pour moi, à partir de maintenant, tu dois regagner ta place dans le groupe. Parce que là tu ne la mérite plus.

Ils fermèrent tous leurs yeux.
Puis Elsa déclara :

— P-Pardon m-mais je suis d-d'accord avec S-Syd... tu as t-trahi notre c-confiance...

Et même Oscar... même lui, hocha de la tête.
Élin était en probation.

Ils descendirent dîner sans vraiment sentir la nourriture qu'ils engloutissaient. Elsa... elle sentait qu'elle devrait être enthousiaste... après tout elle allait être une star, tourner dans un film Pokéwood ! Mais l'idée ne faisait que la stresser. Oscar et Syd étaient ailleurs.

La bande se coucha sans se souhaiter la bonne nuit. Aussi vite qu'ils s'étaient réconciliés, ils se disputaient de nouveau, et cette fois c'était l'appartenance d'Élin au groupe qui était menacée... ils avaient eu la peur de leur vie, et c'était la blonde qui en était responsable. Finalement, c'était elle qui avait brisé le pacte.

Quoiqu'il en soit, ils joueraient bientôt un film au Pokéwood. Et ils avaient intérêt à assurer.


(L'idéaliste)

Glaucus était un idéaliste. Il croyait en dieu, le dieu unique, Arceus. Il savait que tous les humains et tous les Pokémon et toutes les choses n'étaient que des manifestations d'Arceus, le dieu qui avait créé le monde. Ce monde créé par Arceus était bien sûr parfait. Mais les humains l'avaient dégradé au fil du temps, renversant les rois choisis par Arceus pour élire des bandits de basse extraction, créant des Pokéball pour asservir les Pokémon, et le monde était à présent en déshérence. Les maladies, les guerres, le chômage de masse n'étaient que des symptômes du mal qui rongeait une société sans dieu. Et pourtant... la salvation était là, à leur portée. Si les humains revenaient à l'ordre naturel, au monde tel Arceus l'avait créé, tous vivraient en harmonie.

Huit ans auparavant, quatre ans auparavant, Glaucus avait soutenu Ghétis dans sa quête de libération des Pokémon. La Team Plasma se voulait être un éclair purificateur. Mais la Team Plasma avait failli. Elle n'avait pas pu séparer les humains et les Pokémon, ni séparer les humains du mal qui avait envahi leur esprit.

Il fallait maintenant que la Team s'abaisse à jouer le jeu des élections—participe à ce simulacre effroyable que les âmes perdues nommaient la démocratie. Glaucus s'était résigné. Il avait d'abord protesté, bien sûr ! Compter sur le vote de la populace alors que la démocratie n'était qu'une hérésie ? Comment pouvait-il être candidat et faire campagne alors que le seul ordre légitime était celui d'une monarchie soutenue par Zekrom et Reshiram ? Comment pouvait-il gouverner à la place du Seigneur N ?

Puis il avait entrevu la vérité : il devait accepter de se souiller, lui, Glaucus, en accomplissant les basses oeuvres de la Team Plasma, pour préparer Unys au retour de son Seigneur. Ainsi l'enfant N n'aurait pas à lutter, n'aurait pas à accomplir de tâche avilissante, et pourrait simplement reprendre le trône des Harmonia... Alors Unys reprendrait toute sa splendeur. Et une fois au pouvoir, tout rentrerait dans l'ordre : les Pokémon seraient libérés de leur Pokéball et appartiendraient tous au Seigneur-Dieu, comme dans les temps anciens ; les enfants obéiraient à leurs parents et les femmes à leurs maris ; le Seigneur ferait taire les noirs qui ne cessaient de remettre en question la société Unyssienne ; les étrangers paraient un impôt pour leur présence sur le territoire ; et il n'y aurait plus jamais d'élection !

Unys serait belle. Unys serait en harmonie.

Et lui, Glaucus, aurait participé au retour de dieu, à la restoration de la famille et de la patrie.

Ainsi soit-il, s'était dit Glaucus en s'installant à Ondes-sur-mer trois mois auparavant. Il avait retrouvé une petite équipe de Sbire dévoués qui lui avait assuré que les habitants d'Ondes-sur-mer détestaient leur maire, leurs députés et bien entendu le gouvernement ; qu'ils se plaignaient des vols à la tire aux marchés, du prix de l'essence, des autorités du port qui avaient replacé quatre-cent dockers et leurs Pokémon par des machines, de l'usine métallurgique qui avait fermé dans la Z.I., et de toutes les starlettes du Pokéwood qui ne payaient pas leurs impôts. Glaucus avait visité tous les quartiers pauvres, fait beaucoup de promesses, et était maintenant en tête des sondages.

Et pourtant, les ombres n'avaient toujours par réussi à retrouver l'enfant N. Cela lui donnait beaucoup de souci ; Lilien faisait pression pour que la Team Plasma réussisse un coup d'éclat pour marquer les esprits avant les élections ; et pourtant les ombres ne l'avaient pas retrouvé...

Glaucus ferma les yeux, attristé.

Quand il les rouvrit, un jeune homme se tenait à genoux devant lui ; Glaucus lui toucha la tête d'un geste tendre, caressant ses cheveux bleus. Puis il saisit son menton et releva la tête du garçon, étudiant son visage et le contour de ses yeux baissés.

— Anto, Anto... tu as grandi, mon enfant, murmura-t-il.

Il ne répondit pas et Glaucus le relâcha, soupirant.

— Quelles nouvelles m'apportes-tu ?
— Auric m'envoie vous dire qu'il a réussi à infiltrer le refuge de Carmine et Azuro à Port Yoneuve et qu'il peut le détruire au moment opportun, répondit Anto. Il souhaite que je vienne vous assister à Ondes-sur-mer, si vous l'acceptez.

Glaucus souffla pensivement. Il y avait une dizaine de dresseurs agaçants dont il souhaitait se débarrasser—des petits malfrats qui faisaient partis d'une organisation nommée « La Jeunesse Contre Les Plasma »... et qui ne cessaient de crier quand Glaucus partait à la rencontre des bons sujets d'Ondes-sur-mer. Mais il y avait plus important.

— Lilien veut que nous libérions des Pokémon avant les élections parlementaires pour signaler notre retour aux Unyssiens... Il faut mener une action décisive... impressionnante... qui reste dans les mémoires... Oui... ton aide me sera précieuse, Anto...

Anto garda la tête baissée mais Glaucus le vit sourire. Il ne le reprit pas. Il était bon qu'un jeune homme comme lui ait de l'enthousiasme pour leur noble quête.

— Je serais honoré de vous venir en aide pour cette mission.

Glaucus acquiesça gravement.

— Ainsi soit-il.

(Conférence)
— Bien. Nous sommes tous connectés.

La totalité des champions présents par vidéo-conférence regarda Watson, dont le visage pensif étiré sur un écran plasma. Strykna leva les yeux au ciel, gavée d'avance par cette rencontre. À ses côtés, Artie se pencha en avant et posa son menton sur ses mains.

— Je maintiens qu'après cette shitty journée, on aurait dû reporter la réunion.
— Il y a des choses plus importantes que ton confort, Stryk. Ou le nôtre.

La rockeuse, agacée, haussa ses sourcils et envoya un sourire acide au collègue qui avait parlé. Tcheren.

— Un jour tu cesseras de me faire, T'chérie, un jour. En attendant... fais-moi plaisir... utilise ta bouche à de meilleures fins, répliqua-t-elle en se léchant les lèvres de manière suggestive, ce qui arracha un frisson et des bégaiements au champion de Pavonnay.

La plupart des dresseurs présents éclatèrent de rire, ce qui ne fit qu'accroître l'embarras de Tcheren. Le jeune homme était connu et reconnu comme le plus prude des champions d'Unys, et malheureusement pour lui, Strykna, Amana et Artie ne cessaient de le taquiner à ce sujet. Particulièrement quand la conversation portait sur White.

— En plus, c'est ta nièce qui a pourri notre après-midi, balança Strykna d'un air terriblement désolé.
— C'est vrai ! lança Bardane avec un large sourire. J'ai vu ça à la télosh ! C'est quoi qu'cette catastrophe ?
Hein ? ÉLIN ? ... mais c'est pas ma nièce ! s'étrangla Tcheren de son côté.
— Bah dis-donc, y en a qui sont jamais au courant de rien... nota indifféremment la championne d'Ondes-sur-mer.

Elle était sur le point de leur narrer la journée, rien que pour abréger les souffrances et l'inquiétude du pauvre T'chérie, mais une main délicate se posa sur ses épaules. Artie, l'apollon de service, lui lança un regard faussement désapprobateur qu'elle reçut les yeux au ciel, et fit une proposition simple.

— Je raconte.

Tout compte fait, ce n'était peut-être pas une proposition.

Le champion de Volucité leur fit un sourire charmant, puis se lança avec énergie dans un compte-rendu de leur journée, la rendant bizarrement beaucoup plus magique qu'elle ne l'avait réellement été. Strykna voulu intervenir à coup de commentaires cyniques, rien que pour la forme, mais Artie ne la laissa pas faire, allant jusqu'à la bâillonner de sa fine main. Elle le mordit, bouda, et se résolut à observer ses autres collègues.

Inezia était engoncée dans un nuage de fourrure jaune criard dont le seul mérite était de cacher un peu de ses seins, et le... corset ? maillot ? en dessous laissait voir beaucoup plus de ses entrejambes que devrait considéré décent. Évidemment, le logo du designer était joliment mis en évidence sur son bas ventre. Pour ne pas dire le haut de sa chatte. Si par miracle cet ensemble n'était pas le plus ridicule qu'Inezia ait jamais porté, il s'en rapprochait.

Il y avait aussi Carolina et Amana. Des gens sans doute très intéressants. La rousse criait à son plus récent petit-copain de ne pas l'attendre pour dîner. Amana souriait. Et souriait. Il était assez mignon pour que la plupart des fangirls lui courent après—les femmes d’Unys étaient divisées entre Artie et Amana—mais côté neurones, ça manquait quelque peu de synapses.

— ... et finalement on attend de voir ce que le nouveau film donnera, conclut Artie. Ils vont le projeter dès que le grand écran est réparé.

Strykna le pointa d'un pouce railleur.

— Il va jouer dedans. Et il ne connait même pas son rôle.
— Oh, mais mon talent inné me permettra de balayer ce problème en un battement de cil... rétorqua Artie avec une moue de diva.
— Mais à chaque fois que tu ne connais pas ton texte, ils te mettent torse-nu... s'inquiéta Carolina par écran interposé.

Pour toute réponse, Artie prit une pose provocatrice.

— Je protègerai ta pudeur Caro, je te le jure : tu ne verras rien en dessous de la ceinture !

Yeah, pour une fois.

Nouvel éclat de rire dans l'assemblée, aux nuances nerveuses et railleuses. L'air de Carolina semblait dire qu'elle ne s'inquiétait pas pour sa propre pudeur, mais pour celle d'Artie. Amana demanda en quoi vivre torse-nu posait problème... Puis, Watson, qui avait souffert ces digressions en silence, reprit la parole.

— Mes chers collègues, nous devons nous pencher sur le cas de la Team Plasma.

Silence. Après quelques regards inquiets échangés entre complices et amis, chacun reporta son attention sur Watson. Carolina, Amana, et même Inezia, réajustèrent leur webcam et observèrent silencieusement le représentant de Janusia. Artie se pencha vers les écrans, tandis que Strykna haussait les sourcils avec une fausse indifférence.

— Tcheren m'a expliqué que les quatre adolescents dont Artie a parlé on rencontré quatre Sbires de la Team Plasma il y a une semaine, expliqua Watson d'une voix grave.

Strykna souffla distraitement. Elle avait lu le rapport de Tcheren, qui ne leur avait d'ailleurs pas appris grand chose.

—... dont Élineera Hei, ont affronté la Team Plasma au Ranch Amaillide, et m'ont conté le même phénomène. Les Sbires ont tout simplement disparu. Du coup, les enfants ont conclu à une attaque Téléport.
— Il y a eut plusieurs incidents du même genre depuis le mois de mars, intervint Strykna. C'est juste la Team qui s'agite avant les élections parlementaires.

Tcheren parut sur le point de répliquer mais Carolina le devança.

— À ce propos, comment est la situation à Ondes-sur-mer ? s'enquit-elle d'une voix douce. Strykna grimaça.
— Le Parti Royaliste est en tête des sondages alors même que le candidat est un ancien Sbire. Ça m'énerve ce que les gens sont cons.
— Ils votent juste pour le Parti Royaliste parce qu'ils détestent leurs députés actuels, tempéra Artie.
— M'enfin quand même... Bref y a une manif prévue le 22 contre la Team Plasma, et j'y vais.

Ils digérèrent cette information, fermèrent les yeux. La conversation porta ensuite Volucité, Port Yoneuve, Parsemille, Flocombe et Rotombourg, où des candidats du Parti Royaliste étaient en phase d'être élus. Si jamais ils venaient à gagner, le parti pourrait être en majorité au parlement.

— La Team Plasma se reforme.

À nouveau un silence s'installa. Strykna choisit de fermer sa gueule à partir de ce moment. Elle n'y connaissait pas grand chose en politique, et d'ailleurs n'y avait même jamais réfléchi. En fait, avant de devenir Championne par la force des choses, le poste se résumait dans son esprit à taper le plus fort possible. Puis elle avait appris à éduquer ses challengers en toute finesse, et à collaborer avec les forces policières et administratives, les maires, et comprendre l'importance du parlement Unyssien. Elle avait aussi appris à faire des interventions dans les écoles, appris à y aller mollo en affrontant des enfants, à ne pas perdre patience quand un gamin avait besoin d'aide pour attraper son premier Pokémon, et à signaler tous les cas de maltraitance animale. Tout un parcours.

— Il y a quatre ans, la Neo Team Plasma nous a prouvé que la Team était très bien capable de se réinventer, soupira Tcheren. Le plus judicieux serait d'abord de vérifier si la totalité de l'organisation a repris de l'activité. Nous savons que le parti royaliste regroupe quatre sages. Mais a-t-on affaire à Ghétis ? À Nikolaï ?
— Vindiou c'est vrai tiens, c'connard existe... grommela Bardane sans qu'on sache de quel connard il parlait.
— On pourrait lancer une chasse à l'homme pour le savoir ! sourit Amana.
— Ou à la femme, le reprit Carolina.
— Mais Ghétis et N sont des hommes.
— Dans tous les cas ça ne marcherait pas, souffla une voix fatiguée.

Ils se tournèrent tous vers Inezia, les yeux écarquillés. L'expression de la championne n'indiquait en rien qu'elle avait parlé, son expression restant figée dans une indifférence lointaine. Les champions choisirent tacitement de ne pas commenter.

— Je penche plutôt pour des scans de tous leurs repères connus, indiqua Artie. Et des maquis d'Unys, comme le Mt Foré, et cetera.
— Eh, oublie pas Volucité, c't'un patelin immense aussi très pratique pour s'cacher, lui rappela Bardane.
— Dans ce cas il faut que je resserre les contrôles de l'aéroport... soupira Carolina. Tu devrais faire de même pour le Métro Combat, Inez'. En fait, il faudrait scanner toutes les villes...
— Je ne suis pas convaincu.

Oh, quelle surprise.
L'assemblée se pencha vers Tcheren.

— Cela sera difficile de retrouver Ghétis. Il se cache depuis presque sept ans et la police n'a toujours pas pu le trouver. Et puis la Team a changé de tactique... Je ne sais pas encore comment, mais...

Bah merde alors. T'chérie était pourtant leur spécialiste national de la Team Plasma... Il l'avait affrontée alors qu'il n'était pas plus haut que trois pommes, même si Black et White avaient fait le gros du boulot, selon les rumeurs... Si quelqu'un était capable de percer leurs tactiques à jour, c'était lui. Ou pas, apparemment.

Les mains de Watson, visible à l'écran, se crispèrent, et le champion prit une mine ombrageuse.

— Le Trio des Ombres ne s'est toujours pas manifesté, rappela-t-il. Eux seuls connaissent la cachette de Ghetis.
Shit, commenta Strykna. On la fixa. Elle sifflota.

Puis Tcheren prit une grande inspiration.

— La Team Plasma menait des expériences sur les Humains et les Pokémon. C'était une des raisons pour lesquelles ils souhaitaient mettre la main sur le Pointeau ADN.

Strykna n'était pas idiote. Elle prit seulement quelques secondes pour comprendre.

— Ils... fusionnaient les deux ? Mais c'est dégueulasse...
— Il y a eu de nombreux cas d'enlèvements, expliqua Carolina d'une petite voix. Auprès des familles plus fortunées, notamment...
— On se demande toujours si N était réellement humain, d'ailleurs, souffla Tcheren.
— ... témoignages de White...

Inezia était de nouveau intervenue. Et Strykna ne savait pas à quoi elle référait. Ça l'agaçait, mais elle était occupée à digérer l'information à comprendre exactement ce qu'avait été la Team Plasma... une abomination.

— Je pense que notre priorité devrait rester les élections parlementaires, tempéra Watson. Revenons à du concret. Nous devons parler à la presse, soutenir la société civile et nous mobiliser durant le temps qu'il nous reste avant les élections. La police peut se charger de neutraliser les Sbires. Nous n'avons pas les resources pour le faire à leur place. Qui vote pour ?

Artie. Inezia. Bardane. Carolina. Amana. Watson. Tcheren détourna le regard. Strykna leva les yeux au ciel et grommela.

— C'est de l'immobilisme, ce que vous proposez...

Mais personne ne lui répondit. Les champions se dispersèrent, chacun éteignant son écran. La coordination entre les villes se mettrait en place grâce aux maires et à la police. Leur rôle était fini.

Dès que Stryka eut raccroché, Artie se releva et sortit de la pièce. Il se colla à la baie vitrée du salon, Strykna à la traîne, observant Ondes-sur-mer de ses yeux malins, jugeant la ville. Strykna se doutait qu'il y cherchait des cachettes potentielles de la Team, des points faibles. Elle savait aussi qu'il n'y trouverait rien. Elle avait assez d'indics' pour savoir ce qui se passait dans son domaine.

— J'imagine qu'après ça, tu veux plus sortir ce soir, lança-t-elle avec une moue faussement irritée.
— Bravo Na-Na, tu me connais de fond en comble... rigola-il.
— Sois mignon et ne m'appelle pas comme ça.
— Malhonnête ! Je suis mignon en toutes circonstances !
— Pff.

Elle se vautra dans le canapé du salon, l'observant de loin, et se congratulant intérieurement d'aimer les filles. Son père avait eu du mal à l'accepter, ce con d'Capitaine, mais au moins Strykna n'était nullement attirée par Artie, qui faisait soupirer la totalité de la gente féminine et hétérosexuelle à travers Unys. Sans oublier les mecs homos. Bref.

— Bah si tu veux, on se fait de la bouffe from Johto et on reste à l'appart', proposa-t-elle d'un ton indifférent.
— Oh oui ! s'exclama le Champion avec une voix de petit gamin, en un éclair à ses genoux et la fixant avec des yeux étincelants. Mangeons sur le canapé et regardons Plus Pokémon la vie !
— Rah mais non, c'est shitty af cette série !

Il prit un air attristé avant de se reprendre.

— Mais non, mais non, c'est génial ! Allez, exauce la dernier vœu d'un jeune homme galant, qui rentre demain à Volucité affronter tout son travail en retard...
— Oh oui, il ne faudrait pas que le Chacripan d'une vieille mamie meure de déshydratation coincé dans un arbre... ricana Strykna, levant les yeux au ciel.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Il n'y pas d'arbre à Volucité !
— ... tu affirmes l'exact opposé à qui veut l'entendre à longueur de journée.
— Ah, mais c'est parce que je parle de notre Parc, expliqua-t-il avec fierté.

Strykna se leva, le repoussa, et alluma l'écran plasma—tiens tiens, Plasma encore... euh mauvais jeu de mot—lui tendant la télécommande.

— Je sens que je vais regretter cette décision.

Oui, elle allait regretter cette décision. Et pas que. Dans les prochains jours, les Champions feraient face aux conséquences de leur immobilisme. Et peut-être que Strykna ne serait pas entièrement seule à le maudire.

(Docteur, docteur)

Syd se retourna, en sueur, n’arrivant toujours pas à dormir. Il observa la chambre sombre et se redressa, traçant le contour des rideaux avec ses yeux d’ambre. Oscar ronflait légèrement. En creux de chaque sifflement palpitait le silence.

Lentement, le dresseur se pencha vers le pied de son lit et fouilla dans son portable dans la doublure de son grand sac. Il ferma les yeux, comme pour ne pas voir ses gestes, honteux. Mais quand la lumière bleutée de son téléphone inonda ses paupières tremblantes, il les rouvrit et appuya sur l’application internet. Alors, il tapa le nom qu’il s’était interdit de chercher dans la barre de recherche. « Nikolaï ».