Beautiful Killer de Star-Killer

Déjà l'après-midi, et ils n'étaient même pas encore partis. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'Armand Van Doren avait attendu midi pour se réveiller. Enfin, maintenant, ils étaient devant la route 7. C'était déjà ça de gagné.

- C'est habituel ces retards chez lui ? glissa Kieran à Colin alors qu'Armand rajustait correctement sa veste de costume.
- Oh, oui, il n'aime pas le matin. Il déteste le matin, même.
- Ca se comprend... soupira l'avocat.

Armand, désormais pourvu de deux mallettes - une supplémentaire avait été nécessaire pour transporter d'autres vêtements -, regarda ses trois accompagnateurs. Un sourire illumina son visage.

- Bon, je crois qu'on est prêts. Par chance, j'ai appris que la route 7 est bien moins longue que cette... abominable et dégoûtante route 6. Et elle est entretenue, en plus. Quel bonheur !
- J'espère qu'il ne parlera pas trop sur le chemin, je crois que j'aurais bien plus de mal à supporter... marmonna Jessie.
- Tu as dit quelque chose, très chère ? s'étonna le tueur à gages.
- ...fallait écouter...

Armand leva les yeux au ciel et observa consciencieusement la route qui n'avait, en effet, rien à envier à la route 6. Un chemin pavé destiné aux marcheurs avait récemment été construit, juste à droite de la zone goudronnée réservée aux véhicules. La végétation peu engageante de la route menant à Carmin-sur-Mer avait laissé place à des arbres grands et denses, ce qui donnait un côté plus ombragé et vivant à la route.

Les Pokémon y étaient aussi bien plus présents : de temps à autre, un Mystherbe jaillissait des buissons pour se faire courser par un Miaouss à l'air joueur. Il n'y avait pas de cours d'eau, mais un petit étang dans un coin, permettant aux Pokémon de s'abreuver sans avoir à parcourir des kilomètres. Colin et Jessie avaient l'air charmés par cette route.

- Ce sera parfait pour que Red se dégourdisse un peu les pattes ! sourit le médecin blond en sortant le Goupix qu'il avait secouru la veille.
- Oh, c'est pas possible, tu l'as vraiment gardé en plus... souffla Armand. T'es bien trop gentil.

Colin se contenta de soupirer et ignora la remarque de son ami. C'était à se demander comment il avait pu devenir son ami, d'ailleurs. Le Goupix, bien plus guilleret que la veille, trottinait quelques mètres devant les quatre compagnons de route, sursautant de temps à autre à la vue des quelques Magicarpe qui barbotaient dans l'étang.

Kieran discutait tranquillement avec Jessie, préférant éviter de s'interposer entre Armand et Colin. La jeune femme lui faisait part de sa passion pour les Pokémon ancestraux, et ce depuis qu'elle en avait reçu un à l'Académie.

- Ils sont fascinants, et avec la technologie de la société Devon, à Hoenn, les faire revivre est un jeu d'enfant !
- Oui, euh, à ce propos... Je crois qu'en réalité le premier centre de réanimation des fossiles se trouve à Cramois'Ile. Ce n'est qu'après que Devon à repris le concept... expliqua Kieran.

Jessie hocha la tête et un éclair de génie lui traversa l'esprit.

- Mais Cramois'Île c'est sur notre chemin !! Mais c'est GENIAL !

Armand et Colin, alertés par tout le bruit que Jessie faisait en s'exclamant de la sorte, se retournèrent. Même les Mystherbe qui couraient joyeusement depuis tout à l'heure la fixaient, la tête penchée sur le côté. Ils devaient la prendre pour une cinglée - ce qui semblait le cas à première vue.

- Euh... Je sais que tu as tendance à être très expressive, Jessie, mais tu pourrais peut-être nous expliquer... dit finalement Colin pour rompre le silence pesant.
- Kieran vient de m'expliquer que le premier centre de réanimation des fossiles ayant été crée... se trouve à Kanto !! A Cramois'Île, alors comme on y va... Ben je suis contente quoi.

Armand hocha la tête.

- Oh. Super. Maintenant, continuons notre route, ce serait dommage d'arriver en pleine nuit...
- A qui la faute... marmonna Colin en reprenant la marche.


- x -


- We only said goodbye with words, I died a hundred times...

Près d'une cinquantaine de minutes plus tard, Armand s'était mis à chanter Back to Black d'Amy Winehouse, au grand malheur de Colin, qui en avait vraiment marre.

- Kieran.
- Oui ? demanda celui-ci en se tournant vers le blond.
- C'est légal de le brûler vif en utilisant Red ?

L'homme aux yeux noisette fit mine de réfléchir.

- Hmm... Techniquement si c'est Red qui commet l'action, il est coupable, mais si c'est sur ton ordre, dans ce cas vous l'êtes autant l'un que l'autre. Pourquoi ?
- J'ignorais que la loi était aussi précise concernant les attaques par des Pokémon... souffla Colin.
- C'est une loi récente, elle date seulement de 2013, répondit Kieran avec un sourire.
- Ceci explique cela... Jessie !

La jeune femme, qui marchait bien un mètre devant les autres, se retourna à l'entente de son prénom.

- Oui ?
- On pourrait faire une pause, tu en penses quoi ?

Elle haussa les épaules et se tourna vers Armand.

- Toi, ton avis ?
- Hein ? Oh, euh, ouais, une pause ce serait cool.

Jessie hocha la tête et désigna un lieu. Une sorte de passage menant à la forêt qui bordait la route. Il y faisait nettement plus sombre, ce qui les rafraichirait sans doute un peu.

Ils s'installèrent sur des souches d'arbres coupés et des rochers pour souffler un peu. Colin en profita pour boire quelques gorgées d'eau.

- Qu'est-ce qu'il a, ton Goupix ? s'étonna Armand.
- Hein ?

Effectivement, Red, le Goupix de Colin, se comportait un peu bizarrement. Il contemplait fixement l'entrée du bois sombre, comme s'il y avait vu quelque chose. Le Pokémon tenta à plusieurs reprises d'utiliser son odorat, ce qui contribua à stresser le blond davantage. Histoire de l'achever complètement, le petit renard s'élança dans le bois sans prévenir.

- Mais... Red ! Merde... grommela Colin.
- Il a peut-être besoin de manger, souffla Kieran.
- Non, j'ai bien pensé à le nourrir avant de partir... Merde, c'est pas vrai...
- Colin.

Le blond sentit Armand poser sa main sur son épaule, pour le calmer. Il se tourna vers son ami, qui regardait vers le bois.

- On va aller le chercher, d'accord ? Il doit pas être bien loin... soupira le brun.
- O-ouais.

Colin se releva et, déterminé, s'engouffra le premier dans la forêt. Il ne parcourut que quelques mètres et déjà, sa silhouette s'estompait aux yeux de ses compagnons. Ils le suivirent et ne purent que constater l'atmosphère presque glauque qui régnait dans ce petit bois silencieux.

Les arbres étaient hauts et leur feuillage laissait à peine filtrer la lumière du soleil, ce qui n'aidait pas les quatre compagnons à se repérer dans cette sinistre forêt.

- C'est pas vrai... geignit Colin, paniqué.
- Ressaisis-toi, on va le retrouver ! Okay ?
- Ouais, je sais Jessie, mais quand même...

La jeune femme soupira et donna une tape amicale à son frère.

- Décidément, t'es bien trop sensible... Bon. Surtout ne nous séparons pas.
- Merci mais ça on s'en doutait ! sourit Armand.
- Je dis ça parce que si on se perd, moi je pourrai pas aider, j'ai pas le sens de l'orientation...

Armand haussa les épaules et continua à marcher tout droit.

- Goupix ! Saleté de renard, t'es où ?
- Je doute sérieusement de l'efficacité de cette méthode... marmonna Kieran en le suivant cependant.

D'un commun accord, les deux Marsden suivirent leurs compagnons à travers le dédale d'arbres. Difficile de se repérer dans une forêt aussi dense et sombre. Mais bon, il valait mieux ça que subir un Colin qui pleure pendant une semaine. Enfin peut-être.

Le groupe progressait dans la forêt, mais toujours aucun signe de la créature au pelage roux qu'ils cherchaient. Peut-être qu'il était déjà ressorti du bois, après tout.

- Je crois qu'on est arrivés de l'autre côté... observa Armand en se retournant vers les autres.

Colin s'étonna. Effectivement, un rai de lumière au sol indiquait la présence d'une source lumineuse non loin. Ce qui signifierait, au vu du trajet longiligne et sans aucun virage qu'ils avaient fait, qu'ils se trouvaient exactement de l'autre côté de la forêt.

- Eh bien ton Pokémon doit sans doute être dans le coin ! admit Jessie.
- J'espère bien... soupira Colin, sans grande conviction.

Ils sortirent sans peine du bois pour déboucher sur une vaste plaine. On pouvait apercevoir un grand manoir à quelques centaines de mètres à l'Est, ainsi qu'une ferme, plus proche mais du côté Ouest.

- C'est étonnant de voir que des gens vivent dans ce coin perdu... souffla Kieran, impressionné.
- J'aurais pas dit mieux ! Et je déteste la campagne, c'est bien ma veine... soupira Jessie en observant le manoir avec intérêt. Je me demande qui peut vivre aussi coupé du monde...

Comme pour répondre à sa question, une femme d'une trentaine d'années à peine, aux cheveux blonds coupés en un carré net, s'approcha du groupe, le Goupix de Colin dans les bras. Un majestueux Feunard au pelage visiblement très soigné marchait juste derrière celle qui semblait être sa maîtresse.

- Excusez-moi... Ce Pokémon est à vous ? Il a dû accourir en sentant l'odeur de Feunard, comme je me promenais dans la forêt...
- Oh ! s'exclama Colin, ravi de retrouver son Goupix. Merci mille fois, Mademoiselle !

La jeune femme secoua poliment la tête avant d'ajouter :

- Je suis mariée, ce sera donc Madame. Je m'appelle Béatrice Redshire.
- Colin Marsden, sourit le blond en serrant la main de la jeune femme. Voici mes amis et ma sœur. Jessie Marsden, Kieran Howard et Armand Van Doren. Excusez-le, il est amnésique, alors...

Mais Béatrice s'était déjà jetée dans les bras d'Armand, qui peinait à comprendre.

- Que...
- Armand ! Oh, ce que tu m'as manqué !

Kieran lança un regard interrogateur à Colin, qui ne comprenait pas la situation plus que l'avocat. Béatrice semblait connaître Armand, mais lui, en grand amnésique qu'il était, ne pouvait pas savoir grand chose.

- Euh, Madame, s'il vous plaît... Lâchez-moi, je ne vous connais pas.

Béatrice Redshire sembla s'être pris un parpaing sur la tête. Bon, elle était choquée, quoi.

- Mais... Armand, voyons ! Nous nous connaissons depuis l'enfance, on était toujours fourrés ensemble ! J'ai du mal à croire que tu aies oublié tout ça !
- ...je suis amnésique et vous m'étouffez... marmonna le brun en costume, non sans lancer un regard noir à la blonde.
- Oh, navrée !

Elle lâcha le pauvre jeune homme, qui soupira de soulagement. Au grand dam d'Armand, cependant, elle reprit bien vite sa bonne humeur. Colin semblait enthousiasmé par la présence de la jeune femme. Jessie et Kieran, cependant, maintenaient une certaine réserve vis à vis de cette étrange femme.

- Je sais pas toi, mais elle m'inspire pas, mais alors pas du tout confiance, chuchota Jessie.
- Eh bien effectivement, elle n'a pas l'air très nette. Je ne connais pas toutes les fréquentations d'Armand, mais ça semble étrange... Gardons un œil sur elle si elle tente quelque chose.

Jessie acquiesça et se tourna de nouveau vers Béatrice, qui plaisantait avec Colin.

- Mouais, faut être un extra-terrestre pour trouver Colin marrant...
- Hum, excusez-moi... mais vous semblez fatigués, que diriez-vous de passer la nuit chez moi ? proposa la blonde avec un sourire pincé.

Colin, totalement charmé par Béatrice, réagit au quart de tour.

- Ce sera avec plaisir !
- ...je te maudis... marmonna Armand.
- Ce sera l'occasion de ressasser le passé, Armand ! s'enthousiasma la blonde.

Jessie et Kieran se regardèrent, étonnés. Ils ne s'attendaient pas à ce qu'elle propose quoi que ce soit du genre.

- Bien, suivez-moi, je vis dans le manoir que vous pouvez voir là-bas. Allons-y, je suis certaine que mon cuisinier se fera une joie de vous préparer un festin.

Ils se mirent donc en route pour le manoir dans un silence pesant, traversant la plaine verdoyante qui s'étendait à perte de vue.


- x -


Le manoir était très impressionnant, tant de l'extérieur que de l'intérieur. S'étendant sur quatre étages au total, la bâtisse était peinte dans un blanc élégant qui reflétait le style de sa propriétaire. Un jardin impressionnant s'étendait à l'arrière, et une fontaine trônait en son centre.

A l'intérieur, les murs étaient d'un rouge qui offrait un joli contraste avec les meubles sculptés dans un bois de chêne. De nombreux tableaux et tapisseries ornaient les hauts murs de la salle à manger, où se trouvait une longue table pouvant bien accueillir une vingtaine de convives. Les chaises étaient équipées de coussins de velours rouge ornés de motifs dorés, ce qui renforçait l'atmosphère "chic" que ce lieu dégageait.

- Si je puis me permettre, Béatrice, où est votre mari ? demanda Armand, étonné de ne voir que des domestiques se presser dans la maison.
- Oh, il est... il est en voyage. Les affaires, vous savez ce que c'est... soupira la blonde.
- Vous ne souffrez pas trop de solitude ? s'inquiéta Colin.

Béatrice le rassura avec un sourire en lui assurant que non.

- J'organise souvent des réceptions ici, les gens du même milieu social que moi apprécient beaucoup ce genre de soirées.

Jessie et Kieran, un peu à l'écart du groupe, observaient le salon décoré de toutes sortes de choses. Des chandeliers massifs éclairaient la pièce, ce qui lui donnait une atmosphère presque mystique. L'homme aux cheveux noirs avisa l'énorme lustre qui pendait au plafond, retenu par une épaisse chaîne et orné de diverses babioles, comme des sortes de cristaux transparents.

- J'aurais presque peur de passer sous ce lustre ! Enfin, je suppose qu'il tient bien... souffla Jessie.
- Hm. Il y a beaucoup de décoration ici, c'est le moins qu'on puisse dire... Presque trop, en fait.

La jeune femme hocha la tête.

- Ces tableaux sont tous des faux, en plus... Moi qui espérais au moins trouver des œuvres originales historiques... soupira-t-elle, déçue.
- Ne te laisse pas distraire par son impressionnante demeure, on doit surveiller cette femme. Je suis quasiment certain qu'elle a de mauvaises intentions, rappela Kieran.
- Ouais, enfin... Avec le recul, je me dis que tout de même, on a pas la moindre preuve. Je ne connais pas Armand, et tu n'es impliqué avec lui que professionnellement. Quant à Colin... Il fait trop vite confiance aux gens.

Kieran hocha la tête et se retourna vers Armand, qui était maussade, en comparaison avec son attitude exaspérante habituelle. Il était debout contre une fenêtre, le coude appuyé contre le rebord et une main soutenant son visage. Il semblait étrangement pensif.

"Je ne la connais pas."

C'est ce qu'il se bornait à répéter intérieurement depuis qu'elle avait déclaré être une amie d'enfance. Ce sentiment de familiarité qu'il avait perçu en rencontrant Kieran était certes très faible, mais sa rencontre avec Béatrice ne lui avait pas fait la même impression. Il n'avait qu'à se fier à son intuition, après tout. Et là, elle lui hurlait de ne pas faire confiance à cette inconnue.

"Mais d'un côté, j'aimerais bien lui soutirer des informations. Peut-être que je ne la connais pas, mais elle... Elle pourrait très bien savoir des choses à mon sujet."

Détournant les yeux, il posa son regard sur Béatrice, qui discutait à présent avec Jessie. De décoration intérieure, sans doute, au vu des gestes démonstratifs que la brune faisait. Trouvant la chaleur soudainement oppressante, il desserra son nœud de cravate et se redressa complètement. Puis il alla rejoindre les deux femmes.

- Béatrice...

Laquelle se retourna, un souriré béat sur les lèvres. Armand sourit. Bien, apparemment, ça s'annonçait bien plus facile que prévu, si son charme ne la laissait pas indifférente.

- Qu'y a-t-il, Armand ? Aurais-tu besoin de quelque chose ?
- Non, en fait...

Il eut un sourire en coin. Il devait admettre que la voir se plier en quatre pour lui de cette manière était assez plaisant.

- J'aimerais savoir si vous avez des informations à mon sujet... étant donné que nous sommes censés être "amis d'enfance"...

Il avait bien mis l'accent sur les deux derniers mots, pour être certain que son interlocutrice sente le doute. Elle ne laissa rien paraître cependant et se contenta de baragouiner une réponse :

- On en discutera au dîner, veux-tu ?


- x -


Malgré le nombre impressionnant de pièces et de livres dans le manoir, Armand s'était ennuyé ferme durant ces quelques heures entre leur arrivée dans la demeure et l'heure du dîner. Il s'était contenté de fixer l'extérieur depuis une fenêtre, l'air rêveur.

Il était à présent installé à la longue table de la salle à manger, juste en face de Béatrice.

"Elle est amoureuse de moi, ou quoi ? Si j'étais son mari, je flipperais un peu, elle est glauque..."

Trois domestiques bâtis comme des gorilles arrivèrent, apportant le repas sur des chariots de métal grisâtres. En observant le contenu de l'assiette, Colin s'étonna. Il avait l'habitude de manger au moins deux fois ce qu'il voyait dedans : un fagot de haricots verts, quelques fines tranches de poisson blanc et un œuf.

- Eh bien, Madame Redshire, vous avez un appétit d'oiseau...
- Oui, je suis... je suis en plein régime, ces kilos en trop me perturbent.

Armand et Kieran levèrent les yeux au ciel, presque de manière synchronisée. Béatrice était loin d'être en surpoids, elle était même fine.

"Les femmes alors..." songea Armand.

Colin et Jessie mangeaient de bon cœur, la nourriture étant très alléchante. Voyant que Kieran hésitait à manger, Béatrice l'y encouragea.

- Mangez, Monsieur Howard, c'est très sain pour la santé. Vous dormirez mieux avec le ventre plein, ainsi ces vilains cernes disparaîtront complètement !

L'avocat lança un regard méfiant à la jeune femme puis commença à manger. Armand dégustait lui aussi ce maigre repas, qui était, il devait l'avouer, meilleur que les sandwiches de ces deux derniers jours. Un bruit métallique attira son attention : Colin avait lâché sa fourchette qui était retombée dans l'assiette, et était maintenant assommé, la tête sur la table.

- Qu'est-ce que... cria Jessie, alarmée. Qu'avez-vous fait à mon fr...

Sans plus de cérémonie, la jeune femme brune subit le même sort que son frère et laissa son couteau pointu tomber à terre.

"Merde... C'est quoi cette histoire ? On s'est fait avoir, là..."

Le tueur à gages se tourna vers Kieran, dont le visage était devenu encore plus livide qu'à l'accoutumée. Il se tenait le ventre, comme si une envie de vomir lui tordait les entrailles.

- Hmpf... Béatrice, vous êtes cinglée...

La blonde ne s'offusqua pas du commentaire de son invité, trop occupée à regarder le pauvre Kieran s'écrouler à son tour, la tête dans l'assiette. Quelques miettes de nourriture parsemaient ses cheveux à présent. Armand serra les poings, non sans lancer un regard des plus froids à Béatrice, qui semblait se délecter du spectacle.

"Merde... Pourquoi je ne m'écroule pas ? Elle a sans doute prévu de me réserver un autre traitement..."

La propriétaire des lieux se leva et appela les trois domestiques qui avaient apporté le repas. D'un bref mouvement de tête, elle leur désigna les corps inertes de Colin, Jessie et Kieran. Elle s'approcha ensuite d'Armand, toujours figé sur sa chaise.

Les yeux du jeune homme, d'un bleu très pâle, se plantèrent dans ceux verts de Béatrice.

- Que ton regard est froid... soupira-t-elle en se plaçant juste derrière lui.

Il ne répondit rien. Le couteau qu'il venait de placer dans sa manche, de telle sorte qu'il pourrait se débarrasser d'elle, était froid sur la peau de son bras, ce qui lui arracha un frisson. Béatrice passa sa main dans les cheveux courts du tueur et lui murmura à l'oreille :

- Je tiendrai ma promesse. Tu auras les informations demandées. Cependant je m'attends à une contrepartie...

Un sourire en coin étira les lèvres du brun.

"Quelle salope, alors... Tout ça pour me mettre dans son lit..."

Béatrice lâcha les cheveux d'Armand et elle lui fit signe de se lever pour la suivre. Bien, il allait faire ça dans les règles de l'art, alors. Après tout, quand on peut commettre un beau meurtre...

Elle l'emmena jusqu'au deuxième étage, où se situait sa chambre. Elle le plaqua contre l'un des murs du couloir pour l'embrasser sans la moindre délicatesse. Il plissa les yeux.

"Rappelle-toi de te brosser les dents en sortant d'ici, Van Doren..."

Tout en l'embrassant, elle desserra la cravate d'Armand et retira l'un des boutons de sa chemise. Elle s'éloigna de ses lèvres pour l'embrasser dans le cou. Il sourit.

"Très bien, elle veut jouer... Je suis très patient, Redshire, ne t'inquiète pas pour ça..."

Armand l'empoigna par les épaules pour l'éloigner de lui. Elle lui lança un regard interrogateur. Le jeune homme soupira et, d'un mouvement de tête, lui désigna la chambre.

- Oh, suis-je bête ! Ce n'est pas le bon endroit pour ça !

Elle se dirigea vers la chambre sans attendre son éventuel amant. Il soupira en voyant qu'elle était complètement éméchée, son carré droit et parfait partant dans tous les sens. Il la suivit dans la chambre et ferma la porte, un sourire mauvais aux lèvres. Elle n'arriverait pas à ses fins. Personne ne défiait Armand Van Doren sans en payer le prix.

Personne.