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Garous de GalloViking



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» Auteur : GalloViking - Voir le profil
» Créé le 15/06/2015 à 23:48
» Dernière mise à jour le 08/11/2015 à 18:08

» Mots-clés :   Présence d'armes   Présence de transformations ou de change   Région inventée   Science fiction

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Derniers soins (Sereina, 30 Mars)
Je m'étais réveillée ce matin, le corps meurtri après ma cavalcade de la veille. Il devait être dix heures d'après la position du soleil, malgré la présence de nuages. J'avais été déplacée sur un des lits de l'infirmerie lors de mon inconscience. Étrange, me dis-je, je m'attendais à être enfermée dans un lieu plus sécurisé après je que j'avais fait. Me levant enfin du lit où j'étais restée assise quelques minutes, je vis qu'une ration pour petit-déjeuner avait été déposée devant la porte... Cela voulait-il dire que... Oui, la porte avait été bien entendu fermée à clé. Dans un sens, cela me soulagea, je n'allais pas ressortir et risquer ma vie d'une manière aussi ridicule que la veille. Le souvenir du cadavre déchiqueté du Dimoret me revint brutalement en mémoire et manqua de me faire vomir à nouveau. Il était mort à cause de moi. J'aurais dû mourir, pas lui. Il avait tout calculé pour me tuer, j'avais mordu à l'hameçon, il avait gagné. Pourquoi avais-je survécu ? Parce que j'étais incroyablement chanceuse, voilà tout. J'aurais dû mourir, comme tellement de fois avant... J'aurais dû mourir. Je ne méritais pas de vivre. J'avais pris la vie de trop de personnes à cause de ma naïveté et de ma faiblesse.

Une larme coula le long de joue. Après avoir lentement coulé le long de la fourrure, elle arriva à mon menton, et resta suspendue. Pourquoi étais-je encore en vie après toutes, mes erreurs, avec ma faiblesse ? C'était injuste. Si j'avais été plus forte, le Sujet 18J aurait survécu à son attaque cardiaque. Je n'aurais jamais dû me montrer à André Cide, le scientifique qui avait perdu la raison en me voyant, et avait provoqué le carnage au laboratoire. Je n'aurais jamais dû me rendre, à l'hôpital. Cela aurait sauvé la vie de l'équipage d'Hilmar. Je n'aurais jamais dû laisser le pilote blessé se faire emmener, j'aurais dû faire quelque chose. Je n'aurais jamais dû évoluer. J'aurais dû mourir, allongée dans la neige, pour le bien de tous. Non, j'aurais dû être euthanasiée comme ma geôlière me l'avait dit. Rien de tout cela ne serait arrivé ! Mourir. Ce mot s'était ancré dans mon esprit comme une épine dans le pied. Je commençais à perdre la tête, je le savais, mais je ne pouvais rien y faire. C'était plus fort que moi. Ce sentiment d'être coupable... D'être coupable de vivre.

La larme accrochée à mon menton fut rejointe par une autre. Elles ne firent plus qu'une, et elle finit par céder. Lors de sa chute, le temps sembla se suspendre. Une éternité se passa avant que le * ploc * ne se fasse entendre. Alors, quelque chose se passa en moi. Mon corps sembla reprendre le contrôle. La tristesse et le désespoir laissèrent place à la détermination. Oui, j'allais mourir. Mais je n'allais pas mourir sans me battre avant. J'étais faible et trouillarde, c'était une chose. Mais ce n'était pas une raison. Toutes ces personnes avaient prolongé ma vie qu'ils le veuillent ou non, et c'était encore plus lâche de mourir en ignorant tous ces sacrifices. Si je voulais devenir plus forte, il fallait juste que je le veuille vraiment. Luka l'avait dit : je suis une Garou. Je suis techniquement un Pokémon. Je suis de type Psy, et j'ai déjà, même sans le vouloir, réussi à utiliser les pouvoirs de mon type. Si j'arrivais à les utiliser à ma guise, alors je serais vraiment forte. Assez forte pour faire comprendre aux humains que les Garous ne sont pas que des monstres ou des armes humaines, mais des êtres vivants qui ont le droit de penser et d'agir comme ils le souhaitent, et pas simplement d'obéir à telle ou telle armée. J'étais libre, et j'allais le prouver !

Je m'approchai de la porte. De l'autre côté, j'entendais une respiration régulière, quelqu'un était réveillé et gardait l'infirmerie, pas question de sortir par là. Car oui, j'allais sortir, et ne jamais revenir. J'allais suivre ma propre voie et faire ce que je trouvais juste, au lieu de bêtement obéir. Utilisant mes griffes, j'enlevai le symbole « AR » qui avait été cousu à la hâte sur la tenue. Tenue que je gardai parce qu'elle était très pratique, et pas pour une autre raison. Après avoir fait le tour des étagères, je remplis mon sac de ce que je trouvai vital, je mis la ration dans une poche de ma veste avant de regarder la fenêtre. Hier, elle était ouverte, peut-être l'était-elle encore ? Tournant lentement le poignet pour ne pas faire de bruit, je fus soulagée de voir qu'elle n'avait pas été condamnée. Lorsque je sortis après avoir vérifié que j'étais seule, quelque chose à propos de la météo me dérangea. Le ciel était couvert de nuages noirs, et il allait grêler. La neige ne me dérangeait pas, mais la grêle, qui s'annonçait violente, me rendit anxieuse. Alors que je traversais à pas de velours la cour intérieure du Lycée, je me dis que je pouvais juste m'abriter dans un bâtiment qui avait encore un toit...

J'avais prévu de me rendre directement sur le front., sur le pont, malgré la peur qui me tenaillait. Mon rôle était de sauver des vies, pas d'attendre enfermée dans une infirmerie. Ils devaient déjà être au courant de ma présence au Lycée, non ? Peut-être ne savaient-ils pas encore ce que j'avais fait. Après avoir escaladé un arbre mort, je sautai par-dessus l'épais grillage recouvert de barbelés tranchants, me retrouvant non loin du parking. Sans vraiment avoir de raison particulière, je me mis en route vers le lieu de la fusillade. Il ne devait plus y avoir de Garous maintenant, le Colossinge et l'Aligatueur devaient avoir traversé le fleuve et ne reviendraient probablement jamais, de peur de perdre un autre membre. Les soldats devaient avoir repris confiance en eux maintenant qu'ils savaient qu'une balle de fusil tuait les Garous au même titre que les humains.

Après une dizaine de minutes de marche, j'arrivai non loin du cadavre, qui était toujours là. Il me semblait qu'il avait été déplacé – pour récupérer des effets personnels ou honorer sa mémoire, peut-être ? - et les quelques charognards s'enfuirent lorsqu'ils me virent. Que faisais-je là ? Je ne savais pas tellement. Peut-être que j'étais seulement venue pour dire adieu à un membre de ma race... Son poignard avait disparu, sans doute emporté par ses deux partenaires. En revanche, je vis qu'il avait toujours un holster attaché à sa poitrine, ou du moins ce qu'il en restait. Un pistolet à barillet se trouvait dedans, comme s'il attendait d'être ramassé. Ignorant l'odeur, je me penchai en avant, regardant l'arme... Je voulais être plus forte, mais avais-je besoin d'une arme pour cela ? Je me remis debout. Non, je n'avais pas besoin de ça. Après un dernier adieu aux Dimoret-Garou, je me mis en route vers le pont, en empruntant des rues délabrées, à l'abri des regards d'une quelconque patrouille.

Plus j'avançais, plus l'atmosphère se faisait oppressante. Les bâtiments entiers devenaient rares, voire inexistants. Il y avait de nombreux cratères d'obus, de douilles sur le sol et de débris effondrés. Pour ma rassurer, je touchai mon casque de médecin de combat. Je l'avais pris car je savais qu'il pouvait me sauver la vie, malgré la gêne procurée par mes oreilles. Lorsque je fus enfin en vue du pont, je compris pourquoi c'était un point stratégique.

Le pont était gigantesque. Il traversait bien entendu le fleuve, qui faisait presque 100 mètres d'épaisseur. Le pont en lui-même était assez large pour que quatre chars d'assaut puissent passer côte à côte. Deux gigantesques piliers soutenaient cette merveille architecturale, même si elle était en très mauvais état. Il n'allait pas s'effondrer, certes, mais il y avait de nombreux trous dessus, et une immense barricade avait été fabriquée à l'aide de débris au milieu du pont. De là où j'étais, loin à l'Ouest, sur la rive du fleuve, je voyais de nombreux soldats des deux armées qui stationnaient de chaque côté du tas de débris qui faisait bien quatre mètres de haut. L'Armée Régulière essayait de forcer le passage et de passer de l'autre côté, l'Armée Progressiste quant à elle était légèrement en retrait et empêchait les soldats de passer. Même séparés par le fleuve, des soldats essayaient de se tirer dessus d'une rive à l'autre. Les coups de feu, les explosions, les hurlements d'ordre étaient omniprésents. Je voyais des silhouettes qui s'agitaient dans tous les sens, des corps allongés qui ne bougeaient plus. Des flash lumineux trahissaient la position de tireurs embusqués dans des bâtiments ou derrière des débris. De temps en temps, un hurlement strident suivi d'une explosion se faisait entendre, trahissant un obus qui tombait. Tétanisée, je regardais l'enfer que j'avais en face de moi. Tout mon corps me demandait de fuir cet endroit. L'instinct de survie me hurlait de ne pas rester ici, de m'en aller avant d'être prise pour cible par un tireur plus attentif que les autres. Mais une voix dans on esprit me disait : « Non non non ! ». Mon corps se débloqua finalement et je pus me mettre à courir en direction du champ de bataille aussi vite que je pus, de manière à pouvoir m'abriter aussi vite que possible. Courant accroupie pour rester à l'abri des balles, j'entrais dans la zone dangereuse, et je n'allais pas faire marche arrière.

Un soldat de l'Armée Progressiste, caché derrière un pan de mur, non loin du pont, m'aperçut. Malgré la visière qui lui masquait le visage, je savais qu'il m'avait reconnue.

« Le toubib ? Ici ?! Hurla-t-il, pour se faire entendre. Je ne sais pas ce que vous foutez là, mais les blessés ont été emmenés plus loin, juste là-bas ! »

Il me désigna un bâtiment à moitié effondré. Et il m'ignora rapidement, pour recommencer à tirer. Sans me faire prier, je me dirigeai rapidement vers le bâtiment. Il s'agissait probablement d'un ancien magasin. Plusieurs nids de mitrailleuses avaient été installés à la hâte et de nombreux soldats étaient installés derrière des sacs de sable. L'un d'entre eux m'aperçut, vit mon casque, et comprit. Sans perdre de temps, il m'escorta jusqu'à une trappe blindée, l'ouvrit pour moi et je descendis aussi vite que je pus. Mes pieds n'étaient pas fait pour les échelles, mais cela ne me ralentit pas pour autant. J'avais des blessés à soigner. Après avoir traversé un petit couloir, j'arrivai devant une porte blindée et solidement fermée. Donnant quelques coups timides, je n'eus pas à attendre longtemps pour que quelqu'un m'ouvre la porte. Le soldat, ou plutôt l'officier qui venait de m'ouvrir, resta bouche bée.

« -Capitaine ! Cria-t-il enfin.
-Quoi encore ? Je suis occupé là !
-Je sais, mais c'est... C'est le Garou. »

Le Capitaine Charpentier, un homme brun bâti comme un bûcheron, le stéréotype du soldat inébranlable, apparut derrière le jeune officier. Il me dévisagea quelques secondes, avant d'afficher un grand sourire.

« Ils en auront mis du temps à nous envoyer le toubib ! Elle devrait être là depuis hier matin. »

J'avais peur de ne pas comprendre. Comment ça, hier matin ? Le Commandant avait-il refusé de son plein gré de m'envoyer au front ? En fait, fuir avait été une bonne idée. Je ne savais pas ce qu'ils avaient prévu de faire de moi au Lycée, et je ne voulais pas le savoir.

« Vous attendez quoi ? Me dit-il. On a beaucoup de blessés qui ont besoin d'aide. Alors faites votre boulot. »

Pas la peine de me le dire deux fois. Je suivis l'odeur particulière du sang à travers les couloirs de ce qui semblait être une très ancienne cave à vin. L'odeur me mena dans une vaste salle remplie de lit de camps, probablement l'endroit où les soldats dormaient. Il y avait plus d'une dizaine de soldats sans leur tenue, tous plus ou moins blessés. Lorsqu'ils m'aperçurent, je fus accueillie comme une divinité.

« -Les gars, les gars ! Cria quelqu'un. Le toubib qu'on nous avait promis depuis des mois est arrivé ! On est sauvés !
-Mais je rêve ou c'est un Pokémon ? Dit un autre.
-Ha, tu vois que je t'avais pas menti ! Garcier, tu me dois 20 Pokédollars !
-Tant qu'elle m'enlève la balle que j'ai dans les côtes, je me fous du reste, grogna un autre, toujours allongé. »

Pour le moment, il ne voyait en moi que celle qui allait les soigner. Ils n'étaient pas en mesure de faire les difficiles. Mettant mes lunettes de vision nocturne sous le regard ahuri des soldats, je fis rapidement le tour. Le soldat le plus mal en point était celui qui se plaignait d'avoir une balle dans les côtés. Lorsque je commençai à le soigner, au bout de quelques minutes, je vis que des soldats qui étaient en meilleur état étaient voulaient me prêter main-forte. Ils m'apportaient des linges humides, ils nettoyaient le sang qui coulait sur les dalles... L'état de l'homme était grave, mais j'avais déjà soigné pire. Alors, ne me laissant pas impressionner, j'injectai une dose de morphine au blessé allongé pour qu'il se calme, et j'entrepris de retirer la munition. Lorsque la munition fut sortie et tomba sur le sol dans un bruit métallique, tout le monde autour de moi exulta et me félicita. Effectivement, me dis-je, fière de moi. Dans cet enfer, il n'y avait ni Garous, ni humains, ni Pokémon. Il n'y avait que des survivants et des chanceux. Et mon devoir était de sauver le plus de monde possible. C'était cela, ma force.

« -Bordel de merde, grogna le soldat que je venais de soigner. Si je raconte un jour à ma femme et mes gosses que j'ai été sauvé dans une vieille cave à vins par un Pokémon qui portait des lunettes de vision nocturne... Vous croyez qu'ils vont me croire ?
-Calme-toi, répondit quelqu'un d'autre. Tu te fatigues pour rien. Tu ferais mieux de te reposer et de prier pour qu'ils te ramènent au Lycée au lieu de te renvoyer presto sur le pont.
-Ouais, t'as raison... Au fait toubib, je peux... Je peux ravoir une dose de morphine ? Ça fait un mal fou, même sans la balle. »

Je n'allais pas refuser. Une autre seringue vidée, je regardai tout le monde autour de moi. Tous ces soldats avaient des blessures plus ou moins similaires. Des coupures causées par des fragments d'obus, des blessures par balle qui avaient fort heureusement traversé le corps sans rester coincées.

« -Ne vous imaginez rien, toubib, me dit un soldat. Tout le monde ici a eu de la chance de s'en sortir.
-Ouais, répondit lentement son voisin. On ne compte plus le nombre de soldats qui ont reçu les mêmes blessures que nous mais qui sont morts à cause d'une foutue infection, ou encore ceux qui n'ont même pas survécu dix secondes après avoir reçu une balle au mauvais endroit.
-Et combien d'entre eux seraient encore en vie s'ils avaient reçu des soins ? Même si les cas les plus graves sont souvent transportés au Lycée, ça ne change rien. Vous êtes un espoir pour nous, toubib. »

Toutes ces paroles me firent oublier mes soucis et me permirent de me concentrer sur les soins. Pendant des heures et des heures, je restai là, sans manger ni boire, à soigner l'un après l'autre tous ses soldats qui attendaient patiemment leur tour et qui faisaient de leur mieux pour m'aider. Quand les batteries de mes lunettes furent vides, l'un d'entre eux apporta une lanterne pour que je puisse continuer. Je remarquai quelque chose rapidement : l'air était vicié. Il y avait eu beaucoup trop de blessés ici et l'aération était bien entendu très mauvaise, ainsi les blessures s'infectaient beaucoup plus rapidement que normalement. Seulement, plus le temps passait, plus les soldats avec moi semblaient apprendre. Deux d'entre eux avaient même commencé à désinfecter les blessures de leurs camarades. Même s'ils étaient grossiers dans leurs soins, ils avaient le mérite de servir à quelque chose. Heureusement que j'avais pris énormément de tout ce qui servait aux premiers soins, me dis-je. Des rouleaux de bandage, des bouteilles de désinfectant... J'avais pris un maximum du minimum.

Le Capitaine Charpentier montra finalement le bout de son nez et poussa un sifflement d'admiration. Tout le monde en état se mit au garde-à-vous alors que je pus qu'agiter mes oreilles, ne sachant pas comment réagir.

« -Repos, les gars, dit-il. Nom de Dieu, cet endroit ressemble enfin à une vraie infirmerie et plus à l'antichambre de l'enfer !
-Remerciez le toubib, dit calmement le premier homme que j'avais soigné, et qui était toujours allongé. Je ne sais pas où vous l'avez trouvée, mais elle fait un boulot d'enfer.
-Quelque chose ne va pas, Capitaine ? Demanda quelqu'un.
-Pas vraiment, non... On m'a annoncé que la météo n'était pas bonne. J'espère qu'il ne va que neiger, la grêle serait une véritable catastrophe. »

La grêle, une catastrophe ? Pourquoi ? Ces soldats avaient des casques qui suffiraient largement à arrêter quelques grêlons, non ?

« -Vous me faites peur, Capitaine. La dernière fois qu'il a grêlé, on a eu combien de morts, déjà ?
-Pas loin d'une trentaine, soupira le Capitaine. »

Une sonnette d'alarme se déclencha en moi. Il allait grêler très bientôt. En fait, ma fourrure pressentait qu'il grêlait déjà, ce n'était qu'une question de minutes avant que la grêle n'atteigne le niveau du sol. Paniquée, j'essayai de faire comprendre au Capitaine que c'était urgent.

« -Qu'est-ce qui lui prend à elle ? S'étonna-t-il.
-Elle essaye de nous dire quelque chose, et ça a l'air urgent. Vous pensez que c'est à propos de la grêle ?
-Quoi ? Me demanda le Capitaine. Il va grêler ? Bientôt ? »

Je hochai furieusement la tête.

« Bon sang, il faut faire rentrer les gars ! Cria le Capitaine. Lieutenant, donnez l'ordre à tous les hommes de s'abriter, grêle tranchante en approche ! »

Bien entendu, cela fut plus fort que moi, je me sentis obligée d'aller aider, même si j'ignorais ce qu'était cette « grêle tranchante ». Ignorant les soldats qui me demandaient de revenir, je sortis aussi vite que possible du bunker aménagé. Même si beaucoup de soldats revenaient s'abriter dans les décombres qui possédaient encore un toit, d'autres semblaient ne pas vouloir abandonner leur poste, ou étaient trop loin, sur le pont. Levant les yeux vers le ciel, je compris pourquoi cette grêle était crainte.

Des centaines de milliers de morceaux de glace tombaient du ciel. Tous ces grêlons avaient la forme, et surtout la taille d'un gros poignard. Je ne savais pas comment une telle météo pouvait exister, mais le danger était bien là. J'étais horrifiée. Il pleuvait des couteaux. Avant même que le premier grêlon n'atteigne le sol, je m'étais recroquevillée sur moi-même, tétanisée, au milieu d'une zone découverte. Alors, le vacarme assourdissant de la glace qui se brise commença. Bizarrement, au milieu des hurlements de douleur et du bruit que faisaient les grêlons sur les pavés, aucun ne m'atteignit. Je compris rapidement pourquoi : instinctivement, j'avais formé un large bouclier presque invisible au-dessus de moi, qui agissait comme un parapluie indestructible. Combien de temps allait-il durer, je ne savais pas. Mais je devais aider le plus de monde possible. Au milieu du chaos total, même si je ne voyais pas grand-chose, je sentais très clairement l'énergie vitale de nombreux soldats pris par surprise. Lorsque je courais un danger, mes pouvoirs se réveillaient enfin. Si seulement je pouvais les utiliser à ma guise ! Je fis de mon mieux pour me diriger vers les soldats en détresse, et ils comprirent rapidement que j'étais là pour eux. Avec leur aide, je pus faire plusieurs voyages, marchant dans la glace pilée, ignorant la douleur. Ils soulevèrent leurs camarades blessés, les aidèrent à s'abriter sous ma protection. Je ne comptais plus le nombre de soldats que j'avais réussi à amener à l'abri comme cela. Autour de moi, je sentais des vies s'éteindre, comme des flammes, et cela ne fit qu'accentuer ma volonté. Sans relâche, pendant peut-être une heure, je continuai, jusqu'à ce que je ne sente plus rien. Ma protection tenait bon, et, alors que je pensais que tout le monde qui pouvait encore être sauvé était en sécurité, je sentis une dernière personne qui avait besoin d'aide. Loin, sur le pont, juste à côté de la grande barricade.

Je me dirigeai vers elle aussi vite que possible, manquant plusieurs fois de trébucher. Des fragments de glace s'enfonçaient sous mes pieds nus, mais cela ne m'arrêta pas pour autant. J'avançais toujours sur le pont, lorsque je vis compris de qui il s'agissait. Un soldat de l'Armée Régulière avait profité de la confusion pour passer par-dessus la barricade, et avait roulé de l'autre côté. À moitié mort, il était allongé sur le ventre et avait le dos transpercé de toute part par des couteaux de givre. Il respirait à peine, mais il était encore en vie. Il avait eu de la chance : seulement deux mètres à sa droite, il y avait un large trou. S'il avait mal calculé, il serait tombé dedans et serait probablement mort noyé, plusieurs dizaines de mètres plus bas...

Je me penchai à côté de lui, le prenant par les bras pour le traîner. Il était à l'abri, avec moi, et c'était tout ce qui comptait à mes yeux. Malgré toutes ses blessures, il parvint à bouger un peu. Je le retournai sur le ventre, après avoir retiré tous les morceaux de glace qu'il avait dans le dos... Et j'aperçus Jeff. Jeff, l'ami d'Isadore. Il me reconnut aussi. Trop faible pour parler, je le vis plonger lentement la main dans une large poche de son pantalon. Je préférai ne pas le déranger... Son état était bien entendu grave, mais il était stable. Quelques bandages, un peu de repos, il serait sur pieds. Aucun grêlon n'avait touché un point important, grâce à l'épaisseur de sa tenue de combat.

Avec horreur, je vis ce qu'il avait dans la poche. Trop fatiguée pour réagir à temps, je le vis porter la deuxième main à la grenade à manche qu'il tenait. L'embout était déjà débouché. Utilisant ses dernières forces, il tira un coup sec sur la corde. Je ne comprenais pas. Je venais de te sauver la vie! Une seconde. S'ôter la vie pour prendre la mienne avec ? Pourquoi ?! Deux secondes. Je devais faire quelque chose, et vite ! Trois secondes. Il refusait de lâcher la grenade, et je ne pouvais plus fuir. Quatre secondes. Je n'allais pas mourir. Hors de question. J'allais survivre, et vivre un autre jour. Je sautai dans le trou qui se trouvait juste à côté de moi. Cinq secondes.

Alors que je tombais vers les eaux noires du fleuve, je vis l'explosion, au-dessus de moi, qui créa un énième trou sur le pont... Un nombre incroyable de pensées affluèrent en moi. Il s'agissait de Jeff. Jeff était un homme bon. Ami d'Isadore, il avait aussi été mon ami, les rares moments où j'avais été en sa compagnie. Alors, pourquoi ? La dernière chose que j'avais vue de lui était un regard empli de tristesse. N'avait-il pas eu le choix ? L'ordre avait-il été donné à tous les soldats de l'Armée Régulière de me tuer ? Peut-être. Ce n'était pas de sa faute, et je ne lui en voulais pas. Même s'il ne s'était pas suicidé, il serait mort dans les mains de l'Armée Progressiste. L'Armée Régulière meurt mais ne se rend pas, avais-je entendu quelque part. La grenade avait tout simplement été plus rapide.

Je m'écrasai à la surface de l'eau avec tellement de force que je disparus en un instant sous les flots. Et pour la première fois de ma vie, j'eus froid. Ma fourrure épongea l'eau gelée à une vitesse alarmante, et, quelques secondes plus tard, je coulai, trop lourde et trop faible pour pouvoir remonter à la surface. Alors que le courant m'emportait, mes larmes se mêlaient à l'eau noire. Des larmes de tristesse. La tristesse de mourir alors que j'avais encore tellement de choses à accomplir. De décevoir toutes ces personnes qui attendaient mon retour. De ne pas pouvoir tenir la promesse que j'avais faite à Miyu. De ne pas voir la fin de la guerre. De disparaître, en l'espace de quelques secondes, sans même pouvoir dire au revoir. Une larme de bonheur coula et disparut instantanément dans la tombe aqueuse autour de moi. Je n'allais pas mourir seule, cette fois-ci. De nombreuses personnes allaient se souvenir de moi.

Le froid extrême sapa mes dernières forces. J'étais devenue incapable de réfléchir correctement, mes poumons me faisaient horriblement mal. Ironiquement, j'en étais arrivée à me demander si j'allais mourir en premier du froid ou du manque d'oxygène...