L'ombre d'une soeur de Cyrlight

Il faisait clair. Une lumière aveuglante brûlait les yeux de Morgane, même à travers ses paupières clauses. Quand elle décida de les entrouvrir, un fin rayon blanc vint heurter la sensibilité de ses pupilles. Par réflexe, elle les referma aussitôt. Etait-ce le fameux tunnel qu'elle voyait, celui qui devait la conduire à la mort ? Elle n'avait jamais cru à de telles histoires. Elle n'avait même pas peur.

Elle voulut bouger, mais elle ne commandait plus son corps. Elle semblait comme désincarnée. Elle n'éprouvait pas la moindre douleur, ni même la moindre sensation tout court. Elle avait l'impression d'être enveloppée dans un nuage de coton.

Au fur et à mesure que ses sens s'éveillaient, elle percevait de mieux en mieux son environnement. Non, elle n'était pas en train de mourir, sinon elle serait certainement dans l'incapacité d'user de ses pouvoirs. Soudain, un bruit rompit le silence. Elle n'y avait pas prêté la moindre attention, pourtant il l'agaçait déjà. Un bip régulier sonnait à son oreille.

- Morgane ? Vous m'entendez ? demanda soudain une voix féminine qui paraissait étrangement lointaine alors qu'elle était si proche. Essayez de faire un geste si c'est le cas.

Elle crispa ses paupières un instant, puis les relâcha. Apparemment, cela suffit à satisfaire son interlocutrice car elle poussa un soupir rassuré. A nouveau, la Championne entendit une série de son des plus particuliers, à croire qu'une personne pianotait sur un clavier électronique.

Elle se sentit soudain beaucoup moins bien. Elle éprouva une douleur cuisante à la jambe et sa tête semblait avoir été piétinée par un troupeau de Donphan. Quelle était cette soudaine souffrance ?

- Je suis désolée, mais il faut que je diminue la morphine. Vous devez être lucide lorsque l'agent Jenny viendra vous interroger.

La morphine ? L'agent Jenny ? Morgane prit sur elle d'ouvrir les yeux. La blancheur immaculée des lieux la picota au point de lui arracher des larmes, mais elle réussit à identifier l'endroit où elle se trouvait. Il s'agissait du Centre Pokémon.

Elle voulut parler, cependant aucune parole ne sortit de sa bouche. En fait, elle ne parvenait même pas à remuer les lèvres. Ses facultés psychiques, en revanche, revenaient en elle au même rythme que ses maux.

- Que se passe-t-il ?
- La police vous a trouvée dans la maison de votre mère avec l'artère de la jambe transpercée. S'ils n'étaient pas arrivés à temps, vous seriez morte d'une hémorragie.
- Ma mère... Comment va-t-elle ?
- Elle va s'en sortir. Elle a été blessée au flanc, néanmoins ce n'est qu'une plaie superficielle.

Une plaie superficielle ? Cela voulait donc dire qu'elle était parvenue à la soigner malgré sa faiblesse. Elle se sentit soudain plus sereine, même si elle avait du mal à accepter l'idée qu'elle ait pu poignarder sa génitrice. L'infirmière Joëlle -car c'était elle qui lui parlait- lui conseilla de se reposer un peu, précisant que l'agent Jenny n'allait désormais plus tarder.

La femme pénétra effectivement dans la salle une bonne demi-heure plus tard. Elle était apparemment venue dans les plus brefs délais après avoir appris le réveil de Morgane. Celle-ci avait toujours la tête un peu vaseuse, toutefois cela ne l'étonnait pas vu la quantité d'énergie qu'elle avait dépensé face à la pokémon de sa soeur.

- Vous sentez-vous en état de répondre à mes questions ? s'enquit la policière sans détour.
- Uniquement par télépathie.
- Morgause est morte il y a quinze ans. Vous le saviez. Tout le monde le savait. Pourquoi l'avoir accusée du meurtre de Jimmy Winster ?
- J'ai été victime d'une illusion. Quand elle était petite, elle avait une Feuforêve qui a disparu dans la nature peu de temps après sa mort. Elle est revenue l'autre soir et elle m'a plongée dans une sorte de réalité parallèle où elle a falsifié mes souvenirs. Dans ma tête, je faisais vraiment face à Morgause, alors qu'il ne s'agissait que d'un leurre.
- Que s'est-il passé dans la forêt après que vous vous soyez enfuie du commissariat ?
- Je l'ai traquée, toujours persuadée que je poursuivais ma jumelle. Elle m'a attirée jusqu'à la maison de mes parents où sa tromperie s'est brisée. Je me suis rappelée de tout. Je l'ai affrontée en combat car elle avait lancé un Requiem afin de nous éliminer, Alakazam et moi. J'ai réussi à la vaincre de justesse, grâce à une attaque Abîme qui a détruit la maison et qui a bien failli tous nous tuer.
- Que voulait cette Feuforêve, exactement ?
- Magirêve. Elle a évolué depuis lors. Elle souhaitait se venger de la mort de Morgause. Afin d'obtenir réparation, elle a tenté de me faire accuser de meurtre en assassinant cet enfant.
- Morgane...
- Oui, agent Jenny ?
- Puis-je me permettre de vous donner un conseil ?
- Allez-y, je vous en prie.
- Lors de l'audience face au juge devant lequel vous êtes appelée à comparaître d'ici la fin du mois, je vous suggère de plaider la folie.
- Pourquoi ça ? Je me sens beaucoup mieux dans ma tête, à présent. Et puis, de quelle audience parlez-vous ?
- Ce n'est pas cette... Magirêve qui a tué Jimmy Winster. Nous avons retrouvé des traces de votre ADN sur ce qui reste de son corps. C'est vous qui l'avez assassiné, Morgane.
- Non, ce... c'est impossible. J'étais sous l'emprise de cette illusion. Elle a dû m'y contraindre !
- Ce n'est pas à exclure, malheureusement vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez. Vous êtes accusée d'homicide volontaire et vous serez jugée pour ce crime, je suis désolée.

L'agent Jenny se leva sur ces paroles. Morgane ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. Elle... Une meurtrière ? Elle avait bien poignardé sa mère sous l'emprise de la haine que la pokémon lui insufflait, alors cela ne paraissait pas si étonnant, quand elle y réfléchissait bien.

Elle n'en revenait toutefois pas. Elle avait vécu quinze ans avec la mort de sa jumelle sur la conscience et voici que Magirêve était vraiment parvenue à faire d'elle ce qu'elle refusait d'admettre : un assassin. Elle avait beau ne pas être véritablement responsable de ses actes, qu'elle l'accepte ou non, elle était à présent la même chose que Morgause. Un monstre. L'ombre de sa soeur.