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De feu et de glace [Première version] de Lacrima



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» Auteur : Lacrima - Voir le profil
» Créé le 15/11/2014 à 23:57
» Dernière mise à jour le 01/12/2014 à 10:01

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Une famille contre un foyer
Le coeur battant à tout rompre, Arthur se jeta à plat ventre sous le pont de pierre tandis qu'au loin, les premiers signe de panique se firent ressentir.
Le visage couvert de sueur et de terre, il s'arrêta un instant pour pouvoir contempler le spectacle.
Des hommes et de femmes en effervescence couraient dans tous les sens, et la peur le lisait sur leurs visages.
Non loin de lui, l'un d'entre eux s'exclama :

« C'était prévisible ! La Devon SARL faisait beaucoup trop de bruit, on savait que ces types allaient venir nous mettre des bâtons dans les roues. Pourquoi n'ont-ils pas augmenté la sécurité ?! »

Avec un petit sourire fier, Arthur gonfla le torse.
Il y a quelques mois déjà, le conseil de Pacifiville s'était réuni. Si tout le monde s'accordait sur le fait que la situation ne pouvait plus durer, la majorité l'avait emportée et choisi de continuer à négocier pacifiquement avec ceux de la terre ferme.
Mais d'autres, sachant pertinemment que rien ne changerait pour eux, avaient décidé de remonter leurs manches et de faire passer un message beaucoup plus clair. Leur première action avait été de saboter l'arrivée d'eau d'une des usines qui polluaient le plus les courants le long desquels Pacifiville dérivait.
Lui et Sarah avaient bien failli se faire prendre, mais ils s'en étaient tirés de justesse grâce au Grahyena de celle-ci qui avait fait diversion. Ils étaient rentrés chez eux couverts d'éraflures et de bleus, mais satisfaits.

Jusqu'à ce que leurs dégâts soient réparés en quelques jours. Visiblement, le message était mal passé. Ils avaient donc continué à vandaliser comme ils le pouvaient mais sans oser s'attaquer à plus gros qu'eux.
Alors que leurs actes prenaient de plus en plus de d'ampleur, d'autres habitants du village avaient rejoint leurs rangs. Petit à petit, ils gagnaient en puissance et préparaient des coups de plus en plus osés.

Mais cette fois, c'était vraiment de l'inconscience.

« T'es complètement fou ! »

A côté de lui apparurent les yeux ronds d'un adolescent et d'un homme d'une quarantaine d'années. Arthur leur donna une tape amicale sur l'épaule et plaqua un paquet dans les bras du plus vieux. Tous les deux baissèrent les yeux vers l'emballage, et il répondit à leur interrogation muette.

« Le pack Devon. Ils travaillaient dessus depuis des mois, la pièce a été commandée par le chantier naval de Poivressel pour construire un nouveau Ferry. Inutile de dire que beaucoup d'argent a été investi dans ce petit paquet. »

Satisfait, il le tapota de la main comme s'il avait s'agit d'un Skitty.

« Il va falloir que j'aille rejoindre le groupe de Nénucrique. Si on arrive à bloquer l'ascenseur du centre commercial, on va marquer beaucoup de points. Occupez-vous de ce pack Devon : je veux le retrouver à Pacifiville ce soir. On avisera ensuite. »

Les deux autres acquiescèrent et disparurent dans le bois Clémenti sans demander leur reste. Non loin, les sirènes de la police se firent entendre et l'agent Jenny n'allait pas tarder à rappliquer. Arthur savoura une dernière fois la panique des employés de Devon avant de s'évanouir à son tour dans les fourrés.

* * * * *

« Encore cette bande de militants écolos ? »

Sumishi grommela et s'enfonça dans son siège, grignotant son stylo bleu du bout des dents en fixant la feuille blanche qui s'étalait devant elle.
A côté d'elle, le reste de l'expédition fixait la télévision d'un air songeur. Une femme aux étranges cheveux violets prit une gorgée de thé brûlant et se tourna vers Max.

« - Il faut avouer que ces types ont du cran. On raconte que la plupart d'entre eux viennent de Pacifiville mais leur mouvement prend de l'ampleur. La police en a choppé jusqu'à Merouville.
- Ils se font appeler la Team Aqua, je crois, dit un vieil homme plongé dans un gros livre. Des dégénérés.
- Leur cause est louable, Adrien. Nous aussi, on fait des folies pour réaliser nos rêves ! »

Sumishi avait levé les bras au plafond et affichait un sourire ravi. Les autres lui lancèrent un regard sceptique, et elle fit la moue.

« Je fais ce qu'on appelle remotiver les troupes, vous vous souvenez ? Allez, la pause est finie. Adrien et moi, on a un coup de téléphone important à passer. Courtney, Maximilien et Kevin, vous continuez à étudier ce fichu plancher océanique. Je veux mon feu vert avant le mois prochain. »

A ces mots, la jeune femme se leva et, accompagnée de son collègue quarantenaire, quitta la pièce en coup de vent.
Max serra les dents. Certes, il faisait partie de l'expédition maintenant. Mais elle n'avait aucun droit de lui parler comme ça et il décida de prendre quelques minutes de pause supplémentaires histoire de la contrarier.

Une fois que le calme était revenu dans la pièce, la dénommée Courtney se leva de sa chaise pour s'installer dans le fauteuil face à celui de Max. La pièce avait été décorée avec goût et il comprit que tout l'argent des mécènes ne partait pas dans le financement des recherches. Le cuir blanc du canapé se mariait à ravir avec la table basse en aluminium et l'écran plat de la télévision avait été traité pour ne présenter aucun reflet, même lorsque les rideaux brodés étaient tirés.
S'ils avaient de quoi se payer tout ça, nul doute que Max sortirait riche de ce partenariat.
Finalement, il allait peut-être se remettre au travail tout de suite. Sa thèse n'allait pas se financer toute seule.

« Maximilien, je peux vous dire quelque chose ? »

Il leva les yeux vers la femme aux cheveux violets, et l'invita à continuer du regard. A leurs côtés, Kevin observait attentivement la scène.

« - Je reçois des coups de fil depuis plusieurs semaines. Vous vous souvenez que c'est moi qui gère la comptabilité de l'expédition, n'est-ce pas ?
- Bien sûr. Des appels de quel genre, exactement ?
- Ils venaient de la part de nos mécènes. »

Aussitôt, une légère tension s'installa dans la salle. La moue qu'affichaient les deux jeunes gens de présageait rien de bon et Max haussa un sourcil interrogateur.

« - Qu'est-ce qu'ils disaient ?
- Ils prennent des nouvelles de l'expédition, et elle n'avance toujours pas. Plus de la moitié d'entre eux ont déjà arrêté de faire des dons et les autres menacent de les suspendre si nous n'avons pas bientôt des résultats. Je leur ai dit d'être patients, mais la vérité est que cette expédition dure déjà depuis trop longtemps.
- Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ?
- Qu'on a deux options. »

Elle se pencha en avant, l'air grave.

« Soit vous retournez à votre thèse avec l'argent qu'on pourra encore vous donner, ce qui signe la fin de notre expédition. »

Max fit la moue. Il n'aurait certainement pas de quoi faire entrer un volcan en éruption avec ça. Il attendit que Courtney reprenne sans rien dire.

« Soit on tente quelque chose d'autre. Kevin et moi avions une petite idée pour nous procurer de l'argent, mais Sumishi ne sera jamais d'accord et on ne pourra rien faire tous les deux. Vous vous en doutez, ça implique de prendre des risques. »

Il joignit ses mains sous son menton, à l'écoute. S'il pouvait se procurer de quoi finir sa thèse, alors ça en vaudrait la peine.

« - Je vous écoute.
- Kevin, dis lui à quoi tu as pensé.
- Eh bien, j'ai pensé à cette Team Aqua qui a volé le pack Devon. Vous avez une idée de combien la Devon SARL nous paierait pour récupérer le paquet ?
- Paquet que nous n'avons pas, si je ne m'abuse.
- Non, sourit Kevin. Et c'est là que ça devient intéressant. J'ai un ami qui fait partie de cette Team Aqua et qui pourrait m'aider à y entrer. Je vais faire un tour chez eux, je récupère des infos sur le pack et je le ramène ici. Avec moi, on sera au courant de tous les agissement des écolos et on pourra les arrêter avant la police. La récompense sera pour nous, et on ne dépendra plus de nos mécènes. »

Les deux jeunes gens attendirent avec appréhension la réaction de Max.
Lui même ne savait pas trop quoi en penser. Ce n'était peut-être pas une très bonne idée de se mettre les écolos à dos et se servir de leurs actions pour s'enrichir.
D'un autre côté, ces types avaient bien failli faire sauter une usine et mettaient en péril l'économie du pays, et donc leurs chances de mener à bien leur expédition.
Si les intentions de la Team Aqua étaient louables, nul doute qu'ils ne s'y prenaient pas de la meilleure façon qui soit.
Courtney l'interrompit dans sa réflexion et posa une feuille blanche sur la table.

« Voici tous les membres de l'expédition qui sont de notre côté. Nous sommes une petite quinzaine en tout, mais c'est suffisant pour le moment. L'idée est de s'opposer ouvertement aux écolos, les provoquer pour qu'ils viennent nous chercher. C'est le meilleur moyen de les faire tomber dans le panneau et de savoir où et quand ils vont frapper. Une fois qu'on les aura dans la poche, ce sera du gâteau. »

Kevin renchérit.

« Comment vous pensez qu'il régiront en apprenant que la Team Magma leur met des bâtons dans les roues ? »

* * * * *

« La Team Magma ? »

Vert de rage, Arthur fulminait. A côté de lui, un adolescent tout penaud tordait ses doigts nerveusement.

« C'est comme ça que se sont présentés les types qui ont récupéré le Pack, monsieur. »

A ses côtés, Sarah croisa les bras. Ses longs cheveux noirs étaient encore touts agités de son dernier raid et elle ne s'était pas encore débarrassée de la suie qui maculait ses bras et ses joues. Depuis le vol du pack Devon il y a trois semaines, la Team Aqua n'avait pas chômé ; ils négociant avec la Devon SARL pour une réduction des activités de leurs usines mais à chaque fois que l'arrangement était refusé par le directeur, un de ses entrepôt brûlait.
Il était sur le point de craquer, la Team ne lui donnait plus que deux jours avant de s'attaquer au chantier Naval de Poivressel et couler Le Marina avant même qu'il n'ait pu prendre la mer.
Ils s'étaient donnés beaucoup trop de mal pour que le paquet disparaisse à quelques jours de la victoire.

« Comment ces types ont-ils réussi à le récupérer ? Il était pourtant sous haute surveillance, non ? Non ?! »

Arthur posa sa main sur l'épaule de Sarah pour la rappeler au calme avant de retourner vers l'adolescent aux yeux noyés de larmes.

« - Quand ce paquet a été vu pour la dernière fois ?
- C'est Kevin qui devait s'en charger, monsieur. On avait mis en place un relais et je devais participer à un raid dans l'après midi. Mais j'ai entendu un gros bruit et, quand je suis revenu, ces types avaient battu Kevin et se sont enfuis avec le pack. J'ai essayé de les en empêcher, mais ils ont utilisé Vol avant que j'ai eu le temps de les atteindre. »

Le leader de la team croisa les bras et sonda les autres membres du regard. Certains semblaient aussi furieux que Sarah, d'autres simplement abattus.

« Est-ce que l'un d'entre vous sait où est ce Kevin ? » demanda-t-il aux autres.

L'homme qui était présent le jour du vol du pack Devon fit un pas en avant.

« Il était complètement sonné, et il est épuisé. Emi a décidé de s'occuper de lui avant qu'il ne puisse rentrer se reposer sur la terre ferme. C'est de là qu'il vient. »

Un léger sourire se dessina sur le visage d'Arthur. C'était bien le genre d'Emi. Nul doute que Kevin était entre de bonnes mains, et il devrait certainement déjà être sur pieds. Il gratifia l'adolescent apeuré d'une tape sur l'épaule avant de se retourner vers le reste du groupe.

« Vous voyez à quel point nous avons pris de l'ampleur ? Plus de la moitié d'entre nous vient de la terre ferme, nous avons des contacts de Nénucrique à Bourg en Vol. Chaque ville de Hoenn est sous notre surveillance. Si la Team Magma cherche à jouer les héros, il vont tomber sur un os, croyez moi. »

Des sourires carnassiers se dessinèrent dans l'assistance.

« Ils ont peut-être récupéré le pack, mais nous avons suffisamment fait pression sur eux pour être pris au sérieux. La pièce est peut-être déjà en possession du capitaine Poupe en ce moment et l'inauguration du ferry est prévue pour la semaine prochaine. »

L'un des sbires de la team leva le poing.

« Alors empêchons-le de quitter Poivressel ! »

Sarah hocha la tête négativement.

« - Ils s'y attendront, le port sera beaucoup trop surveillé. Le Ferry pourra de toutes façons quitter la terre ferme.
- Et c'est tant mieux, continua Arthur sur le même ton. Car la terre ferme, ce n'est pas notre fort. Par contre, nous connaissons la mer mieux que personne. Le ferry doit se rendre à Nénucrique ! Fit-il en haussant le ton pour captiver la foule. Faisons en sorte qu'il n'y arrive jamais. »

L'assistance rugit et les membres de la Team Aqua levèrent le poing à l'unisson. Sarah jeta un regard admiratif en direction d'Arthur.
Ils n'avaient pas eu tort de faire de lui le leader de leur rébellion. Il avait un don certain pour les mener à la victoire, et la perte du pack Devon aurait découragé n'importe qui d'autre.
Mais pas lui.

« Allez prévenir nos frères de la terre ferme. Nous devons être prêts à frapper le moment venu. »

Ils s'exécutèrent et bientôt, le petit entrepôt de pêche flottant qui leur servait maintenant de repère se vida. Sarah soupira longuement et passa sa main dans ses cheveux.

« - Incroyable. A ta place, je serais directement allée chercher ces fumiers de la Team Magma et leur aurait fait comprendre pourquoi il ne faut pas se frotter à nous.
- Patience, Sarah. Tu es trop impulsive. La Team Magma croit qu'elle a un point d'avance, mais ils ne pourront rien contre nous une fois que Le Marina sera en haute mer.
- Tu... tu comptes vraiment faire couler tous ces gens ? »

Arthur quitta son masque narquois pour prendre un air grave et planta ses yeux gris dans ceux bleus de la jeune femme.

« Un naufrage laisse des traces. Soit ils vont capituler et nous obéir une bonne fois pour toute après cette tragédie, soit ils feront de nous leur ennemi numéro un. Dans tous les cas, nous serons plus influents que jamais. »

Puis il s'apprêta à quitter l'entrepôt mais se retourna une dernière fois vers elle.

« Je ne compte pas régler ce problème en baignant dans le sang d'innocents. Prends la moitié de nos hommes avec toi et fais-en une équipe de sauvetage. Personne ne doit mourir. »

Puis il quitta les lieux d'un pas lent et décidé, prenant la direction du centre du village. La nuit était tranquille comme toujours, mais un vent de violence se mit à souffler sur Paciiville ce soir là. La nouvelle lune empêchait de voir a plus d'un mètre devant soi et Arthur remercia silencieusement les Mucioles du village qui tournaient haut dans le ciel. Seul le léger bourdonnement de leurs ailes et le clapotis des vagues noires se faisaient entendre.
Le coeur battant, Arthur se figea devant la cabane de sa grand-mère et frappa deux coups secs à la porte. C'est seulement après son geste qu'il entendit les nombreuses voix à l'intérieur, mais les volets fermés l'empêchèrent de jeter un œil dans le salon.
Finalement, un homme aussi haut que large vint lui ouvrir.

« Arthur. » dit-il simplement, avant de le laisser entrer dans le salon.

La vieille femme se trouvait en compagnie de tous les grands noms du village, et le conseil ainsi réuni s'installa autour de la table. Emi entra à son tour dans la pièce, l'air inquiète.

« - Je suis désolée Arthur, je voulais te prévenir mais ils sont arrivés avant toi et...
- Il suffit, Emi. Retourne dans ta chambre, maintenant. » trancha la vieille d'un ton dur.

L'adolescente obéit, les yeux noyés de larmes. Tout cela n'avait rien de bon et Arthur se tint sur ses gardes lorsqu'ils l'invitèrent à le rejoindre, préférant rester debout près de la porte. Grimaçant face à sa réaction, un femme hautaine qu'il reconnu comme la mère de Sarah s'adressa à lui la première.

« Tu serait idiot de croire que nous n'avons pas eu vent de vos activités. Tout le monde sait d'où vous venez, et des habitants de la terre ferme sont même venus jusqu'ici pour récupérer ce que vous avez volé, blessant un jeune homme. »

Elle se leva, l'air soudain furieuse.

« Je sais que tu profité de la faiblesse de ma fille et que tu l'as entraînée avec toi dans tes opérations criminelles toujours plus dangereuses ! Maintenant, à cause de toi, la moitié des nôtres risquent leur vie chaque jour dans des actes qui ne font que nous attirer les foudres de la terre ferme ! »

Un autre homme qu'Arthur reconnut comme l'ancêtre de leur village prit la parole à son tour.

« Tu veux sauver notre village, Arthur, mais tu nous mèneras à notre perte. Nous n'avons aucune envie que les autorités ne viennent fouiller nos maisons et nous arrêtent dans l'espoir d'obtenir des informations sur nos enfants. J'ai déjà parlé à mes deux fils, Arthur. Ils ne te suivront plus désormais. Il resteront à leur place, dans ce village. »

L'inquiétude d'Arthur se transforma en fureur lorsque les pièces du puzzle se mirent lentement en place. Un troisième individu à la barbe proéminente s'adressa à lui.

« Nous savons ce que vous préparez, la semaine prochaine. Et nous ne te laisseront pas faire. Le conseil a tranché. Dis-lui, Annie. »

La grand-mère d'Arthur se leva à son tour et un sanglot s'échappa de la chambre ouverte d'Emi alors que tous lui jetèrent des regards neutres.
Ils auraient pu avoir l'air tristes, haineux, furieux... mais ils se contentèrent de le transpercer d'un regard lointain et détaché.

« - Annie...
- Je suis désolée, mais tu ne nous as pas laissé le choix. Nous ne pouvons plus prendre le risque de te laisser entraîner les jeunes du village derrière toi comme tu le fais.
- La moitié d'entre eux sont plus vieux que moi ! S'offusqua-t-il. Ils agissent de leur plein gré, je ne les y ai jamais forcé ! Ils savent simplement ce qui est bon pour notre village !
- Non, ils ne le savent pas ! Ils ne le savent plus ! Ils l'ont oublié, Arthur ! Rugit la mère de Sarah. Tu as perverti leurs esprits confus et affaiblis par les derniers événements. Mais cette fois c'est terminé.
- Vous n'avez pas le droit... menaça-t-il d'un ton sourd en pointant son doigt vers elle. Pas après tout ce que j'ai fait pour vous, ni ce que je continue aujourd'hui à faire pour le bien de ce village.
- Arthur. »

Tous les regards se tournèrent vers Annie qui déglutit difficilement, peinant à rester de marbre.

« Au nom de Pacifiville, je te condamne à l'exil. Plus jamais tu ne fouleras les pontons de notre village, plus jamais tu ne partageras nos lits et nos repas. Retourne à la terre d'où tu viens, c'est là bas que la vie t'attends. »

La sentence le poignarda en plein coeur, et il en eut le souffle coupé. Ses yeux passèrent tour à tour sur les visages parfois durs, parfois désolés des membres du conseil, avant de s'arrêter sur celui d'Annie.
Celle qui l'avait élevé comme son propre fils, et qui maintenant le rejetait comme un moins que rien.

Un écoeurant goût de bile se répandit sur sa langue et ses mains se mirent à trembler violemment.
Les mots qui lui vinrent à l'esprit le déchirèrent avec tant de force qu'il manqua de se plier en deux.

C'est de ta faute si elle est partie. De ta faute !

Etait-il un si mauvais fils ?
Au moins, il avait enfin sa réponse.

C'était de sa faute.

A ses côtés, la mère de Sarah lui jeta un regard empli de mépris.

« Tu aurais dû servir de repas à ton maudit poisson, ce jour là. »

Il n'eut pas le temps de lever les yeux qu'un puissant coup sous leurs pieds secoua la maison. Un cri leur échappa et plusieurs d'entre eux tombèrent lourdement sur le plancher. Une nouvelle secousse fit tomber un plat en terre qui se brisa à côté d'Annie, s'accrochant du mieux qu'elle le pouvait au plan de travail de sa cuisine. Les yeux exorbités, elle se tourna vers Arthur.

« - Arthur, dis lui d'arrêter !
- Ce maudit pokémon va nous faire chavirer ! Cria le barbu.
- DE QUEL DROIT ?! »

Le cri qu'il venait de pousser réveilla certainement tout le village, et la maisonnette se mit à tanguer un peu plus fort.
Arthur inspira profondément.

« De quel droit me donnez-vous des ordres ? Je n'ai plus rien à voir avec vous... vous vous souvenez ? »

Il avait dit ça dans un murmure, et une latte du plancher se tordit dangereusement.

« Laisse, Sharpedo. Cette vielle folle finira bien par nourrir les Serpang un jour où l'autre. »

Aussitôt les coups cessèrent et un silence de mort s'abattit dans la cabane. Arthur s'approcha lentement de la porte, la tête basse.

« Annie, prends soin d'Emi pour moi. Bientôt, la pénurie ne sera plus qu'un mauvais souvenir. »

Lorsqu'il quitta le village, seul dans sa barque en bois au milieu de la nuit noire, un dernier cri de la mère de Sarah brisa le silence.

« Tu n'est qu'un dément, Arthur ! Puisse l'océan achever ce qu'il avait commencé il y a vingt ans !!! »