Rubis & Saphir - The Origins de Feather17

Précédemment : Sofian part en voyage dans Hoenn afin de devenir un champion d’arène. Il choisit Poussifeu chez le Professeur Seko, capture un Goélise à Clémenti-Ville et une Nirondelle blessée qu’il fait soigner à Mérouville afin de la ramener en pleine forme à sa famille dans le Bois Clémenti. Il rencontre Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon, qui capture un Tarsal et un Arcko. Flora rejoint le groupe avec son Gobou et son Chenipotte. Ils croisent à plusieurs reprises Jessie, James et Miaouss, trois dangereux membres de la Team Rocket en mission secrète à Hoenn. À plusieurs reprises, les trois amis viennent en aide à l’Entreprise Devon de Mérouville, attaquée par trois membres de la Team Aqua qui désirent s’emparer de leur tout nouveau Pokénav. Monsieur Rochard, le patron de l’Entreprise Devon, offre à Timmy un Pokénav afin de le remercier pour leur aide, et leur demande d’apporter une lettre confidentielle à son fils Pierre dans les îles Myokara ainsi qu’un colis au Capitaine Poupe à Poivressel. Pendant ce temps, Charlie, Stephen et Rowan enlèvent Picko, le vieux Goélise de Monsieur Marco, une célébrité à Hoenn, et veulent l’échanger contre des documents maritimes. Sofian, Flora et Timmy mettent en œuvre un plan afin de récupérer le pokémon de Monsieur Marco tout en évitant de donner les documents précieux. C’est ainsi que Sofian se retrouve bloqué dans le sous-marin de la Team Aqua qui a réussi à mettre la main sur les documents tout en gardant Picko en otage. Goélise évolue en Békipan et une de ses attaques détruit la coque du sous-marin. Alors que la Team Aqua s’enfuie du sous-marin à bord d’un minuscule vaisseau aquatique, Sofian se retrouve piégé dans l’engin qui coule en se remplissant d’eau de mer, seul avec son Békipan car Picko a disparu. La Team Aqua lance une grenade sur le bateau de pêche de Monsieur Marco avant de s’enfuir définitivement. Timmy pousse Flora à l’eau et Gobou plonge pour la retrouver tandis que lui-même plonge dans l’océan afin d’éviter l’explosion. Mais lorsque Timmy ressort de l’eau, le bateau n’est plus qu’un tas de décombres enflammés flottant sur l’océan. Plus de trace de Flora ni de Monsieur Marco et Timmy commence une crise de panique qui l’entraîne dans les profondeurs de l’océan.

Chenal 105

Il avait toujours été fasciné par les lois impressionnantes de la physique : pourquoi un objet qui tombait dans l’air mettait moins de temps pour toucher la surface de la terre plutôt qu’un objet qui coulait dans l’eau ? C’était un fait scientifique indéniable : dans l’eau, les mouvements étaient beaucoup plus lents et créaient cette sensation de liberté et de possibilité infinie. Un corps qui coulait entrait dans une danse artistique des plus magnifiques. Enfin, quand on était le spectateur d’un ballet aquatique. Car lorsqu’une crise de panique empêchait chacun de ses membres de bouger en les paralysant par la peur, la beauté du spectacle était difficile à percevoir.
Mais aussi étrange que cela pouvait paraître, malgré sa crise de panique, il n’avait pas peur. Son cerveau avait bloqué toute forme de peur de l’envahir, avait créé cette armure qui lui assurerait une mort digne et sans souffrance. Comme s’il avait été plongé dans un liquide glacial qui l’aurait congelé afin de préserver toutes ses fonctions vitales, son cerveau avait cessé de réfléchir. Et Timmy coulait, tout simplement.
Car il n’avait pas la force de remonter à la surface. Son sac à dos rempli d’eau le tirait vers le fond de l’océan. Il ne sentait plus ses pokéballs dans ses poches, comme si ses amis avaient pressenti le danger et s’étaient enfuis. La dernière fois qu’il s’était retrouvé à couler ainsi, il avait eu l’espoir que ses amis viennent l’aider. Mais aujourd’hui, il n’y aurait pas de pokémon sortant de nulle part pour le sauver. Tout était fini, et c’était mieux ainsi.
C’est alors que son corps toucha quelque chose de dur et lisse et un courant glacial lui congela chacun de ses muscles. La douleur était tellement intense qu’il en oublia la brûlure de son dos ou le manque d’air étouffant. Le froid polaire qui l’entourait lui glaça le sang et lutta pour ne pas perdre connaissance. Car s’évanouir dans l’eau signifierait la mort radicale. Ce fut sur cette dernière pensée que Timmy perdit connaissance.


Le ciel était parfaitement clair et épurée en ce début de matinée. Pas un nuage ne venait gêner la visibilité du Goélise qui se laissait planer au-dessus de l’océan. Cela faisait déjà quelques heures qu’il volait à la recherche d’une terre et s’il n’en trouvait pas une dans les minutes qui arrivaient, il allait devoir se poser sur les vagues pour se reposer, ce qui était assez dangereux pour un vieux pokémon tel que lui. Mais il savait qu’il arriverait à survivre une telle épreuve. Après tout, il en avait connu des pires. Tous les combats pokémons qu’il avait menés et gagné haut la patte, tous les kilomètres parcourus, tous les ennemis vaincus,... Et puis récemment, à peine quelques heures plus tôt, il avait réussi à s’extirper d’un sous-marin qui coulait à pic. Il n’y avait pas à dire, l’instinct de survie d’un pokémon était bien plus efficace que celui d’un être humain !
Son odorat détecta une odeur agréable qu’il eut du mal à reconnaître. Il ne l’avait sentie qu’une ou deux fois et seulement dans les jours qui avaient précédés, ce qui expliquait peut-être la raison pour laquelle il n’arrivait pas à reconnaître l’identité de cette odeur. Son instinct lui conseilla de suivre son odorat, et il vira de direction. Face à lui se trouvait une petite île au centre de laquelle se dressait une fière montagne. Le Goélise battit des ailes avec plus de vigueur et eut enfin une image concrète de ce que son odorat lui décrivait. Un jeune garçon reposait sur son ventre sur le sable fin de la plage. Il atterrit à ses côtés et, après l’avoir reconnu, lui béqueta le visage afin de le réveiller de son coma.
Timmy ouvrit subitement les yeux. À peine eut-il comprit qu’il était toujours en vie qu’il essaya de se lever. Mais ses membres souffraient d’une douleur indescriptible, comme s’il se réveillait d’un long coma qui les aurait atrophiés. La chaleur qui régnait sur la plage était étouffante. Cependant, il eut un frisson et son crâne était beaucoup trop frais par rapport à la température ambiante. Il se passa une main dans les cheveux et constata avec surprise qu’une fine pellicule de glace les recouvrait. Il lui fallut un certain temps pour regagner le contrôle de ses bras et jambes, et après quelques minutes, il put enfin se lever et tenir sur ses deux jambes instables.
Comment il avait survécu à sa noyade prédéterminée, il ne le savait pas, mais cela relevait du miracle. Il se souvint du froid polaire qui l’avait gagné dans les profondeurs de l’océan et se demanda si la glace qui se trouvait sur ses vêtements et sur sa peau était due à cet évènement mystérieux. C’est alors qu’il se rendit compte de la présence d’un très vieux Goélise à ses pieds.
– Picko ! dit-il de sa voix rauque.
Il se racla la gorge enflammée avant de s’agenouiller et de caresser le pokémon qu’il avait décidé de sauver la veille.
– Comment es-tu… ? Où est… ?
Si ses souvenirs étaient bons, aux dernières nouvelles, le Picko de Monsieur Marco était censé se retrouver au fond de l’océan, piégé dans un sous-marin en compagnie de son ami Sofian et menacé par la Team Aqua. Mais il se souvenait aussi que la Team Aqua avait quitté son sous-marin – cela signifiait-il qu’ils l’avaient fait couler avec Sofian à son bord ? Mais alors, pourquoi Picko se trouvait-il face à lui et où était Sofian ? – et avait lancé une grenade sur le bateau de Monsieur Marco. Et les images atroces des évènements de la veille lui revinrent directement en tête : la grenade dégoupillée, Flora poussée à l’eau, Monsieur Marco pétrifié face à la grenade, l’explosion dévastatrice et sa crise de panique quand il avait compris que le vieux pêcheur avait été réduit en cendre.
– Picko… Ton maître…
Mais il préféra ne pas lui avouer la vérité, en tout cas pas maintenant qu’il était naufragé sur une île qui paraissait déserte. Il allait avoir besoin de l’aide du Goélise et un pokémon dépressif ne pourrait pas l’aider à survivre. Il décida alors de lui mentir.
– Ton maître t’a cherché partout et on a dû se séparer. Mais je suis sûr qu’il va nous retrouver. Tu veux bien m’aider à…
Mais justement, aider à quoi ? Que pouvait-il bien faire maintenant qu’il était sur cette plage.
En comprenant à quel point il était perdu et sans la moindre idée de ce qu’il pouvait faire, son cœur se mit à battre plus rapidement dans sa poitrine et sa gorge se serra, résultant en une respiration saccadée. Sa crise de panique était de retour et il maudit sa maladie qui ne lui facilitait guère la tâche. Heureusement qu’il avait Tarsal pour l’aider à calmer sa crise. Timmy fourra sa main dans sa poche… mais elle était vide ! Les pulsations de son cœur accélérèrent dans sa poitrine en constatant que ses pokéballs ne se trouvaient pas non plus dans son sac à dos.
Mais il fut heureux de retrouver tous ses précieux objets au fond de son sac, emballé précieusement dans un sachet plastique et intacts. S’il n’avait aucune idée de l’endroit où se trouvaient ses amis, il pouvait toujours rechercher l’endroit où lui-même se trouvait. Peut-être cette partie de l’île était déserte et que la civilisation se trouvait un peu plus loin le long de la plage. Timmy alluma son Pokénav et constata avec effroi que le point qui indiquait sa localisation se trouvait au beau milieu du Chenal 105.
Il était donc seul, en compagnie d’un pokémon qui était supposé être au fond d’un sous-marin, perdu au milieu de l’océan sur une île inexistante, miraculeusement sauvé d’une noyade inévitable. Voilà, il avait toutes les informations nécessaires pour en tirer une conclusion :
– Alors c’est à ça que ressemble la mort ?


Afin d’apaiser sa crise d’angoisse, Timmy s’était allongé sur le sable chaud et essayait de contrôler sa respiration saccadée. Il lui fallut au moins une heure pour arriver à se calmer, mais la position dans laquelle il se trouvait était beaucoup plus confortable que de rester debout sans savoir que faire. Et puis, à quoi bon essayer de visiter une île qui n’existait même pas. Surtout qu’il était presque certain qu’il était passé dans le monde des morts. Il était vrai qu’il avait toujours imaginé son paradis comme une île déserte, calme et chaleureuse où personne ne viendrait le déranger. A croire qu’il l’avait enfin trouvé, son paradis. C’est ainsi qu’il resta couché sur le sable chaud toute la journée, mentalement inapte à réfléchir à autre chose que sa propre mort.
Picko était parti de son plein gré en mission de repérage depuis des heures et n’avait plus donné de signe de vie. Il devait sûrement être le produit de l’imagination de Timmy. Après tout, Picko était supposé être au fond de l’océan à côté du cadavre de son ami Sofian. Oui, Picko n’avait été qu’un délire qu’il s’était créé afin de pénétrer plus facilement au paradis, il en était certain.
De plus, il n’avait ni sommeil, ni faim, ni soif. Malgré le fait qu’il n’avait plus rien avalé depuis près de vingt-quatre heures, il ne ressentait pas ce besoin primaire de se nourrir ou de s’abreuver, ou même de fermer les yeux. Il était mort, point final.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, la nuit était déjà tombée sur la plage. Comment n’avait-il pas pu remarquer que la journée était terminée ? C’était comme si la lune avait remplacé le soleil en un clignement d’yeux. Bah, ce n’était pas si important finalement. Le plus étrange était le froid hivernal qui lui brûlait la peau. Était-ce cela l’enfer ? Il l’avait toujours imaginé comme un endroit torride, où de gigantesques flammes calcinaient chaque être des enfers. Mais peut-être que c’était dans le froid que la souffrance régnait en maître. Journée sur une plage paradisiaque, nuit dans un climat infernal. Et si la mort n’était qu’un simple cycle continu entre le paradis et l’enfer ?
Timmy était toujours seul et toujours vide de sentiment. Et ces bruits effrayants qui émanaient de la forêt lugubre derrière lui. Une chose était sûre, pour rien au monde il n’irait mettre un pied dans cette forêt. De toute façon, il n’avait aucune raison de quitter la plage…
Quelque chose attira son attention dans le ciel, quelque chose d’assez surprenant pour lui donner pour la première fois de la journée l’envie de bouger. Timmy se redressa fébrilement, grelottant de tous ses membres, et plissa les yeux pour analyser l’objet qui flottait comme par magie dans les airs. C’était comme un ballon, un énorme ballon attaché à une grosse boîte. Ou plutôt une nacelle. Oui, un ballon et une nacelle. Une montgolfière en gros…
Et les neurones de Timmy se mirent à fonctionner de nouveau.
– La Team Rocket ! s’écria-t-il.
Comment cette bande de malfrats pouvaient-ils être ici ? Cela signifiait-il qu’ils étaient morts ? Mais cela était improbable ! Les pulsations de son cœur augmentèrent de vitesse à nouveau et apportèrent une dose d’adrénaline qui lui remit les idées en place. La peur qu’il ressentait à nouveau ne pouvait signifier qu’une seule chose : étant un instinct primaire de survie, cela voulait dire qu’il était bel et bien vivant. Timmy bondit de joie en se rendant compte de sa stupidité. Il était vivant ! Enfin, plus pour longtemps s’il laissait la Team Rocket le trouver ! Mais où fuir étant donné que la plage ne le cacherait pas du danger.
Timmy se tourna vers le seul endroit où il avait quelques chances de ne pas être repéré par les malfrats : la forêt lugubre. Serrant les poings, il décida qu’il valait mieux lutter contre des pokémons dangereux plutôt que contre des humains criminels et s’enfuit dans la forêt en toute hâte.


La forêt n’était pas un endroit si effrayant finalement. A part les quelques pokémons de type poison qu’il avait rencontrés durant sa fuite, et dont il avait évité d’attirer l’attention pour ne pas risquer une morsure mortelle, et les plantes carnivores qu’il avait reconnues in extremis et qui heureusement dormaient puisque c’était la nuit, la traversée de la forêt au pas de course se fit sans encombre. Et son plan avait marché, car la montgolfière avait tout simplement survolé la plage sans s’arrêter, ce qui signifiait que la Team Rocket ne l’avait pas aperçu.
Au petit matin, lorsque les premiers rayons du soleil apparurent à travers le feuillage de la forêt, Timmy arrêta sa course. Ce fut à cet instant que l’effet de l’adrénaline s’estompa et qu’il ressentit toutes les douleurs de son corps en même temps. Ses jambes étaient douloureuse, ses bras endoloris, son ventre lourd, sa gorge sèche, son front brûlant, son dos raide, ses pieds détruits, et sa respiration saccadée. Timmy se laissa tomber au sol mousseux de la forêt.
Lorsqu’il reprit connaissance, le besoin urgent de se réhydrater lui provoqua une migraine intense et il eut du mal à inspirer convenablement. Son cœur se serra dans sa poitrine, son estomac se tordait dans son ventre,… tout en lui provoquait une douleur insoutenable, comme si tous ses organes étaient à la recherche de la dernière réserve d’énergie. Il fallait qu’il survive, et cela devait passer premièrement par une réhydratation. Mais comment trouver de l’eau s’il n’était même plus capable de bouger ?
Heureusement qu’il y avait ce bloc de glace juste à côté de lui… Un bloc de glace ! Sans penser à la raison étrange de la présence d’eau congelée dans une forêt étouffante, Timmy se jeta sur le glaçon et le lécha à plusieurs reprises. L’eau qui coulait lentement dans sa gorge lui procura un bonheur tellement intense qu’il s’en ficha de comprendre comment un tel phénomène était possible, tant que cela lui sauvait la vie. Il plaqua ensuite son front fiévreux contre la glace et la douleur s’atténua. Finalement, la glace n’était pas éternelle, elle finit par fondre entièrement, délivrant une pokéball de sa prison glaciale.
Intrigué, Timmy appuya sur le bouton au centre de la balle et fit apparaître le pokémon qu’elle contenait : un tout petit Tarsal.
– Tarsal ! s’écria Timmy d’une voix rauque en reconnaissant son pokémon.
Comment cela était-il possible ? Quelles étaient les chances de trouver de l’eau et son pokémon au même moment alors qu’il pensait qu’il était mort quelques heures plus tôt ? Et si ce n’était pas le fruit du hasard ?
En reconnaissant son maître, le petit Tarsal bondit de joie et se frotta contre le corps faible de l’adolescent. Mais l’état de Timmy inquiéta le pokémon qui utilisa les pouvoirs psychiques de ses cornes afin de l’aider à aller mieux. Les effets furent rapides et miraculeux. Tarsal avait bloqué les signaux de douleur dans le cerveau de Timmy et l’adolescent put se remettre debout après une dizaine de minutes seulement.
– Tarsal ! répéta Timmy, émerveillé par la présence de son tout premier pokémon. Comment se fait-il que tu sois ici ? Que s’est-il passé ?
Tarsal toucha Timmy à l’aide de ses cornes et Timmy comprit ce qu’il s’était passé. Il ne savait pas comment Tarsal communiquait avec lui mais c’était comme si Timmy avait toujours su ce qu’il s’était passé. L’explosion du bateau de Monsieur Marco, la noyade de Timmy sauvée par une onde boréale inconnue, la dispersion de ses pokémons dans l’océan mais réunis par cette même onde boréale.
– Nous ne sommes pas seuls, en conclut Timmy. Quelqu’un veille sur nous depuis le début, tout va bien se passer à présent. Il nous suffit juste de trouver de quoi boire et manger et je suis sûr que les choses vont se remettre en ordre et que nous allons retrouver Flora, Sofian et Picko.
Empli à nouveau par le courage, Timmy se décida d’avancer plus en profondeur dans la forêt avec la présence et la protection de son pokémon.


Un jour passa. Timmy avait rapidement trouvé une source d’eau pour s’abreuver. Cependant, le problème était que le lac devant lequel ils s’étaient retrouvés en fin de soirée la veille était, par un évènement incompréhensible, complètement congelé. Ils avaient bien tenté de casser la glace mais celle-ci était bien trop épaisse et ils avaient dû se résigner à rebrousser chemin. Depuis, ils ne s’abreuvaient plus que de la rosée du matin qu’ils trouvaient sur les feuilles d’arbre.
Quant à la nourriture, la forêt semblait éprouver un malin plaisir à ne pas leur en fournir. Les seules arbres à baies qu’ils avaient trouvés soit portaient des fruits périmés, soit avaient été entièrement vidés par les pokémons sauvages. Tarsal avait bien tenté de négocier avec un Chétiflor pour avoir un peu de baies mais le pokémon leur avait bien fait comprendre que sa survie était bien plus importante que la leur en les attaquant brutalement. Ils avaient donc fini par s’en remettre à la consommation de racines fort peu agréables au goût.
Ce ne fut qu’en fin de soirée que leur quotidien fut rompu. Timmy et Tarsal s’étaient arrêtés devant un immense mur de pierre qui, lorsqu’ils tendirent le cou, se révéla être un pan de l’immense montagne qui trônait au centre de l’île. À droite comme à gauche, la montagne s’étendait à travers la forêt comme un très long mur infranchissable. Il était arrivé à une impasse.
Tarsal poussa un cri surexcité et Timmy se retourna violemment, prêt à défendre son pokémon du danger. Mais il n’en était rien ; Tarsal montrait tout simplement un escalier en bois accroché à la roche de la montagne et qui semblait être un lieu de passage touristique abandonné, ce qui signifiait donc que la civilisation avait mis pied sur cette île dans le passé ! Si réponse il devait trouver, c’était au sommet de cette montagne. Timmy décida de passer la nuit au pied de la montagne afin de l’escalader le lendemain avec tout le repos dont il aurait besoin.


L’ascension de la montagne le lendemain fut rude et éreintante. Il lui fallut toute la matinée pour arriver au sommet des trois mille sept cent quatre-vingt marches qu’il avait comptés et se laissa tomber sur ses genoux une fois avoir atteint le sommet. Chose étrange qu’il ne remarqua à peine : le sol était glacial malgré la chaleur du zénith. Tarsal aida Timmy à récupérer sa respiration et bloqua la douleur de ses muscles qui, Timmy le présentait, allaient bientôt faillir à leur tâche tellement il avait forcé dessus durant les trois précédents jours. Enfin, Timmy se releva et étouffa une exclamation d’émerveillement.
Du haut de ses centaines de mètres d’altitude, Timmy éprouva un sentiment de liberté intense face à la vue magnifique qu’il avait de la forêt de l’île qui entourait en un cercle parfait la montagne. Puis, il y avait la plage scintillante et l’infini azur de l’océan. Quoi que l’océan n’était pas si infini qu’il n’y paraissait car loin devant lui, un minuscule point brillait, comme si la terre d’une autre île lui faisait signe. En regardant vers l’est, il aperçut un minuscule objet flotter près de la rive de l’île. Il sortit son Pokénav de son sac à dos et ouvrit l’application appareil photo afin de se servir du zoom pour observer de plus près l’objet en question. Il devina ainsi les contours de planches de bois et quelques masses informes se tenant debout dessus.
– On dirait un ra…
Quelque chose atterrit derrière lui avec violence et Timmy sauta de peur en reculant de quelques mètres pour éviter le nuage de poussière qui s’élevait du sol. Une nacelle venait de se poser juste derrière lui. Timmy reconnut alors avec effroi la montgolfière la plus terrifiante au monde.
Une femme rousse, un homme mince et un petit chat sautèrent hors de la nacelle et se présentèrent face à lui avec un sourire mesquin au visage.
– Nous t’avons enfin retrouvé, dit Jessie.
– Je vous avais dit qu’il n’avait que sur cette montagne où aller ! fit remarquer Miaouss.
– Petit mais rapide tout de même, constata James.
Timmy était incapable d’émettre le moindre son. Si les quatre derniers jours avaient été un véritable cauchemar, il se trouvait alors dans le pire de tous à cet instant précis. N’ayant nulle part où s’enfuir, car l’escalier de bois se trouvait derrière la montgolfière, Timmy n’avait pas d’autres choix que d’écouter ses ennemis et de prier pour une nouvelle aide extérieure miraculeuse.
– Tu n’es pas très bavard aujourd’hui, toi qui as l’habitude de te défendre avec les paroles, poursuivit Jessie, un peu déçue.
Timmy se racla la gorge et dit avec difficulté :
– Qu’est-ce que vous me voulez ?
– Peut mieux faire, ricana Miaouss.
– Oui, il nous a déjà habitué à mieux… marmonna James
– Bon, voilà le deal, se lança enfin Jessie. Jusqu’à présent, nous nous sommes souvent rencontrés par le fruit du hasard. Nous avions une mission à réaliser et vous étiez dans notre chemin, tes deux amis et toi. D’ailleurs, où sont-ils ?
– Ils… ils ne sont pas avec moi… Mais ils ne devraient plus tarder ! mentit Timmy dans l’espoir de les effrayer.
Cela fonctionna quelque peu car les trois acolytes échangèrent un regard inquiet.
– Alors nous allons faire vite, reprit Jessie. Nous nous sommes rendu compte que nous avions un peu de mal à vous tenir tête.
– Pour ne pas dire qu’on vous arrêtait tout le temps dans vos projets ! répliqua Timmy avec courage.
– Mais cela est dû à notre nouvelle équipe qui n’est pas assez entraînée, continua Jessie en faisant mine de ne pas l’avoir entendu. Alors nous avons un nouvel objectif : nous allons faire une pause dans notre mission secrète afin d’améliorer nos équipes vu qu’apparemment, il existe deux teams très puissantes et que vous avez dépassé notre niveau depuis que nous avons dû nous séparer d’Arbock et Smogogo.
– Ce qui veut dire que vous allez enfin nous laisser vivre en paix ? demanda Timmy avec espoir.
Jessie, James et Miaouss éclatèrent de rire.
– Ce qui veut dire que nous allons voler tous vos pokémons et les faire travailler pour nous ! répondit James en reprenant un ton machiavélique.
– JAMAIS ! s’écria Timmy.
– Et nous te conseillons de te laisser faire d’ailleurs, conseilla Jessie. Tu es seul et nous sommes trois. Tu ne fais pas le poids contre nous et tu le sais très bien. Alors, donne-nous tes pokémons, ils seront très heureux de rejoindre leur ami, d’ailleurs.
Jessie montra d’un mouvement de tête la nacelle de la montgolfière dans laquelle Timmy put apercevoir un très vieux Goélise ligoté et au bec ficelé. Voilà donc la raison pour laquelle Picko n’était plus revenu ! Il avait été attrapé par cette bande de voleurs sans scrupules !
– Alors, merci de bien vouloir nous donner gentiment tes pokéballs, dit James.
Timmy sortit lentement la seule pokéball qu’il avait avec lui de sa poche et Jessie tendit le bras vers lui pour la récupérer. Timmy déposa sa pokéball dans la main de Jessie, attendit, puis sourit.
– Vous pensez vraiment que je vais me laisser faire ainsi ? Tarsal, on décampe !
Timmy attrapa fermement la main de Jessie et tira de toutes ses forces vers lui de sorte que la femme fût projetée brutalement au sol. Il lança ensuite sa pokéball vide vers James qui la reçut en plein visage alors que Tarsal avait propulsé Miaouss plus loin à l’aide d’une attaque « charge ». Timmy en profita pour courir vers les escaliers en bois mais son Tarsal cria après lui. Timmy se retourna en vitesse et vit que Tarsal était dans la nacelle et lui faisait signe de le rejoindre. En voilà une bonne idée ! S’enfuir avec la montgolfière de la Team Rocket pour quitter définitivement cette île perdue !
– Je vous l’emprunte ! s’exclama Timmy en sautant dans la nacelle.
– Ils s’enfuient avec la montgolfière !! s’écria Miaouss horrifié.
Ne sachant pas du tout comment cela fonctionnait, Timmy perdit des secondes précieuses à chercher à faire voler la montgolfière. La Team Rocket avait pendant ce temps fait appel à leurs pokémons et une nuée de dards fila à toute vitesse vers Timmy qui se jeta au sol de la nacelle pour les éviter de peu. Son sac à dos se déchira sous le coup de plusieurs dards et tomba dans la nacelle. Il fourra en vitesse son Pokénav dans son sac à dos en donnant des ordres à son Tarsal afin de tenir Seviper et Cacnéa à distance. Alors que Tarsal renvoyait chacune des attaques de ses ennemis à l’aide de son « choc mental », Timmy eut une idée.
– Tarsal, utilise ton « choc mental » pour faire voler la montgolfière !
Tarsal se concentra rapidement et la nacelle se mit à se mouvoir.
– Ça marche !! s’exclama Timmy, fou de joie.
– Mon ballon !! s’écria Miaouss, fou de rage.
– Cacnéa, arrête ce fantôme d’exercer ses pouvoirs !
– Seviper, occupe-toi du gosse !
Une nouvelle attaque « dards nuée » explosa contre Tarsal et la montgolfière retomba brutalement au sol. Timmy s’accrocha au rebord de la nacelle pour ne pas tomber et ne vit pas Seviper fuser à toute vitesse vers lui.
– Tarsal, attaque… !
Mais c’était trop tard. L’énorme serpent percuta brutalement l’adolescent qui fut expulsé violemment hors de la nacelle. Timmy roula au sol poussiéreux de la montagne mais quand il se releva, la montgolfière s’était déjà envolée en emportant avec elle ses affaires personnelles, Picko et son meilleur ami Tarsal.
– TARSAL !! hurla Timmy, des larmes de rage coulant sur ses joues. REVENEZ TOUT DE SUITE !!!
La tête de Jessie passa au-dessus du rebord et sourit machiavéliquement.
– On te rend un objet qu’on a retrouvé flottant sur l’océan, ça devrait te rappeler de bons souvenirs !
Jessie lança un petit caillou qui tomba aux pieds de Timmy. Timmy jeta un coup d’œil rapide avant de crier à nouveau après la Team Rocket. Puis, il se retourna précipitamment vers le caillou qu’on lui avait lancé. Et Timmy reconnut l’objet : une des grenades de la Team Aqua. Sans prendre le temps de réfléchir, Timmy courut le plus loin possible de la grenade dégoupillée avant de se retrouver au bord du précipice. Il n’avait pas réfléchit assez vite ; l’escalier de bois était à l’opposé de l’endroit où il se trouvait et la grenade allait exploser d’une seconde à l’autre.
Ça y était, le dilemme le plus horrible de toute sa vie : mourir dans l’explosion de la grenade ou mourir de sa longue chute ? L’instinct de survie lui dicta ce qu’il devait faire et Timmy ferma les yeux en se laissant tomber dans le vide au moment où la grenade explosait derrière lui dans un souffle puissant.
Tomber dans le vide n’était pas si horrible que ça finalement, pour quelqu’un qui avait toujours eu peur des sauts en élastique. Il allait ressentir à tout moment le choc contre le sol, la douleur de chacun de ses os s’écraser dans son corps, la perforation de chacun de ses organes. Il serra la mâchoire en sentant l’impact arriver.
C’est alors qu’il ressentit à nouveau ce froid polaire l’entourer, comme si une prison de glace venait encercler chaque molécule de son corps. Une puissante vague lui frappa violemment le dos et il ouvrit soudainement les yeux. Il prit une profonde inspiration en voyant une vague arriver vers lui et il fut immergé dans l’eau. Timmy se débattit quelques secondes avant de sortir à la surface et de comprendre ce qu’il se passait. Il se trouvait au milieu de nulle part, dans le bleu infini de l’océan. Comment était-ce possible ? Comment avait-il pu survivre à une chute de plusieurs centaines de mètres, parcourir quelques kilomètres et atterrir dans l’eau ? Cela relevait de la magie ! Il y avait décidément quelque chose qui avait veillé sur lui. Mais qui ? Quoi ? Ce froid polaire en était-il la cause ?
Loin devant lui se trouvait une plage, la plage de l’île perdue qu’il venait de quitter. Mais était-ce vraiment celle de l’île ? Car il voyait quelques petits points bouger dans tous les sens sur le sable fin… Où était-il ? Peut-être avait-il eu la chance de survivre mais il était à nouveau séparé de ses pokémons et n’avait toujours aucune idée de l’endroit où se trouvaient ses amis.
Soudainement, des cris retentirent derrière lui. Il se retourna en vitesse et vit à quelques centaines de mètres la montgolfière de la Team Rocket tomber à l’eau. Mais que s’était-il passer ? Eux aussi avaient-ils été pris dans le froid polaire et rejetés dans l’océan ? Il n’en avait aucune idée et n’en avait que faire car il avait à présent une chance de récupérer tout ce que la Team Rocket lui avait volé.
Il nagea avec difficulté vers la nacelle qui flottait sur les vagues mais une énorme masse sortit des profondeurs de l’océan entre la montgolfière échouée et lui. Une baleine. Non, plus gros encore. Une baleine de la taille de dix baleines. Et elle retombait sur la nacelle, prête à écraser quiconque s’y trouvait. Le choc provoqué par l’attaque du Wailord entraîna une série de vagues dévastatrices qui entraînèrent Timmy dans leur course folle. Entièrement immergé dans l’eau, à bout de force, Timmy ouvrit les yeux pour remonter à la surface. Il eut à peine le temps de rouvrir les yeux pour entrevoir une gigantesque nageoire l’attaquer et il perdit connaissance sous le choc.


Les chocs répétitifs contre sa poitrine lui firent ouvrir les yeux et il recracha une quantité incalculable d’eau de mer qu’il avait ingurgitée dans ses poumons. Timmy eut du mal à respirer et se débattit pour quitter l’emprise de la personne qui lui donnait des coups violents contre la poitrine. Mais l’homme le maintint au sol avec une forte poigne et sa touffe de cheveux fut la seule chose qu’il vit de cet homme.
– Il est vivant !! s’écria-t-il. Ne t’en fais pas, tout va bien, ajouta-t-il à l’adresse de Timmy avant que celui-ci ne tourne de l’œil à nouveau.
– Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demandait une femme d’une voix hystérique.
– Agent Jenny, j’en vois d’autres échoués sur la plage !
– Bastien !! appela-t-on.
Timmy se sentit soulevé et trimballé dans un gigantesque coffre éclairé qui produisait un son à déchirer les tympans.

Il rouvrit les yeux faiblement et fut heureux de sentir quelque chose de mou sous son dos. Enfin un peu de confort. Il releva difficilement la tête et vit deux brancards être poussés près du sien dans la salle d’urgence dans laquelle il se trouvait. Deux adolescents avaient été repêchés eux-aussi. Il n’avait aucune idée de comment ils en étaient arrivés là, mais il fut soulagé de reconnaître les silhouettes de Sofian et Flora.
Finalement, il n’était pas mort. Tout irait pour le mieux.
Timmy perdit à nouveau connaissance.


À suivre dans : « Un puissant champion »