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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 22/02/2014 à 21:02
» Dernière mise à jour le 22/02/2014 à 21:02

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Chapitre 43 : The Kid sous les projecteurs
La barque heurta finalement le bord du fleuve avec fracas. Le passeur n'avait pas parlé de la traversée et il en était de même pour le maire de la ville qui n'avait pas voulu adresser la parole à son hôte suite à la révélation de sa mort.
Dan s'était ainsi fait une raison et s'était contenté de regarder autour de lui. Des milliers de pokemons nageaient dans les eaux sombres de ce fleuve, côtoyant leurs maîtres et une foule d'autres humains qu'ils avaient peut-être croisés au cours de leurs vies. Ce tunnel de la mort était un mystère aux yeux de l'ancien militaire et il l'admirait autant qu'il le craignait.

Combien de morts s'étaient tournés dans sa direction durant la traversée ? Combien de ceux qu'il avait croisés s'étaient accrochés à la barque, tentant d'y monter avant de prendre un coup de rame sur les tempes, subissant la fureur de Charon ? Dan n'aimait aucun être vivant, il n'avait eu d'amour pour personne au cours de son existence, pokemons comme humains, et pourtant la vision de ce flot d'âmes en peine le touchait.
Ils étaient morts, tous autant qu'ils étaient. Étaient-ils seuls au moment de quitter ce monde ? Avaient-ils eu le privilège de réaliser leurs rêves ? Aimaient-ils ? Étaient-ils aimés ?

Tant de questions sans réponses, tant de gens qui aimeraient les lui donner… Il n'y avait aucun doute là-dessus.
« Ne les regarde pas autant et ne t'en préoccupe pas, lui lança sévèrement Marc Saul quand la barque s'arrêta sur la rive. Ce qui est important se trouve devant toi. »
Dan se tourna dans sa direction, approuva d'un hochement de tête mais ne détourna pas le regard de ces âmes perdues entre deux mondes. Il avait pitié.

Mais un coup sur la tête le ramena soudainement à la réalité. Quand il se retourna ce ne fut que pour voir le regard du passeur qui le dévisageait avec colère, son œil torve semblant transpercer son esprit de part en part.
« Tu vas dégager de ma barque ou tu comptes t'y établir définitivement ? »
Non habitué à être traité de la sorte, et encore moins par quelqu'un qu'il ne connaissait que depuis très peu de temps, Dan lui renvoya son regard et le maintint durant quelques secondes. Il n'avait pas envie de s'incliner face à un vulgaire propriétaire de bateau, qu'importe si celui-ci vivait dans les enfers ou non.

« Il suffit ! tonna la voix de Saul dans le dos du militaire. Descendez et laissez ce débris repartir travailler. »
Dan garda son regard dans celui de son adversaire tandis qu'il reculait, obéissant aux ordres de son hôte malgré l'hostilité qu'il avait envers le passeur. Il enjamba la barque sans quitter des yeux son propriétaire qui s'empressa de faire demi-tour une fois ses passagers à terre, ayant déjà oublié les événements qui venaient de se produire.
Quand il fut loin la main de Saul vint s'écraser sur l'épaule de Dan.

« Évitez de trop vous faire remarquer ici. C'est déjà beaucoup demander de se balader vivant en ces lieux alors ne m'attirez pas des problèmes que je n'ai pas envie de gérer. Compris ?
¬– Je n'ai pas pour habitude de me laisser taper dessus à coups de rame, ironisa le second.
– Charon est sénile et perd les pédales à force de convoyer des morts à longueur de journée, il faut le comprendre. Laissez-le tranquille et regardez plutôt autour de vous, rares sont ceux qui ont vu ce décor sans être morts auparavant. »

Dan, obéissant aux conseils de son hôte dont la voix s'était soudainement apaisée, tourna le dos au fleuve et admira la salle dans laquelle il venait d'arriver.
Un grand hall s'ouvrait devant ses yeux et il était entouré de milliers de gens qui marchaient sur le sol dallé de cet endroit. Tous se tenaient en silence, agglutinés les uns contre les autres, côtoyés de pokemons dont certains prenaient plus de place qu'une centaine d'êtres humains réunis.

Avançant dans la salle, arpentant le chemin que traçait Saul dans la foule, l'ancien militaire ne pouvait que lever les yeux et regarder la foule d'insectes qui se pendaient au plafond et tous les oiseaux qui traçaient sous la voûte de la grotte dans laquelle semblait taillé ce hall. Ce qui lui sembla étrange fut de remarquer qu'aucune des personnes qu'il dérangeait de par ses multiples coups d'épaule ne le remarquaient. Tous étaient focalisés sur le dos de celui se trouvant devant eux sans ne rien voir d'autres pendant que les petits pokemons et les enfants se contentaient de l'éviter sans même le regarder.
Les vivants n'avaient donc réellement pas leur place en ce lieu ?

Dan commença à se demander si Charon n'avait pas raison de ne pas vouloir le laisser passer dans les enfers, si ce n'était pas au fond une entreprise dangereuse qu'il était en train de mener. La foule pouvait à tout moment se resserrer autour de lui et tous les morts étaient en mesure, d'une même impulsion, de se débarrasser de son corps en moins de quelques secondes.
Saul, comme s'il était parvenu à capter ses pensées, se tourna vers lui.
« Ne craignez rien, ce ne sont que des coquilles vides en attente de jugement. Ils ne seront plus eux-mêmes tant qu'ils n'auront pas quitté ces lieux. »

Sur ce il se détourna de son invité et recommença à parcourir la foule à tours de bras, faisant tomber certains morts qui se relevaient aussitôt. Dan le collait, préférant ne pas toucher ces êtres sans vie en lesquels il n'avait aucunement confiance.
« Nous allons arriver devant eux et regarder le procès en cours, reprit le maire de la ville. Ne parlez surtout pas et laissez-moi demander la permission d'entrer lorsqu'ils seront libres. Ce n'est pas leur genre de perdre du temps en pleine prise de décision. »

Au moment de conclure sa phrase Marc Saul poussa le dernier homme qui l'empêchait d'accéder au fond de la salle.
L'ancien militaire qui le collait sortit de la foule en même temps que lui et respira un grand coup, accueillant l'air dans ses poumons comme une véritable bénédiction. Il pouvait enfin décompresser et se sentir libre. De la pitié qu'il avait pour les morts il ne restait rien ; l'ancien militaire n'avait plus que de la crainte.
Néanmoins il cesse de penser à tout cela et regarda devant lui, curieux de savoir de quoi lui parlait Saul depuis qu'ils étaient dans cette pièce.

Trois sièges s'élevaient de plusieurs mètres au-dessus du sol, dressés en arc de cercle dans le fond de ce gigantesque hall dans lequel s'entassaient les morts. Sur leurs accoudoirs avaient été déposés de longs draps rouges qui venaient frotter les dalles de la salle ; tout le reste était fait de pierre et semblait tenir en ce lieu depuis la nuit des temps.
Dan s'étonna de voir tant de puissance dans de tels objets, dans trois simples fauteuils. Mais il fallait au moins cela pour soutenir les corps des trois géants qui s'y tenaient sereinement, pensa le vieil homme en admiration.

Ces derniers s'élevaient au-dessus de la masse des êtres vivants qui se pressaient tout autour d'eux, se regardant par moment pour s'interroger sur l'identité du prochain qui aurait à avancer dans leur direction afin de subir leurs foudres. Stoïques, ils parcouraient calmement la foule de leurs yeux de braise qui s'attardait parfois sur un individu en particulier qui baissait la tête sous le poids d'un tel fardeau.
Leurs figures semblaient sages et affligées par les centaines d'années passées en ce monde sans qu'il ne paraisse pour autant si âgé. Mais leur posture marquait ces années et le pouvoir que l'on voyait dans leurs yeux les représentait avec exactitude.

Mais Dan, trop occupé par ces êtres de puissance, n'avait même pas encore remarqué l'essentiel dans le fond de cette gigantesque salle. Entre eux tombait la plus grande balance que le militaire à la retraite ait vue de toute sa vie.
Elle pendait du plafond et ses deux plateaux penchaient inlassablement d'un côté comme de l'autre. Et, tandis que s'avançaient en file indienne les âmes des morts parvenues en ce lieu, elle les jugeait une par une avec une précision inouïe avant de s'en remettre aux trois sages qui la contemplaient.
Et tandis qu'il admirait ces grandes figures humaines, le maire de la ville se tournait dans sa direction et lui expliquait ce qu'il avait déjà entendu longtemps avant dans de vieilles légendes, des dizaines d'années auparavant.

« Ce sont les juges de l'autre monde, ceux qui décident de l'orientation de ton âme après ta mort. Ils ont été choisis parmi les grands rois de l'ancien temps. Juste en combat pokemon, d'un naturel inégalable et humain au possible avec tous ceux qui leur étaient proches. Depuis ils se trouvent dans cette salle et répandent la justice.
– Et ils ne s'ennuient pas ? demanda candidement le second, ce à quoi Marc Saul haussa les épaules.
– Pour quelles raisons ? Ils ont une responsabilité qui dépasse celle de tous les hommes sur la terre et dans l'au-delà. C'est déjà amplement suffisant. Mais ça suffit, nous en avons assez vu ici. Suis-moi. »

Á peine avait-il prononcé ces derniers mots qu'il se détourna des trois juges et se dirigea vers la gauche, longeant la foule amassée devant lui.
« Qu'est-ce que tu attends ? lui lança-t-il en voyant qu'il ne bougeait pas et restait médusé face aux grandes figures se dressant sur leurs sièges. Nous n'avons pas le temps de traîner. »
Il ajouta à ces mots une petite claque sur l'épaule de son protégé pour finir de le réveiller. Dan, revenant à son guide, se détourna pour de bon des juges et lui emboîta le pas.

Tandis qu'ils marchaient au-devant de la foule, il remarqua la multitude de visages tournés en direction de ceux devant lesquels ils allaient bientôt devoir passer.
« Ne les regarde pas trop, lui précisa Saul qui avait remarqué ses coups d'œil. Ceux qui sont encore près des rives ne sont pas dangereux, en revanche je ne peux pas en dire autant des âmes qui s'apprêtent à monter sur la balance. »
Comme si les paroles du maire avaient été un déclencheur, un Laggron sembla voir l'ancien militaire et grogna quand ce dernier passa devant lui. Dan baissa les yeux et continua. Se faire tuer par un mort serait le comble.

Il continua sa marche les yeux baissés, se contentant de fixer les talons de son guide afin de ne pas le perdre de vue. Mais alors qu'il avançait une voix caverneuse résonna au-dessus de sa tête ; quelqu'un était en train de passer sur la balance.
« William Monroe, vous êtes né à Azuria et votre vie n'a rien de bénéfique. Vous avez fait un geste de charité pour vos seize ans en vous portant bénévole pour aider des sans-abri. Ma liste s'arrête ici, du moins pour vos plus grandes actions. »
Le juge avait nuancé ces deux derniers mots par une accentuation ironique et maîtrisée. Dan ne releva pas les yeux et avança pendant qu'un second prenait la parole.

« Vous êtes coupable en revanche de luxure, d'adultère et de meurtre. Eve Landing, prostitué, morte sous vos coups durant une nuit d'ivresse et abandonné dans un fleuve où son corps sera dévoré par une horde de Crocoribles. Vous n'aviez pas l'argent, vous avez dérapé et n'avez jamais tenté de vous repentir.
– En cela vous passerez le reste de votre existence dans les tréfonds du Tartare, conclu le dernier des juges. Je vous souhaite courage, William Monroe, dit Billy the Kid. »

Dan se retourna un instant, le temps de voir un gros fantôme se faire happer par une lumière au teint pâle comme la nuit. Son cri déchira le hall mais ne perturba aucun des spectres qui s'y acheminaient.
Il n'était pas le premier à hurler et ne serait pas le dernier avant que ne vienne leur tour. Mais il glaça néanmoins le sang de l'ancien militaire qui, ne regardant pas devant lui, ne vit pas cette même lumière s'emparer de Marc Saul qu'il suivait aveuglément.
En quelques secondes il était dans le Tartare.