Entre infini et au-delà de Cyrlight

Le vent de l'hiver - Raphaël


Marion rentra peu avant l'heure du déjeuner, six pokéball en main. Elle les remit à Yohanna, qui la remercia d'un sourire sincère. Elle ne leur raconta pas comment sa recherche s'était passé, car il n'y avait sans doute rien à dire, cependant elle les interrogea sur la mission menée à Vestigion. Tina et Cassy lui racontèrent tout, n'omettant aucun détail.

- Comme quoi, il peut parfois servir à quelque chose, celui-là, grommela-t-elle lorsqu'elles mentionnèrent l'intervention de Sven.
- S'il vous plaît. Ce n'est plus le moment de nous battre entre nous. Je sais que c'est difficile pour vous, mais...
- Difficile ? Il m'a poussée du haut d'une falaise, et toi tu l'as regardé faire !

La rouquine tourna un regard accusateur vers son amie. Elle-même ne parvenait toujours pas à accepter l'intimité qu'ils partageaient, et dont elle n'avait pu s'empêcher de révéler l'existence à Léa.

- D'accord, je comprends que vous ayez des griefs contre lui... et contre moi.
- Quand cette histoire sera terminée, je me ferais une joie de le lâcher depuis le ciel d'entre les serres de mon Etouraptor.

Une lueur cruelle passa dans les yeux de la Ranger, et son expression permit à la jeune femme de deviner qu'elle en serait parfaitement capable si l'occasion se présentait. Elle toussota, mal à l'aise, en se demandant comment elle pourrait encore longtemps maintenir la cohésion d'un tel groupe, avant de changer de sujet :

- Yohanna, nous ferions bien d'aller dans l'Arène pour étudier tes pokémon, ainsi que le fonctionnement de tes gants de combat. Qu'en penses-tu ?
- Je te suis. J'ai très envie de découvrir cela par moi-même.

Elles se levèrent du canapé sur lequel elles étaient assises, dans le salon, tandis que Marion, qui retrouvait peu à peu son calme, marmonna qu'elle allait prendre une douche pour ôter la saleté du voyage. Ce ne fut qu'en poussant la porte de la salle de combat que Cassy prit conscience de la situation.

- Elle va... Oh non ! Non, non, non !

Sans même une explication, elle abandonna la religieuse sur le seuil pour monter l'escalier quatre à quatre. Quand elle arriva en haut, cependant, des éclats de voix lui parvinrent. Elle aurait dû réagir avant. Déjà, Sven se retrouvait poussé dans le couloir, et heurtait sans ménagement le mur d'en face.

- Qu'est-ce qu'il fait là, lui ? tonna la Ranger en observant ses mains avec dégoût, comme si elle regrettait déjà de l'avoir touché sans gants.
- Nous nous sommes entrainés toute la nuit avec les Gijinkas que Lilith a dépêché à notre secours, alors après les évènements récents, je me suis dit qu'il pourrait se reposer ici pour la matinée plutôt que dans l'Antre du...
- Sa vie ne m'intéresse pas. Il n'est pas question qu'il dorme dans la même pièce que moi.
- Mais vous étiez absente !
- Je ne veux pas le savoir. Il disparait, un point c'est tout. A toi de ne pas lui laisser croire qu'il est le bienvenu parmi nous.

Elle tourna les talons lorsque l'espion, sans que Cassy n'ait le temps d'esquisser le moindre geste pour le retenir, lui bondit dessus. Avec l'élan, il la propulsa à terre, où elle retomba sur ses bras. Elle glissa rapidement sur le dos afin de lui asséner un puissant coup de pied qui lui coupa le souffle alors qu'il tentait de repasser à l'attaque.

La dresseuse, les voyant poursuivre leur lutte acharnée, choisit de s'interposer, mais elle reçut un coup de poing accidentel tout en étant projetée contre le montant en fer du lit superposée. Sa tête heurta le métal et elle dut s'agenouiller sur le sol, sonnée.

- Oh non ! s'écrièrent les deux autres en même temps.
- Tu vois, c'est de ta faute. De toute façon, quoi que tu fasses, tu ne sèmes que le mal.
- Comment cela ? C'est vous qui venez de la frapper.
- Parce que tu m'as agressée.
- Vous m'avez jeté dehors.
- Tu étais dans mon dortoir.
- Cela suffit ! s'époumona la dresseuse dès qu'elle eut un éclair de lucidité. Sven, si tu veux te reposer encore un peu, va dans ma chambre. Sinon, retourne à l'Antre du Dragon.
- Quoi ? Mais...
- Tu n'aurais pas dû lui sauter dessus de la sorte. Je sais que vous vous entendez aussi bien qu'un Miaouss enfermé dans une cage avec une Caninos, mais vous refusez de faire le moindre effort. Je ne vais pas passer mon temps à arbitrer vos rixes quand nous avons d'autres problèmes plus importants sur les bras.

Marion laissa échapper un grognement mécontent, mais ne répliqua rien. Elle se contenta d'ouvrir la porte du placard murale pour en tirer un peignoir et sa trousse de toilette. Elle s'apprêtait à entrer dans la salle de bain, et Cassy à contraindre Sven de sortir de la pièce lorsque celui-ci lança :

- J'ai une idée. Et si vous essayiez de vous noyer, sous la douche ?
- Et toi ? Pourquoi un Minidraco ne t'étranglerait-il pas pendant ton sommeil ?
- Les pokémon ne me font pas peur. Les Rangers non plus, d'ailleurs.
- Tu ne diras plus cela lorsque mon Canarticho te crèvera les yeux.

La dresseuse secoua la tête d'un air désespéré en tirant son ami par le bras pour refermer la porte derrière lui. Une fois dans le couloir, elle le gifla si fort qu'une marque rouge apparut immédiatement sur sa joue.

- Cesse de la provoquer de la sorte ! J'en ai assez de devoir gérer toutes ces affaires périphériques, vous allez me rendre folle.
- C'est à elle d'arrêter. Moi, je reste comme je suis. Je ne vois pas pourquoi je changerais. Je croyais que tu devais l'accepter, désormais ?
- C'est vrai, mais...
- Dans ce cas, le débat est clos.

Il l'embrassa sur les lèvres sans lui laisser le temps de reprendre la parole, puis s'éloigna dans le couloir avant même qu'elle n'ait pu réagir. Finalement, elle capitula alors qu'il était déjà bien loin, d'un bref haussement d'épaules.

Il avait sûrement du rejoindre l'Antre du Dragon car elle ne le croisa pas, au rez-de-chaussée, en regagnant l'Arène. Les filles, en revanche, l'y attendaient déjà, à l'exception de Sandra qui tenait compagnie à Peter dans ses appartements.

- Qu'est-ce que je dois faire ? s'enquit Yohanna, ses pokéball calées contre sa poitrine par son bras recourbé.
- Est-ce que tu as eu un pokémon, par le passé ?
- Non, jamais.
- Bon, ce n'est pas grave. Regarde, c'est facile. Essaye de m'imiter. Altaria, en avant !

Elle lança la sphère devant elle et le dragon apparut dans une gerbe d'étincelles rougeâtres. La religieuse réitéra son geste. Elle avait nettement moins de force au moment de jeter la prison de métal, cependant le résultat fut identique. Une Momartik de dressa face à elle.

- Oh ! Elle est magnifique...
- Sais-tu de quelle espèce il s'agit ?
- Oui, bien sûr. Les pokémon ayant au moins un type spectre sont bien connus dans les églises, puisqu'il est légion de penser qu'ils sont le lien avec les esprits défunts.
- Parfait. Maintenant, enfile cela.

La dresseuse lui tendit une paire de gants cyan qui arrivait à peu près à mi-chemin entre son épaule et son coude. Elle étira ses doigts à plusieurs reprises, avant d'interroger son amie du regard. Elle semblait angoissée à l'idée de ce qui risquait de se produire. Cassy posa une main rassurante sur son épaule.

- Tends ton bras pour qu'il soit perpendiculaire à ton corps, la paume ouverte dans sa direction. Cela permet à l'énergie de mieux circuler.
- Comme cela ?
- Voilà, exactement. À présent, tu peux lui ordonner d'attaquer.
- Momartik, Eclats Glace !

Altaria fit une gracieuse volte pour esquiver les cristaux, tandis qu'un halo bleu clair se dégageait d'eux pour se faire aspirer par le mécanisme interne aux gants de Yohanna. Un éclair de fierté illumina son visage lorsqu'elle s'aperçut qu'elle avait réussi.

- Comment les actives-tu, à présent ?
- C'est instinctif. Tu dois sentir la force en toi, et être prête à la libérer. Attends juste une seconde que je recule.

Par mesure de sécurité, étant donné qu'elles ignoraient encore tous des pouvoirs fournis par le glyphe glace, Cassy rejoignit Léa et Tina, accroupies derrière le premier gradin. Ma religieuse leur lança un regard d'excuse, puis plissa les yeux pour se concentrer. Une seconde s'écoula, puis une minute, sans que rien ne se produise. Elle finit par capituler, déçue.

- C'est inutile, je n'y arrive pas, marmonna-t-elle, penaude.
- Ce n'est pas grave, cela viendra avec le temps. Il faudra seulement te mettre dans une situation propice à ce que ta magie se dévoile d'elle-même.
- C'est-à-dire ?

Cassy lui adressa un sourire hypocrite tout en changeant immédiatement de sujet. Elle avait déjà un plan. Elle attaquerait Yohanna au moment où celle-ci s'y attendrait le moins, exactement comme Sandra l'avait fait pour elle quand son Draco la terrifiait encore.

- Oh non, ce n'est pas vrai ! Dis-moi que je rêve ! s'écria une voix depuis le couloir.

Intriguées, elles rappelèrent leur pokémon respectif, puis quittèrent la salle de combat toutes les quatre afin de découvrir ce qui se passait. Peter se tenait devant la porte d'entrée, l'air furieux, sa cape sur les épaules. Sa cousine, juste à côté, ne pouvait s'empêcher de rire aux éclats.

- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je m'apprêtais à retourner à la Ligue Indigo, sauf que c'est impossible.
- Pourquoi cela ?
- Avez-vous vu ce temps ?

Elles glissèrent toutes la têtes par le battant entrebâillé. Certes, il faisait très froid depuis quelques jours, cependant cela ne devait pas l'empêcher de retourner à son lieu de travail, d'autant qu'il ne se trouvait pas loin. Elles comprirent cependant où il voulait en venir lorsque des flocons de neige vinrent se poser dans leurs cheveux.

Un véritable blizzard s'était levé au dehors. Les températures devaient avoir chuté d'une bonne dizaine de degrés et le vent soufflait violemment. Un dragon ne pourrait pas tenir plus de quelques secondes en vol avec de tels conditions météorologiques.

- Cela ne me semble pas très naturelle, commenta Cassy avec une grimace. Le temps ne peut pas changer si vite, surtout qu'il devait pleuvoir, aujourd'hui, pas neiger.
- Cela ne te rappelle rien ? s'enquit Léa, en levant vers elle un regard inquiet.
- Si... Njörd. Après tout, si Eve est venue ici, rien ne lui empêche de faire la même chose. Eh, une minute... Yohanna !
- Oui ?
- Remets-toi dans la position que je t'ai montré tout à l'heure, la main tendue vers le ciel. Pense à du soleil, à l'été, à la chaleur...

La religieuse s'avança sur jusqu'au seuil de l'Arène, les paupières closes afin de mieux visualiser cela. Les bourrasques commencèrent à s'atténuer et les flocons s'affinèrent, jusqu'à disparaître. Quelques secondes plus tard, il régnait sur Ebénelle une douceur digne du mois de juin.

- Je... Est-ce moi qui ai fait cela ?
- On dirait bien. Je crois que nous avons résolu le mystère du glyphe glace : il contrôle au climat.