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Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics



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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 12/08/2013 à 12:50
» Dernière mise à jour le 12/08/2013 à 12:50

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Trailer - Déterminisme, Libre arbitre et Omniscience
Le son strident du réveil lui arracha les oreilles, et elle tâta frénétiquement le haut de sa tête de lit à la recherche de l'engin de torture. Elle finit par le trouver, et dans un geste un peu trop lourd elle l'arracha de sa prise. Il s'écrasa sur sa tête en guise de revanche, et cette fois elle émergea, déjà un peu plus réveillée, mais avec en prime une bosse sur le crâne.

En se redressant, elle fit glisser la couette et elle considéra l'engin de torture avec un regard noir. A côté d'elle dans le lit, la silhouette bougea, et dans un gémissement de plaisir récupéra tout le reste des draps pour s'y enrouler.

Génial, maintenant elle était blessée et glacée. Et tout ça à…

Elle jeta un coup d'œil sur le cadran couvert de chiffres dessinés en bâtons lumineux.

5 heures du matin.

Elle observa le dormeur à côté d'elle, ignorant, bien au chaud. Un sourire lui étira les lèvres et elle l'enlaça à travers le tissu, collant sa joue contre ses cheveux noirs, alors qu'elle susurrait amoureusement :

-Dannyyyy…

Ce dernier se recroquevilla un peu plus dans son cocon mais émit tout de même quelques sons semblables à ceux qu'on prononce au pied du lit : en gros des mots qui ne figurent absolument pas dans le dictionnaire. Elle sourit de toutes ses dents : rien de mieux que de le taquiner à une heure aussi matinale, et elle connaissait les meilleurs mots du monde pour faire passer cela pour une gentillesse. Elle sourit d'autant plus, et laissa ses doigts se balader le long de torse dans une caresse sensuelle alors qu'elle murmurait dans un rire :

-Je. T'. Aime.

L'homme ouvrit un œil, qu'il darda sur elle, un bel iris outremer encore toute ensommeillée. Elle devina le sourire timide caché sous les couvertures. Elle la fit glisser le long de son menton et se pencha vers ses lèvres pour lui donner son premier baiser de la journée. Doucement il enroula ses bras autour de sa nuque et l'attira un peu plus contre lui.

-Tu piques ce matin. Ricana-t-elle quand ils se détachèrent l'un de l'autre.

Il passa ses doigts calleux sur ses joues où commençait à pousser un petit duvet, avant de soupirer.

-Je passe devant l'éditeur ce matin…
-Garde-la alors, elle a mis trois semaines à pousser, mais au moins tu feras fuir cette pouffe.

Daniel arqua un sourcil, puis il lui envoya avec un sourire :

-Mais toi ça ne te fait pas fuir.

Elle leva le nez vers le ciel, dans un mouvement volontairement pompeux.

-Je ne fuis JAMAIS. Même si le pire des monstres piquant et poilus m'attend au réveil !

Elle rigola et se pencha pour de nouveau l'embrasser mais fut interrompue par un bruit sous le plancher et bientôt quelques « toc-toc » timides à l'autre bout de la pièce. Une petite trappe s'ouvrit, soulevant plancher et moquette. Une petite tête en émergea, toute penaude.

-Maman, Papaaa…Gémit la petite chose toute penaude.

Les deux adultes se redressèrent, bien réveillés cette fois, déjà un pied hors du lit.

Une autre frimousse de gamin apparut à côté du premier pour ajouter :

-Eléaaa…Raphaël il se sent pas bien.

Eléanore Sarl sortit du lit, attrapa sa robe de chambre et se dirigea vers le petit –le plus mal en point. Daniel fut plus rapide qu'elle pour le prendre dans ses bras mais elle eut tout de même le temps de vérifier rapidement s'il avait de la fièvre. Son front était bien chaud.

-Il a toussé toute la nuit, informa l'autre gamin, assis sur l'escalier camouflé par la trappe.

Il affichait une mine assez embarrassée. Quoi de plus normal après tout, c'était son frère jumeau qui respirait rauquement dans les bras de leur père. Si on regardait leurs tignasses en bataille d'un vert sombre –comme celui de leur mère- déjà, on sentait bien le lien de parenté, mais ils avaient en plus, tous les deux, hérités d'un regard d'émeraude similaire. Aussi beau que celui de leur maman, disait Daniel, même si Eléa préférait largement les prunelles vairon de son compagnon.

-Je peux déplacer mon rendez-vous avec mon éditeur. Proposa soudain Daniel dans son dos, il paraissait plus que concerné par l'état du gamin recroquevillé dans ses bras.

Eléanore n'osa pas contempler son fils mal en point, ses lèvres se pincèrent et son cœur se serrait rien qu'à l'idée qu'il soit malade.

-Non. Tu ne peux pas repousser ce rendez-vous, il est trop important. Comme Sebastian n'est pas là cette semaine, je vais l'emmener au bureau aujourd'hui. Ca te va ?

Elle ne s'adressait pas à Daniel, mais à son petit bébé tout pâle. Celui-ci lui envoya un sourire solaire, qui laissait présager qu'il survivrait bien à son coup de froid. Elle le lui renvoya, soulagée.

-Bon, maintenant. Seth, retourne dormir.

Le garçonnet encore planté dans l'escalier s'en alla en haussant des épaules.

-Daniel, tu as encore deux bonnes heures avant de lever les enfants, je vais courir.

Le grand brun eut une expression tendre et replaça son petit garçon tout contre son épaule, en lui envoyant :

-Chanceux, tu vas dormir dans le lit de papa et maman !
-Mais sans maman… Analysa le Raphaël, penaud.
-Oui moi aussi ça me désespère. Concéda son père avec tristesse.
-Hey, ho, ça ne te désespère pas que je sache que je me débarrasse de la foutue culotte de cheval que tu m'as laissé en m'engros…
-Allez on va dormir Raphaël ! Laisse-donc maman dire des gros mots ! La coupa Daniel.
-Maman dit des gros mots de façon gentille ?
-Tout l'temps !

Eléa les regarda se remettre sous les couvertures, et ne put réprimer un sourire. Qui s'en alla aussitôt que la toux de son petit ange ne reprenne. Elle se contenta de quitter la pièce. Avant de partir elle vérifia chaque chambre de l'étage. Seth n'avait de toute évidence plus sommeil, puisqu'il s'amusait avec des balles en mousse, allongé sur le tapis du couloir, tant pis, il se coucherait plus tôt ce soir. En revanche, les quatre autres n'émirent pas le moindre bruit quand elle s'approcha d'eux.

Même si sa peur était stupide, chaque matin elle craignait de trouver un des lits vides, les draps encore lisses. Encore une fois, cette journée lui rappelait qu'elle se faisait du mouron pour rien. Mais après tout, n'avait-elle pas fui, elle-même durant la nuit à son adolescence ? Ses enfants pouvaient avoir hérité de son mauvais caractère et décider de lui infliger le même supplice. Aussi restait-elle prudente sur ce point.

Finalement, elle descendit encore un étage et arriva au rez-de-chaussée, les Pokémons se reposaient dans le coin du salon qui leur appartenait, celui juste à côté de la cheminée. Elle fut surprise d'y trouver Ash, son magnifique dracaufeu shiney et starter. Enroulé sur lui-même tout lové contre Hope – son arcanin- et pilou –la pikachu- entre ses pattes un inconnu aurait put le croire doux comme un wattouat. Cela aurait-été une affreuse erreur, Eléa et son équipe avait démontré de nombreuses fois qu'ils étaient bien au-delà du mot « dangereux », jusqu'à il y avait 2 ans on les qualifiait même d'imbattables dans les tournois.

-Allez, debout !

Elle tapa des mains, et volcaropod sortit sa tête de l'âtre de la cheminée, paresseusement. Il fut imité par un petit mélancolux et chose incroyable, un minuscule riolu qui bailla, tout couvert de cendre au point d'en être encore plus noir qu'Ash.

-C'est pas vrai Bravery… ! Grommela Eléanore, en fronçant les sourcils.

Le petit Riolu jappa de contentement, et tout fier, bomba le torse. A croire que cela l'amusait d'être sale. Peu à peu les autres Pokémons disséminés dans la pièce sortirent de leurs cachettes (généralement Eléa savaient où chacun d'eux se planquait pour dormir, comme le gruikui qui adorait les moutons de poussières sous le canapé, et feunec qui préférait se planquer sous les coussins du sofa).

Ash finit par étirer le cou et bailla à s'en décrocher la mâchoire, Typhlosion se fit de même dans son dos et darda une œillade blasée sur sa dresseuse, lui reprochant probablement l'heure plus que matinale. La concernée le snoba avec dédain, levant le nez vers le ciel et déclarant haut et fort :

-Qui m'accompagne ce matin pour mon jogging ?

Tous les crânes précédemment dressés (sûrement attendant le petit-déjeuner) se plaquèrent contre le sol et certains eurent même le culot de les cacher sous leurs pattes, tel des autruches. Seul le petit flamajou, affectueusement nommé Flambeau (par un de ses enfants), pointa vers elle son joujou favori : une caméra. Elle maudissait ce jour maudit où Daniel l'avait dressé pour filmer tout ce qui se passait devant son nez : ce pokémon était pire qu'un paparazzi et adorait rendre immortel chacun de ses moments de solitudes…

-Ah ! C'est ça ? Vous allez me laisser moi faible femme atteignant presque la quarantaine, seule ?

Bon en vérité elle était plus proche des 30 que des 40, mais le problème restait le même !

- Dans les bois ? Au petit matin ? Qui sait ce qui pourrait m'arriver, quel monstre m'attend…

Ash souffla un panache de fumée, elle se pencha vers le dracaufeu avec un sourire :

-Je te trouve grassouillet mon Ash, tu as besoin d'entraînement, et puisque tu sembles dire que je n'ai besoin de personne pour me protéger, tu n'auras qu'à courir !

Vengeance. Non mais ho, elle ne supportait pas l'insolence chez ses enfants, alors certainement pas venant de ses Pokémons.

Elle tourna des talons et leva le bras vers le ciel.

-Tous ceux qui viennent courir avec moi ce matin ont double dose de croquettes au petit déjeuner !

Etrangement le temps qu'elle enfile ses affaires de sport, toute la petite troupe l'avait rejoint, y compris les Pokémons de Danny et ceux de ses enfants. Au moins, si un psychopathe la guettait effectivement au détour du sentier il fuirait bien vite en voyant sa foule de gardes du corps !

Les scientifiques insinuaient que faire du sport tous les jours pouvait avoir l'effet d'une drogue sur l'organisme. Eléa n'avait jamais vraiment réfléchi à cette possibilité, elle avait toujours eu besoin de se dépenser, et passé la demi-heure, elle prenait grand plaisir chaque matin à faire l'aller-retour au pas de course, de sa maison à Azuria. Elle adorait tout particulièrement la côte qui menait jusqu'à son logis, enclavée entre les falaises menant à la central d'Azuria, et le chemin menant à Safrania, rien n'était plus satisfaisant, après deux heures d'efforts que de parvenir à le gravir sans aide. Et c'était d'autant plus jouissif qu'à chaque fois que son mari l'avait accompagné dans cette promenade, il s'y était tordu la cheville et pas elle. Elle s'en voulait un peu plus ces derniers temps puisque Daniel commençait à avoir besoin d'une canne. A ce rythme il allait avoir un déambulateur avant ses 40 ans…

L'horloge affichait presque 7h30 quand elle reposa le pied sur son palier, les joues rouges et le souffle encore fatigué par l'effort. Mais elle adorait cette sensation, celle du sang dans sa bouche de ses poumons en feux. Parce que l'air s'y écoulait, clair, son cœur pulsait, résonnait dans chaque fibre de son être. Alors elle fermait les yeux et savourait le goût de la vie, dans toute son essence.

Comme elle l'avait promit elle doubla la ration habituelle et la troupe de Pokémon se jeta dessus, comme affamés. Elle n'avait pourtant pas l'impression de les priver de quoique ce soit. Toujours à faire du cinéma ceux-là !

Elle caressa le flanc de son starter, puis rejoignit la cuisine. Comme prévu Daniel se tenait déjà là, devant les fourneaux, exceptionnellement Raphaël et Seth se tenaient à table. L'un tout enroulé dans un édredon, l'autre essayant de jouer avec ses couverts.

Eléanore prit plaisir à passer devant Seth et de le décoiffer dans une caresse sur le crâne.

-Hey ! Maugréa celui-ci, d'un ton faussement indigné, avant de se dresser sur ses jambes pour lui rendre la pareille.

Malheureusement, il devait savoir que sa mère se souciait peu de sa coiffure et qu'après son jogging, elle ne ressemblait déjà à rien de nommable. Aussi, l'ignora-t-elle, pour venir embrasser Daniel.

-Tu fais quoi ?
-Des crêpes.
-Ah, le jour où Sam nous a offert ce mixer magique est à bénir, grâce à lui on a des crêpes tous les matins !

En effet l'engin révolutionnaire permettait de faire la pâte en moins de dix minutes. Raphaël s'insurgea aussitôt, avide de défendre son papa adoré :

-Oui c'est grâce au mixer magique de Sam et aussi à papa !
-Pas à maman ! Ajouta Seth avec un rire.

Raphaël se contenta de placer une main sur ses lèvres, sans prononcer le « berk » qu'il avait en bouche. Il est vrai qu'il valait mieux pour la sécurité du monde et de ses habitants que leur maman ne touche jamais à un seul ustensile de cuisine.

-Dis-donc, toi ! S'offusqua Eléa en toisant son rejeton malade. Celui-ci l'observa sans crainte, mais il baissa la tête, penaud.
-Par'on.

Immédiatement toute rancœur s'envola, et Arcéus seul savait combien Eléanore pouvait se montrer irritable quand on critiquait sa maladresse ou son inaptitude en cuisine. Décidément elle n'arrivait pas à en vouloir longtemps à Raphaël. A Raphaël uniquement. Elle se pencha pour lui faire à son tour le bisou du matin, mais celui-ci se cacha un peu plus dans son duvet pour pousser un cri.

-Non pas bisou !

Le garçonnet lui envoya une œillade triste.

-Je suis malade faut pas de bisou. Sinon tu vas être malade aussi.

Eléanore s'était promis quand elle était tombée enceinte pour la première fois, de ne jamais être une maman gâteuse. Mais devant un si joli petit ange, toutes ses résolutions volaient systématiquement en éclat. Il lui donnait à chaque fois envie de le serrer dans ses bras pour ne plus jamais le lâcher. Et c'était pareil avec tous ses enfants. Même si, avec Raphaël, cette envie la prenait presque à chaque fois qu'elle le contemplait.

-Eléa, tu devrais te dépêcher d'aller te laver, conseilla gentiment Daniel, alors qu'il versait la première crêpe dans une assiette solitaire.
-Oui Eléa tu pues ! Ajouta avec un rictus moqueur Seth.

Elle avait bien fait de le nommer comme le dieu antique du mal, ce gosse, même si ça pourrissait l'harmonie des prénoms de la famille : il le méritait amplement. Elle remonta donc jusque sous les combles où se situaient sa chambre et la salle de bain privée des adultes –presque sa pièce favorite dans la maison, quoiqu'elle adorait presque tout ici, autant l'architecture farfelue que les drôles d'envies excentriques qu'avaient eu son constructeur durant le chantier. Son coin préféré restait l'escalier menant au toit, là Daniel y avait collé des centaines de photos de leur petite famille, sur les murs, sur les marches, dès qu'elle passait par là, elle pouvait y rester des heures, plongées dans ses souvenirs.

Mais ce matin elle était à la bourre comme on le dit, alors elle ne profita pas du décor, et se contenta d'une douche rapide. De même, elle se coiffa superficiellement –c'est-à-dire ne fit qu'empirer les choses en attachant le tout dans une queue de cheval basses sans même se soucier des nœuds. Elle s'arrêta cependant une seconde pour admirer son reflet.

Car Eléanore restait une femme. Une femme étrange, certes, mais une femme tout de même, aussi son apparence l'importait un tant soit peu. (Un tout, tout petit peu).

Elle ne prêta pas garde à son regard d'émeraude qui commençait à se parer de quelques rides rieuses. Ni de son nez mutin encore rouge à cause de son effort de tout à l'heure, de ses lèvres un peu trop gercées pour qu'on puisse en savourer toute la plénitude. Tout cela, tout ce qu'elle avait été, elle le contemplait chaque jour sur ses enfants. De même, sa tignasse indomptable, composées de mauvaises boucles et de fourches, d'un vert sombre, elle regrettait chaque fois un peu plus que Seth et Raphaël en aient hérité.

Même si les regrets et Eléa partageaient un lien étrange, proche de l'indifférence, elle en avait tout de même. Elle était humaine après tout.

Plus ou moins.

Non, ce qui tourmentait la presque-quarantenaire, c'était plutôt l'état de ses cuisses. A travers le tissu de son horriiiiible tailleur (elle ne s'en plaindrait jamais assez, de sa tenue de PDG modèle), elle guettait la moindre trace de cellulite ou de tâches. Mais à part les cicatrices blafardes qui zébraient son corps, il n'y avait rien. Elle tâtait tout de même le muscle un peu plus chaque soir et s'attristait de voir sa peau se détendre : toutes ces heures d'entraînement réduites à néant par la vieillesse, fatalité inévitable : rien ne l'énervait plus que cela.

-Bon ! Les enfants debout ! Finit-elle par crier en tournant des talons.

Cela ne servait à rien de s'écouter se plaindre devant le miroir, décida-t-elle, comme tous les matins.

Bien évidemment, aucun gamin ne sortit de sous les couettes quand elle vint les chercher, cela aurait été bien trop beau : ils avaient tous le sommeil de plomb de leur tendre géniteur ! Où était donc passé son gêne de lève-tôt, bon sang ?

Elle dut donc faire une escale à chaque chambre. Ramassa la petite Jade, jolie bébé encore tout baveux et donc totalement inintéressant –même si on avait vainement tenté de lui donner de l'attrait en lui couvrant la tête d'un chapeau doté d'oreilles de chat. Avec ce chargement elle fit un détour jusqu'au placard qui servait de chambre à son deuxième fils –allez savoir pourquoi il s'obstinait à dormir là-dedans, dès qu'on le bougeait il finissait toujours par revenir s'y installer durant la nuit…Elle secoua Elliot, âgé de 10 ans. Celui-ci attrapa ses lunettes sur sa table de nuit construite à l'aide de livres, mais ça ne l'empêcha pas de se manger littéralement le mur en essayant de suivre sa mère, encore dans les brumes du sommeil. La partie fut plus simple pour ses ainés, Edith et Eliel, elle se chargea de sortir Ed de sa torpeur et lui laissa le bon soin de réveiller son frère : elle s'en sortait toujours mieux qu'elle pour ça. Sa relation avec son fils aîné n'était pas excellente et la bonne humeur du matin exacerbait le moindre petit conflit : et Arcéus seul savait combien la plus petite chose pouvait en générer au moment de l'adolescence !

Dix minutes plus tard, toute la famille Sarl se tenait autour de la table dans la cuisine, autour d'une plâtrée de crêpes assez conséquente.

Certains étaient certainement nés avec un instinct de survie élevé, Eliel, Jade et Seth, par exemple, mangeaient goulument et se servaient sans pitié tandis que les autres, plus mous, plus rêveurs, voyaient parfois leur petit-déjeuner leur passer sous le nez avec un regard absent, comme ne réalisant pas tout de suite la perte. Raphaël et Edith faisaient parti de ceux là. Elliot lui, étrange garçon, appartenaient aux deux catégories, attendant juste qu'un de ses frères tourne le dos pour récupérer les crêpes dans leurs assiettes, savourant plus l'expression de surprise de sa victime que la confiserie en elle-même.

-Abu. Déclara le plus sérieusement Jade, les mains pleines de sirop tant elle s'était agrippée à sa nourriture.

Comment cette gamine pouvait manger tous ses petits pots, plus son poids en crêpes, c'était une grande question. Pourtant ni Elle, ni Danny n'avait un appétit de goinfrex.

-Tiens Jade.

Raphaël donna à sa petite sœur ce qui lui restait dans son assiette, et celle-ci gazouilla de plaisir. Eléa le sentait venir, cette gamine serait obèse. Sauf si elle parvenait à l'entraîner dans ses entraînements matinaux. Toute à sa réflexion, elle n'eut pas le bon réflexe, heureusement, Daniel l'eut, lui. Il retira le plat à la petite fille.

-Tu ne peux pas faire ça Raphaël, tu es malade.

Les deux gamins eurent une moue aussi désespérée l'une que l'autre, et Seth poussa un soupir exaspéré avant de refiler son plat à sa petite sœur en remplacement à celui de son jumeau confisquée. Il envoya une œillade de défi à son père, bien trop insolente pour être tolérée normalement.

-Voilà, comme ça, ça va ? Maugréa-t-il.

Il avait de la chance que Daniel ne sache pas gérer l'insolence. Raphaël en profita pour remercier son jumeau d'un énorme ; un gigantesque sourire, hérité d'Eléa, très certainement. Tout le monde craqua.

-J'y vais, aujourd'hui on a un contrôle sur les math de dressage, sur les EV. Finit par déclarer Eliel, en mettant ses couverts dans le lave-vaisselle d'une main et en envoyant son sac sur son dos de l'autre.

Le gamin aux cheveux noirs sortit une pokéball de sa poche, mais Eléa l'interrompit, joueuse :

-Flynn et Celesta arrivent par le train de quelle heure déjà ?

Edith rigola, presque le seul son qu'elle était capable de produire, mais il restait clair et audible, on pouvait même le qualifier de ravissant. Malheureusement cela ne plut pas à son frère, qui grimaça, et comme à chaque fois qu'il était en mauvaise posture, stressé ou irrité, il usa de l'ironie et du sarcasme :

-Il arrive par le même train que Thaniel !

Et il se prit un sac en pleine figure à la suite de cette phrase.

Jade poussa un rire machiavélique (elle était bien plus douée que son père pour ça) en voyant sa sœur malmenée ainsi par son aîné.

Le geste fut accompagné d'une volée d'injures –ou quelque chose d'agressif en tout cas- en langage des signes. Que bien entendu Eliel ne put pas lire. Cela aurait rapidement put dégénérer, avec les familles nombreuses, les disputes et bagarres entre enfants sont fréquentes, mais les parents commençaient à maîtriser un peu le phénomène.

-Ed. Récupère ton sac. Eliel, si tu veux partir plus tôt pour attendre Thany, Flynn et Célesta à la gare il suffit que tu nous le dises. Lança Daniel d'une voix forte.

Edith essaya bien de se défendre, silencieusement, signant quelques arguments, mais son père la réduisit à un silence encore plus profond d'un même geste en réponse.

Parfois Eléa regrettait de ne pas apprendre ce langage physique, mais elle avait refusé de traiter sa fille aînée comme malade. C'était au dessus de ses forces, même si voir sa fille et son mari échanger des conversations auxquelles elle n'avait aucun accès la remplissait de mélancolie.

Mais elle avait vu pire dans sa vie. Bien pire que cela. Elle savait ce que l'on ressentait quand on était traité différemment des autres, et refusait d'infliger cela à sa progéniture.

Edith était déjà née avec le nom de famille Sarl, de plus, lors de sa 6ème année, elle avait radicalement changé de physique. Bébé, elle avait eu les cheveux noirs jais de son papa et des yeux vairons, l'un bleu, l'autre vert émeraude. Aujourd'hui, elle arborait une tignasse vert anis, tellement claire qu'ils en paraissaient blancs de loin. Si ses prunelles restaient vairons, ils s'étaient considérablement éclaircis eux aussi à tel point qu'il fallait vraiment se concentrer pour remarquer qu'elle possédait une prunelle vert d'eau et une autre couleur d'eau verte. Ce phénomène, aucun médecin (tous des incompétents) n'avait pu l'expliquer. De même, que personne n'avait jamais pu expliquer la raison de son handicape depuis sa naissance…Elle était assez différente déjà, pour que personne ne le lui fasse remarquer davantage chaque jour considérait Eléa.

-Il a raison, quel besoin tu as de nous mentir, on ne va pas te tuer parce que tu veux aller attendre ton meilleur ami à la gare. Ajouta-t-elle en déviant son attention sur son fils aîné.
-D'accord, je vais attendre mon meilleur ami à la gare et après on sèchera les cours pour aller fumer des joints derrière le gymnase.

Eléa arqua un sourcil, Daniel paniqua, mais elle lui fit comprendre qu'Eliel utilisait encore de l'ironie. Son meilleur ami était bien trop sérieux pour louper ne serait-ce qu'une dizaine de minutes de cours, Flynn avait l'ambition d'être un gentleman chevalier : quoique cela puisse signifier dans son esprit tordu, cela impliquait une ponctualité et un sens de l'honneur en béton armé.

-Mais pourquoi c'est moi qui suis incriminé, ELLE m'a jetée son sac dessus ! S'énerva Eliel en se reprenant sur cette injustice.

Décidément, Eléa ne savait pas de qui Eliel tenait ce caractère de cochon !

-Et que veux-tu que je te dise ? Quand on envoie une remarque à une personne, il faut s'attendre à un retour, c'est la base de la répartie. Et toi Edith, la violence ça montre juste ta faiblesse, ça veut dire que tu n'as plus rien à dire pour te défendre et c'es comme approuver ce qu'il t'a dit avant ! Renvoya Eléa à sa fille.

Cette dernière maugréa quelques mots en langue des signes, et cette fois Eléanore sût à peu près son contenu. Daniel aussi ne manqua pas de le comprendre et il lui envoya une petite tape sur le crâne en guise de réprimande.

Au final, la journée qui avait plutôt bien commencé si on omettait la maladie de Raphaël qui se dégrada. Avec deux enfants boudeurs à pas plus de 8h. Cela donnait envie de crier « COMBO » à Eléa, mais cela risquait de les vexer.

Qu'est-ce qu'elle avait fait à Arcéus pour que celui-ci lui donne des gosses sans sens de l'humour ! Elle ne lui avait pourtant rien fait !

Quoique…
Non ça ne comptait pas.
Et si ça comptait Arcéus n'avait aucun humour non plus.

-Maman, j'adore ta répartie, dire à Ed qu'elle n'a rien à dire, c'était juste magnifique ! Lui envoya Elliot avec un sourire, juste avant d'aller prendre son sac.

Bon, rectification, au moins un de ses gosses en avait. Elle admira Seth qui ricanait après avoir murmuré quelques mots à son jumeau –lui, essayant de camoufler son embarras.

D'accord trois. Sur six, c'était un bon score. C'était les gênes de Daniel qui avaient tout pourris les siens, d'abord.

-Je dépose Jade à la garderie. Envoya Daniel qui s'occupait de nettoyer le nourrisson, totalement surexcité après son repas et donc difficilement contrôlable.
-Ok.

On sonna à la porte, et Eléanore alla ouvrir rapidement tandis qu'on grognait dans son dos. Elle ne vit personne face à elle, mais vu le cri qui lui vrilla les oreilles, elle en déduisit rapidement l'identité de ce visiteur matinal.

-Coucooou ici l'extraordinaire, la magnifique, la sublimee…
-Bonjour Mirana.

Cette dernière ne parut pas s'offusquer qu'elle lui coupe sa tirade (alors qu'elle devenait intéressante). Autant, Eléa regrettait que sa fille ne puisse pas parler, autant, Mirana parlait parfois tellement que cela ne lui faisait pas de mal d'être interrompue régulièrement. Beaucoup dans son entourage souhaitaient sûrement secrètement pouvoir installer une fermeture éclair sur la bouche de la petite, à l'instar de son branette, pour disposer d'elle et de sa manie de papoter, à volonté.

Mirana, consciente de tout cela, ne corrigeait pourtant pas son comportement et même l'accentuait avec un plaisir proche du sadisme. Elle rigola gentiment.

-Regarde, Regarde ! Tu as vu ma coiffure ! Lui envoya-t-elle toute ravie, tournant sur elle-même comme si ça pouvait aider Eléa à mieux admirer sa tignasse– ce qui n'était pas le cas.

Elle pointa tout de même significativement les pointes de ses deux couettes hautes, après avoir posé vainement. Mais Eléanore ne vit toujours pas ce qui avait changé dans la chevelure noire de la gamine : elle était toujours aussi soyeuse, pleine de volume, parfumée, et parfaitement coiffée en deux couettes grâce à deux rubans dont les embouts pendaient avec coquetterie jusqu'à ses clavicules. La coquetterie incarnée qu'elle tenait de sa tendre maman.

-Bravo, tu as toujours des cheveux ! Commenta vaguement Eléa.

La fille de Sam se vexa. Heureusement pour Eléanore, Raphaël rejoignit la porte d'entrée toujours en pyjama, et lui, remarqua tout de suite le changement.

-Oh, tu as les cheveux qui bouclent ! C'est joli !

Il s'approcha pour toucher les vagues ondulations de quelques mèches au bout des couettes. Mirana ronronna de plaisir, et se trémoussa en minaudant.

-Je saiiis ! Maman m'a acheté un fer à frisé et elle m'a bouclé les cheveux ce matin ! Ca me va bien hein, je ressemble de plus en plus à ta maman, hein ?

Eléanore roula des yeux vers le ciel. C'était incroyable le culte que lui vouait la fille de Samantha. Pourtant avec ses grands yeux bleus sombres, et sa peau claire comme de la porcelaine, elle pouvait difficilement se faire passer pour elle. En plus elle n'avait que 12 ans, chose non négligeable si elle avait l'intention de la tuer discrètement pour prendre sa place ni vu, ni connu comme maîtresse de l'entreprise Sarl.

-Ca te va super ! Lui sourit Raphaël. – Tu es aussi jolie que maman !

Hey ! Le gosse de Sam, lui disait à elle, qu'elle était la plus belle ! Pourquoi son bébé à elle ne disait pas la même chose ?!

-Haon, t'es trop mimi. Rougit Mirana.

L'avantage avec Mirana, c'était qu'elle avait presque toujours le sourire.

-M-Mais ! Raph ! T'es toujours en pyjama ! S'exclama soudain la petite, étonnée.
-Oui il est malade ce matin, il va venir avec moi.
-Il va aller à l'entreprise Sarl au lieu d'aller à l'école ?! Han le booool ! Raphaaaaël file-moi tes microoobes !

Raphaël lui fit un bisou sur la joue, soit pour la consoler, soit pour obéir, il était difficile de le savoir. En tout cas Mirana le serra dans ses bras en babillant. C'était assez rigolo à voir, car Mirana était une fille minuscule alors il n'y avait pas grande différence de taille entre eux deux alors que 6 ans les séparait.

-Attends ! Attends…

La petite farfouilla dans son sac en forme de ténéfix shiney. Sa mère avait eu une crise de couture lors de ses deux grossesses. Du coup elle avait cousu à peu près tout, de chaussettes tailles bébés, aux peluches, en passant par les rubans, les couvertures, jusqu'aux sacs et chapeaux assortis, il y avait même eu une période où elle avait cousu des doudous de tous les Pokémons qu'elle connaissait, sous toutes leurs formes connues. Au bout des 300, ses créations avaient commencé à ressembler à quelque chose, mais pas toujours à la créature à laquelle elle pensait. Eléa avait une ribambelle de photos compromettantes des enfants de Sam affublés des oeuvres de leur mère, sa préférée : le sérieux Noël avec son Bob polichombre.

Bref, en attendant, Mirana venait de sortir de son sac de cours une masse de tissus aux coutures grossières, qu'Eléa reconnu immédiatement : c'était son doudou d'enfance, à une époque il était rare de la voir sans, elle le trainait partout avec elle, sale ou non. Tenefix 0.1 shiney, la première tentative foireuse de Sam. Mirana le tendit à Raphaël avec un sourire.

-Il te tiendra compagnie et chassera tes microbes.

Rien n'était moins sûr, ce truc là était plutôt un autre nid à germes. Mais Raphaël le prit dans ses bras avec un énorme sourire ravi, puis il le serra tendrement. Mirana refouilla son sac et en extirpa une autre création de sa mère, et ni une ni deux elle lui enfonça sur la tête un chapeau en forme de tentacool.

-Cadeau.

Cadeau de sa mère dont elle voulait se débarrasser ouais…Le visage de Raphaël s'illumina sans se soucier de tout ça. Le gamin se fichait bien de la saleté et du kitsch. Cependant, Eléanore s'étonnerait toujours des capacités de Mirana à mettre tout dans son sac sauf des livres de cours…

Enfin, si, il y avait des livres généralement dans son sac, des pièces de théâtres absolument pas au programme. Mais à part ça, Eléanore songeait que vu tout ce qu'elle en sortait, elle ne devait plus avoir de place, même pour un stylo. Et Sam se demandait encore pourquoi sa fille ramenait des notes moyennes… !

-Et moi, j'ai ma peluche branette dans mon sac, comme ça, on fait la paire ! Sourit Mirana, -qu'est-ce qu'elle disait ? Combien de peluches camouflait-elle encore dans son cartable ?! – la petite, très fière d'elle, prit soudain son expression indignée favorite :

-M-Mais…Attends, si tu ne viens pas à l'école…Du coup…Je vais devoir accompagner Eliel, Ed, Elliot e-et…SETH ?! Se rendit-elle compte avec terreur après coup.
-Désolé d'être là.

Cette maison était une souricière, il était impossible de garder les enfants à l'intérieur, constata froidement Eléa alors que Seth arrivait sur le palier, prêt. Mirana et lui échangèrent une œillade de défi. A lui, elle ne lui prêterait jamais le moindre chapeau, même si elle désirait s'en débarrasser.

Autant Mirana adorait Raphaël, autant elle détestait copieusement son frère jumeau, qui le lui rendait bien.

-Le voyage va être super.

Au tour d'Elliot de se montrer. Mais lui, il devait vraiment adorer la perspective de faire le chemin entre ces deux là, il devait avoir hâte de jeter de l'huile sur le feu. Mirana et lui, il fallait l'avouer, formait un foutu duo d'emmerdeurs quand ils le voulaient bien.

-Elliooot, Elliooot, regarde un peu ma nouvelle coiffure, elle est belle, hein ? S'empressa de demander Mirana, retrouvant sa bonne humeur.
-Magnifique. Tu as la grâce de ton ténéfix et la voix enchanteresse de ton branette. Sourit Elliot.

Cela ne devait pas être un compliment ça. Mirana gonfla ses joues, vexée. A lui, elle lui donnerait sûrement de bon cœur le plus ridicule de tous les chapeaux que sa mère ait un jour confectionné.

-Tout le monde est prêt ?

Daniel arriva, portant Jade dans le porte bébé, un sac à dos, et surtout, emmenant avec lui les deux boudeurs, Eliel et Ed. Il salua simplement Mirana de la tête.

-Bonjours Mirana. Très jolie ta coiffure.

Il n'aurait pas pu plus combler la petite. Elle cherchait peut-être à lui voler son mari, en plus de son identité… ?

-Où est ton frère ?
-Il ne voulait pas être en retard alors il est allé à l'école avec Papa.
-C'est bien Noël ça toujours sérieux…
-Ouaiiis.

Mirana ne parut pas ravie de cet état d'esprit chez son frère, mais elle se garda bien de tout commentaire, Sam élevait correctement ses enfants. Eléa se fit la remarque que peut-être elle devait lui confier les siens, ses bébés avaient tendance à jurer comme des pijako.

Mais, la mère de famille en elle –aussi laxiste qu'elle puisse être- jugea tout de même que Noël avait bien raison, et que s'il continuait sur cette lancée les petits seraient en retard. Elle siffla et rapidement, Hope son arcanin, et Ash arrivèrent à ses pieds.
Elle les laissait toujours dehors la journée, pour qu'ils puissent jouer, après tout, les Pokémons n'étaient pas fait pour rester enfermés à l'intérieur que ce soit dans une maison, ou dans une pokéball.

Elle s'apprêtait à monter sur Ash avec son petit Raphaël, quand elle se souvint d'un détail.

-Mirana ! Tu obliges Seth à aller à l'école c'est clair, s'il le faut tu le jettes dans la classe de sa maîtresse !
-OUI MADAME ! Scanda la concernée en se mettant au garde à vous, avant de lancer un sourire sadique au garnement : elle ne se ferait pas prier pour exécuter cet ordre.
-ELEA ! S'écria Seth en guise de protestation.
-Tu es trop jeune pour faire l'école buissonnière. Quand tu sauras lire on en reparlera !

Et hop, un troisième enfant qui boude. C-C-Combo !

Arcanin aiderait bien la petite dans sa tâche, après tout il servait bien de bus scolaire chaque matin, il pouvait très bien devenir gardien de prison. Elle observa juste la péninsule, jusqu'à ce que les silhouettes de sa famille disparaissent à l'horizon. Elle savait pourtant que Daniel les accompagnait, que lui-même vérifierait qu'ils arrivaient tous à bon port, avant de prendre le train pour voir son éditrice….

Mais c'était son rituel.

-Maman…

Elle regarda Raphaël niché au creux de ses bras, encore dans son pyjama trop grand et trop vert pour lui – cette couleur rehaussait son teint maladif. Il lui sourit.

-Je t'aime.

De tous ses enfants, c'était certainement celui qui lui répétait cela le plus. Peut-être parce qu'il était constamment malade et avait besoin d'affection, en tout cas à chaque fois, cela avait le même effet. Elle le serra contre son cœur.

-Moi aussi.

Ash renifla avec approbation et Eléanore sourit :

-Je sais que toi aussi tu m'aimes gros bêta !

Elle lui flatta le flanc et il lâcha un panache de fumée en ronronnant. Eléa ferma les yeux pour savourer la paix qui l'envahissait. Parce que toutes ces jeunes années faites d'aventures et de danger, ses errances palpitantes à travers le monde et ses secrets, ne valaient rien à côté de la paix qu'elle y avait trouvé, aujourd'hui.

Quand elle rouvrit les paupières elle se trouvait dans une pièce sombre et froide. Un écran noir, sûrement un ordinateur éteint, lui renvoya son reflet. Celui d'une jeune femme âgée d'une vingtaine d'années, aux longs cheveux bleutés, et aux prunelles d'Argent.

Sam mit plusieurs secondes, d'abord à réaliser qu'elle avait dormi, puis à retrouver son habituel regard couleur azur. Elle massa délicatement ses prunelles, épuisée malgré la sieste.

-Tu commences à émerger ?

La voix de Gabriel, à côté d'elle, mit fin à ses errances emplies de songes pour la ramener brutalement à la réalité. Elle se redressa, et Hope qui avait du lui servir de coussin couina passant son museau humide sur sa joue, avant de la lui lécher avec tendresse. Elle le cajola en retour, ses doigts effleurant son collier sous son pelage. Elle se força à ne pas caresser la perle noire qui y pendait, mais Arcanin tendit le flanc comme pour l'y inciter, comme pour la forcer. Ce Pokémon semblait deviner quand elle rêvait d'Eléanore et du futur que détenait ce bijou. Le chien flamboyant portait bien son nom. Il portait tous ses espoirs.

Cependant…c'était bien la première fois qu'elle avait une vision de la sorte : habituellement elle arrivait comme spectatrice invisible devant ces scènes de vie. Ignorante, impuissante, elle ne pouvait que se poser des questions et voir les autres agir. Cette fois, elle n'avait pas eu cette impression…Elle s'était sentie…Autre. Elle avait perçu des doutes, des réflexions d'Eléa, elle avait également eut accès à un savoir qui l'étonnait et qu'elle ne maîtrisait pas, comme si un génie maléfique s'amusait à lui jeter des bribes de connaissances selon son bon vouloir, se moquant en gardant les informations qui l'importaient réellement.

…Qu'est-ce qui avait changé ? Pourquoi d'un seul coup avait-elle quitté son statut de spectatrice, pourquoi d'un seul coup s'attardait-elle sur le point de vue d'Eléanore, au lieu de celui de son elle-de-la-perle… ? Qu'est-ce qui avait provoqué ce changement ?

Sam plissa les yeux et se massa les tempes, incapable d'apporter une réponse à tout cela.

-Bon. Si tu veux le savoir, Les deux nouveaux sont à l'abri, on attend plus que tes instructions pour les mettre à l'épreuve avec le reste du groupe. Lui envoya soudain Gabriel à côté d'elle.

Il se méprenait sur ses réflexions, mais il est vrai que ce qui importait réellement, en cet instant, c'était le présent. Elle devait reporter ses doutes sur la perle et ses bizarreries.

-Le garçon ?

Gabriel ferma les yeux.

-Tu ne t'en souviens peut-être pas mais avant de te sentir mal, tu l'as donné à Akira. Il joue avec lui dans le bar en ce moment.

Ah, oui, maintenant elle s'en rappelait, le gamin était couvert de boue et elle ne savait pas quoi en faire, elle avait préféré le passer à son compagnon plutôt que de se salir davantage, chargée et sans but. La lessive coûtait bien trop cher pour qu'elle la gaspille.

-Scarlet ? Demanda-t-elle, les idées et les souvenirs de son présent revenant peu à peu.
-Toujours pas revenue. Répondit Gabriel.

Elle soupira. Le jeune homme de 18 ans lui, resta impassible, son regard vairon rivé sur l'ordinateur sur lequel il travaillait. De là où elle se trouvait, l'écran se reflétait dans ses prunelles, les rendant presque semblables.

-Ne te laisse pas influencer par ce qu'ils ont dit. Lui murmura-t-elle, compatissante.
-Ah ? Qu'est-ce qu'ils ont dit qui devrait m'influencer ? Fit mine d'ignorer le geek.
-T'avoir confondu avec Daniel.

Il arrêta de pianoter, et remit en place une mèche de cheveux derrière son oreille. Depuis tout à l'heure il les avait soigneusement coiffés et plaqués en arrière à l'aide de Gel. Sûrement pour que plus jamais on ne se méprenne sur son identité.

-Je ne vois pas de quoi tu parles. Le fait qu'ils m'aient appelé Daniel me plait au contraire. Cela veut dire qu'ils ont vu mon frère.

Il lui envoya une œillade grave.

-Je compte sur l'épreuve pour leur faire cracher où.

Sam soupira. La mauvaise foi de Gabriel était presque aussi tenace que la sienne. Elle se redressa donc, abandonnant le sujet, et épousseta la poussière de ses vêtements. Les sous-sols du bar n'étaient pas nettoyés tous les jours par le chillarmi de Silver.

-Le gérant originel du bar…Comment va-t-il… ?
-Il est ravi des vacances qu'on lui offre, et ne nous a toujours pas caftés auprès des autorités. Répondit Gabby après avoir vérifié ses infos sur un écran plus éloigné des autres.
-Et la situation à Rosalia ?
-Aucune évolution depuis le spectacle de Scarlet. Ils essayent toujours de maîtriser l'incendie mais ont évacué toutes les victimes apparemment.
-Je croyais que certains devaient mourir dans le tas ?
-Apparemment Scarlet a mélangé toooout le monde dans le hall, et c'est plus simple de ne visiter et ne sauver que les personnes d'une chambre en ignorant les autres, plutôt que de prendre des victimes et contempler leurs voisins griller à côté. Puis de toute façon, ils ne savaient plus qui étaient qui et n'avaient pas le temps de vérifier l'identité de tout le monde pour dénicher ceux qui devaient survivre et les autres.

Il eut un drôle de sourire que Sam identifia comme un vague respect envers l'acte de Scarlet. Ce qui était pour le moins inhabituel.

-Et sinon, dans le bar, notre couverture n'a toujours pas sauté ?
-Non. Tu le sais, tu nous as tous rendu atemporel, il faudrait vraiment qu'on marque une personne pour qu'il se souvienne de nous assez longtemps pour aller cafter à la police.

Sam grimaça, elle aurait été plus sereine si elle avait été CERTAINE d'avoir réussi à les rendre atemporels. Malheureusement il n'y avait aucun moyen d'en être certain et ses pouvoirs avaient tendance à capoter souvent ces derniers temps.

Elle passa vaguement une main sur sa poitrine, au niveau du cœur, et la grimace qu'elle fit tirailla ses lèvres gercées.

Gabriel, insouciant de ses tourments, obliqua dans sa direction.

-Puis, même si c'était le cas, il n'y a aucun avis de recherches concernant Akira, Gold ou Toi. Sinon Twilight serait obligé de reconnaitre qu'ils ont simulé votre mort il y a 5 ans, et donc d'avouer un crime.

Gabriel se sentait toujours obligé de tout expliquer. Elle voulait juste savoir s'il n'y avait pas eu d'incident pendant son sommeil, le reste, elle le savait déjà. Elle n'avait pas besoin d'être rassurée. Elle se tapa juste dans ses mains, comme pour clore la conversation qui s'embourbait.

-Je crois qu'on pe...

Elle s'arrêta, son frère venait d'entrer dans la pièce. Silver avait peu changé depuis le temps, il gardait ses cheveux courts simplement, et s'était mis à porter (en dehors des missions) plus de couleurs. En ce moment il arborait d'ailleurs le sweat-shirt Jaune et noir de Gold, à l'envers.

Elle ne désirait pas savoir pourquoi.

-Scarlet est au bar.

L'information qu'il apportait mis fin à toutes les interrogations de sa sœur, écrasées par une tonne de nouvelles.

-Dans quel état ? Personne ne l'a vue ?

Il secoua la tête négativement. Cela signifiait donc qu'elle n'était pas très bien, mais avait réussi à se glisser ici incognito. Décidément, Sam se félicitait un peu chaque jour de ne pas compter cette femme comme ennemie, même si elle n'était pas non plus vraiment leur alliée.

-Pourquoi Christelle ne l'a pas apportée ici ? Envoya-t-elle alors qu'elle suivait Silver dans les couloirs.
-Je suppose que Twilight aurait trouvé ça louche qu'elle parte en plein milieu de l'interview, juste après l'intervention de Scarlet.

Effectivement. Du coup, elle n'avait pas du dormir longtemps, peut-être une petite heure.

-Elle a fait tout le chemin à pied ?
-Je n'sais pas, tu la connais, on est jamais sûr avec elle.

Il ouvrit une porte, c'était une petite pièce qui servait de karaoké dans le bar, l'endroit parfait pour tenir conférence sans risque d'être écouté ou dérangé, vu que les deux portes y amenant étaient dotées d'un verrou et les murs insonorisés.

Scarlet se tenait assise sur un des canapés au cuir usé, les mains plongées dans une bassine de vinaigre –si Sam se fiait à l'odeur. Quelques morceaux de tissus de son uniforme brunissaient, mais rien de bien grave, ce qui était plus inquiétant c'était les brûlures sur ses bras et la suie maculant son visage.

-Te voilà dans un état…Marmonna la chef de la résistance, plissant des yeux.
-Je reste ici juste le temps de remettre quelques trucs au gamin. Je ne vous encombrerai pas longtemps.

Toujours la même. Sam remarqua un lixy entièrement noir, caché dans les jambes de l'héroïne, et à côté, un petit tas qui ressemblait à un pull et un pendentif bizarre en forme de pokéball, lui aussi noir de suie.

-Le gamin que tu nous as envoyé tout à l'heure ? Oui il est bien arrivé. Mais tu as eu de la chance que tes envoyés ne soient pas baptisés.

Elle se dirigea vers l'habit, mais Scarlet l'empêcha d'y toucher en plaçant comme barrière son bras et sa main parsemés de cloques purulentes.

-J'ai vérifié, je leur ai demandé s'ils étaient baptisés avant de les envoyer ici, ne t'en fait pas.
-Ils auraient put te mentir. Etre en vérité des espions de Twilight, baptisés. Si un baptisé croise la route d'un de nous cela sera marqué dans sa plaque et on sera piégé. Tu le sais pourtant !
-Mais ils ne mentaient pas, pas vrai ?

Elle ne disait pas ça sur un ton méchant, juste comme une vague certitude dont elle attendait la confirmation. Cependant c'était assez agaçant, Sam avait toujours l'impression qu'elle ne se rendait pas compte des dangers qu'ils encouraient. Elle avait certes, peut-être, rendu ses plus proches amis atemporels, ce qui les protégeait relativement contre l'influence d'Arcéus et de son « avenir meilleur », mais cela n'annihilait pas les risques totalement. De plus, elle n'avait aucune certitude d'avoir réussi son sort d'atemporalité, même si les autres en étaient convaincus. Puisqu'elle ne savait absolument pas comment on procédait pour rendre un être atemporel elle s'était contenté de se concentrer et le souhaiter très fort…Ce qui était loin d'être rassurant. L'effet placebo en médecine ne dure qu'un temps après tout, elle préférait éviter d'en être victime.

Elle soupira, et se pinça l'arête du nez. Scarlet toussa, et il sembla à Sam qu'elle crachait du sang à cause de l'intoxication à la fumée, mais c'était difficile à dire, les brûlures de ses mains suintaient déjà de lymphe sanguinolente.

-Silver, tu peux essayer de soigner ses plaies ? Finit-elle par abdiquer.

La voir souffrir de ces brûlures alors qu'elle pouvait y remédier l'énervait plus encore que tout le reste. Son frère fit la moue, réfractaire à l'idée de soigner une personne qui n'était pas vraiment de leur côté. Cependant il s'approcha tout de même et se concentra en attrapant ses paumes meurtries entre les siennes.

Un halot l'entoura légèrement, diffus, puis les auréola tous les deux pendant quelques minutes. Peu à peu, les blessures se résorbèrent pour revenir à leur état original, avant l'incendie.

Scarlet admira l'œuvre avec un sourire, avant de murmurer un merci que Silver prit avec un grognement. Faire étalage de ses pouvoirs temporels lui filait toujours la migraine et donc une humeur de malosse. Il sortit en claquant la porte pour montrer sa désapprobation totale sur ce coup-là.

Scarlet et Sam restèrent seules dans la pièce. La chef de la résistance préféra s'appuyer contre un mur, pour observer sa rivale. Le silence se prolongea encore un peu avant qu'elle ne finisse par lâcher :

-Quel est ce Pokémon ?
-Il était coincé dans l'incendie. J'ai préféré le prendre avec moi vu que je ne trouvais pas sa pokéball. Il n'a pas l'air sauvage, il a du naitre en captivité et y vivre toute sa vie parce qu'il m'a suivi sans que j'insiste.

Sam eut une grimace, et Scarlet lui envoya aussitôt :

-Les Pokémons ne sont pas baptisés que je sache. Ils n'ont pas à prendre parti ou souffrir de nos conflits.
-Ils font partie intégrante du conflit, comme Arcéus. Siffla Sam.

Les deux femmes savaient qu'elles ne s'entendraient jamais sur ce point, aussi, changèrent-elles de sujet.

-Pourquoi tu as pris ces vêtements ?
-C'est le pull du père du gamin, et j'ai pris le collier de sa mère aussi.
-Ils sont morts ? Devina Sam avec tristesse.

Scarlet sembla mâcher ses mots, longtemps.

-Je ne sais pas. Ils étaient dans l'hôtel de Rosalia et ont donc été pétrifiés comme tous les habitants. Le temps qu'ils obtiennent un jugement. Mais l'incendie s'est déclaré.
-Ils ont été brûlés ?

Cette idée lui arracha un frisson d'horreur, mais Scarlet secoua la tête négativement.

-Non, ils n'avaient rien quand je suis arrivé, même si le brasier s'approchait d'eux. Mais ils étaient là depuis bien plus longtemps que moi, j'ignore si la fumée les a asphyxiés avant que je ne les traine jusqu'au hall.
-Quand une personne subit le jugement d'Arcéus, elle entre en un état léthargique, semblable à celui des Pokémons légendaires. Ils n'ont besoin ni d'eau, ni de nourriture et peuvent rester ainsi pendant des années…
-Mais ont-ils besoin d'air ?

L'interrogation de Scarlet la plongea dans la perplexité. Elle l'ignorait. En toute logique, non. Mais rien n'en était moins sûr. Elle n'avait jamais tenté de priver d'air une victime d'Arcéus. Mais jusque là, chaque habitant qui avait passé le nouveau jugement était revenu à eux, après, leur état mental dépendait de leur innocence ou de leur culpabilité.

-J'ai préféré les considérer comme morts plutôt que de trainer deux poids incertains sur des kilomètres. En plus, à part Arcéus, personne ne peut les ramener à leur état originel. Et de toute façon, j'ai mélangé tous les clients de l'hôtel pétrifiés dans le hall, même si Twilight ne veut sauver que ceux qui doivent être sauvés selon les plaques, ils ne le pourront pas. Ils n'ont plus le repère des chambres.
-Cela leur donne un petit sursis, mais s'ils devaient mourir dans l'incendie, les anges de la mort, Thanatos, Hypnos ou Atropos ne seront pas longs pour y remédier.
-Cela me laisse le temps d'agir.

Sam lui envoya un regard inquiet. Elle comptait retourner dans la fosse aux Arbok ?

- C'est normal Rosalia n'aurait jamais du être pétrifiée. Se justifia Scarlet.
-Encore là-dessus ? Si tu t'étais rendue comme le demandait leur ultimatum…
-Rosalia n'aurait jamais été pétrifié ! Tout comme Bonville !

Scarlet toisa Sam du regard avec une sorte de rancune, mais la chef de la résistance ne s'en offusqua pas, et rétorqua sur un ton froid :

-Et le monde libre aurait perdu un atout considérable. Tu dois apprendre à réevaluer ta vie. Il y a peu de combattants qui s'opposent à Twilight.
-Raison de plus pour que les civils n'aient pas à souffrir de tout ça !
-Tu es idéaliste, il est impossible d'éviter les dommages collatéraux ! Au moins, plus on est nombreux, plus on a de chance de mettre un terme à cette secte irréelle, et donc d'épargner des martyrs !
-Alors tu veux sacrifier des centaines de personnes, des villes entières pour aller plus vite, pour sauver 3% des baptisés ?
-Ce n'est pas ce que j'ai dit.
-Plus ou moins.

Sam siffla, piquée à vif.

-Peut-être que tu n'apprécies pas la secte mise en place par Twilight…mais on ne peut nier qu'elle offre du réconfort à des gens. Elle n'est pas pire qu'une autre religion, et elle a au moins le mérite d'apporter des certitudes. Lui envoya Scarlet.
-Elle tue des gens.
-Non, elle leur donne leur espérance de vie, voilà tout. Elle dit à un homme qu'il va mourir d'un cancer, mais ce n'est pas elle qui cause le cancer que je sache. Tu ne peux pas obliger les gens à avoir ta façon de pensée. Twilight prône le déterminisme, toi le libre arbitre. Il n'y a pas de bien ou de mal, là dedans, juste différents points de vu.
-Elle cause le cancer : elle choisit dans tous les avenirs possibles de cet homme celui où il en attrape un, et tout cela pour une raison floue, une espèce d'idée de bonheur commun…Puis, tu dis ça, mais tu combats tout de même Twilight.

Scarlet secoua la tête.

-Parce que Twilight refuse de confier la responsabilité de leurs propres plaques à leurs légitimes propriétaires. Les plaques devraient appartenir aux croyants, et ceux-ci devraient pouvoir choisir de briser le futur qu'on leur prédit, d'y échapper sans que cela les condamne à mort. C'est tout.
-Même si ça soumet les gens à un destin ? A une fatalité ? Je ne suis pas d'accord.
-Mais d'autres le sont, et tu n'y peux rien. Quoique tu fasses le monde ne redeviendra jamais comme avant, c'est trop tard, il a trop changé.

Sam sentit ses phalanges blanchir, et cela lui fit réaliser qu'elle serrait bien trop les forts les poings. Elle secoua la tête et essaya de relâcher sa prise, mais l'agacement fut dur à surmonter. Elles en venaient toujours à cette même conversation, comme si répéter, encore et encore les mêmes arguments changeraient la donne, comme si par miracle, un jour, l'une d'entre elles ne s'opposeraient plus à l'avis de l'autre. Sam savait que jamais une telle magie ne s'opèrerait pourtant, mais la dispute revenait tout de même à chaque rencontre.

Scarlet se leva, décidée. Elles en terminaient toujours là. Elles savaient toutes les deux que le dialogue venait de prendre fin.

-Où est le petit ? Je vais lui donner ce qu'il reste de ses parents…Et ce Lixy…
-Tu parles d'eux comme s'ils étaient déjà morts.
-Ils le sont, tant qu'Arcéus ne lèvera pas son emprise sur eux, ils sont comme morts…

Sam grimaça. Sur ce point il avait raison, si seulement ils avaient les moyens de manipuler Arcéus eux-aussi…Mais Peter avait entouré la gijinka avec sa légion : impossible de l'approcher sans devoir les affronter…De plus ce n'était pas comme si capturer le réceptacle d'Arcéus changeait la donne. Celui-ci n'acceptait d'obéir qu'aux ordres de Peter. Personne d'autre.

-il aura besoin de soutien… Je dois lui parler… Marmonna finalement Scarlet.
-Tu tiens vraiment à lui annoncer ça ? Tu te rends compte qu'il va te haïr, que tu sois responsables de la mort de ses parents ou pas ?

Scarlet haussa des épaules.

-Il faut bien que quelqu'un le fasse.

Faire quoi ? Endosser la responsabilité de la mort d'innocents, ou alors apporter la nouvelle abjecte à l'enfant victime de cette injustice ? Sam ne connaissait pas assez Scarlet pour en déterminer la réponse.

Scarlet sortit. Sam se pinça de nouveau le nez avec exaspération. Comme souvent après une conversation avec cette fille. Son ton calme en toute circonstance l'agaçait, ainsi que son implication.

Déterminisme ou Libre arbitre. Destin ou Hasard. La logique humaine, le monde, ne pouvait pas supporter l'existence de ces deux théories dans un même espace. Il n'y a pas de juste milieu, pas de peut-être dans ces théories. C'était soit l'un soit l'autre. Point final. Sam en était persuadée.