Entre infini et au-delà de Cyrlight

La fin de la fin du monde - Calogero


- Qu'est-ce qu'on fait ? s'écria Cassy alors qu'elles se rapprochaient dangereusement du centre du tourbillon.
- Surtout, vous ne paniquez pas ! ordonna Chloé en prenant la situation en main étant donné qu'elle se trouvait dans son élément de prédilection. Léa, accroche-toi à mon dos et descends de Tritosor. Cynthia, rappelez-le dans sa pokéball, et Marion, prenez Tina avec vous. Esméralda, allez vous accrocher avec elles à Akwakwak.

Elle fit revenir l'Otaria à laquelle la gitane se tenait dans sa prison métallique tandis que celle-ci rejoignait à grand-peine la Ranger et la fillette évanouie qu'elle tenait dans ses bras. La nageuse, de son côté, enroula une jambe autour de la queue de son Aquali, alors que la blondinette s'accrochait à ses épaules glissantes du mieux qu'elle pouvait. La meneuse de la Confrérie, quant à elle, attendait les ordres de sa consoeur, cramponnée avec la Championne de Sinnoh au Prinplouf qui les soutenait à la surface.

- Maintenant, vous prenez une profonde inspiration. Emmagasinez autant d'air que vous le pourrez, car il va falloir laisser le maelstrom nous avaler si nous voulons avoir une chance de nous en sortir. Nous serons peut-être amenées à passer une, voire deux minutes sous l'eau. Surtout, n'angoissez pas, sans quoi vous risqueriez d'être en manque d'oxygène trop tôt.

Ce plan là les terrifiait les unes autant que les autres, et même Chloé laissait transparaître ses doutes sur son visage, toutefois aucune ne chercha à la contredire. Elles n'avaient pas le temps d'envisager une seconde option, et Artémis paraissait indisposée à les aider à s'en sortir.

Quand elles virent enfin approcher le centre du tourbillon, elles gonflèrent leurs poumons au maximum. S'efforçant de garder les yeux ouverts en dépit de l'eau salée qui incendiait leur cornée, elles se retrouvèrent en apnée à plusieurs mètres au-dessus de la surface. La mer était cependant plus calme à cette profondeur : il n'y avait plus aucune vague susceptible de les malmener.

D'un bref mouvement qu'elle dut répéter deux fois afin de s'assurer que tout le monde l'avait bien vu, la sportive leur intima de se tenir avec force à leur pokémon respectif. Léa, inquiète, resserra sa prise sur son buste, alors qu'elle ouvrait la bouche pour tonner dans un nuage de bulles :

- Hydrocanon !

Dans une parfaite synchronisation, un jet d'eau torrentiel s'échappa des gueules du Prinplouf, de l'Aquali et de l'Akwakwak pour les propulser en direction de l'air libre. La puissance des attaques les projeta un court instant dans le ciel obscur avant qu'elles n'atterrissent douloureusement sur une plage de galet, haletantes, recrachant l'eau qu'elles venaient d'ingurgiter.

- Touss touss... Félicitation, parvint à bredouiller Cassy dont la tasse salée qu'elle avait avalé lui brûlait encore la gorge. C'était une idée de génie. Tu viens probablement de nous sauver la vie.

Chloé lui répondit par un sourire, manquant cruellement de forces pour quoi que ce soit d'autre, tout en se traînant à quatre pattes jusqu'à sa hauteur où elle se laissa tomber sur le flanc. La jeune fille passa ses bras autour de ses épaules puis posa sa tête contre la sienne en un geste d'amitié.

- Vas-y Léa, il faut que tu vomisses toute cette eau que tu viens de boire, indiqua Cynthia en lui tapotant le dos.
- Keurf keurf... Beurk, cela a un goût immonde.
- Ne t'inquiète pas, il va s'atténuer. C'est l'iode qui provoque cela.

Elle se leva pour essorer son long manteau noir devenu incroyablement lourd à porter maintenant qu'il était complètement trempé, à côté d'Esméralda qui vérifiait que le mécanisme d'ouverture des pokéball n'avait pas trop souffert de ce bref séjour imprévu dans les profondeurs de la mer.

Le ciel était dégagé, désormais. La grêle ne tombait plus et le vent soufflait calmement. Heureusement pour elles, car elles n'auraient pas survécu au même climat polaire si il leur avait fallu faire face avec leurs vêtements mouillés qui les gelaient jusqu'à l'os.

Artémis arriva soudain, alors qu'elle leur était complètement sortie de l'esprit, pour sauter du dos de Latias afin d'atterrir avec souplesse devant elle. L'éon reprit aussitôt de l'altitude pour s'envoler dans la nuit étoilée.

- Pourquoi n'avez-vous rien fait ? demanda Cassy en secouant sa chevelure brune à la manière d'un Galopa. Nous aurions pu mourir et vous êtes restées là à nous regarder couler, sans même nous aider.
- Je n'ai pas à me justifier. Je suis ici pour vous escorter jusqu'à Circé, pas pour jouer les gardes du corps. Nous allons passer la nuit sur cette plage. Tenter de rejoindre la Vallée des Brumes alors qu'il fait aussi noir, ce serait du suicide, même pour moi.

Elles montèrent donc un campement de fortune. L'adolescente longea la montagne en compagnie de Chloé et Léa afin d'y trouver un feuillage susceptible de leur faire des couches pas trop inconfortables pour la nuit, tandis que Cynthia et Marion demeurèrent sur la plage pour tenter d'y aller un feu.

Lorsqu'elles revinrent, des flammes bleutés dansaient au-dessus des galets, résultante d'un bois qui aurait macéré un certain temps dans la mer avant de sécher. Le sel lui conférait cette teinte étonnante.

- Vous avez trouvez quelque chose à manger ? demandèrent les trois amies en choeur, alors qu'Esméralda revenait également de sa mission.
- Il n'y a rien. J'ignore même comment vous avez pu trouver de la végétation de votre côté, car moi, c'était le vide total.
- Justement, il n'y en avait pas non plus. Toutes ces feuilles doivent probablement venir d'en-haut, de la montagne, où elles se seraient détachées d'un arbre pour venir atterrir ici, en contrebas.

Elles installèrent sur le sol aux galets durs le peu de verdure sur laquelle elles étaient parvenues à mettre la main. Cela ne suffit cependant pas à atténuer les pierres saillantes qui leur meurtrirent le dos sitôt qu'elles s'allongèrent par-dessus dans l'espoir de dormir un peu pour reprendre des forces.

Cassy, en dépit de la fatigue accumulée, ne parvint pas à trouver le sommeil. Lorsqu'elle se décida à rouvrir les paupières, elle remarqua qu'elle n'était pas la seule. Artémis se tenait assise près du feu, ses longues jambes musclées repliées sous elle. En silence afin de ne pas déranger les autres, elle se leva sur la pointe des pieds pour aller la rejoindre. L'autre ne lui accorda même pas un regard pendant qu'elle s'installait à ses côtés.

- Pourquoi détestez-vous Arceus ?
- C'est un maniaque du contrôle. Il pense que, parce qu'il nous a créé, nous sommes à sa merci, qu'il a un droit de vie et de mort sur nous. Nous nous battons pour regagner notre liberté, sauf qu'il nous persécute depuis que nous avons tenté de nous séparer de lui, il y a des siècles de cela.
- Et les autres ne partagent pas votre avis, c'est cela ?
- Tu fais référence à mon frère, n'est-ce pas ? C'est un idiot qui se traîne aux pattes d'Arceus dès qu'il en a l'occasion. Il ferait n'importe quoi pour donner une très haute opinion de lui-même.
- Et les autres ?
- Il ne faut pas croire que tous ceux qui sont encore dans son camp le sont par loyauté. Il y a d'autres motifs.
- Quoi donc ?
- La peur de Darkrai. Il terrifie beaucoup de monde, et j'imagine que c'est pareil chez les humains.
- On peut dire cela ainsi, affirma Cassy sans plus s'étendre sur le sujet.
- Et puis il y a les faibles, comme Adam et Eve. Ils se moquent bien de la survie de l'ère arcésienne : la seule chose qui compte à leurs yeux est la protection qu'il leur apporte face à Lilith. S'il n'était pas là, elle aurait abattu sa rivale depuis bien longtemps.
- Elle est donc sous la protection d'Arceus en plus de celle de Cresselia ?
- Non, les sentiments sont réciproques. Arceus ne s'intéresse pas le moins du monde à eux, il les trouve sans intérêt. Toutefois, il sait que les tourments de Lilith ne cesseront pas tant que Eve vivra, raison pour laquelle il fera tout son possible afin de la protéger au maximum.
- Combien êtes-vous à vous opposer à lui ?
- Quelques-uns, mais la plupart n'agisse pas. Ils ont également peur des représailles de Zeus qui ferait tout pour venger le pokémon auquel il est lié. Personne ne résiste à la puissance de sa foudre.
- Pourtant, vous, vous le faîtes bien.
- Lilith a longtemps été ma meilleure amie. Je n'ai pas apprécié le sort qu'il lui a réservé. Nous étions trois à l'époque, elle, moi... et Circé.
- Et il a tout fait pour vous séparer, n'est-ce pas ?
- Pourquoi nos histoires t'intéressent-elles tant que cela ? demanda alors Artémis au moment de répondre.
- Parce que moi aussi, je voudrais bien voir s'écrouler Arceus. Ce n'est qu'un monstre d'arrogance qui, au lieu de chercher à réparer les torts qu'il a causé, se complait dans un monde qui n'est que haine, douleur et mépris. L'espèce humaine, voire l'univers entier court à sa perte, et il ne fait rien pour l'en empêcher.
- Hum... Je ne me trompais pas, hier, lorsque je t'ai dit que tu ne t'en sortais pas trop mal, pour une débutante. Peut-être la nouvelle Confrérie nous sera-t-elle utile à l'avenir, qui sait ?
- J'en doute.
- Pourquoi cela ?
- La plupart de mes amies sont croyantes. Jamais elles ne s'opposeront à Arceus, surtout pas dans le but de l'assassiner. Même moi, bien que souhaitant ardemment sa mort, je ne suis pas certaine d'accepter d'oeuvrer à vos côtés.
- Tiens donc.
- Lilith veut que je sois ce que je refuse d'être.
- Une Succube ?
- Comment savez-vous ?
- Arceus a tenté de les exterminer en même temps que les Gijinkas et je sais que depuis ce jour, elle souhaite tenter l'expérience avec des disciples humains pour créer une espèce qui serait encore supérieure.
- Je ne saurais m'y résoudre.
- C'est ton choix, répondit simplement la chasseuse en jetant une branchette dans les flammes qui la léchèrent aussitôt. Si toutefois tes amies et toi, ou même toi toute seule, décidiez de prendre part à notre lutte et de vous rallier à notre cause, nous ne serions pas de trop. Même Lilith le reconnaitrait.
- C'est trop pour nous. Nous avions espéré triompher de la Team Galaxie afin de reprendre une vie normale, humaine... car c'est ce que nous sommes. Nous ne voulons plus avoir affaire avec le surnaturel.
- Décidément, ton espèce me désespérera toujours. En tout cas, vous pouvez faire tout votre possible pour oublier cette histoire si le coeur vous en dit, mais vos glyphes, eux, ne s'effaceront jamais.
- Nous le savons... Nous le savons.

Le regard de Cassy se posa sur deux yeux argentés qui disparurent presque aussitôt. Depuis combien de temps Cynthia écoutait-elle la conversation ? De toute façon, elle venait probablement d'entendre ce qu'elle désirait. Après tout cela, la Confrérie n'aurait plus lieu d'être : elles pourraient enfin laisser tomber.