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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 25/05/2013 à 17:29
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:47

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 32 : Se sauver soi-même
Cette nuit-là, Jérémie eut des difficultés à dormir. Il se retournait sans cesse dans ses couvertures en transpirant malgré la fraîcheur nocturne. Des bribes de rêves - ou plutôt de cauchemar - lui venaient par saccades. Dedans, il incarnait un homme aux traits flous. D'une simple chiquenaude, il détruisait tout sur son passage puis marchait d'un air avantageux aux milieux des pleurs et des suppliques. Il riait, d'un rire grave et froid, semblable à l'aboiement d'un chien maléfique...

Jérémie se réveillait alors en sursaut. Les membres et le front moites, il se recroquevillait finalement sur lui-même pour effacer ses démons. Oscillant d'avant en arrière avec un regard d'effroi, il restait là une dizaine de minutes avant de retrouver un sommeil agité.

Mais cela ne durait guère longtemps et il se réveillait encore et encore, tiré du pays des rêves par un énième cauchemar.

Les heures s'écoulèrent infiniment moins vite que d'habitude. Pour Jérémie, ce fut un vrai supplice, un clavaire innommable. Fatigué et tendu, il regardait les secondes défiler avec une lenteur qu'il soupçonnait d'être délibérée...

Quand l'aube darda ses rayons nuancés de gris, de rose et de jaune, Jérémie n'avait presque pas dormi et scrutait la fenêtre d'un regard vitreux. Ses paupières mi-closes voulaient se fermer entièrement m ais il les en empêchait, hanté par le souvenir de ses cauchemars. Il s'habilla machinalement et laissa ses pas le porter dans le salon où Mathilde et Hyde conversaient déjà devant un bol de thé fumant.

- Je n'aime pas ça, Naïa n'est pas dans son assiette en ce moment, disait l'homme en hochant la tête d'un air navré. Je crois bien que sa prémonition la taraude énormément, au point qu'elle est à fleur de peau...

Mais il se tut en voyant Jérémie descendre les escaliers tel un automate atteint de dysfonctionnement. Ses yeux bouffis ne lui permettaient pas de voir plus loin que le bout de son nez, mais il en avait assez entendu pour ajouter encore à ses peines.

Jérémie ne trouva pas moyen de positiver, même lorsque Mathilde vint lui déposer un baiser sur la joue en lui promettant une bonne ration de biscottes et de pâte à tartiner. Sans doute le croyaient-ils dupe. Pourtant il avait immédiatement remarqué le zèle qu'on lui témoignait depuis la veille. Cela partait certes d'une bonne intention, mais Jérémie ne pouvait s'empêcher de se comparer à un animal abandonné qu'on serait venu nourrir par pitié.

Aussi le petit-déjeuner ne fut-il guère réjouissant, même agrémenté selon ses goûts. Il appréciait et détestait à la fois les petites attentions que Mathilde avaient pour lui. En temps normal, il en aurait retiré une joie sans borne. Là, en revanche, il ne parvenait pas à en profiter comme il se devait. Et les regards furtifs voire peinés de son entourage l'aidaient encore moins à se sentir à l'aise.

Finalement, Jérémie parvint à blesser significativement Kabutops durant l'entraînement matinal qui suivit. Sil esquissa un sourire de triomphe, ce fut néanmoins de courte durée : il termina perdant pour la cinquante-troisième fois consécutive après une grave faute d'inattention. Cela acheva de ruiner sa détermination, d'autant plus qu'il sentait les regards braqués sur lui avec plus d'insistance que jamais.

C'est d'un pas lourd que le garçon rejoignit la maison d'Hyde sans en référer à ses camarades. Il monta les escaliers avec morosité et entra dans sa chambre pour se jeter sur le matelas. Puis il lâcha un profond soupir, mélange amer de déception, de tristesse et de fatigue. Si seulement il avait pu trouver un remède miracle contre l'accablement qui pesait sur sa conscience...

- Jérémie ?

C'était Mathilde qui venait lui parler à travers la porte. Sans considération pour elle, Jérémie feignit de dormir ou du moins de ne pas l'entendre. Quelques secondes plus tard, il entendait ses pas s'éloigner.

Un peu déçu de s'être montré aussi acariâtre, Jérémie baissa le regard. Pourquoi donc n'affichait-il que du mépris pour ceux qui comptaient ? Mathilde n'était-elle pas son amie, celle qui avait toujours répondu présente dans les moments difficiles ? Et lui, que faisait-il à la moindre contrariété ? Il la jetait comme une vieille chaussette.

Désormais il était trop tard pour aller s'excuser ; Jérémie en aurait trop honte. Il verrait ça plus tard. Une pensée qui ne l'empêcha pas de culpabiliser fortement pour son mauvais caractère, cependant.

Durant une période remarquablement longue qu'il ne saurait évaluer, Jérémie demeura étendu sur son lit, l'air pensif et les bras en étoile. Scruter le plafond d'un regard vide ne lui serait d'aucun secours, il le savait. Mais il le faisait histoire de trouver quelque chose pour s'occuper, si ridicule que cela puisse sembler.

De toute manière, il ne s'attendait pas à voir une aide charitable tomber du ciel jusqu'à lui ; cela faisait longtemps qu'il avait renoncé aux miracles et à la magie de l'existence. En revanche, il en mesurait toute l'atrocité, de même que la souffrance perpétuelle qu'elle traînait dans son sillage implacable.

Oui, il avait contemplé la mort plus d'une fois dans le blanc des yeux. Cette alliée si traîtresse et indissociable de la vie lui avait montré des choses... des choses que peu de personnes pourraient envisager. Par là même Jérémie avait compris ce que vivre ou mourir signifiait réellement. La mort n'était pas un fait accablant ou même une peur viscérale ; c'était quelque chose de foncièrement plus complexe encore, une sorte de rouage insidieux qui aurait parasité le cycle.

Pour preuve, Cyril avait dû mourir pour que lui continue à vivre... Vraiment, l'existence était injuste, aussi bien dans la vie que dans la mort.

" Et si je te disais que j'étais mort pour que tu comprennes ? intervint une voix déformée dans son esprit. Cesse donc de croire que tout est mauvais. Viens, qu'on règle ça face à face ! "

A cet instant, le souffle de Jérémie se figea. Comment ça, face à face ? Mais ses préoccupations furent bientôt dissipées. Ses paupières fatiguées retombèrent lentement puis il sombra dans une transe épanouie...

Pokémon #461
Quand il se réveilla, il gisait dans une prairie où des pervenches ondulaient paresseusement au gré d'une brise légère. Chose plus étonnante encore, une senteur de pin mêlée à l'arôme suave de la citronnelle embaumait l'atmosphère. Jérémie se releva, savourant le contact de l'herbe verdoyante et lisse sous ses doigts. Il était enivré et décontenancé à la fois.

Il détailla longuement ces arpents de terrain paradisiaques. Où était-il ? Pourquoi y était-il ? Et surtout... comment avait-il fait pour se retrouver là ?

Et puis non... quelle importance cela avait ? Tel un papillon attiré irrésistiblement par une fleur, Jérémie folâtra gaiement dans cette prairie évocatrice de bien des souvenirs d'enfance... C'était plus fort que lui, il devait gambader, se rouler dans l'herbe, sentir et toucher la végétation avant que quelque chose ne vienne gâcher l'euphorie qui s'immisçait en lui...

- Je te dérange peut-être ?

Si Jérémie n'en avait pas cru ses yeux ou s'il s'était agi d'une autre personne, certainement aurait-il hurlé un bon vieux : "dégage, sale fouineur ! ". Mais là, il ne put que se laisser pitoyablement tomber sur les fesses, yeux écarquillés et bouchée bée. Le bonheur dans lequel il flottait semblait tout à coup suspendu.

Non pas qu'il fut attristé de ce qu'il vit, mais il reçut un choc qui le ramena à une réalité moins insouciante. Après tout, comment faire autrement quand il avait cette personne en face de lui ?

- C... CYRIL ? articula Jérémie d'un ton incrédule et rauque. Mais... mais c'est... c'est impossible !

- D'abord, qui te dit que c'est impossible ? rétorqua Cyril en croisant les bras. En tout cas, moi je peux t'assurer que je suis réel.

Jérémie lui sauta au cou, toujours incrédule mais prêt à le croire. Même s'il était certain que tout cela ne devait pas être vrai, il savoura le fait de pouvoir parler avec Cyril. Qu'importe le pourquoi du comment, il en était heureux.

- Allons, pas besoin de pleurnicher pour si peu, dit Cyril en bombant le torse. Au fond, je serais toujours un peu présent en toi, aussi bien dans tes souvenirs qu'à travers le pouvoir que je t'ai confié. De toute façon... les heures ne sont pas aux retrouvailles. J'ai des choses plus sérieuses à te dire.

Surpris, Jérémie se détacha de Cyril en essuyant ses larmes d'un revers de manche. Il le dévisagea sans comprendre.

- Comment ça ? fit-il.

- Je suis là pour te remonter les bretelles, expliqua Cyril. Je n'aurais jamais cru que tu te laisserais aller à ce point. Donc... je vais te recadrer vite fait bien fait.

Pendant quelques instants, Jérémie resta silencieux et l'observa s'asseoir confortablement en tailleur. Puis il imita Cyril. Dans cette scène insolite, ils avaient l'air d'un malade et de son docteur. Jérémie ne savait que penser. Tout lui semblait si réel et faux à la fois. Comment se pouvait-il que Cyril soit face à lui en train de lui parler ? Comment se pouvait-il qu'il le voit avec autant de précision ? Serait-ce donc un rêve particulièrement réaliste ?

- Ne cherche pas à comprendre, nous sommes dans ton monde, expliqua Cyril comme s'il lisait en Jérémie.

- Dans mon monde ? répéta le garçon en fronçant les sourcils. Qu'est-ce que tu veux dire exactement ?

- Rien du tout. Tu es lent à la détente, ce n'est pas dans ton genre. Est-ce qu'il y aurait quelque chose qui te tracasse ?

Avant que Jérémie ait pu répondre, il fut confronté à un orbe constitué d'éclairs et recula en catastrophe. A travers la sphère, Cyril le contemplait avec un sourire facétieux. De toute évidence, il avait donné vie à ce phénomène.

- Quelque chose dans ce genre là ? reprit le roux. Mais pourtant... c'est moi.

- Quoi ? croassa Jérémie en plaquant une main moite sur sa bouche. Toi, tu es... CE TRUC ?

- Est-ce que je te fais si peur que ça ? dit Cyril d'un ton calme, quoique nuancé de reproches. Vas-tu m'écarter encore longtemps comme un déchet ?

- Ce n'est pas vrai, je ne t'ai pas écarté ! répliqua Jérémie, les lèvres tremblantes.

Cyril soupira d'un air frustré et hocha la tête en signe de dénégation. La sphère suivit l'impulsion de son doigt et vola vers Jérémie pour s'arrêter à un centimètre de son visage. Plus blême et horrifié que jamais, ce dernier tenta d'échapper à la proximité tant redoutée de l'électricité. Mais rien n'y faisait, il ne parvenait pas à se défaire de cet angoissant voisinage.

- Tu vois ? reprit Cyril d'un ton navré. Tu m'évites comme la peste. Pourtant, où est le problème ? Nulle part. Je t'ai même aidé à plusieurs reprises, que ce soit contre le directeur d'Orowind, Dynamo, les icebergs, Salomon ou encore Orion. Je me suis aussi sacrifié pour toi. Et voilà comment tu me remercies ? Tu me déçois beaucoup, Jérémie. Je m'attendais à mieux de ta part, je ne t'aurais pas cru si lâche.

Jérémie eut un haut-le-cœur inattendu. Il aurait voulu hurler à Cyril qu'il n'était pas lâche, qu'il n'avait pas oublié ce qu'il avait fait pour lui en tant qu'ami, mais que tout simplement certaines choses le dépassaient au point de le laisser impuissant. Pourtant il ne put rien dire, comme bâillonné par une main invisible.

- Tu ne pourras découvrir ta vraie force et la mâter que si tu me fais confiance et accepte ce que je suis devenu, expliqua Cyril avec une certaine patience. Il n'y a pas d'autre solution pour trouver la paix qui te manque. Il faut également garder à l'esprit que je serai toujours là avec toi. Quoi qu'il advienne.

Encore une fois, Jérémie se contenta d'un silence affligé. Honnêtement, il ne savait pas quoi répondre. Que pouvez-t-il bien dire de pertinent en étant dans le tort le plus complet ? Il avait mérité cette longue réprimande...

- Il faut à tout prix que tu redeviennes comme avant ! s'exclama Cyril en posant le menton sur ses mains d'un air pensif. C'est le seul moyen pour que tu puisses affronter les dangers qui t'attendent. Et pour ça, je n'hésiterai pas si nécessaire à utiliser des méthodes brutales, du genre expéditives...

- Comme quoi ? bredouilla Jérémie sans en croire ses oreilles. Tu pourras faire ce que tu veux, le passé restera le passé ! Je ne pourrai jamais oublier ce que j'ai subi et redevenir le même !

Il avait peur de ce que Cyril pouvait lui réserver, quand bien même ce n'était certainement qu'un songe. Par ailleurs Jérémie ne lui avait jamais vu une détermination aussi farouche... Cela signifiait clairement qu'il mettrait ses menaces à exécution.

- On peut toujours revenir en arrière car on a toujours le choix, rétorqua Cyril en reniflant avec dédain. C'est juste que certains choix sont mieux que d'autres. Tu me déçois. Avant, tu n'aurais jamais sorti ces bêtises avec une tronche de fillette apeurée. Tu aurais regardé la vérité en face et cherché à la contourner au lieu de te plaindre. Décidément, je vais devoir te secouer un peu.

- Mais que comptes-tu faire ? tempêta Jérémie en se levant d'un air furibond. Rien de tout ça n'est réel, tu n'as pas d'emprise sur moi ! Et même si tu sembles être l'ami que j'ai connu, tu n'en es qu'une pâle réplique ! Alors fiche-moi la paix et déguerpis de ma tête !

Avec un ultime soupir qui sonnait le désespoir, Cyril se leva à son tour et fit revenir l'orbe électrique dans sa paume. Puis il jeta un coup d'œil presque compatissant à Jérémie et lui dit sans ciller :

- Dans ce cas, tu ne me laisses pas vraiment le choix. Puisque tu tiens tant que ça à me virer de ta conscience, tu n'auras plus rien du tout.

Avant qu'il ait pu répondre, Jérémie se sentit happé au niveau du nombril et sombra dans un océan d'images multicolores qui lui donnèrent le tournis.