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Gardiens de l'Harmonie T.1 : La mélodie de vie de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 01/05/2013 à 09:11
» Dernière mise à jour le 29/08/2017 à 19:08

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Présence de Pokémon inventés   Région inventée   Romance

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Chapitre 18 : Le Verger
Le monde moderne était une constante source de curiosité et d'étonnement pour Geran. Par exemple, le bateau sur lequel il se trouvait. Il était énorme, possédait des centaines de cabines, et avait sur le pont une grande cuve d'eau où des gens se baignaient qui se nommait « piscine ». Mais plus étonnant encore, ce bateau ne possédait ni voiles ni esclaves pour ramer, et pourtant, jamais Geran n'en avait vu un filer si vite à travers l'océan. Adélie lui avait parlé d'un certain « Moteur ». Peut-être était-ce un Pokemon qui faisait bouger le navire si vite.

Mais ce n'était qu'un exemple parmi tant d'autres. Où que Geran posait les yeux, il découvrait quelque chose d'insolite qu'il n'arrivait pas à comprendre. Comme cette boule, cette Pokeball, qu'Adélie lui avait remise pour enfermer Rétrectis. Tous les dresseurs en avaient, paraissait-il. Qu'un Pokemon puisse rentrer dans ces petites boules dépassaient l'entendement de Geran. Mais c'était bien pratique, assurément.

Geran gardait toutefois une expression neutre malgré son émerveillement constant. Le but était de ne pas se faire remarquer, ce qui serait difficile s'il se mettait à s'interroger à voix haute sur chaque nouveauté que renfermait cette époque. Un bien étrange monde. Mais un monde bien plus vivant et bien plus beau que celui que Geran avait quitté. Odion l'avait tellement dévasté que Geran ne le regrettait pas le moins du monde. Pourtant, il avait laissé Amelina là-bas.

Elle lui manquait, et il était difficile à Geran d'imaginer qu'à l'époque où il se trouvait actuellement, Amelina était morte depuis des lustres, et moins que de la poussière. Mais il restait toujours à Geran la Bénédiction de Dialga qu'il n'avait pas utilisé. Si par un quelconque miracle d'Arceus, Odion était vaincu et Geran survivait, il pourrait aller la retrouver, dans un monde certes désolé mais libéré du Prince des Ténèbres, un monde où tout serait à reconstruire. Mais à en juger par l'état de celui-là, les survivants d'il y a cinq cent ans avaient plutôt bien travaillé.

Geran fut libéré de ses pensées quand l'île de Terrebasse apparut au loin, son immense forêt faisant les deux tiers de l'île. Déjà à son époque, le Verger avait mauvaise réputation, et même les plus farouches Gardiens de l'Harmonie préféraient ne pas s'y rendre. Il se disait que cette forêt était le territoire d'un ancien dieu sauvage, qui massacrait impitoyablement tous ceux qui violaient son territoire. D'après ce qu'avait dit Ad, le Verger était toujours aussi craint aujourd'hui. Mais une des trois parties de la mélodie de vie se trouvait là-bas. Geran fouillerait cette fichue forêt de fond en comble pour la dénicher.

Il alla prévenir Adélie qu'ils étaient presque arrivés. Il fut surpris et un peu déçu de la trouver au bar, et avec ce qui semblait ne pas être son premier verre. Le barman la resservait inlassablement, avec un sourire béat, signe qu'il était sous le charme du Don. Geran s'avança avec ce qui voulait être un regard sévère.

- Le Don n'a pas à être utilisé comme ça, Adélie Dialine, la réprimanda-t-il.

La jeune femme le dévisagea avec un beau mélange d'indifférence, de gêne et de colère. Une fille difficile à cerner, cette Adélie...

- Tu devrais crier mon nom un peu plus fort, si jamais, proposa-t-elle. Au cas où quelqu'un ne l'aurait pas entendu.

Geran prit conscience de sa gaffe. Mais il ne se départit pas de son air désapprobateur.

- Donne à cet honnête homme l'argent que tu lui dois, et viens. Nous sommes en vue de Terrebasse.

À en juger par la grimace qu'elle fit, Adélie n'avait apparemment pas l'habitude qu'on lui donne des ordres. Mais elle préféra ne pas protester. Elle fini son verre, laissa sur le comptoir un gros billet, puis le suivit jusqu'au pont.

- Un Gardien de l'Harmonie ne se sert que du Don que lorsque sa mission l'exige, et jamais dans son but personnel, commença Geran. Le Seigneur Archangeos...

- Je t'arrête, coupa Ad. Je crains de ne pas avoir la même noblesse, ou grandeur d'âme, ou honneur - appelle-ça comme tu veux - que toi. Si j'ai accepté de garder le Don, c'était bien dans un but purement personnel : la vengeance.

- Vengeance et justice sont souvent liées, répondit Geran. Puis face à quelqu'un comme Odion, la vengeance peut-être excusée si elle empêche des milliers de gens de périr. En revanche, elle n'excuse pas la puérilité.

- C'est bon, c'était juste pour faire un essai, tenta de se justifier Ad. Puis quand on a un pouvoir de ce genre, qui peut nous reprocher d'essayer de s'en amuser un peu ?

- Moi. Et tous les anciens Gardiens de l'Harmonie.

- Vous deviez être bien chiants, comme gars...

Adélie s'enferma dans un silence boudeur jusqu'à ce qu'ils débarquent. Geran s'amusa de son comportement. Froide, directe, hautaine et ne supportant pas l'autorité. Quoi qu'elle en dise, cette fille avait bien hérité du caractère dû à une grande et puissante famille. Mais Geran ne pouvait s'empêcher de la trouver fascinante. Ou peut-être était-ce son Don ? Il avait une résonnance très proche du sien. Un Don chaleureux, bienveillant, qui était tout le contraire de son caractère profond. Une véritable énigme, oui, que Geran tâcherait de résoudre s'il avait le temps.

Geran se rappelait être déjà venu à Terrebasse il y a quelques années, alors qu'il était un tout jeune Gardien de l'Harmonie encore en apprentissage. Bien évidement, ces quelques années pour lui se résumaient à cinq cent ans dans la réalité, et la ville avait drôlement changé aujourd'hui. Encore ces sacrées maisons en acier et en verre d'une taille inimaginables, qu'on appelait « immeubles ». Geran n'arrivait pas à concevoir que de tels édifices aient pu être battis par des êtres humains. Et tous ces gens qui déambulaient dans les rues, tous habillés très curieusement et très différemment... Vraiment, quelle étrange époque !

Adélie eut la bonne idée de se rendre dans une échoppe d'équipement, où elle acheta deux sacs à dos, deux sacs de couchage, du matériel pour le camp, des denrées et des couteaux. En voyant la taille de la lame, Geran regretta sa fidèle épée, qu'il avait dû abandonner bien sûr. Les gens de cette époque n'utilisaient plus les épées, apparemment, préférant se servir des Pokemon ou bien d'étranges arbalètes miniatures qui tiraient des billes de plomb. On aurait vite fait de le remarquer avec une épée à la ceinture, pourtant, sans elle, Geran se sentait nu.

Le vendeur demanda à Adélie si elle comptait faire du camping avec tout ça. La jeune femme répondit que oui, dans la forêt du Verger. Le vendeur les regarda alors d'un air étrange, et leur conseilla de ne pas partir avant d'avoir pris leurs dispositions testamentaires et frais d'obsèques. Pas très encourageant. Ils quittèrent la ville après avoir mangé dans le restaurant le plus proche. En sortant, ils passèrent devant l'une de ces grandes choses, accroché au sommet d'un immeuble, qui semblaient fait de verre et qui produisaient un son et une image. Encore une formidable invention de cette époque, qui se nommait « télévision ». L'écran représentait un jeune homme aux cheveux bruns, élégamment habillé, qui martelait son message avec force et conviction. Un bandeau bleu en dessous indiquait : « Le premier triumvir se veut rassurant et déterminé ».

- Je vous le dit, peuple de Naya, mes chers concitoyens ! Notre région est forte ! Elle ne flanchera pas face aux dangers qui la menace ! C'est une épreuve, mes amis ! Une épreuve que nous surmonterons et qui nous rendra plus fort ! En entendant, prenez soin les uns les autres, et soyez vigilants. Toute personne qui livrera au Triumvirat des informations qui permettront la capture des huit fugitifs recherchés se verra immensément récompensé.

Les images des huit Gardiens de l'Harmonie succédèrent au premier triumvir. D'un geste commun et instinctif, Geran baissa sa casquette tandis qu'Ad enfonçait un peu plus son bonnet sur sa tête.

- Ignoble crétin et salopard, marmonna Ad.

- Alors c'est lui, ton frère ?

- Hélas...

Rien qu'en le voyant par écran interposé, Geran pouvait presque sentir le puissant Don qui se dégageait de cet homme. Le même que celui d'Adélie, mais en bien plus contrôlé, qui l'entourait d'une aura de charisme. Geran s'était douté que si personne n'avait donné le Don à Adélie, c'était qu'elle l'avait naturellement depuis sa naissance. Et donc, il semblait logique que son frère le possédât aussi. Mais si Adélie avait prononcé les vœux du Gardien de l'Harmonie, ce Nathan Dialine restait insoumis et libre d'utiliser le Don comme il le souhaitait. Pire encore ; tout comme il sentait son Don, Geran pouvait sentir la même espèce de puanteur d'une obscurité enfouie, comme celle d'Odion.

Ce Nathan Dialine était dangereux et puissant, Geran en était convaincu. Il devra en informer Archangeos, mais décida de ne pas en parler avec Adélie. Elle n'avait pas besoin d'être encore plus troublée alors qu'ils allaient s'aventurer dans cette masse de dangers mortels qu'était le Verger. Plus ils s'approchaient de l'immense forêt, plus les gens se faisaient rare. Enfin, en bordure des premiers arbres touffus, une barrière de sécurité se dressait, avec un message indiquant « DANGER, NE PAS ENTRER » tous les deux mètres.

- Si cette forêt est toujours aussi dangereuse, surtout avec une ville à proximité, pourquoi vos autorités ne l'ont pas rasée ? Demanda Geran. À notre époque, nous en étions capables avec nos Pokemon. Aujourd'hui, ça doit être encore plus simple...

- Le Verger est classé comme patrimoine culturel de la région, expliqua Ad. C'est une forêt vierge, millénaire, et jamais polluée par l'homme. De nombreuses espèces de Pokemon ne vivent qu'ici. Bref, interdiction d'y toucher, même si il y a toujours des tarés qui tentent de la visiter et dont on n'entend plus jamais parler.

- Comme nous, sourit Geran.

Les deux Gardiens de l'Harmonie escaladèrent la barrière, puis pénétrèrent dans la plus vieille forêt du monde, avec les innombrables dangers qu'elle renfermait.


***


Ad n'avait jamais vraiment aimé les forêts. Trop sauvages, trop oppressantes, trop sombres. Elle se souvenait que près de la résidence des Dialine se trouvait une petite forêt qui était un peu comme une annexe de l'immense jardin de la villa. Quand elle était petite, sans doute sept ou huit ans, elle avait échappé à la vigilance des serviteurs et était allée se promener seule dans la forêt. Elle y avait erré près de cinq heures, terrifiée, avant que son père et son frère ne la retrouvent. Depuis, elle ne se sentait jamais à l'aise dans les forêts, qu'elle tâchait d'éviter.

Sans doute n'avait-elle pas choisi le bon endroit pour chercher une partie de la mélodie de vie, mais c'était ça ou supporter la compagnie des Malware. Bien entendu, elle ne laissa rien paraître de son appréhension. Geran était déjà assez du genre à la couver parce qu'elle était une fille ; pas besoin de lui en donner encore plus l'occasion. Mais elle se tenait prête à tout instant à activer son Don pour faire apparaître son arc de lumière, même si Geran s'était voulu rassurant concernant les Pokemon sauvages.

- Les Pokemon ressentent le Don plus que quiconque, expliqua-t-il. Ils savent qui nous sommes, même les plus sauvages, et ne tenteront rien contre nous.

- Les Gardiens de l'Harmonie ont disparu depuis cinq cent ans, rétorqua Ad. À part les Pokemon Légendaires, immortels, peu doivent se souvenir du Don.

- Ils n'ont pas besoin de s'en souvenir ; ils savent déjà ce que c'est. Le Don est un pouvoir né d'un Pokemon. Tous le sentent au plus profond de leur être, et savent que ceux qui le portent sont des alliés.

- Ah. Même pour Proscuro, la bestiole d'Odion ?

Le visage de Geran s'obscurcit comme à chaque fois qu'il était question de son frère.

- Proscuro est un Pokemon du Chaos, né des ténèbres. Pour lui, tous ceux qui ont le Don sont des ennemis, mais c'est une exception.

- Mais il devait bien y avoir des Pokemon qui sont plus favorables aux Agents du Chaos qu'aux Gardiens de l'Harmonie, non ? insista Ad.

- Certes, admit Geran. Mais ils ont toujours été très peu nombreux. Le Dieu des Pokemon, Arceus, le créateur de tout, symbolise l'Ordre. De fait, rares sont ceux qui préfèrent le Chaos. Diavil a eu, il est vrai, quelques disciples Pokemon, mais je ne crains point que nous ne croisions l'un d'entre eux dans cette forêt. Seulement des Pokemon sauvages qui seraient peut-être intéressé par de la chair humaine. Et quand ils ressentiront notre Don, ils nous laisseront tranquilles.

Ce fut une belle occasion pour Ad de railler son compagnon pendant longtemps, car il s'avéra qu'il avait tout faux. Chaque Pokemon qu'ils croisaient, ou presque, n'avaient de cesse de les attaquer, même avec leur Don au maximum, et même après que Geran n'ai appelé son Rétrectis qui avait la capacité de communiquer avec eux.

- Je... je ne comprends pas, admit Geran, déconfit, en reculant prestement face à un Empiflor bien décidé à en faire son repas.

- Les Pokemon sauvages ne sont plus ce qu'ils étaient il y cinq cent ans, sans doute, se moqua Ad en esquivant la lame acéré d'un Insécateur.

Elle appela ses deux Pokemon, Kung-Fufu et Clic, et se servit de son Don offensif. Heureusement que sa flèche lumineuse et immatérielle se dirigeait à la pensée et pouvait traverser les obstacles, sinon Ad n'aurait rien pu toucher. Elle pouvait aussi faire varier l'énergie de sa flèche, pour la rendre plus ou moins puissante, mais elle ne s'y essaya pas trop. Elle ne contrôlait pas tellement encore son pouvoir, et ne tenait pas à tuer les Pokemon, seulement à les blesser suffisamment pour qu'ils les laissent tranquilles. Geran lui, avait placé son bouclier de lumière autour d'eux, empêchant Pokemon ou attaques de les atteindre.

Ce fut comme ça pendant un bon moment. Tous les Pokemon de la forêt semblaient avoir décidés de manger de l'humain aujourd'hui. Ils ne devaient pas en voir beaucoup passer dans le coin, certes, mais ce n'était pas une raison ! De jour, ils étaient assez visibles, de plus Rétrectis avait la capacité de les sentir avant qu'ils n'arrivent sur eux. Mais quand la nuit commença à tomber, ils ne virent guère plus loin que le bout de leur nez, et continuer aurait été dangereux. Aussi décidèrent-ils de poser leur campement, dans un espace assez confortable.

Il ne faisait pas bien chaud, mais allumer un feu aurait été plus indicatif pour les Pokemon alentours que de prendre un haut-parleur et de hurler « NOUS SOMMES LÀ ». Ils mangèrent donc la nourriture qui se passait d'être cuite ou réchauffée. Rétrectis montait la garde, ses longues oreilles tremblantes tandis qu'il scrutait les environs avec son sixième sens. Ils n'eurent pas un quart d'heure de paix sans qu'un Pokemon quelconque se présente pour les attaquer. Ad se demandait vaguement s'ils allaient passer la nuit. Geran, lui, ne comprenait toujours pas l'attitude des Pokemon.

- Ça n'a aucun sens ! Aucun sens...

- Tu ferais mieux d'arrêter de te prendre la tête à essayer de deviner leurs raisons, et de réfléchir à un moyen de les empêcher de nous dévorer tandis que nous nous reposerons un peu... Car je ne sais pas si le Don offre une protection face au sommeil, mais après avoir marché pendant des heures et empêché une bonne trentaine de fois des Pokemon de nous dévorer, je suis quelque peu fatiguée.

- Oui, il faut nous reposer, admit Geran, sinon ils n'auront aucun mal à nous avoir demain. Instaurons des tours de gardes. Deux heures chacun.

Un peu avant qu'ils aient terminé de manger, Ad entendit une voix dans sa tête, comme si quelqu'un lui téléphonait, mais sans téléphone.

- Dialine, tu m'entends ? Ici Spyware.

Ah oui, c'est vrai, songea Ad. La commandante Malware avait un pouvoir qui se transformait en casque et qui permettait d'entrer en contact avec tous ceux qui possédaient le Don, où qu'ils soient. Ad se demanda si elle devait parler à voix haute pour répondre, quand Spyware lui répondit comme si elle avait capté sa pensée.

- Pas besoin de parler. Pense juste ce que tu veux dire.

En voilà un mode de communication ! Ça devait leur plaire, aux Malware, eux qui étaient fanas de nouvelles technologies.

- On est vivants, pour l'instant. Et vous ?

- On vient juste d'arriver sur la quatrième île d'Esbroff. Le Boss a jugé qu'il valait mieux que nous fassions un rapport deux fois tous les jours.

- Tu as contacté Kinan et les autres ?

- Je vais le faire. Comment ça se passe de ton coté ?

Ad regarda autour d'elle. Geran était en train de lutter contre un Migalos qui s'était discrètement glissé jusqu'à eux.

- Oh, c'est le pied, fit Ad. On a quelques problèmes de faune locale, mais ça ira. Le hic c'est qu'on ignore où est censée se trouver cette fichue partie de la mélodie, et cette forêt est énorme...

- J'essaierai au centre, si j'étais toi.

Ad soupira.

- La meuf d'il y a cinq cent ans qui a planqué ces textes ne résonnait peut-être de façon aussi logique que les grands Malware que vous êtes.

- Et pourtant, si tout le monde était aussi logique que nous, nous ne serions pas tous dispersés aux quatre vents de la région pour retrouver des morceaux de chanson magique.

Ad ne lui donna pas tort. Elle ignorait qui était cette fameuse élue d'Arceus de l'époque d'Odion et Geran, mais elle devait avoir l'esprit singulièrement mal tourné pour choisir de telles planques pour sa chanson. Après la coupure du contact mental, Ad informa Geran ( qui avait fini de se battre avec le Migalos ) de l'appel de Spyware. Le jeune homme décida de prendre le premier tour de garde, mais Ad, malgré sa fatigue, ne parvint pas à trouver le sommeil. Pas facile de dormir dans une forêt étouffante aux bruits multiples et inquiétants, surtout quand on savait qu'un Pokemon pouvait surgir n'importe quand pour vous arracher la tête du corps.

Pour tenter de trouver le calme et la sérénité, elle fit quelque chose qu'elle n'avait plus fait depuis longtemps : elle prit le médaillon des Dialine qui appartenait à son père, et le laissa devant elle. Vu qu'il représentait le symbole de la famille Dialine, à savoir un huit renversé avec trois étoiles au dessus, elle ne le portait pas dans son cœur et n'avait guère l'habitude de le regarder. Pourtant, autrefois, un peu après la disparition de son père, elle le faisait souvent, comme si regarder le médaillon l'aidait à surmonter l'absence de son père. Elle se rappelait qu'à chaque fois qu'elle le tenait, c'était comme si elle sentait sa présence.

Aussi loin qu'elle se rappelait, Ad avait toujours aimé son père. C'était un homme aimant, sincère, bien loin de l'archétype qu'on pouvait se faire d'un membre du Triumvirat. Guben Dialine avait été le pilier de toute la famille. Quand il était là, Fastia, la mère d'Ad, était encore douce et gentille. Quand il était là, Nathan était encore un grand frère attentionné. Et quand il est parti, tout avait été chamboulé, et Ad ne s'était plus sentit chez elle au sein de sa propre famille.

Guben avait disparu depuis sept ans maintenant, sans aucune raison. Il pouvait tout aussi bien être mort. Inconsciemment, elle se surprit à fredonner l'air de la chanson que Guben chantait presque tous les soirs à sa fille pour l'aider à s'endormir, il y a bien des années. Ad ne se souvenait plus des paroles, et était déjà assez surprise de se souvenir de la musique. Mais elle se rappelait que cette chanson, quelle qu'elle fut, l'avait toujours rassurée et apaisée. Ce fut encore le cas ce soir.

- Cette musique... quel est son nom ? demanda Geran.

Ad se releva de son sac de couchage.

- Je ne sais plus. C'est une berceuse que me chantait mon père.

Geran fronça les sourcils.

- Il me semble que je la connais.

- Comment c'est possible ?

- Je ne sais pas, mais elle me semble terriblement familière. Elle me fait penser à la comptine préférée de ma fiancée. Je l'ai entendu chanter bien des fois.

Ad haussa les épaules.

- Bah, peut-être que les chansons d'aujourd'hui datent d'il y a un bail, à Naya. Ma famille est très ancienne. Notre fondatrice, qui s'appelait comme moi, a existé à peu près à ton époque, selon les dates.

- À mon époque, nous étions gouvernés par un roi, lui apprit Geran, et non par trois puissantes familles. Je ne connaissais personne du nom de Dialine.

- Qui était votre roi ?

- Desreus VI.

Ad hocha la tête, faisant appel à ses vagues notions historiques de la région Naya.

- Si je me souviens bien, la monarchie est tombée avec le roi Avrian XII. Le fils de Desreus VI.

- En effet, le prince de mon époque se nommait bien Avrian. Mais je ne demanderai pas ce qui lui est arrivé. Connaître l'avenir est quelque chose de dangereux, surtout si je dois rentrer chez moi.

- Le peux-tu ?

- Oui. Je dispose encore de la Bénédiction de Dialga dont je ne me suis pas servie pour venir ici, vu que j'ai emprunté le portail d'Odion. Cela met beaucoup de temps à trouver le moment exact pour voyager dans un nombre précis d'années, mais c'est faisable.

Geran fit une pause, puis soupira et dit :

- Enfin, de toute façon, je ne partirai d'ici qu'avec la mort d'Odion.

- Tu as été courageux, admit Ad. Tu es parti dans une époque que tu ne connaissais pas, pour nous sauver nous, alors que tu avais une fiancée chez toi...

Geran haussa les épaules.

- Mon devoir de Gardien passe avant toute chose.

- Parle-moi d'elle.

Ad ignorait pourquoi elle demandait ça. Peut-être parce qu'il valait mieux parler qu'essayer vainement de dormir. Et puis, elle était curieuse de Geran, qu'elle n'arrivait pas vraiment à cerner. Le jeune homme prit un air pensif et rêveur.

- Elle s'appelle Amelina. Elle devait avoir ton âge. Les cheveux longs et oranges, comme un coucher de soleil. Les yeux qui ont la couleur des pierres de la rivière. Et une voix... Par Arceus, une voix qui était sans nul doute le plus beau son de ce monde ! Elle était la fille unique d'un membre de la noblesse, mais elle a abandonné son rang pour faire la seule chose qui lui tenait à cœur : chanter. Elle allait de ville en ville faire entendre sa douce voix et les chansons qu'elle composait elle-même. Elle est vite devenue célèbre, et nombreux furent ceux qui la courtisèrent. Je fus un de ceux-là, et c'est moi qu'elle choisit. Depuis ce jour, je remercie Arceus le créateur tous les jours.

- Elle a l'air géniale...

Ad se rendit compte du soupir discret dans sa voix. C'était certain qu'à coté d'une fille de ce genre, elle devait passer comme bien fade. Mais elle s'en fichait d'être fade aux yeux de Geran. N'est-ce pas ?

- Elle l'est, acquiesça Geran sans se rendre compte de rien. Ou plutôt, elle l'était. C'est difficile de penser qu'elle n'existe plus depuis des lustres, ici. Si Arceus est bon, nous vaincrons Odion, et je pourrai la retrouver. Elle a toujours émis le souhait d'avoir un enfant. J'aimerai l'exhausser.

- Ah... Mais si je me souviens bien du serment méga-pompeux qu'Archangeos nous a fait réciter, les Gardiens n'ont pas le droit d'avoir des enfants. Ta copine le sait ?

Etrangement, Geran éclata de rire.

- Ce serment était déjà archaïque à notre époque. Il n'a pas évolué depuis l'apparition des premiers Gardiens, il y a plus de deux mille ans. Nous avions le droit d'avoir des enfants. Nous devions juste, à leur naissance, les présenter à Archangeos, pour qu'il leur retire le Don, qui est généralement héréditaire. Car seuls ceux qui sont devenus Gardiens ont le droit de l'avoir.

Super, j'aurai le droit d'avoir des mômes, songea Ad avec ironie. Pauvre d'eux. Elle ferait sûrement une mère atroce... Elle songea que Geran ferait un père parfait, lui. Un père du genre comme le sien. Ad ne pouvait s'empêcher de penser à Guben quand elle parlait avec Geran. Pourquoi ? Elle ne saurait le dire. Ils ne se ressemblaient pas du tout, mais il y avait quelque chose de ressemblant dans la voix et les manières. Ce qui était sûr, c'est que cette Amelina avait eut droit au gros lot en choisissant Geran. Qu'elle-même le pensait signifiait beaucoup alors qu'elle trouvait la grande majorité des garçons comme terriblement sans intérêt.