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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 11/02/2013 à 16:08
» Dernière mise à jour le 11/02/2013 à 22:17

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Chapitre 19 : Sous les cendres, le feu
Mon cher rival se tenait dans l'encadrement de la porte, un insupportable sourire flottant sur ses lèvres. Il arborait une paire de lunettes de soleil que je trouvais un rien incongrue vu que l'intérieur du manoir avait l'air déjà bien sombre, et son éternelle coiffure en crête semblait encore plus impossible que d'ordinaire.

- Pas en retard, non, me défendis-je. Je suis arrivée avant-hier soir, j'ai juste fait un saut au Bourg Palette entre temps. Et de toute façon, je pensais qu'on se croiserait au centre. Qu'est-ce que tu fais là ?

- On appelle ça s'entraîner, répondit-il. Il paraît que ça rend les Pokémon plus forts, tu devrais essayer.

Mon grincement de dents fut audible à dix kilomètres à la ronde. Pour Zack, ce n'était que sa façon de me dire bonjour, une petite pique sans conséquence... mais au vu des circonstances, elle faisait tout particulièrement mal. Une fois n'est pas coutume, il tiqua face à ma réaction.

- T'as encore perdu un de tes Pokémon ? devina-t-il. Mais comment tu te débrouilles ? Tu m'écrases à chacun de nos duels, et pourtant tes Pokémon meurent dès que j'ai le dos tourné... Tu le fais exprès ou quoi ?

Si j'avais eu l'esprit plus clair, je lui aurais fait remarquer que le choix du mot "écraser" n'était pas très flatteur pour lui, sauf qu'en l'occurrence, l'occasion de presser mon avantage quant à ma supériorité se retrouva oblitéré par sa dernière question. Rien que l'idée de suggérer que je menais mes Pokémon à la mort délibérément... Avec l'impression de m'être pris une baffe, je répliquai sèchement :

- Évidemment que non !

Son regard s'adoucit.

- Relax, Léa. C'était une blague.

- Qui n'avait rien de drôle, rétorquai-je, le goût de l'amertume en bouche. T'as des progrès à faire avant de devenir comédien.

- Une bonne chose que ma carrière soit tout autrement tracée, dans ce cas. (Il désigna ma ceinture de Pokéballs d'un coup de menton.) Concernant tes Pokémon, y a pas de mystère. Il faut que tu les entraînes davantage.

Voilà que Zack me donnait des conseils à présent...

- Tu crois que c'est pour ça qu'ils meurent ? Parce qu'ils sont trop faibles ?

- Les faibles meurent et les forts survivent, répondit-il avec un haussement d'épaules. C'est la loi de la nature.

Je considérai son point de vue durant quelques instants. Les secondes s'écoulèrent en silence.

- Rien n'arrive sans raison, murmurai-je finalement.

Une lueur d'étonnement brilla dans les yeux de mon rival.

- Étrange que tu dises ça... J'ai déjà entendu cette phrase quelque part. Récemment, d'ailleurs.

Je savais que j'allai le regretter, mais je posai tout de même la question :

- Venant de qui ?

- Le bras droit de Giovanni. Julien... quelquechose, je me souviens plus du nom de famille.

Mon visage se contracta et ma lèvre supérieure se retroussa, une grimace à mi-chemin entre haine et rage. Une poussée d'adrénaline fleurit dans mes veines, me préparant à affronter un ennemi qui n'était pas là. Stupide organisme. Quelle idée de réagir aussi violemment à la simple mention d'un nom... un nom qui n'était même pas le sien, en plus.

- Vu ta tête, je dirais que c'est personnel entre vous deux... C'est parce que c'est lui qui a flingué Léonard, c'est ça ?

J'acquiesçai, avant d'être saisie d'un doute. Un doute terrible qui me fit mal au cœur et me retourna l'estomac.

- Attends, comment tu sais ça ? Tu... tu l'as vu tuer Léonard ? Sans rien me dire ensuite ? Mais pourquoi tu... Je comprends pas, je croyais...

Trop de questions se bousculaient dans ma tête et ma bouche se referma abruptement, incapable de toutes les exprimer. Il n'y avait qu'une seule explication possible : Zack était allié avec Vivian. Il l'avait toujours été. Et il me mentait depuis le début. J'avais eu tort de lui faire confiance, de croire que je pouvais compter sur lui de quelque manière que ce soit. Il méritait pleinement son titre de rival. Il n'avait jamais été rien d'autre que mon adversaire. Une personne qui serait constamment un obstacle sur mon chemin, et que je devais battre encore et encore si je voulais un jour rentrer chez moi.

Je reculai, une main s'acheminant déjà vers la Pokéball de Teigne. Zack fronça les sourcils.

- Qu'est-ce que tu vas t'imaginer, là ? me lança-t-il. Je l'ai vu aux infos. Ça a fait la une pendant une semaine, c'est pas exactement un secret. Le père de Léonard lui-même a identifié le tueur. Pas que ça change quoi que ce soit, la Team Rocket est au-dessus des lois de toute façon.

Ma main s'immobilisa. Était-ce possible ? Avais-je tiré des conclusions trop rapides ? Peut-être que je commençais à verser dans la paranoïa... Je détaillai le visage de Zack, cherchant toute trace de tromperie. Il me rendit mon regard sans sourciller.

Pas suffisant, estima ma voix intérieure qui s'était assignée le rôle de Détecteur de Mensonge Universel.

- Ce Julien... tu l'as rencontré quand ?

Un gros bluff qui n'avait rien de subtil.

- Je fréquente pas les Rockets, ils me filent des boutons, me rembarra-t-il. Et tu ferais bien de suivre mon exemple. Je t'ai déjà dit que c'était dangereux de leur chercher des noises. C'est ta vie que tu risques quand tu joues au héros.

Ce fut à mon tour de froncer les sourcils.

- C'est quoi ce revirement ? Je me rappelle aussi distinctement t'avoir entendu dire que si quelqu'un pouvait détruire les Rockets, c'était bien moi.

- Et je le pense toujours, m'assura-t-il. Simplement, ça peut attendre. Tu devrais d'abord te concentrer sur les badges et la Ligue. Une seule bataille à la fois. T'es trop dispersée pour le moment, et tes Pokémon en payent le prix.

Je restai silencieuse. Peut-être qu'il avait raison.

Et pourtant... me souffla la voix.

Et pourtant je n'étais toujours pas satisfaite.

- Tu me caches quelque chose, l'accusai-je sans savoir d'où sortaient ces mots.

J'eus droit à un sourire moqueur en réponse.

- On a tous des secrets, non ?

Touché.

- OK, j'accepte tes réponses pour l'instant, décidai-je. Mais un jour viendra où j'en exigerai d'autres...

- Idem, me renvoya-t-il, le mot sonnant comme une menace dans sa bouche.

C'était de bonne guerre. Je lui cachais sûrement plus de choses que lui ne m'en dissimulait.

- Bon... t'es partante pour un peu d'entraînement ? reprit-il d'une voix autrement plus légère, comme si nous n'avions jamais dévié du sujet en question.

- Ensemble ? m'enquis-je, étonnée de sa proposition.

- Pourquoi pas ? Y a pas grand chose d'autre à faire sur cette île, et comme l'arène est fermée parce j'ai mis une raclée à Auguste, t'as pas trop le choix niveau activité. Et de mon côté, mon Noadkoko et ma Rhinocorne ne sont pas encore au point pour l'arène de Jadielle.

- Vu comme ça...

C'est ainsi que je me retrouvai à explorer le manoir en compagnie de Zack. L'intérieur du bâtiment était tout aussi décrépi que le laissait supposer ce que j'avais vu à l'extérieur : sol couvert de feuilles mortes et de boue, murs envahis par la végétation, et forte odeur de moisi. Je distinguai des traces noires sur les quelques rares colonnes qui soutenaient encore le plafond ; celles qui s'étaient effondrées semblaient avoir été rongées par quelque chose de puissant. Pour ne rien gâcher, des tas d'immondices s'amoncelaient ici et là, donnant à l'endroit un air de décharge abandonnée.

- Le manoir a brûlé y a de ça quelques années, m'informa Zack en shootant dans un morceau de bois carbonisé. Personne ne sait vraiment pourquoi. Il a jamais été reconstruit et les gens de l'île l'évitent. Paraît qu'avant il était utilisé pour des recherches scientifiques obscures.

Ça expliquait l'ambiance des lieux... J'étais constamment sur le qui-vive, m'attendant chaque instant à voir un monstre débarquer depuis un recoin obscur. Des bruits résonnaient au-dessus de nos têtes, dans le genre petites pattes de bestioles frottant contre le plancher. Je m'avançai le long du hall d'entrée pour aller jeter un coup d'œil dans la pièce la plus proche. Des bureaux renversés et des restes d'étagères qui pourrissaient au sol s'offrirent à mon regard, mais pas le moindre Pokémon.

- J'ai tout nettoyé à ce niveau-là, déclara Zack dans mon dos. Va falloir monter d'un étage ou deux si on veut trouver des Pokémon sauvages. Je crois que c'est... ah voilà, par ici !

Je lui emboîtai le pas, et nous gravîmes l'escalier en colimaçon tandis que le bois émettait des craquements sonores sous notre poids. Heureusement, il ne s'écroula pas et nous arrivâmes sain et sauf à l'étage supérieur, pour déboucher dans une grande salle. Ici aussi, c'était la dévastation la plus complète. L'endroit avait autrefois dû servir de bibliothèque, mais il ne restait plus des précieux livres que des carcasses noircies, ainsi que quelques pages roussies foulées au pied.

Zack ne s'y attarda pas et emprunta un couloir qui bifurquait à droite. Encore une fois, je le suivis.

- Tu sais où tu vas ? m'enquis-je.

- Logiquement, en suivant les bruits, on va bien finir par tomber sur quelque chose.

Ça se tenait. Nous approchions d'un autre embranchement lorsqu'une drôle de sensation naquit au creux de mon ventre. Zack continua tout droit tandis que je demeurais figée sur place. Une imposante statue trônait en plein milieu du croisement. Elle n'avait plus de tête et il lui manquait un bras, mais elle représentait indéniablement un Pokémon et non un humain. Les jambes arquées, les pieds dotés de trois orteils, et la main rescapée qui en comptait le même nombre ne me laissaient aucun doute, pas plus que la longue queue relevée qui partait du postérieur.

Non, aucun doute possible.

C'était le Pokémon de ma vision. La dernière chose que j'avais vue lorsque Présage m'avait offert un aperçu de mon futur.

Mais comment... ? Et qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que mon destin est lié à ce manoir ?

La voix de Zack me coupa dans mes interrogations :

- Si tu lambines déjà, on est pas sortis de l'auberge.

Ma langue me faisait l'effet d'un morceau de plomb dans ma bouche. Je dus m'y reprendre à deux fois avant de pouvoir poser la question :

- Cette statue... C'est quel Pokémon ?

Il ne lui jeta qu'un bref regard.

- On s'en fiche, non ? On n'est pas venu pour de la pierre. Allons plutôt trouver les Pokémon en chair et en os.

- Elle ne te dit vraiment rien ?

- Non. Et elle doit rien valoir, sinon elle aurait déjà été chourée par les pillards. Le manoir abritait une collection d'art privé, expliqua-t-il face à mon expression perplexe. Ce genre de chose attire les charognards, et même si depuis le temps il n'en reste quasiment rien, y a toujours des gens qui viennent faire de petites incursions dans l'espoir de trouver une merveille ou deux. Pour ça qu'on n'est sûrement pas les seuls dresseurs à nous être aventurés ici aujourd'hui. Bon... tu viens ou tu préfères rester plantée là à attendre que la statue te dise son nom ?

La question était purement rhétorique ; un humour mordant y perçait sous le vernis de son ton aimable. Refusant de m'avouer vaincue, je sortis mon Pokédex, mais j'eus beau le pointer vers la statue selon tous les angles possibles, il demeura inerte. Stupide machine. Je pris note mentalement de me plaindre auprès du Prof Chen de la non-reconnaissance des représentations de Pokémon.

Nous reprîmes notre exploration. L'hypothèse de Zack sur la présence d'autres dresseurs se trouva vérifiée quelques instants plus tard alors qu'une voix nous parvenait depuis l'une des pièces plus loin sur notre gauche.

- Remets-lui un coup de flammes, Basil.

Un grognement rauque, suivi du crépitement caractéristique d'une langue de feu dans l'air. Zack me lança un regard qui signifiait "Je te l'avais bien dit", avant de passer la porte. Je m'engouffrai à sa suite, et arrivai juste au moment où le Caninos achevait le Rattatac d'une morsure. Le rongeur lâcha un ultime couinement et s'effondra, quelques flammes mourantes léchant sa fourrure carbonisée.

- Nos ! gronda aussitôt le Pokémon chien à notre encontre, délaissant le cadavre de son ancienne proie pour se tourner vers nous.

- De la concurrence ? nous lança le dresseur en nous adressant un salut. Vous arrivez trop tard, j'ai déjà tout raflé à cet étage.

Plus vieux que nous de quelques années, il m'évoqua l'image d'un oiseau de proie : nez aquilin, traits du visage prononcés, et yeux d'un jaune perçant. Ses vêtements dans les tons sombres soulignaient sa silhouette filiforme et le faisaient paraître encore plus maigre qu'il ne l'était. Je notai le baluchon bien rempli qu'il trimbalait dans son dos. Le tintement qui retentit suivi d'un éclat d'argent lorsqu'il l'ajusta d'un mouvement d'épaules me fit penser que par "tout", il entendait entre autres l'argenterie.

- On n'est pas là pour récupérer quelques minables babioles, le détrompa Zack. On est venus s'entraîner.

- Ah... Pas de problème, c'est aussi dans mes cordes. Qui je prends en premier ?

Mon regard croisa celui de Zack.

- Vas-y, dis-je, alors qu'il déclarait au même moment :

- Commence si tu veux.

Il y eut un silence gêné.

- Honneur aux dames, nous départagea le dresseur.

Je choisis Teigne pour affronter son Caninos. La Colossinge n'avait pas souvent eu l'occasion de se mesurer à des Pokémon de type feu, et avec l'arène qui nous attendait, cela ne pouvait lui faire que du bien... Non, soyons honnêtes, Teigne était de loin mon Pokémon le plus efficace et j'avais tout simplement envie d'impressionner Zack.

- Roue de Feu, Basil !

- Lance-moi un Tomberoche, précis et localisé, indiquai-je à la Colossinge.

Elle répondit d'un grognement tandis que le Caninos s'élançait à son encontre. Le Pokémon chien se mit à courir autour d'elle tout en crachant du feu, l'enfermant progressivement dans un cercle mortel d'or et de rouge. Teigne se ramassa sur elle-même afin de gagner du temps, et alors que le lasso de flammes se resserrait inexorablement et allait presque l'atteindre, bondit à pieds joints. Sa fourrure s'embrasa quand elle traversa la bande feu, et la Colossinge retomba quelques mètres plus loin, abattant ses poings sur le plancher dans le même mouvement. Un tremblement ébranla le manoir, puis une partie du plafond s'écroula sur le Caninos.

- C'était pas vraiment ce que j'avais en tête... commentai-je alors que le chien essayait de se dégager en couinant et que Teigne se roulait par terre pour éteindre sa fourrure fumante.

Mon adversaire se gratta le menton.

- Je ne voyais pas non plus le duel se dérouler comme ça, avoua-t-il. (Il rappela son Caninos et se tourna vers Zack.) Mais je vais me rattraper sur le suivant. T'es prêt ?

- Prêt, répliqua mon rival.

Et de me décocher un sourire.

- Tu l'as battu en un coup. Voyons voir si je peux mieux faire...

En un coup avec l'avantage du type, voilà ce qu'il n'avait pas dit - mais je savais qu'il n'en pensait pas moins. Le dresseur aux allures d'oiseau libéra un Pokémon que je n'avais encore jamais vu, un petit cheval à la robe blanche et à la crinière de feu - littéralement pour ce dernier point. Tout ce qui aurait été poils sur un cheval normal constituait chez lui en des flammes à la teinte orangée qui dansaient et crépitaient, lâchant parfois quelques étincelles.

Zack, quant à lui, fit un choix surprenant : ce fut son Noadkoko qui émergea de la Pokéball qu'il brandissait.

- À quoi tu joues ? m'étonnai-je. Tu vas quand même pas...

- Je maîtrise, me coupa-t-il.

Le dresseur ordonna un Flammèche à son Pokémon ; Zack contra par un Écrasement. Le cheval se cabra, et un jet de flammes jaillit de ses naseaux brûlants, dirigé vers les parties les plus inflammables du Pokémon plante. Ce dernier se jeta contre le petit cheval sans se soucier de l'attaque qu'il subissait. L'impact déséquilibra le Pokémon de feu et deux de ses jambes plièrent sous lui. Un autre coup de la part du Noadkoko l'envoya à terre. Il voulut à nouveau cracher du feu mais les deux énormes pieds du Pokémon de Zack s'abattirent sur lui, l'expédiant dans les pommes.

Le dresseur poussa un sifflement admiratif en rappelant son Pokémon. Moi, je me trouvais médusée. Comment Zack avait-il fait ça ? J'aurais tenté ce coup-là, mon Pokémon serait mort... Oui, j'étais jalouse, et pas qu'un peu.

- Bien, vous m'avez battu, je suppose que vous avez gagné ça, nous dit le pillard en nous tendant une fourchette en argent chacun.

Teigne s'empara du trophée à ma place et se mit à jouer avec comme si c'était une épée. Zack rangea simplement la sienne dans son sac, et après avoir pris congé de notre adversaire temporaire, nous repartîmes.

- C'était dangereux ce que tu viens de faire, fis-je remarquer à Zack lorsque nous fûmes à nouveau seuls (Teigne ne comptait pas).

- Pas vraiment. Je savais ce que je faisais. Ponyta n'apprend d'attaques feu dévastatrices qu'assez tard, celui-là n'avait pas assez de puissance pour griller Noadkoko.

- Son dresseur aurait pu lui en apprendre par CT, objectai-je.

- Non, son Caninos était clairement son Pokémon le plus fort, sinon il ne l'aurait pas choisi pour t'affronter. Le Ponyta ne constituait qu'une roue de secours, forcément beaucoup plus faible. Et puis, mon Pokémon disposait de l'avantage de son évolution tandis que le Ponyta restait un cran en-dessous. Tous ces éléments faisaient que je savais que je pouvais gagner avec Noadkoko. Ce n'est qu'une question de stratégie, conclut-il avec un sourire un rien féroce.

C'était donc ça qui me manquait ? Une connaissance quasi-encyclopédique des Pokémon et une capacité à analyser le comportement de mes adversaires... Ça ne s'apprenait pas. Je ne répliquai rien, mon moral ayant pris un coup. Aussi dur que ce soit à admettre, Zack était meilleur dresseur que moi sur certains points. Peut-être même meilleur dresseur tout court.

Je fus tirée de mes pensées déprimantes par un éclair roux à la limite de ma vision. Un pivotement au quart de tour, un cri à l'adresse de Teigne, et la Colossinge se lança à la poursuite du Goupix. Du moins, j'imaginais que c'était un Goupix : je n'avais vu qu'un bout de queue rousse.

- Celui-là est pour moi ! lançai-je à Zack avant de me mettre à courir pour rattraper Teigne.

Elle avait disparu au coin du couloir. Je tournai et fus confrontée à un corridor vide. Zut. Où était-elle allée ? Je passai la tête au hasard par une porte entrouverte. Rien. J'essayai une autre pièce, et encore une autre... Aucune trace d'un quelconque Pokémon. J'allai appeler Teigne en espérant bénéficier d'un indice sonore lorsque je la vis revenir depuis la salle d'en face.

- Teigne ?

- Singe, grogna-t-elle.

Elle évita mon regard et se mit à taper des poings par terre, rythmiquement. Le Goupix lui avait échappé ? Non... Une vague de frustration me balaya. Ça aurait été le sixième Pokémon, celui qui aurait à nouveau complété l'équipe... Un petit Goupix à câliner, avec une fourrure douce comme celle de Princesse... Et maintenant que je l'avais raté, je n'avais plus le droit de capturer le moindre Pokémon dans le manoir. Foutues règles de la Ligue.

- C'est pas grave, Teigne, mentis-je avec effort.

Zack me rejoignit, et une irrationnelle bouffée de jalousie m'envahit. Lui il avait ses six Pokémon, et il n'en avait jamais perdu qu'un seul.

- Le Goupix a filé, je suppose ? s'enquit-il.

- Aucune importance, répondis-je sèchement. Je capturerai un Pokémon à la prochaine nouvelle zone.

Son regard glissa sur Teigne qui trépignait toujours de colère avant de revenir vers moi.

- J'en ai un, lâcha-t-il d'une voix si basse que je crus avoir mal entendu.

- De quoi ?

Cette fois-ci, sa voix fut forte et claire :

- J'ai choppé un Goupix lors de ma première visite au manoir.

- Ah bah merci de me le dire, ça me fait tout de suite me sentir mieux, rétorquai-je aigrement.

- C'était pas une vantardise, c'était une offre.

- Hein ?

Estomaquée. Complètement prise au dépourvu. Non-mais-je-rêve-là-il-ne-vient-pas-de-dire-ça-pincez-moi. Il n'existait pas de mots assez forts pour décrire ce que je ressentais.

- Je te le donne, Léa. Il me sert à rien, j'ai déjà le meilleur Pokémon feu au monde.

Un clignement de paupières de ma part et une Pokéball reposait au centre de sa main. Je la contemplai fixement, n'arrivant toujours pas à y croire. Un ange passa. Tout un troupeau même. Je sentais le regard de Zack sur moi et me décidai finalement à lever la tête. Grave erreur. Cela suffit pour que je me retrouve prise au piège de ses yeux. Eux qui d'habitude étaient d'un marron clair, semblaient à présent beaucoup plus sombres. Insondables. Dangereux.

Le silence s'épaissit jusqu'à devenir quasiment matériel. Si j'avais disposé d'un couteau, j'aurais pu m'en couper des tranches.

Dis quelque chose, Léa. N'importe quoi.

- Merci.

Ce seul mot brisa le charme et la Pokéball changea de main. Je ne m'attardai pas sur le frôlement des doigts de Zack contre les miens. Non, absolument pas.

- C'est une femelle, m'informa mon rival, qui ne se comportait plus tellement comme tel soit dit en passant. Libre à toi de lui donner un de tes surnoms pourris dont tu as le secret.

- Mes Pokémon adorent leurs surnoms ! protestai-je. N'est-ce pas, Teigne ?

- Singe ! confirma la Colossinge en sautillant.

- Désolé, les avis des Pokémon ne comptent pas. Trouve-moi quelqu'un d'humain qui considère que tes Pokémon n'ont pas des surnoms ridicules et on en reparlera.

Ma bouche s'ouvrit, et se referma tout aussi brusquement. Avais-je vraiment été sur le point de dire que Vivian aurait sûrement été du même avis que moi, vu qu'il avait appelé son premier Pokémon Nutella ? Je ravalai ma salive, comme par si ce geste je pouvais effacer les mots qui avaient failli sortir.

- C'est bien ce que je pensais, ricana Zack, prenant mon silence pour un aveu de défaite.

- Oh, la ferme, répliquai-je machinalement.

- Est-ce une façon de parler à quelqu'un qui vient de te faire un cadeau ? Tu me blesses, là.

- Aussi facilement que ça ? Et moi qui croyais que ton armure faisait dix centimètres d'épaisseur.

Il parut sur le point de rétorquer quelque chose, avant de se raviser. Un coup d'œil appuyé de sa part sur ma Pokéball nouvellement acquise orienta la conversation sur un tout autre sujet. Je suivis sa suggestion et libérai le sixième membre de mon équipe. La Goupix se matérialisa dans un flash rouge. Drôlement approprié, de même que d'obtenir le seul Pokémon feu que j'ai jamais capturé dans un manoir qui avait été ravagé par les flammes...

- Pi ! cracha la nouvelle venue d'un ton hargneux.

C'était le portrait craché d'un petit renard. Tout y était : fourrure rousse, yeux d'un joli brun, ventre couleur crème... Le bout de ses oreilles partaient dans des tons plus fauves, de même que l'extrémité de ses pattes. Cependant, la partie de son corps qui attirait le plus le regard, c'était sans conteste ses six queues, plus claires que le reste de son corps, et empreintes d'une majesté indéniable.

Je m'accroupis pour lui dire bonjour, et elle se mit à me fixer d'un air de dire "Mais t'es qui toi ?"

- Salut... Moi c'est Léa, ta nouvelle dresseuse.

Lorsque j'approchai la main pour la caresser, elle me grogna dessus, m'avertissant qu'elle n'accepterait pas ce genre de familiarité. Je me relevai, déçue malgré moi. Mais c'était logique après tout : les Pokémon capturés ne pouvaient pas tous être des modèles d'amitié dès les premières secondes. Il lui faudrait du temps pour s'habituer à moi, et j'étais toute disposée à lui en donner. La Goupix s'éloigna sans plus attendre, estimant que les présentations étaient terminées. Ses mouvements agiles et déliés me rappelèrent la démarche de Princesse.

- Maraude, dis-je à voix haute sans trop réfléchir.

- Je me demande vraiment où tu vas chercher ça... fit Zack. Bon, on s'entraîne ? On était quand même venus pour ça au départ.

Je ne pouvais pas lui donner tort. Il nous fallut monter encore d'un étage avant de rencontrer des Pokémon sauvages. Un duo de Tadmorv nous barra la route dans le couloir principal. Sans même nous concerter, nous arrivâmes à la même conclusion : un chacun. Zack fit sortir sa Rhinorcorne tandis que j'incitais Maraude à observer Teigne. La Goupix n'était pas de mon avis selon lequel elle avait besoin d'entraînement, et préféra se mettre à lécher sa fourrure, sans prêter la moindre parcelle d'attention à la Colossinge. Elle manqua l'Ultimapoing stratégique de Teigne qui aplatit le Tadmorv en une crêpe violette, de même que la charge de la Rhinocorne qui envoya son compère valser dans les escaliers. Je fronçai les sourcils mais ne la réprimandai pas.

Elle réagit exactement de la même façon lors du combat suivant, contre un Rattatac. Elle marchait tranquillement derrière Teigne, la suivant sans protester, mais dès que le rongeur sauta sur la Colossinge, la Goupix se détourna du combat et alla s'asseoir à l'autre bout de la pièce, le plus loin possible. Cette fois-ci, j'élevai la voix :

- Maraude, c'est important que tu regardes Teigne pour ensuite pouvoir l'imiter. Si ça t'ennuies, tu peux même commencer à combattre dès maintenant, Teigne fera attention à ce qu'il ne t'arrive rien.

Aucune réaction de sa part. La Goupix me dédaignait complètement Je commençais à me demander si Zack ne me l'avait pas refilée exprès car il connaissait son caractère. Après avoir fait fuir le Rattatac d'un Ultimapoing sur le museau, Teigne s'approcha de sa nouvelle camarade.

- Colossinge, grogna-t-elle.

Elle obtint un "Goupix !" énergique en réponse. Dans la foulée, Maraude releva son petit museau et réussit l'exploit de regarder Teigne de haut, malgré le fait qu'elle fasse quarante centimètres de moins.

- Singe ! insista Teigne.

Elle brandit son poing fermé. Comme d'habitude, la Colossinge s'apprêtait à faire de la diplomatie à coups de baffes.

- Teigne, laisse-la, lui ordonnai-je. Je ne force personne à combattre s'ils n'en ont pas envie.

Je ne me souvenais que trop bien des paroles du spectre de la Tour Pokémon. "Vous autres humains vous nous exploitez depuis la nuit des temps..." m'avait-elle accusé. Je ne serais pas celle qui lui donnerait raison.

- On dirait que cette Goupix est encore plus têtue que ta Colossinge, remarqua Zack d'un air nonchalant. Tu te sens à la hauteur du défi ?

- C'est un cadeau empoisonné que tu m'as fais... mais j'aurais le dernier mot.

Les yeux de mon rival brillèrent d'amusement.

- J'ai hâte de voir ça.

Nous continuâmes à nous entraîner pendant deux bonnes heures. Zack me lançait constamment des piques, au sujet de Maraude ou plus généralement sur ce que je valais en tant que dresseuse, et je répliquais du tac-au-tac, le tout dans une humeur bon enfant. C'était probablement ce qui se rapprochait le plus d'une conversation amicale avec lui. À treize heures tapantes, nous nous arrêtâmes brièvement pour faire une pause déjeuner, et je tentai d'amadouer Maraude en lui proposant des croquettes. Peine perdue, car elle ne daigna même pas venir les renifler.

Après de nombreuses heures passée à batailler les Pokémon sauvages du manoir ainsi que les quelques autres dresseurs qui avaient croisés notre route, nous parvînmes finalement au dernier étage du manoir. Le feu avait complètement détruit la partie ouest, et la lumière du jour nous parvenait depuis les nombreux trous dans la toiture. Le parquet grinçait dangereusement à chacun de nos pas. Je me surpris à retenir ma respiration de peur que tout ne s'écroule.

- Relax, me lança Zack (et bordel, rien ne lui échappait-il donc ?). Y a aucune raison que ça s'effondre sous notre poids. Si tu sortais ton Ronflex, là je dis pas, mais...

Il laissa traîner sa phrase en parcourant les alentours du regard.

- C'est désert ici, reprit-il. De toute façon je pense qu'on s'est suffisamment entraînés pour aujourd'hui.

- Je vais juste jeter un coup d'œil, répondis-je, purement pour lui prouver que non, je n'avais pas peur que les planches de bois se brisent sous mes pieds.

Je pénétrai dans ce qui avait dû être un bureau : chaises renversées, débris de bois et livres aux pages déchirés racontaient une histoire que j'étais bien en peine de déchiffrer. Des papiers détrempés jonchaient le sol, l'encre trop effacée pour pouvoir lire ce qui s'y trouvait autrefois inscrit. Un petit carnet à la couverture rouge à moitié caché sous un amas de feuilles attira mon attention. Je le récupérai d'une main ; il dégoulinait d'eau de pluie. J'allais devoir le soumettre à une sérieuse séance de séchage avant de pouvoir en tirer quoi que ce soit. Je le glissai dans mon sac à dos avant de rejoindre Zack.

Cramois'île se parait des couleurs du soleil couchant lorsque nous revînmes en ville. Après une halte au centre Pokémon pour remettre tout le monde en forme (même si je n'avais utilisé que Teigne et deux ou trois fois Grignotte dans le manoir), je fis part de mon intention à Zack de me rendre au laboratoire qui se situait juste à côté. La vue du bâtiment m'avait rappelé les paroles de Léonard lors de notre première rencontre, selon lesquelles des scientifiques faisaient revenir à la vie des fossiles sur Cramois'île. Cela m'était complètement sorti de la tête jusqu'à maintenant, et pour cause : j'avais eu d'autres chats à fouetter.

- T'as chopé un fossile ? me demanda immédiatement Zack, confirmant que mon raisonnement était correct. Où ça ?

- Le Mont Sélénite. Il grouillait de Rockets cherchant ces fameux fossiles, si tu te souviens.

- J'ai emprunté un raccourci, éluda-t-il. Montre.

- Ça te tuerait de dire s'il te plaît ?

- Montre s'il te plaît, répéta-t-il en réussissant à donner aux trois mots clefs une inflexion qui les débarrassait complètement de leur sens.

Je sortis le fossile avec précaution et lui passai. Il l'examinant durant une bonne minute avant de déclarer à contrecœur :

- Ouais, on dirait un vrai. Ils pourront sans doute cloner le Pokémon.

- Tu peux l'avoir si tu veux. Comme ça on sera quitte, ajoutai-je alors qu'il levait vers moi un regard effaré.

C'était donc à ça que je ressemblais quand il m'a proposé la Goupix...

Il reprit contenance beaucoup plus rapidement que moi et hocha la tête.

- Ça marche.

Je n'allai pas jusqu'à exiger un 'merci' : l'univers aurait implosé.

- Mais s'ils parviennent à le faire revivre, tu te retrouveras avec un bébé Pokémon sur les bras, non ? objectai-je à la place, donnant voix à une pensée qui m'avait effleuré au mot 'clone'. Je croyais que tu ne voulais que les plus puissants ?

- Là on parle de rareté, pas de puissance. Je suis prêt à faire une exception pour ça.

- Rare à quel point ? voulus-je savoir.

- Au point que tu t'en mordrais les doigts si tu savais ce que tu viens de me donner, répondit-il avec un sourire triomphal.

- Pas du tout. Ça me fait plaisir de te faire un cadeau.

Pour la deuxième fois de la journée, j'eus le plaisir de voir Zack complètement déboussolé. Il cligna des yeux plusieurs fois avant de se reprendre.

- Merci, dit-il, et cette fois-ci, le ton de sa voix montrait qu'il le pensait vraiment.

Je me crispai, mais il n'y eut pas d'implosion de l'univers.

- De rien, répondis-je doucement.

Un sourire s'esquissa sur mes lèvres alors que je savourais ma victoire.

***

Des mots sur une page froissée.

Jungle X. Nous avons découvert un nouveau type de Pokémon.

Une écriture claire et lisible, et pourtant rien ne faisait sens.

J'ai baptisé le Pokémon Mew.

Des ratures, des pages arrachées... Les quelques phrases restantes ne firent qu'engendrer davantage de questions.

Mew a donné naissance. Le petit a été baptisé Mewtwo.

Les mots inscrits sur la dernière page me narguèrent, renfermant un secret qu'ils refusaient de livrer.

Mewtwo est trop puissant... Nous ne sommes plus en mesure de le contrôler...

- T'en fais une tête.

Sans mot dire, je tendis le carnet à Zack. Il délaissa son burger aux épices - une spécialité culinaire de l'île - pour lire les quelques pages. Après que je lui aie offert le fossile, nous nous étions rendus au Laboratoire Pokémon où un scientifique avait accepté avec enthousiasme d'essayer de cloner le Pokémon des temps anciens. J'en avais profité pour enseigner à Pleind'Soupe une CT expérimentale, Métronome, qui si j'en croyais ce que m'avait dit le chercheur pouvait produire n'importe quelle attaque - un ultime atout dans ma manche en cas de force majeure. Nous nous étions ensuite retrouvés tout naturellement à la cafétéria du centre, guidés par nos estomacs affamés. J'avais réquisitionné l'aide du Dracaufeu de Zack pour sécher le carnet pendant que nous attendions que nos commandes arrivent - Maraude avait tourné la tête d'un air hautain lorsque je m'étais d'abord adressée à elle -, et je n'avais pas eu la patience d'attendre la fin du repas avant de découvrir ce que renfermaient les pages jaunies par le temps.

Zack reposa le petit carnet sur la table.

- Moi qui croyais que les légendes sur Mew n'étaient que des racontars de bonne femme... Et le manoir aurait donc brûlé à cause de ce Mewtwo. Je me demande où il se trouve à présent. Si je pouvais capturer un tel Pokémon...

Il mordit dans son burger avec une ardeur renouvelée. Je m'emparai à nouveau du journal. En le feuilletant, je remarquai un mot à moitié effacé sur la dernière page, en bas à droite. Comme une signature. Je plissai les yeux, louchai sur les lettres mystérieuses, et retournai le carnet dans tous les sens jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant.

- F... U... J... I... Fuji ?

- Fuji ? répéta Zack. C'est le fondateur du labo Pokémon. J'ai vu son nom sur la plaque commémorative dans le hall d'entrée. Ce serait logique qu'il soit à l'origine d'un Pokémon né d'expérimentations scientifiques. Le labo est basé là-dessus après tout. Je parie que le manoir était l'endroit où il conduisait ses expériences secrètes.

Je pris une bouchée de mon burger tout en réfléchissant. Ça faisait beaucoup d'informations à absorber d'un coup et j'avais l'impression de me retrouver face à un puzzle avec trop de pièces. Pour ne rien arranger, nous avions sorti nos Pokémon pour le dîner, et lorsque je posai malencontreusement le regard sur l'Alakazam de Zack, la vision que m'avait accordée Présage me revint en mémoire. Certaines de ses prédictions s'étaient réalisées - la chose sifflante dans la Grotte Sombre - et d'autres non - j'avais perdu Léonard au siège de la Sylphe SARL et non Salade. Et que dire de la suite ? Le duel contre Zack pour le titre de champion de la Ligue où il me jetait des paroles haineuse à la figure ? Pour l'instant, je voyais mal comment cela pourrait arriver. Zack et moi n'étions pas les meilleurs amis du monde, mais de là à ce qu'il souhaite la mort de mes Pokémon...

Et il y avait le dernier flash, celui où je m'étais vue faisant face à un Pokémon humanoïde. Pokémon dont la statue se trouvait dans le manoir. Était-ce Mew ou bien Mewtwo ?

Je me vengeai de toutes ces questions sans réponses en m'attaquant de nouveau à mon burger.

- Tu crois en la possibilité de prédire le futur ? demandai-je à Zack après quelques minutes de silence.

- C'est des conneries.

Quelle opinion des plus raffinées. En même temps, avec Zack, je ne sais pas pourquoi je m'attendais à quelque chose de différent.

- Un Alakazam m'a montré une vision, et certains des événements se sont réalisés, argumentai-je.

Il ne demanda pas de précisions sur la nature de ces événements, ce pour quoi je lui fus reconnaissante.

- Certains seulement, appuya-t-il. C'est une coïncidence, c'est tout. Le Pokémon qui t'a prédit ton futur a eu de la chance.

- Tu as discuté du sujet avec ton Alakazam pour en être si certain ?

À la mention de son nom, le Pokémon psy posa ses yeux dorés sur moi. Sa voix mentale résonna sous mon crâne, froide et calculée :

Certains spécimens de mon espèce se targuent de pouvoir prédire l'avenir. Ils font preuve d'une arrogance sans borne. Le futur de chaque être est fluide et toujours changeant, on ne peut connaître sa destinée. L'utilisation du mot 'impossible' me semble ici approprié.

- Le premier Alakazam m'a dit que ce qu'il m'avait montré étaient des avenirs 'probables'... mais le deuxième a été catégorique sur sa prédiction, et il a eu raison.

Alors le premier est plus sage que le second. Quand à moi, si je sais une chose, c'est que je ne sais rien.

- Il est super humble pour un Pokémon psychique, dis donc, plaisantai-je à l'intention de Zack. Il ne va pas trop avec toi...

Il faut bien que quelqu'un ait la tête sur les épaules dans cette équipe, tempéra l'Alakazam et Zack grimaça face à la critique.

- Lui, je l'aime bien ! décidai-je. Désolée pour toutes les fois où Grignotte t'a ratatiné, au fait.

- Blaireau, renchérit Grignotte en levant le nez de sa gamelle un instant.

Je reste persuadé que le jour viendra où je triompherai de l'adversaire à griffes.

- C'est ça l'idée, approuva Zack.

Nous terminâmes de manger, puis passâmes la soirée à regarder le film projeté dans la salle de détente du centre Pokémon, en compagnie de quelques rares autres dresseurs. C'était un truc d'aventure avec des combats de Pokémon sur fond d'explosions et de cascades. Divertissant, et il n'y avait pas besoin d'utiliser sa tête pour comprendre le scénario, ce qui était reposant.

Au moment de nous coucher, je posai la question qui me trottait dans la tête depuis le dîner :

- Tu pars pour Jadielle demain ?

- Non, me répondit Zack. Je t'accompagne à l'arène.

- Ah bon ?

- Je suis pas encore au point pour Jadielle. Mes Pokémon ont besoin de plus d'entraînement, et les tiens aussi. Autant le faire à deux.

- Et si j'ai pas envie de m'entraîner avec toi ? interrogeai-je juste pour voir sa réaction.

- C'est le cas ?

- Non.

Ma réponse avait été quasi-automatique.

- Bien, conclut-il. Alors c'est décidé.

Je m'endormis avec un stupide sourire aux lèvres.

***

- Hé, la feignasse ! C'est l'heure de se lever !

J'entrouvris un œil au prix d'un intense effort. Une silhouette me surplombait dans la pénombre du dortoir.

- Beuh ? émis-je.

- Allez, Léa, debout, continua Zack. On a un emploi du temps chargé, et je préférerai expédier l'arène le plus tôt possible afin qu'on puisse se concentrer sur notre entraînement.

- Léquelleheure ? balbutiai-je.

- 7h30. T'as dormi assez longtemps, allez !

Je me retournai et rabattis les couvertures sur ma tête avec un grognement digne d'un Ronflex en pleine sieste.

- 'core cinq minutes.

- Tu les a largement eu, tes cinq minutes. Ça fait trois fois que je viens te réveiller.

- Et nous, on aimerait bien pouvoir dormir ! lança un autre dresseur quelque part dans les ténèbres.

Je soupirai et entrepris de me lever. Un bref passage à la douche acheva de me réveiller complètement, après quoi je rejoignis Zack à la cafétéria.

- Si ça se peut l'arène est même pas encore ouverte, lui fis-je remarquer en engloutissant ma ration de croissants.

- Tu rigoles ? Auguste se lève à l'aube.

- Tous des fous... grommelai-je.

Un quart d'heure plus tard, nous nous trouvions devant l'arène. Le bâtiment resplendissait d'une curieuse teinte cuivrée, reflétant les rayons du soleil.

- Auguste valorise les connaissances sur les Pokémon, et si tu réponds correctement aux questions posées par les dresseurs, tu peux éviter de les combattre, m'expliqua Zack lorsque nous pénétrâmes à l'intérieur.

- Ce que tu n'as pas fait, devinai-je.

- Et ce que tu ne feras pas non plus, répliqua-t-il.

Il avait raison, bien entendu. Je n'allai pas laisser filer l'occasion de s'entraîner davantage.

- Allons-y, déclara sèchement le premier dresseur lorsque je m'approchai.

Je restai un instant désarçonnée par son attitude agressive, avant de libérer Plouf.

- C'est ton arène mon gros, lui soufflai-je. Tu vas pouvoir t'amuser.

- Tor ! se réjouit-il.

Mon adversaire fit appel à un Goupix et lui ordonna de lancer une Onde Folie, ce qui était sans doute la meilleure chose à faire face à un tel désavantage de type. Sauf que Plouf se montra plus rapide, et alors que le renard ouvrait la gueule pour laisser échapper son attaque, le Léviator le prit de vitesse avec le Surf que je lui avais demandé. La vague d'eau expédia promptement le Goupix dans les pommes.

Son dresseur s'écarta sans rien dire, libérant le passage. Je m'étonnai qu'il n'ait qu'un seul Pokémon - et non évolué en plus -, mais je continuai sans faire de remarque.

- J'espère que tous les dresseurs de cette arène ne sont pas aussi hostiles que celui-là, commentai-je.

- Il a de bonnes raisons de l'être. J'ai tué son Feunard lors de notre duel, révéla Zack.

Je me mordis la lèvre. Un rappel de plus de la dangerosité des duels Pokémon. Je jetai un regard à Plouf afin qu'il comprenne qu'il fallait y aller doucement avec ses attaques aquatiques. Il répondit d'un grondement sourd, et le jet d'eau qu'il projeta sur le Goupix du deuxième dresseur fut moins violent que d'habitude. Les duels s'enchaînèrent, se ressemblant tous : uniquement des Pokémon de type feu, la plupart des Goupix ou des Caninos. Plouf ne fit qu'une bouchée d'eux à chaque fois, les mettant au tapis en un coup ou deux. Je m'attendais à ce que Zack lâche son lot habituel de remarques sarcastiques, mais il demeura étrangement silencieux.

Et puis nous arrivâmes face à face avec Auguste. Le champion de l'arène de Cramois'île était un vieillard au crâne chauve et à la moustache blanche, et bien qu'il s'appuie sur une canne, tout en lui respirait la force et non la faiblesse. D'épaisses lunettes noires cachaient ses yeux, tandis que ses vêtements brodés de rouge achevaient de lui donner l'air d'un gentleman.

- De retour, mon garçon ? fit-il à l'adresse de Zack. Ça ne te ressemble pourtant pas de remettre à plus tard ce qui peut être fait aujourd'hui.

- Garde tes sermons Auguste, on est pas venus pour ça, répliqua mon compagnon.

- Oui, oui, la jeune fille est un challenger... mais toi, que fais-tu là ?

- Je suis juste venu la regarder te botter les fesses.

À ces mots, Auguste éclata de rire. Quoi, il ne m'en pensait pas capable ? Plouf gronda dans mon dos, impatient de faire ses preuves. Le champion eut sourire à mon encontre.

- Prête, jeune fille ?

Je hochai la tête et fis signe à Plouf de s'avancer. Auguste envoya d'abord un Caninos, mais il ne fit pas long feu face à mon monstre aquatique : le premier échange d'attaques se termina avec le chien baignant dans une mare d'eau, inconscient.

- La même tactique que Zack, hein... nota Auguste. Voilà qui ne m'étonne guère.

Je restai silencieuse. Le vieil homme projeta une nouvelle Pokéball en l'air, son contenu se révéla être un Ponyta.

- Continue avec Surf, enjoignis-je à Plouf.

Pour sa part, Auguste ne donna aucune instruction à son Pokémon, mais cela n'empêcha pas ce dernier de se précipiter sur mon Léviator. Le champion devait avoir établi une stratégie à l'avance. Alors que Plouf ouvrait la gueule pour déchaîner la puissance de l'eau, le petit cheval de feu se cabra et abattit ses deux sabots de devant sur le flanc du Léviator. Plouf rugit et répliqua par un torrent aquatique qui projeta le Ponyta à quelques mètres de là. Il voulut se relever, mais ses jambes tremblaient trop et Auguste décida de le rappeler.

Je m'autorisai un sourire. Pour l'instant, ça se passait vraiment bien. Si ça continuait comme ça, j'obtiendrai le badge Volcan d'ici quelques minutes. Mon regard dériva sur Zack. Il m'observait, les bras croisés, ses lèvres retroussés en un fin sourire. Je me demandai ce qu'il pouvait bien être en train de penser.

Je revins à Auguste et constatai qu'il était passé à la vitesse supérieur question Pokémon. J'avais à présent affaire à un magnifique cheval à la crinière enflammée, bien plus grand et plus majestueux que le petit Ponyta de tout à l'heure. La corne sur son front ressemblait davantage à une arme qu'à une décoration. Il hennit quelque chose qui sonnait comme "Galopa !" et bougea si vite que je ne vis qu'une traînée de feu s'élancer vers Plouf.

Le Galopa sauta, presque plus haut que le Léviator, et le jet d'eau du Léviator le manqua largement, partant se perdre contre le plafond. Puis il retomba, et ses sabots qui avaient l'air dur comme le diamant s'écrasèrent sur la gorge de Plouf, laissant leurs empreintes contre les écailles bleues. Un grondement de douleur s'échappa de la gueule de mon Pokémon, suivi de trombes d'eau qui noyèrent le Galopa sous leur déluge. Il voulut s'échapper, courir, mais une vague soudaine le cueillit au creux de son ventre et l'envoya brutalement valser contre le mur.

- Ça suffit, Plouf.

Le Léviator referma sa gueule alors qu'Auguste rappelait son Pokémon.

- Bien, dit-il. Encore un et le badge Volcan sera à toi.

Une forme se matérialisa dans l'air. Ma bouche s'ouvrit toute seule sous le coup de la surprise. Son dernier Pokémon ne pouvait être que l'évolution de Caninos, mais bon sang, quelle évolution ! Le petit Pokémon feu à la bouille trognonne était devenu un grand chien au pelage roux zébré de noir, doté d'une épaisse crinière couleur crème qui lui donnait des faux airs de lion. Et sa taille... disons que j'aurais pu monter dessus comme pour un cheval... si j'avais disposé d'un tabouret. Il surpassait même le Galopa.

Auguste claqua des doigts et immédiatement le chien fonça sur Plouf, les crocs à découverts. Crocs qui s'enfoncèrent dans une des parties les plus vulnérables du corps du Léviator : son ventre. Plouf se contorsionna pour déloger l'attaquant et voulut répliquer d'un coup de queue, mais l'autre s'était déjà placé hors de portée.

- Surf, Plouf ! lui rappelai-je - il avait tendance à réagir d'instinct face à la douleur et à oublier qu'il pouvait cracher de l'eau.

Le grondement habituel se fit entendre, à la suite de quoi une vague déferlante monta à l'assaut du Pokémon feu. Ce dernier se campa sur ses pattes et attendit bravement. La claque monumentale qu'il se prit lorsque l'eau le frappa de plein fouet ne le déséquilibra même pas.

Incroyable, commenta ma voix intérieure.

Suivi immédiatement de :

J'en veux un.

Nouveau claquement de doigts. Le chien s'ébroua, baissa la tête, et fondit sur Plouf à une vitesse hallucinante. Ma réaction à moi fut tout aussi rapide :

- Hydrocanon !

Plouf ouvrit la gueule une fraction de seconde avant que le chien ne le percute, et le geyser d'eau qui en jaillit fit nettement reculer son adversaire. Un nuage de vapeur s'éleva entre les deux Pokémon, ce qui me fit penser que le chien avait dû essayer de répliquer par une attaque enflammée. Plouf continua à cracher son jet d'eau sous haute pression, et la résistance de son adversaire fut finalement vaincu. Le chien de feu se laissa tomber sur le flanc, la langue pendante, visiblement épuisé.

- Bien joué mon grand. T'as assuré, félicitai-je Plouf avant de le rappeler.

Auguste hocha la tête, reconnaissant ma victoire.

- Et voici le badge Volcan pour toi, jeune fille... déclara-t-il en me remettant l'objet en question, en forme de flamme - c'était prévisible.

- Merci.

- Maintenant sortez de mon arène, jeunes gens ! Vous êtes attendus ailleurs.

Nous ne nous le fîmes pas dire deux fois. En dehors de l'arène, une surprise nous attendait.

- Zack, toi ici ? Et Léa aussi ? fit une voix connue.

- Tiens, salut Léo, lui répondit Zack.

Je fis de même, ne pouvant retenir un sourire face à l'apparence du scientifique. Il était habillé d'une blouse de labo trois fois trop grande pour lui, ses chaussettes étaient dépareillées, et l'état de ses cheveux bruns donnait l'impression qu'il venait de perdre la bataille de polochons la plus violente de toute l'Histoire des batailles de polochons. Les cernes sous ses yeux indiquaient qu'il ne devait probablement pas dormir beaucoup, mais son sourire amical était plein d'énergie.

- Vous vous connaissez ? fit-il alors que son regard se promenait de Zack à moi. J'aurais dû m'en douter...

- Qu'est-ce que tu fais à Cramois'île ? s'enquit Zack, donnant voix à la question que je me posais également.

- Une simple escale. La belle-mère du capitaine vit ici, et il voulait en profiter pour passer dire bonjour puisque Cramois'île était sur notre chemin. Ou est-ce que c'était sa belle-fille ? Bah... (Il fit un geste de la main pour signaler que ce n'était pas important.) Oh, mais je ne vous ai pas dit pourquoi je voyageais en bateau ! Mon ami Ciléo, un bidouilleur comme moi, s'est installé dans les Îles Sevii et il essaie de mettre un point un système complémentaire à celui que j'ai inventé pour stocker les Pokémon. Il rencontre quelques problèmes alors il m'a demandé de l'aide, d'où ma présence ici.

Il s'arrêta brusquement dans sa tirade.

- Ce qui me fait penser... ça vous dirait de m'accompagner ? Ça rendra la traversée moins ennuyeuse pour moi, et les Îles Sevii regorgent de Pokémon qu'on ne trouve nulle part ailleurs, alors vous y gagnez aussi.

- J'en suis, répondis-je en prenant Zack de vitesse.

Maintenant, est-ce qu'il allait me suivre... ?

- Je suppose que ça vaut toujours mieux que le manoir, grommela-t-il.

- Formidable ! s'exclama Léo. Oh, il faut absolument que je vous en dise plus sur le système sur lequel Ciléo travaille. Il a repris mon code de départ mais a réussi à lui faire faire toute autre chose, si bien que...

Zack et moi échangeâmes un regard complice tandis que Léo se lançait dans des explications complètement incompréhensibles.

- Ça va être comme ça durant toute la traversée, hein ? communiquai-je silencieusement.

- J'en ai bien peur, me répondit-il d'un froncement de sourcils.

Je décidai que je pouvais endurer cette épreuve si cela signifiait que je pouvais capturer de nouveaux Pokémon une fois arrivée dans les Îles Sevii. Et puis, Zack avait raison, ce serait toujours plus agréable que d'être forcé de faire une deuxième excursion au manoir. J'effleurai ma ceinture de Pokéball d'une main, songeant à ce qui nous attendait. Une ultime séance d'entraînement avant la dernière arène... Et ensuite, le Conseil des Quatre.

La fin approchait, inexorablement.

***

Enfin, la fin... Reste encore 7-8 chapitres à vue de nez. :p

Petit détail que Léa n'a pas relevé : Zack n'avait pas sept Pokémon sur lui mais bien six ; son Roucarnage s'est froissé l'aile en atterrissant et se trouvait au centre Pokémon. Par contre, il a bien deux Pokémon qu'il n'a pu capturer qu'au Parc Safari, le Noadkoko et la Rhinocorne. Il est donc en infraction, le petit chenapan. :p


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Cimetière :
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