Shiney de Alabama

Flynn courait jusqu'à l'arrêt. Les minutes lui étaient comptées. Il traversa la cour en trombe, voyant Yves du coin de l'œil, qui le salua vaguement. Il lui rendit son salut et arriva essoufflé à l'abribus. Le car était à l'arrêt devant l'endroit, mais ses portes étaient déjà fermées et son moteur ronronnait. Flynn s'élança jusqu'au niveau du chauffeur et frappa comme un forcené sur la vitre. On lui ouvrit, et il s'effondra sur le premier siège libre, au bord de l'attaque.

-C'était moins une ! entendit-il.

Encore hors d'haleine, il regarda à côté de qui il s'était assis : c'était un des habitants du village avec qui il avait frayé dans sa jeunesse. Il s'appelait Martin et avait un an de plus que lui.

-Martin ! articula Flynn entre deux respirations. Qu'est-ce que tu deviens ?
-Je suis à l'école de commerce... et toi ?
-Combat et stratégie...

Martin siffla pour exprimer son admiration.

-Dis-moi, ça fait plusieurs jours que je n'ai pas vu ton frère. Il lui est arrivé quelque chose ?
-Frédéric ? Il est... en vacances...

Flynn arrêta de parler à Martin, maintenant qu'il savait qu'il était l'un des clients de son frère. Le trajet se déroula silencieusement. Le véhicule s'arrêta à la place du Manoir et Flynn en sortit promptement. Il fit quelques pas en direction du centre Pokémon, quand on le retint par le bras : c'était Martin qui lui avait couru après.

-Flynn, tu peux me dire si ton frère est en prison !

Le jeune homme se dégagea de son étreinte et partit en pressant le pas, laissant son ancien ami pantois. Mécontent, il arriva jusqu'au centre Pokémon, un grand immeuble moderne au toit rouge.

-Eh, Flynn !

Michel était déjà là et alla à sa rencontre.

-Salut Mitch...
-Comment ça va ?
-Bien...

Alors qu'ils entraient dans le bâtiment, Flynn lui raconta la mésaventure qu'il avait vécue avec Anna et Eliott.

-Il t'arrive pas mal de trucs dingues ! Le père d'Eliott est aussi shiney hunter ?
-Etait. Pour les années à venir, il sera un repris de justice...

Michel observa un silence pour marquer son incompréhension, lui qui avait une situation si stable. Dans le hall, d'autres étudiants de la faculté bavardaient, attendant avec une impatience mêlée d'appréhension leur première nuit de service.

Un homme grand et fort vêtu d'une blouse arriva dans le hall et dit assez fort :

-Les étudiants en Combat et stratégie ? Suivez-moi !

La quinzaine d'étudiants s'engagea à la suite de l'homme qui les mena dans un salle de conférence adjacente au hall. Tandis qu'ils s'assirent, le docteur monta à l'estrade et balaya la salle d'un regard avant de prononcer un petit discours :

-Bonsoir à tous ! Je suis le Dr Etiemble, je serai votre référent pour votre permanence. Vous êtes tous de la licence Combat et stratégie... vous êtes normalement assez doués pour répondre aux exigences du centre. Sachez qu'on ne vous ménagera pas ! Même si vous n'avez pas choisi de faire du soin votre métier, vous devez être aptes à parer à toute situation délicate. Vous allez commencer fort, mais vous prendrez le rythme au bout de quelques mois. Bien sûr, on ne vous confiera pas tout de suite les cas les plus compliqués, mais vous aurez parfois à soigner de grands blessés, d'autant plus que chaque Pokémon a une anatomie unique ! Bref... vous allez vous mettre par paires... je veux que chacun d'entre vous ait un Pokémon avec une attaque de soin !

Flynn lança un regard entendu à Michel.

-Vous vous inscrirez auprès de moi et je vous dirai où aller...

Tandis que leurs camarades se répartissaient en binômes, Michel et Flynn se dirigèrent vers Etiemble en déclinant leur identité.

-Theury et Kenny, dit Michel.
-C'est noté... répondit le docteur en griffonnant quelque chose sur son bloc-notes. Allez dans le hall, vous demandez l'infirmière Zoé au guichet, elle sera votre référent pour les prochains mois.

Les deux comparses quittèrent la salle et allèrent au guichet.

-L'infirmière Zoé ? demanda Michel. Nous sommes ses étudiants.
-Zoé ! appela l'infirmier accoudé au guichet. Elle arrive.

Flynn s'apprêtait à passer une longue et ennuyeuse soirée. Il ne s'était jamais intéressé aux métiers du soin, c'était uniquement une obligation de son parcours. De plus, il avait peur de tomber de fatigue avant la fin de sa permanence, à 5h.

L'infirmière Zoé, une élégante infirmière en milieu de carrière qui répandait sur son passage une douce odeur de tabac mêlé à du parfum, alla à leur rencontre.

-Vous êtes mes deux étudiants ? demanda-t-elle en détaillant Michel et Flynn des pieds à la tête. Enchantée, je suis Zoé !
-Michel !
-Flynn.
-Parfait. Suivez-moi, nous montons au premier.

Ils prirent ensemble un large ascenseur qui les amena dans un couloir d'hôpital. L'infirmière les guida jusqu'au bout du corridor, dans une grande salle pourvue de lit et dont la forte odeur de café annihilait tous les autres arômes.

-C'est l'étage des blessures légères, expliqua-t-elle. Vous avez un Pokémon qui connait Soin ?

Michel hocha la tête. Il avait pris soin, les semaines précédentes, de l'enseigner à son Porygon, sous l'égide de Valmont.

-Ca devrait suffire. De toute façon, on n'a jamais beaucoup de ce type de problèmes le mardi soir. C'est plutôt des trucs graves. Alors, ces lits sont à votre disposition pour vous reposer. Je vous remets deux bipers...

Elle leur confia deux petites machines qui ressemblaient à des podomètres.

-Ils émettront du bruit, et au besoin vous réveilleront si j'ai besoin de vous. Tenez-vous prêts ! Je veux que vous soyez près de l'ascenseur dès que j'aurai besoin de vous. Je retourne en bas... A bientôt !

Et Zoé s'effaça dans le couloir. Flynn et Michel échangèrent un long regard incrédule.

-Une soirée de perdue, marmonna Flynn en s'affalant sur l'un des lits.
-Estimons-nous heureux, rétorqua Michel en l'imitant. On aurait pu finir dans un étage surbooké !
-Je vais essayer de faire un petit somme...

Flynn n'eut aucun mal à tomber dans les bras de Morphée. Mais il fut brusquement réveillé par son bipeur. Il avait l'impression de ne pas avoir dormi, mais la nuit était déjà tombé. Complètement mou, il se saisit de la pokéball sur la table de chevet de Michel qui ronflait béatement, et se précipita dans le couloir. Au bout, l'infirmière Zoé sortait déjà de l'ascenseur. Il courut jusqu'à elle.

-Super, tu es là en temps voulu, dit-elle. Rappelle-moi ton prénom...
-Flynn.
-Bien. Nous allons dans la troisième salle de soin...

Les salles de soin étaient les plus proches de l'ascenseur. Les deux premières devaient être déjà occupées. Dans la salle où ils se rendirent, il y avait une table et des placards tout le long du mur. Les grandes fenêtres en face de la porte donnaient sur le ciel étoilé.

Zoé posa la pokéball sur la table et appuya sur un bouton. Flynn vit, assez impressionné, celle-ci descendre jusqu'à se fondre dans le sol.

-Une table rétractable, de façon à pouvoir soigner les Pokémons de toute taille. C'est la première fois que tu en vois une ?

Flynn acquiesça. Zoé ouvrit alors la pokéball, laissant échapper le patient : c'était un Tengalice, saignant de l'épaule. Le Pokémon grognait de douleur.

-Une plaie assez superficielle, sûrement causé par une pince, commenta l'infirmière. Pas d'infections, pas d'affectation de statut. Les Pokémons Plante disposent de pouvoirs de cicatrisation incroyables, il lui faut donc juste un petit coup de Soin. Vas-y, montre-moi le Pokémon que tu vas utiliser.

Flynn appela le Porygon de Michel.

-C'est le tien ? demanda l'infirmière.

Porygon était un Pokémon peu répandu, et surtout le seul à n'être que vendu, pour une forte somme. Peu de dresseurs le comptaient dans leur équipe. L'étonnement de l'infirmière était donc compréhensible.

-Non, avoua Flynn, c'est celui de Michel...
-Bien. Espérons qu'il t'obéisse. Il connait suffisamment la technique ?
-Je pense...
-Porte-le au niveau de l'épaule blessée.

Flynn s'exécuta. Le Tengalice lorgnait son curateur d'un air menaçant, mais ne bougeait pas.

-C'est un Pokémon bien dressé... dit Flynn.
-Je pense aussi. Ca m'a l'air d'être un combattant. Bon, maintenant, il faut que le Pokémon utilise Soin. Ne t'inquiète pas si ce n'est pas parfait, je pourrais corriger.
-Soin !

Le Porygon referma la plaie du Tengalice, qui eut une expression de soulagement. Il fit des mouvements avec sa branche qui lui tenait lieu de membre antérieur, pour éprouver la guérison.

-J'ai l'impression que c'est parfait, dit l'infirmière. Très satisfaisant. Cela dit, ce n'était pas très dur. Remets-le dans sa pokéball et va le remettre à son dresseur. Il s'agit de M. Posniazky. Donne le Porygon, je vais le remettre à ton camarade. Je vais lui demander de venir avec moi pour la prochaine intervention. Tu pourras rester te reposer en attendant.

Flynn fronça les sourcils en entendant le nom du dresseur. Il lui semblait familier, cependant il ne réussissait pas à se rappeler où il avait déjà pu l'entendre... Il rappela le Tengalice dans sa pokéball, et fier de sa première opération, prit l'ascenseur pour le remettre au dresseur.

Il songea à l'infirmière Zoé, qui se montrait professionnelle tout en étant encourageante et sympathique, ainsi qu'au confort du lit dans lequel il s'était assoupi quelques heures. Finalement, sa garde n'était pas si éreintante et le travail pas si ingrat.

Il arriva dans la zone derrière le guichet et chercha une place pour y poser la pokéball.

-M. Posniazky ! lança-t-il à la cantonade.

Soudain, son regard fut attiré par un homme en pleine discussion avec un docteur, au milieu du hall. Il s'agissait de Black, le co-équipier de son père. Vêtu de sempiternels habits noirs, il jeta à son tour un œil à Flynn et le reconnut.

Black avait toujours été extrêmement antipathique à Flynn. Cela ne venait pas seulement de sa qualité de shiney hunter, mais surtout de sa façon sèche de parler, son regard noir et sa mine peu engageante. Tout jeune, Flynn le craignait et il figurait souvent dans ses cauchemars. Mais, à l'inverse d'Archibald ou de son père, Black avait le mérite de jamais ne s'être intéressé à lui. Il l'avait toujours dédaigné de la façon la plus arrogante, ce qui peinait autrefois le jeune Flynn mais rassurait le Flynn adulte.

Or, plutôt que de plisser le nez ou de faire la moue en s'apercevant de sa présence, Black eut une attitude qui ne lui ressemblait pas du tout. Il écarquilla les yeux, ouvrit grand la bouche, constituant ainsi une expression de peur que jamais Flynn n'aurait pensé voir sur son visage.

Cela ne dura pas longtemps. Quittant à l'improviste son interlocuteur qu'il écarta d'un geste de la main, Black s'élança en claudiquant vers Flynn. Sa démarche réservait une autre surprise : le vigoureux shasseur boitait au point d'avoir des difficultés à marcher. Lorsqu'il fut suffisamment prêt, Flynn constata même qu'il avait du sang séché sur une partie du visage.

Black empoigna sauvagement le jeune homme au torse en pliant ses vêtements, et rapprocha son visage du sien au-dessus du guichet. De sa main libre, il se saisit de sa pokéball. Autour d'eux, le personnel du centre se mit en émoi, sommant l'homme sombre de ne pas être violent et de laisser Flynn tranquille.

-Kenny ! dit-il d'une voix rauque, alors que la colère brillait dans ses yeux. C'est une embuscade ? Tu travailles ici ? Tu as touché à mon Pokémon ?

L'expression d'effarement dans les yeux de Flynn le dissuada de mener plus loin l'interrogatoire. Il lâcha le jeune homme, et défia l'attroupement autour de lui de regards durs dont il avait le secret. Tout le monde fit comme s'il n'avait rien vu et vaqua à ses occupations. Le docteur avec lequel Black s'entretenait était arrivé derrière lui entretemps.

-Black, dit-il, c'est l'un de nos étudiants... Qu'est-ce qu'il se passe ?
-C'est le fils Kenny ! rugit Black. Le deuxième, Flynn ! C'est sa mère qui l'a placé ici ?
-Pas du tout, il fait sa garde une fois par semaine... Alors vous êtes le fils de Marcus ? s'enquit timidement le vieux praticien auprès de Flynn, dans un effort vain pour le rassurer.
-Oui... dit celui-ci, secoué.
-Avons-nous une salle pour avoir une discussion tous les trois ? demanda Black sans quitter Flynn du regard.
-Ma foi, il y a la salle de conférences... J'espère que personne n'est à l'intérieur...
-Viens, aboya Black à l'adresse de Flynn.

Flynn quitta le guichet et prit la suite du docteur, qui les amenait à la salle où le docteur Etiemble les avait répartis en groupe tout à l'heure. Black peinait à marcher et ralentit les deux autres. Une fois dans la salle, il s'assit douloureusement sur une chaise et étendit sa jambe droite sur une autre, en prenant de longues inspirations. Le vieux docteur ferma la porte. Flynn se rendit compte qu'une bague brillait à sa main.

-Black, vous êtes allé à l'hôpital ? demanda-t-il en regardant avec inquiétude la jambe raide du shiney hunter.
-Non... dit ce dernier en serrant les dents. J'ai fait une mauvaise chute... Mais j'ai des affaires plus importantes à régler, et il jeta un regard appuyé à Flynn, qui n'osait s'assoir ou dire un mot.

Black appela son Tengalice, dispos.

-Mon Pokémon va bien ? demanda-t-il au docteur.

L'homme en blouse inspecta brièvement le Tengalice et conclut :

-Il est en parfaite santé.
-Tu en es sûr ? s'assura Black.
-Mais oui.
-Kenny aurait pu lui filer un truc !

Le docteur soupira.

-Enfin, vous l'auriez vu, Black. Puisque je vous dis que l'on n'a rien fait à ce Pokémon. Il a été très bien soigné.
-Bon...

Black rappela son Pokémon. Le docteur, qui était presque aussi désorienté que Flynn, se rapprocha des deux hommes et sourit fébrilement. Il tendit la main à Flynn.

-Bonjour, Flynn. Je suis le docteur Gabriel Fido. Je suis shiney hunter... Je ne savais pas du tout que tu étais le fils de Marcus ! Je t'en prie, assis-toi !

Flynn s'assit, et Gabriel Fido en fit de même. Le regard méchant de Black dardait toujours sur le fils Kenny.

-Ta mère m'a joué un très mauvais tour, ce soir... tempêta Christophe.
-Ma mère ? s'étonna Flynn.

Il n'avait pas vu sa mère depuis le jour où il était allé se plaindre à elle de la présence d'Anna. Il ne pensait pas qu'elle avait quitté sa salle de défonce depuis.

-Oui, ta mère ! Elle a détruit le un laboratoire entier ! A quelques rues d'ici !

Soucieux, Gabriel Fido était plongé dans ses pensées.

-J'étais censé protéger le bâtiment. Mais ta mère a utilisé les grands moyens. Elle a de sacrés Pokémons. C'est son Scorvol qui a infligé cette plaie à mon Tengalice, comme tu as pu le voir... Et je ne savais pas à quel point elle voulait ma mort ! Cette harpie a fait écrouler tout un bâtiment avec son Léviator ! Elle aurait pu me tuer !

Black s'agitait énormément. Flynn trouvait le contraste entre lui et le docteur très frappant. Fido méditait toujours en se tenant le menton.

-Il y a quelque chose de louche là-dessous, gronda Black. Bien sûr, tu n'es au courant de rien...

Le courage manqua à Flynn de dire « non ».

-Flynn, tu es sûr de ne rien savoir ? Tes parents ne t'ont jamais parlé du professeur Lavazou ? reprit le docteur d'une voix très douce. Tu peux nous le dire, tu sais. Nous sommes des shiney hunters.
-Laissez, Gabriel. Ce gosse déteste les shiney hunters.
-Un Kenny qui déteste les shiney hunters ? Comme c'est curieux...
-Tu ne risques pas de revoir ta mère avant longtemps, dit Black d'un ton abrupt. J'avais déjà appelé la police avant qu'elle ne fasse sauter le labo. Elle va aller en prison ! Comme William !

Cet entretien était surréaliste pour Flynn. Que sa mère se soit extirpée elle-même de sa perpétuelle léthargie, cela lui semblait déjà inconcevable. Mais pour détruire un bâtiment pour lequel Black l'indépendant faisait du gardiennage, c'était le comble !

-Flynn, tu peux retourner travailler. Excuse-nous pour le désagrément, dit calmement le docteur Fido.

Le fils Kenny ne se le fit pas redire. Depuis qu'il avait croisé le regard de Black, il espérait ardemment que son biper le délivre d'une pénible entrevue. Il se leva, et traversa la salle en priant pour se réveiller soudainement d'un cauchemar.

Il regagna rapidement l'étage. Il alla se recoucher, et ne fut plus du tout sollicité de la soirée. A cinq heures, Michel le réveilla pour lui signifier que la permanence touchait à sa fin. Flynn avait prévu de finir la nuit chez son ami avant le premier cours qui débuterait à une heure de l'après-midi.

Michel habitait loin du quartier du manoir. Flynn s'endormit dans le métro et faillit manquer l'arrêt. Il se réveilla vers dix heures et demies. Michel était déjà debout et dégustait son petit déjeuner.

Pendant toute la journée, Flynn ressassa son entretien avec les deux shiney hunters. Il n'arrêtait pas de repenser aux paroles énigmatiques de Black et en était venu à se demander s'il ne délirait pas à cause de sa chute. Il ne savait que penser du docteur Gabriel Fido, qui à bien des égards ne semblait pas être un mauvais bougre et dont la raison d'appartenance à la communauté des shiney hunters échappait à Flynn. Ses camarades durent remarquer ses questionnements, car on lui demanda plusieurs fois s'il allait bien.

Les TD prirent fin à sept heures. Flynn regagna la place du Manoir où il attendit son car. La première chose qu'il ferait une fois chez lui serait de rentrer dans le manoir de ses parents pour vérifier si sa mère y était. Le car arriva, Flynn en était comme souvent le seul occupant. Il rumina des pensées inquiètes sur la route du retour.

Le trajet lui parut horriblement long. Il sauta du car et se dépêcha de traverser la cour. Alors qu'il était devant la dépendance et s'apprêtait à frapper, Anna surgit de l'annexe et se jeta dans ses bras.

-Ah ! Flynn ! s'exclama-t-elle. J'ai eu si peur... Il ne t'est rien arrivé ?

Flynn, qui ne s'attendait pas à une telle démonstration de tendresse de la part d'Anna, qui ne voulait pas desserrer son étreinte. Il s'en dégagea pourtant et interrogea son amie du regard.

-Flynn, les policiers sont venus... Ils m'ont demandé si ta mère était ici. J'avais tellement peur, je pensais qu'il venait pour moi ! Parce que j'ai reçu un appel du professeur Lavazou... Il m'a tout expliqué ! Tu penses que c'est ton père qui a fait ça ?
-Du calme, tempéra Flynn en tenant de faire de l'ordre dans ses pensées. Qu'est-ce que tu veux dire ?
-Rentrons à l'intérieur, dit Anna à nouveau en proie à une étrange panique.

Le professeur Lavazou lui avait transmis sa peur d'être épié. Ils rentrèrent dans l'annexe, et Flynn prépara du riz pour le repas. Quand ils furent servis, Anna lui raconta en détails sa visite chez le professeur Lavazou, sans rien omettre de la remise qu'il lui avait faite, et Flynn relata à son tour l'évènement dont il avait été le témoin.

-Il a été mon professeur ! réalisa Anna lorsque Flynn eut évoqué le docteur Gabriel Fido. C'est incroyable, comment les shiney hunters sont dispersés dans la ville...
-Et qu'est-ce qu'il s'est passé aujourd'hui ? voulut savoir Flynn quand il eut terminé son récit.
-Le professeur Lavazou m'a appelée vers neuf heures pour m'avertir que son laboratoire avait été entièrement détruit, et que je devais faire attention... il avait peur d'être fait prisonnier des shiney hunters et de dévoiler qu'il m'avait confié des documents, sous la torture !
-Il n'est pas un peu paranoïaque ?
-Cet appel m'a fait si peur ! Je suis restée prostrée dans mon lit toute la matinée. Les policiers ont frappé à la porte et j'ai dû me faire violence pour aller ouvrir... Ils cherchaient ta mère. Ils ont tout fouillé, les deux annexes, la dépendance, ils sont même allés dans la ferme !
-Ils sont allés dans la ferme ? s'étonna Flynn. Et... ils n'ont rien trouvé ? Ils n'ont rien trouvé non plus dans l'annexe de mon frère ?
-Non, dit Anna. Tu sais, il jetait juste un coup d'œil. Et deux d'entre eux sont restés à l'entrée de la ferme. Ils ont dit qu'ils patrouilleraient par là les jours suivants, au cas où ta mère reparaîtrait, et qu'il fallait qu'on les appelle si on avait quelque chose à signaler...
-Ma mère... a fait tout ça...

Flynn en était maintenant sûr, mais il ne pouvait acquérir la certitude que sa mère fût une criminelle sans en être bouleversé.

-Tu es étonné ? demanda Anna. Je comprends...
-D'un autre côté, dit Flynn en se remémorant l'altercation avec Black, c'est la meilleure dresseuse de la famille. Avant de rencontrer mon père, elle faisait des arènes et des compétitions. Son Alakazam m'a toujours fait peur. C'est mon père qui a dû l'envoyer faire une sale besogne...
-Ecoute... implora Anna. Tu ne veux pas appeler ton père ? Je sais que tu ne l'aimes pas beaucoup, mais ça pourrait nous éclairer sur la situation...
-Bien sûr...

Flynn sortit son portable et appela son père à partir du journal d'appel. Il sonnait occupé.

-J'imagine qu'il va falloir attendre...

Il fit plusieurs tentatives à la fin du repas, mais son père était toujours sur un autre appel.

-Il y a un autre moyen... dit-il en voyant la déception d'Anna. Ca me plait encore moins, mais je vais appeler mon frère.

Il appela Frédéric.

« Allo ? » entendit-il à l'autre bout du fil. Il mit le haut-parleur.
-Salut, Fred.
« Flynn ! Pourquoi tu m'appelles ? »
-Pour te dire que je sais que tu vends de la cocaïne !

Il y eut un silence gênée et Anna fronça les sourcils, décontenancée. Mais Flynn savait exactement ce qu'il faisait : il devait être agressif avec son frère pour espérer avoir une vraie conversation. Il devait prendre l'ascendant et ne pas laisser à Frédéric l'opportunité de le prendre de haut.

« C'est tout ? » rétorqua Frédéric, très embarrassé.
-Et aussi... pour savoir si tu as des nouvelles de maman...
« Ah, je me disais. Pas depuis ce matin. C'est papa qui s'en occupe. »
-Elle a vraiment détruit un labo de l'université ?
« Oui. C'est papa qui le lui a demandé. Un scientifique gênant... »
-Vous êtes graves...
« Et tu es chiant ! »
-Non mais sérieusement, détruire un laboratoire !
« Ce n'était pas prévu du tout, maman devait s'introduire discrètement dans le labo et effacer toutes les traces des recherches... Mais apparemment, il y avait quelqu'un d'autre et ça a viré en confrontation... »

Flynn se demanda s'il devait dire que c'était Black, si Fred et son père le savaient déjà ou s'il devait se taire. Par défaut, il choisit de ne les aider en rien et se tut.

-Bon... tu diras à papa que je veux bien venir à Vermilava.
« Ah ! D'accord. Je lui dirai. Mais comme maman est en cavale, tu devras y aller seul... ou avec Archie ou Black. »
-Je veux qu'Anna vienne avec moi.
« Anna ? Ah oui. C'est ça, ramenez-vous ensemble. Et félicitations pour ton record... »

Flynn raccrocha. Anna était satisfaite de ce qu'elle avait entendu.

-Tu es inquiet pour ta mère ?
-Pas vraiment. Les shiney hunters sont de tels requins. Elle saura se débrouiller. Je me demande pourquoi Black lui a mis des bâtons dans les roues. C'est le plus proche collaborateur de mon père, ils sont amis...

Anna posa alors sur la table la seringue que lui avait confiée le professeur Lavazou la veille. Flynn eut à peine un regard pour l'objet.

-C'est ce que t'a donné le professeur ?
-Oui, confirma Anna.
-C'est censé faire perdre leur brillance aux shineys ?
-Selon le professeur...
-Mais c'est impossible...
-Je sais ! dit Anna.
-Tu es sûr que le professeur ne te mentait pas ?
-Je ne pense pas... Et puis, regarde ce qui est arrivé à son labo ! Les shiney hunters l'ont pris au sérieux ! Peut-être que ce produit a fait ses preuves !
-Mais pourquoi les shiney hunters s'en seraient pris à lui ? En rien ce produit ne peut les déranger, ils n'ont qu'à informer les clients de son existence.
-Ce doit être l'autre produit qui leur a fait peur.
-Manipuler ainsi la couleur des Pokémons... Il doit y avoir un truc...
-Ca m'étonnerait du professeur Lavazou. Il a une certaine réputation.

Flynn appela son Wattouat violet qui quitta la pokéball dans une gerbe étoilée. Le Pokémon, qui s'était attaché à son maître, beugla joyeusement en se frottant à Flynn. Le jeune homme prit la seringue.

-On va savoir tout de suite...