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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 08/08/2012 à 01:41
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:44

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 14 : Au pied de l'échafaud
Dans une telle situation, Jérémie regretta plus que jamais d'avoir été séparé de ses Pokémon. Leur soutien n'aurait pas été de trop, au cœur de cette lutte infernale où pleuvait une avalanche de coups.

Le jeune homme tentait d'analyser le jeu de jambes, le maintien et la technique de son adversaire. Mais c'était peine perdue. Celui-ci se déplaçait trop lestement, frappait si vite que son regard ne parvenait à le suivre.

Aussi s'éloigna-t-il de l'arme adverse, une fine hallebarde aux ferrures d'argent. Ayashi la maniait avec dextérité et vigueur, ce qui n'arrangeait pas ses affaires. Pourtant, sans être épaulé par quiconque, Jérémie pouvait encore espérer la victoire. Si infimes que fussent ses chances, elles existaient bel et bien.

Durant les premiers instants, il avait échappé aux assauts assez facilement. Quelque chose lui soufflait néanmoins à l'oreille qu'Ayashi retenait ses forces et l'analysait. Certainement pour le contrer une fois qu'il l'aurait parfaitement cerné. Voilà justement ce que Jérémie souhaitait éviter. A tout prix.

Il devait écourter cette rencontre sous peine de la voir tourner à son désavantage. Le garçon sentait que l'ennemi avait l'expérience du vétéran, chose dont il était cruellement dépourvu. C'était fortement probable dans la mesure où Ayashi avoisinait la quarantaine, quand lui ne dépassait pas la quinzaine.

L'adolescent craignait ce rapport de force inégal. Et pour cause, il avait déjà vécu cela face à son père. En dépit de ses progrès stupéfiants, Jérémie lui demeurait terriblement inférieur, comme si un gigantesque fossé les séparait nettement. Et tant qu'il ne saurait le traverser ou le contourner, il devrait ruser pour triompher des adversaires plus aguerris que lui.

Au demeurant, il avait l'atout non négligeable de posséder un pouvoir. Cette fois-ci, il comptait l'employer sciemment, avec toute la volonté dont il était capable. Il s'agissait là de son ultime espoir de réussite. S'il échouait, la mort l'emporterait dans la terre qui l'avait vu naître. Et alors, on ne parlerait plus de lui que dans des récits empreints d'ironie, le qualifiant d'imbécile et d'incapable.

Hors de question qu'il perde courage face à cet obstacle, insurmontable en apparence mais pas tant que ça. Il ne laisserait pas Ayashi jouir d'une satisfaction perverse en contemplant son corps ensanglanté. Non, il se battrait sans peur ni reproche, juste armé du désir brûlant d'en finir.

Au moment où ces résolutions prenaient leur pleine dimension et qu'il s'affermissait sur ses jambes, Ayashi soupira :

- Te débattre ? A quoi bon ? Tu n'es même pas digne d'essuyer la boue sur ma semelle. Je ne vais pas m'échiner à t'écraser alors que je pourrais économiser ma précieuse énergie en vue d'autres combats à venir. Non, j'ai bien plus simple que cela, ajouta-t-il, un rictus sadique tordant ses lèvres blêmes. On va s'amuser, je te le garantis. Du moins, ce sera mon cas.

Jérémie tenta sans succès de conserver une attitude neutre. Ne pas céder aux paroles traîtresses de l'adversaire, ne pas lui laisser le moindre ascendant psychologique, ne...

Alors qu'il fixait résolument le sol, un éclat rouge et blanc lui fit aussitôt lever les yeux. Une lueur affolée passa dans ses pupilles dilatées tandis qu'Ayashi jonglait nonchalamment avec une PokéBall.

Non, il n'oserait pas...

Comme s'il avait capté le fleuve de ses pensées, l'homme siffla entre ses dents d'un ton onctueux :

- J'ai bien peur que ce ne soit vrai. Mon équipier va se charger de toi sans même que je ne lève le petit doigt !

Pokémon #454
La radio crachota en émettant plusieurs séries de parasites. Puis une voix claire mais empressée, anéantie même, se prolongea en une longue note :

- Monsieur Notfair, c'est une catastrophe ! Les évadés fourmillent un peu partout, tant et si bien qu'il est quasiment impossible de s'attarder sur un seul d'entre eux !

Derrière le directeur, un homme à la cape ocellée intervint :

- Bon sang, les Orokami ne font-ils donc rien pour endiguer l'hémorragie humaine ?

- Veuillez m'excuser Monsieur Hazbar, mais il m'a été rapporté de pénibles états de fait. En outre, deux Orokami auraient été vaincus et l'un deux serait déjà mort. L'autre est en condition stable mais son pronostic vital n'est pas encore désengagé. Cela signifie donc que les secteurs A et C demeurent accessibles. Plus aucune protection n'y est établie et les évadés sont libres d'y circuler comme bon leur semble...

Cyril suivit d'un air espiègle l'échange, ravi de l'affolement palpable qui animait ses tortionnaires. Au moins aurait-il une ultime distraction avant de passer l'arme à gauche. Cela l'enveloppait d'un surprenant bien être. Le voilà désormais en totale contradiction d'esprit avec la situation ! Si ce n'était pas comique...

A moins que le destin ne montrât là une facette plus cynique encore de lui-même. Parfois, Cyril se demandait si ce destin n'était pas l'esprit d'un quelconque farceur immatériel. Après tout, ne lui avait-il pas joué mauvais tours sur mauvais tours ?

Des courants ascendants ondoyaient, plongeant au cœur de la nuée menaçante des cumulonimbus. Pas un ruban de ciel n'était bleu. Son intégralité se teintait d'un gris perle qui se muait peu à peu en noir d'encre. Le roulis du tonnerre, associé au fracas des éclairs, n'était pas sans rappeler à Cyril la précarité de l'existence.

En effet, qu'est-ce qui empêchait la foudre de frapper le haut toit d'Orowind ? Qu'est-ce qui l'empêchait alors de carboniser par la même occasion le bataillon d'homme qui se bousculait à sa surface ? Quoi donc ? Rien. De même que plus rien ne le retenait à la vie, si ce n'est le pathétique espoir qu'il entretenait. Un espoir désespérément humain auquel il se raccrochait pourtant de toutes ses forces.

- Faites-moi un compte-rendu sur les indésirables ! aboya Monsieur Notfair, dont la barbe frémissait étrangement. Je veux tout savoir de leur progression dans le bâtiment !

Malgré la morsure des liens autour de ses poignets, Cyril parvint à pouffer de nouveau.

Au travers de sa combinaison, le paysage lui apparaissait déformé. De plus, il avait passablement chaud. La gigantesque estrade en bois verni au-dessus de laquelle il était attaché par des piquets verticaux luisait d'un éclat féroce. Quelques taches sombres en maculaient la surface et une odeur désagréable de rance lui parvenait. Cet échafaud s'était visiblement imprégné du sang de tous les exécutés précédents et ne demandait qu'à s'en abreuver de nouveau.

- Tobias Dihyllis et Murdoch Attali sont aux prises avec Hyorô dans la zone E, déclara une voix que Cyril reconnut inexplicablement.

Il comprit alors que c'était Hyde. La surprise lui fit hausser momentanément les sourcils tandis que l'homme poursuivait :

- Ratchet Ezan et Naïa Solrei ont mystérieusement réussi à fuir. Tous deux ont terrassé Saizel Dorugon et celui-ci souffre gravement à présent. Voilà pour les prisonniers du cinquième sous-sol.

" Xavier Solrei dit " Orion " a tué Daniel Zatch sans difficulté. Nous n'avons rien pu faire pour le sauver. Il est fort probable qu'Orion ait déjà quitté le bâtiment. Nous n'en savons pas plus sur lui en tout cas. D'autre part, il semblerait que Salomon Neisseyria, Ursule Machalia, Orlando Lobom, Elvyre et Matthias Satanio ainsi qu'André Lumpi, alias " Dynamo ", aient tous empruntés cette même zone pour fuir. L'état d'alerte maximal est décrété.

" Enfin, Jérémie Marchal affronte Ayashi Akamida dans la zone B, sans parler de quelques autres éléments perturbateurs qui acculent nos forces ! Dois-je rassembler tous les Orokami libres ? "

Pendant quelques longues secondes, Cyril crut que Monsieur Notfair allait imploser et laisser éclater sa fureur. Son teint avait en effet pris une délicate couleur rouge qui lui donnait l'allure d'une grosse fraise moustachue. Finalement, il ne laissa rien paraître et ordonna :

- Oui, très bonne initiative Hyde, rassemblez les Orokami à la sortie le plus vite possible afin de faire barrage. Et postez des brigadiers d'élite dans les zones portuaires. Dès que l'exécution se sera déroulée, je viendrai personnellement prendre part au front. En attendant, faites de votre possible pour retenir les fuyards.

- Très bien Monsieur, il en sera fait ainsi, répondit Hyde avec déférence.

Une série de parasites s'ensuivit, puis la connexion fut interrompue brusquement. Cyril sentit son estomac descendre de plusieurs crans et son rythme cardiaque s'accroître significativement : Jérémie affrontait un Orokami. Les Orokami, des dresseurs expérimentés et reconnus pour leur talent. Même avec son pouvoir, les chances que Jérémie l'emporte seul étaient réduites aux plus infimes.

De temps à autre, un énième éclair déchirait le ciel et assourdissait Cyril. Un rideau de fines gouttelettes commençait à pleuvoir en clapotant sur sa combinaison. Cet étrange martèlement l'emporta dans une transe des plus insolites.

A présent, il avait l'impression de porter un regard extérieur sur lui-même, tout comme il observait le directeur et ses hommes. C'était une phase de détachement surprenante mais pas désagréable pour autant. La pluie lui semblait laver chacun de ses soucis et il ne pouvait s'en plaindre.

Sa tête fourmillait de tant de pensées que, sans cet état secondaire, il aurait certainement vomi ou fait une syncope. Imaginer ce qui risquait d'arriver à ses amis lui serrait le cœur et brisait sa résolution de vivre...

Cyril aurait voulu continuer à se battre, mentalement tout du moins, mais l'énergie n'y était plus. C'est alors que Monsieur Notfair volta, offrant au garçon l'image d'un homme brusquement vieilli par les contrariétés du jour. Néanmoins, il parvint à effacer ses rides soucieuses et plongea son regard aiguisé dans le sien.

- Bon, puisque les circonstances actuelles nous pressent, je pense qu'il va falloir expédier l'exécution ! lui dit-il avec un sourire félin et surtout, malsain. Cyril Seko, je peux te promettre que ce sera rapide et sans douleur !

Pokémon #454
Une ombre furtive colorait la pièce sur son passage. Dans cette tornade de membres, Jérémie peinait à distinguer son nouvel adversaire. Les coups pleuvaient sur lui comme autant de grêlons meurtriers.

S'il parvenait encore à éviter, le garçon doutait fort de trouver une ouverture. L'antagoniste se montrait intraitable et tourbillonnait furieusement pour tenter de lui asséner une attaque fatale.

Jérémie n'aurait jamais imaginé qu'Ayashi délivrerait son Coatox et le lancerait à l'assaut contre lui. Le crapaud violet aux bras prolongés de lames rouges était une furie avide de violence, un ennemi impossible à refréner dans son élan.

Après quelques tentatives infructueuses qui n'eurent d'autre effet que d'agacer l'ennemi, Jérémie employa son pouvoir. Quand bien même il l'avait en horreur, il s'agissait là de son ultime recours. Ce fut salutaire. Si Jérémie n'avait pas gelé l'avant-bras du Coatox lancé à sa rencontre, celui-ci l'aurait empalé comme une vulgaire brochette de viande.

Le garçon inspira lentement, soulagé le temps d'une seconde. Puis il se positionna en garde et décocha une nouvelle gerbe d'onde froide vers Coatox. Ce dernier fut parcouru de frissons tandis qu'il contractait chaque parcelle de son corps. Ses muscles saillirent brusquement et le carcan qui recouvrait son avant-bras se brisa aussi aisément que du verre.

Le crapaud au regard satyre se déporta sur sa droite pour esquiver l'onde et entama une brève course. Il érafla l'épaule droite de Jérémie, qui grogna et plaqua ses mains au sol.

Pendant un minuscule instant d'espérance, l'adolescent crut avoir porté un coup décisif. Une ligne translucide avait en effet cheminé vers Coatox et des piques brusquement jaillis l'avaient alors empalé. Du moins en apparence. A l'image d'un ressort, le crapaud s'était détendu et avait volé haut dans les airs.

Jérémie crut voir une torpille fondre sur lui et prit peur au moment où Coatox s'encastra dans le sol, les lames en opposition. Son pas de côté instinctif l'avait certainement sauvé d'un plaquage destructeur. Pour preuve, la zone d'impact vomissait encore des éclats de carrelage et se fissurait. Le fracas lié au choc témoignait sans conteste d'une force physique prodigieuse.

Aussi, le garçon jugea-t-il prudent de se tenir à distance respectable. Quelque part à sa gauche, il vit Ayashi rire sourdement dans sa barbe et ses poings se serrèrent, dispersant une volée de flocons de neige.

L'Orokami se moquait de lui, et il avait malheureusement raison. Il était totalement incapable de les battre, lui comme son Coatox.

Ce dernier émergea du rideau de poussière qui le recouvrait et avança vers Jérémie à pas lents et mesurés. Le crapaud ne cherchait nullement l'appui de son maître. Au contraire, il agissait de son propre chef, sans même consulter Ayashi du regard. Une expression torve marquait son faciès d'amphibien et Jérémie eut un mouvement de recul.

Le voilà bien désarmé après toutes ses tentatives infructueuses. Si, dans les instants qui venaient, il ne trouvait pas une solution adéquate à son problème, les membres musculeux du Coatox le déchireraient comme une poupée de chiffon. Ni plus ni moins.

Le Pokémon bondit subrepticement et Jérémie lâcha un juron avant de tenter une esquive. Son oreille manqua de finir lacérée, mais seule sa joue gauche en paya le tribut. Désespéré, le garçon plaqua sa main sur le sternum du crapaud et pria pour son salut. Un halo aux reflets incertains enveloppa les deux combattants...

Hélas, un brusque revers de main du Pokémon écarta la sienne, qui battit ses flancs telle une loque inutile. Jérémie sentit son puissant adversaire le précipiter à terre, l'enserrant de sa poigne vigoureuse. Lorsqu'il s'enfonça dans le sol, le souffle lui manqua. Sa douleur jusque là contenue s'éveilla pleinement et Jérémie ouvrit les yeux, désagréablement surpris.

Le regard vicieux du Coatox reflétait sa propre peur. La victoire confondante du crapaud lui avait ôté le moindre espoir. A présent, son être entier était un brasier de douleur. Si ses os n'étaient pas cassés, ils risquaient malgré tout de céder sans crier gare. Un bourdonnement lui vrillait les tympans et ses plaies saignaient. Difficile d'imaginer une situation pire que celle-là.

- Allez, Coatox, achève ce minable roquet ! déclara Ayashi en riant.

Affichant la même joie perverse que son dresseur, le crapaud renforça la pression sur Jérémie. Le sol s'affaissa davantage et le garçon cria à tout rompre. Une douleur insoutenable courait dans ses membres et ses poumons cherchaient vainement à se remplir d'air.

- Il est dommage que tu ne puisses pas assister à la décapitation de Raishini, remarqua Ayashi sans dissimuler une allégresse soudaine. Tu mourras dans une souffrance autrement plus grande !

Les propos d'Ayashi heurtèrent Jérémie, plus encore que tout le reste. Le monde s'écroulait déjà autour de lui, mais quelque chose d'autre, quelque chose de plus profond, parut sombrer dans son cœur. Cyril allait être exécuté ? Il allait être...

- Non, pas question !

Alors que ses poumons n'étaient plus que deux outres vides, il sentit de l'oxygène s'y engouffrer en cascade. Des soubresauts l'agitèrent et ses paupières clignèrent d'elles-mêmes. Le bras de Coatox céda soudain et le lâcha précipitamment. Dans le court périmètre que sa silhouette délimitait, tout gela avec un tintement de verre brisé.

Définitivement, Jérémie comprit que sa nature même venait de basculer. L'énergie foudroyante qui emplissait ses muscles et ses veines n'en était que le signe avant-coureur. Il n'y voyait qu'une seule explication : la peur de perdre Cyril. Rien d'autre n'aurait pu concourir à un tel revirement de situation.

Jérémie se releva, emportant avec lui la bonne quantité de gravats collés à son dos. Tel un étrange chien de compagnie, une fontaine de glace semi-solide virevoltait dans son sillage, multipliant les vrilles et autres figures aériennes. Elle jetait sur le sol un éclat fantomatique et y dessinait de délicat entrelacs.

L'adolescent avait toujours mal, mais ce n'était plus que sommaire en comparaison de ce qu'il ressentait tout à l'heure. Tout en toisant ses adversaires stupéfiés, Jérémie leva la main gauche. L'instinct dictait chacun de ses mouvements et il s'y pliait sans condition. Quoi que cet étrange phénomène pût être, le garçon savait qu'il l'amènerait au bout de son entreprise.

" Il est temps d'y aller, songea-t-il, la mine grave. Si je ne parviens pas à le faire, tout ça n'aura été qu'une énorme perte de temps. Ne t'en fais pas Cyril, j'arrive. "