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Chroniques des Donjons Mystère, Tome I : Timeout de Sanaito



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Informations

» Auteur : Sanaito - Voir le profil
» Créé le 17/06/2012 à 17:38
» Dernière mise à jour le 11/06/2015 à 00:15

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense

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[S2] Chapitre XXVIII : La valeur des choses
_____Davantage somnolente qu'endormie, Gardevoir fut réveillée par les pas pourtant feutrés du gardien de nuit qui surveillait les allées. Elle attendit assez longtemps de se rendormir, mais n'y parvenant pas, elle décida de se lever.

_____Elle quitta la chambre, les yeux du Léopardus veilleur se braquèrent sur elle. Celui-ci grogna que normalement personne n'est autorisé à quitter sa chambre avant sa reprise du service, et que les invités doivent sortir en même temps que l'agent hôte. Il voulut bien faire une exception et la conduisit dans les couloirs jusqu'à sa destination. Elle le salua et il la prévint qu'elle devrait attendre qu'il repasse par là pour repartir, par sécurité.

_____Elle fit face à la porte blanche marquée d'une croix rouge, et toqua en essayant de ne pas faire trop de bruit. Peu de temps après, une Leuphorie au lieu d'un Nanméouïe – trois médecins tournent toutes les quatre heures – lui ouvrit en lui demandant gentiment si elle était malade. Lui répondant qu'elle était aussi docteur et qu'elle voulait voir le "Gallame", elle fut invitée à entrer.

_____Damon était toujours plongé dans un sommeil profond, mais pas insondable. Il était un peu agité, tournant et retournant la tête, ses mains agrippant nerveusement la couverture. Il chuchotait des choses de temps en temps, mais c'était incompréhensible – il ouvrait à peine la bouche.

_____Sachant qu'il est déconseillé d'interrompre un rêve*, elle patienta à ses côtés, puis finalement décida d'aller chercher le gros livre sur les Légendaires dans son sac – elle crut se rompre l'échine sous le poids. Habituée aux énormes encyclopédies, elle l'entama en lecture cursive, sans toutefois manquer de remarquer la beauté du texte.

_____Bien que relativement concentrée sur l'ouvrage, elle ne pouvait s'empêcher de regarder de temps en temps l'humain qui ne paraissait pas s'apaiser. Elle se demanda quel genre de cauchemars le tourmentait. Mais ça, elle ne pouvait pas le savoir ; après tout, ce n'est pas elle qui a la capacité de fouiller les songes.

_____Elle repensa à ce que faisait sa grande sœur adoptive pour la calmer les nuits où elle dormait si mal qu'elle la dérangeait en pleurnichant. Puisqu'elles étaient dans la même chambre et que leurs deux lits étaient presque collés, il était simple pour l'aînée d'entrelacer ses doigts et ceux de la cadette pour la rassurer.

_____La nymphette se sentit s'empourprer et secoua la tête.


_____« Oublie ça tout de suite, s'ordonna-t-elle mentalement. Moi, j'avais à peine cinq ans et j'étais une trouillarde. Lui doit avoir quasiment deux centaines d'années, et il peut être si calme que c'en est aberrant. Laisse tomber. »


_____Elle regarda la pendule accrochée sur le mur en face d'elle : une heure et quart du matin. Elle était restée ici plus longtemps qu'elle ne l'aurait cru – elle était arrivée juste avant minuit. Ne ressentant pas encore la fatigue, elle soupira.

_____Quand est-ce qu'elle allait pouvoir le secouer pour lui parler ? Attendre le jour serait prendre le risque de voir leur conversation écoutée par des curieux – soit tout le monde ici –, auquel cas le jeune Darkrai serait fichu. Mais rien ne disait qu'elle serait capable de veiller jusqu'à ce que son mauvais rêve cesse...

_____Elle l'observa encore, hésita une nouvelle fois à lui prendre la main, avança la sienne, renonça en se détournant de lui.


_____« Nan mais c'est quoi mon problème ? Je ne vois pas pourquoi je ferais ça pour lui ! Et puis il va comprendre de travers, comme tous les mecs... »



_______Il est vachement fun ton imaginaire, intervint soudain la face cachée de Damon alors que celui-ci revivait la scène d'Aubier version "zombies-qui-dévorent-le-cadavre-de-Joëlle-sous-ses-yeux". Je devrais faire réalisateur, j'ai de bonnes idées côté films d'épouvante.

_______Putain espèce de crevure ! Je vais finir par faire un arrêt cardiaque et tu auras tout gagné ! Tu es quand même au courant qu'on peut tuer par les rêves ! tempêta-t-il tandis que fondait comme de la cire chaude le décor de son cauchemar, ainsi que les divers personnages dont les expressions déjà horribles se déformaient davantage avant de disparaître en répandant des taches noires qui au final créèrent le néant autour de lui.

_______Ah là là, c'est bon, je sais très bien que tu n'es pas si nunuche. Il en faudrait beaucoup plus pour te tuer. Puisque je suis cloîtré dans ton inconscient, je m'amuse avec. C'est drôle, je pourrais faire apparaître des Galopa avec des ailes en train de nager la brasse que tu te dirais que c'est la réalité jusqu'à ce que je te prévienne que tu rêves.

_____Il blêmit quand il s'aperçut que les restes de l'infirmière laissaient une grosse flaque cramoisie. Il aurait bien aimé pouvoir vomir : il avait son compte de viscères décomposés et de sang caillé pour un très long moment. Cette dernière provocation de cette insupportable personnalité l'irrita tellement qu'il parvint à se défaire de son emprise et à se réveiller en sursaut.

_____Il se redressa brusquement sur son lit, sous le regard surpris de Gardevoir qui se demandait pourquoi il avait soudain cessé de s'agiter quelques secondes avant d'émerger brutalement.


_______J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais, fit-elle en remettant le livre des légendes dans le sac du garçon.

_______J'ai dormi longtemps ? Il est tard ? demanda-t-il, ayant perdu toute notion du temps.

_______Euh, en fait, c'est moi qui suis venue très, très tôt... Il est une heure et demie du matin... marmonna-t-elle en se disant qu'il devait trouver tout à fait absurde de la voir ici alors qu'elle était censée être au dortoir.

_______Je me répète, mais tu devrais penser à dormir correctement, ricana-t-il en se rallongeant. Tu veux encore savoir des choses sur ton passé, hum ?

_______... Non.


_____Ses sourcils se froncèrent. Il n'aimait pas cette réponse. Pas du tout. Et il sentait qu'il aimerait encore moins la suite de sa phrase.


_______C'est sur le tien que je veux en savoir plus, continua la nymphe. J'ai ressenti ton aura dans le dortoir de Cresselia, sur le bois de son lit superposé, en haut, là où je suis installée. Explique-moi une bonne fois pour toutes le lien entre vous deux.

_______À quoi cela t'avancera ? grinça le jeune homme.

_______Je t'ai déjà dit que j'ai décidé de te faire confiance, rappela-t-elle. J'aimerais que ce soit réciproque. Auquel cas je vais devoir fouiller moi-même et tu sais que je ne renoncerai pas. Et il va aussi falloir me raconter ce qui s'est passé à Aubier, j'attends depuis un moment tes explica...

_______Pas tout à la fois ! Parle moins vite ! coupa-t-il. Ça va, j'ai compris, tu veux devenir ma psy, c'est ça ? C'est vrai que ce rôle t'irait bien, pour la peine !

_______Tu ne peux pas t'empêcher d'être si caustique de temps en temps ? Ah mais non, je suis bête, puisque tu penses que je veux devenir ta psy, je dois me comporter comme telle ! siffla-t-elle. Tu sais ce que je crois ? Tu te caches derrière tes sarcasmes pour ne pas affronter les sujets qui te déplaisent !


_____Il resta muet, relâchant l'inspiration qu'il avait prise en vue de riposter. Elle avait raison. Il faisait de même avec Joëlle, dès qu'elle abordait des sujets sensibles comme la mort de ses parents.


_____« Touché », songea la "psychologue", satisfaite.


_______Rah, soit Aubier, soit Cresselia. Mais pas les deux – je ne suis pas du genre à me confier, bougonna-t-il pour lui-même.

_______... Bon, Cresselia, choisit-elle, espérant avoir d'autres occasions pour savoir des choses sur Aubier aussi.

_______Nous étions associés il y a longtemps, nous faisions partie des meilleurs, expliqua-t-il, confirmant l'hypothèse de la demoiselle. Je ne me suis pas retrouvé au laboratoire par hasard. Je filais Gallame qu'on suspectait d'enlèvements de nombreux Pokémon. Seulement, j'ai commis une erreur qui m'a valu d'être découvert et emprisonné. Je n'avais plus moyen de communiquer avec Cresselia. Je t'ai raconté le reste, sauf la fin, que je vais t'abréger.

_______Tant que tu ne zappes pas ce qui m'intéresse... accepta-t-elle, saisissant enfin pourquoi il possédait du matériel comme une micro-puce radioactive.

_______Après avoir fui le laboratoire, je dois avouer que je ne savais pas quoi faire de toi. Je ne pouvais pas te garder, évidemment.

_______Dis que je te gênais !

_______Tu me gênais.


_____« Punaise, sur ce coup, il a été sacrément rude... gémit-elle intérieurement. La franchise, c'est bien, mais à petite dose, pitié... »


_______Ma conscience m'interdisait de te laisser comme ça, au hasard, reprit-il. Puis j'ai rencontré aux abords de la Forêt de l'Oubli un Lucario qui a accepté de te prendre à charge. Ce que je ne savais pas, c'est qu'il appartenait aux rares humains venus ici à l'époque pour repérer les lieux. Ça m'a fortement déplu, mais puisqu'ils ne semblaient pas être les plus mauvais, je t'ai laissée à leurs soins.

_______Mais qu'est-ce que vous avez tous à haïr les humains, merde ? s'énerva l'elfe psychique. Ils vous ont fait quoi ? Vous ne savez rien d'eux, vous vous basez tous sur des on-dit ! Jamais aucun des Pokémon que je connais n'a su me donner une raison valable de les détester ! Je ne pense pas que toi tu puisses...

_______La ferme !


_____Elle s'étrangla à moitié avec les mots qu'elle n'avait pas réussi à sortir. Damon lui avait jeté son ordre blessant au visage comme l'aurait fait Cresselia à sa place. Mais venant de la part de cette dernière, la signification était moindre. Ce qui pour l'oiselle lunaire correspond à "j'ai plus envie d'entendre ta voix ennuyeuse" signifie en revanche pour lui quelque chose de bien plus vulgaire et acrimonieux.

_____Elle se leva brusquement et le gifla, les larmes aux yeux. Pour qui se prenait-il ? En quoi avait-il le droit de la traiter de la sorte ? Qu'avait-elle fait pour mériter qu'il l'insulte ?


_____« Il y aura donc toujours du pourri en lui, toujours ! Même une amnésie, même une lobotomie ne viendrait pas à bout de son vice ! Il reviendra à la charge ! »


_____Elle ferma les yeux afin d'invoquer l'aura pour voir dans l'obscurité, et fila dans les couloirs, n'ayant pas la patience d'attendre le gardien Léopardus. Le pseudo humain posa une main sur sa joue rougie, la laissant glisser vers le bas en se griffant un peu, faisant apparaître quatre lignes blanchâtres qui s'estompèrent.


_____« ... Je ne sais rien d'eux... Au contraire... j'en sais trop... »


_____En remplacement des stries qui se sont effacées en un instant précédemment, une nouvelle trace barra petit à petit la moitié de son visage, longue, fine, transparente...



_____Gardevoir remonta dans le lit superposé puis mordit dans l'oreiller pour s'empêcher de hurler de rage et de déception. Elle s'affala ensuite dessus, la partie humide et chaude laissée par ses dents sur la joue.


_______Ça va, tu te défoules bien là-haut ? chuchota Cresselia en dessous.

_______C'est un connard ! Il est comme tout le monde ! Il n'aime pas les humains, et bla bla bla... Personne n'a jamais de raison pour les détester, mais on les déteste quand même ! Marre ! grogna-t-elle dans son coussin, assez fort pour être entendue de son interlocutrice, mais pas assez pour réveiller les autres.

_______Moi aussi je les exècre.

_______Mais toi tu as une raison valable, même si je pense que tu ne devrais pas mettre les monstres que tu as connus dans le même panier que les Hommes d'aujourd'hui...

_______Ils se font encore la guerre ?

_______Oui, ça arrive...

_______Alors pour moi ils restent dans le même panier que leurs prédécesseurs.


_____La nymphe psychique dans la couchette du haut se tut en ruminant sa colère contre Damon. Elle devait tout aux humains, elle connaissait leur vrai visage, très éloigné du portrait hideux qu'en font les Pokémon racistes. Alors quoi ? Lui qu'elle croyait intelligent, il s'est laissé embobiner par ces foutaises ? Affligeant !


_______... J'ai une histoire à te raconter... intervint la créature lunaire.

_______Tu crois que c'est le moment de me servir une de tes anecdotes débiles sur les humains ? coupa sa sœur de Type, irritée.

_______Ta gueule et écoute, ça devrait te permettre de comprendre des choses, répliqua l'autre.

_______Mais je n'ai pas envie d'entendre tes...

_______Il était une fois un gosse qui attirait la mort... Tu vois que d'un coup ça t'intéresse !


_____Et Cresselia entama son récit en abandonnant pour l'occasion tout son cynisme.



_____On ne reconnaît la valeur des choses que lorsqu'on les perd. J'ai entendu quelqu'un le dire un jour. Je ne prétends pas être insensible, mais malgré moult réflexions, je ne suis jamais parvenu à saisir le sens de cette phrase.

_____J'aurais bien aimé demander conseil à mes parents, mais leurs réponses ne changeront pas. Ma mère n'osera rien dire et regardera ailleurs, mon père soupirera en me répétant que je devrais plutôt penser à me renforcer afin d'être capable de me défendre tout seul contre les humains.

_____Il n'y a que ma sœur qui soit capable de tirer des conclusions claires. Sauf qu'elle me fait un peu peur. Elle m'éclaire sur beaucoup de choses, cependant, elle est assez rude dans ses propos, elle me gronde et me blesse parfois assez gravement.

_____Je ne peux pas lui en vouloir sur ce dernier point : attraper un peu trop fort mon poignet le casse, et m'attirer à soi ensuite fissure tous les os de mon bras, jusqu'à l'épaule – je suis né avec un squelette en porcelaine.
_Je suis allé la voir. Sauf que cette fois, elle n'a pas su m'expliquer de façon à ce que je comprenne. Elle m'a dit qu'il y a autour de moi des choses essentielles à mon bien-être sans que je m'en rende compte, mais que le jour où elles disparaîtront, je le remarquerai et devrai vivre en les regrettant amèrement.

_____Sauf que quand j'ai voulu savoir quelles sont ces "choses", elle a grogné que c'était à moi de les découvrir, qu'elle n'était pas dans ma tête et tant mieux, parce qu'elle n'aurait pas supporté de ne cesser de s'interroger sur tout et n'importe quoi à longueur de temps.

_____Je suis parti tout seul dans la forêt avoisinante pour chercher ce qui m'est essentiel. L'air ? Non. S'il disparaît, je ne pourrai pas vivre assez longtemps pour le regretter. Et quand je vois des aiguilles de mélèze tomber, je ne les pleure pas. Je ne les avais pourtant pas remarquées, il a fallu qu'elles disparaissent – qu'elles meurent – pour que je note leur présence. Peut-être parce que je ne les avais jamais vues avant...

_____J'ai donc approfondi mes recherches. Pendant des jours j'ai regardé la même branche d'un mélèze. J'ai pu l'observer se dépouiller un peu plus à chaque fois que je l'examinais. Mais toujours aucun remord.

_____Dans notre petit groupe de cinq familles différentes, la mienne a une assez mauvaise réputation à cause de moi. À ce qu'on dit, je suis un petit garçon morbide ayant besoin d'un suivi psychologique pour mieux me contrôler. Je ne suis pas comme leurs enfants du même âge qui eux en sont encore à courir dans tous les sens en hurlant "Absol glacé"* à tout va.

_____Je ne veux pas être méchant en pensant cela, mais pour reprendre une des expressions de ma sœur, moi, j'ai un cerveau. Mais ce n'était pas une raison pour aller si loin dans ma quête de réponses. J'ai franchi la ligne de prudence et cela va me coûter cher. Je ne le savais pas encore.

_____Je me suis rendu dans le Nord, à Frimapic, le village des Hommes le plus proche. J'ai vu nombre des miens empalés en rang sur des lances devant l'entrée du bourg, exhibés comme des trophées destinés à nous tenir éloignés, à nous rappeler que nous avons beau être des Légendes, nous restons inférieurs à eux – tout ça parce que nous ne sommes pas assez nombreux pour lutter.

_____Leurs cadavres dégradés et humiliés de la sorte auraient dû m'horrifier, j'en suis conscient. Je les avais côtoyés dès la naissance, toutefois, j'étais incapable d'être plus qu'un peu affecté. Peut-être parce que je ne les appréciais pas particulièrement de leur vivant.

_____C'est alors qu'un villageois m'a repéré et a donné l'alerte en me coursant. Si j'étais juste assez rapide pour ne pas être rattrapé, mon handicap physique m'obligeant à ralentir dans les virages pour ne pas risquer de me briser entièrement en heurtant quelque chose, je ne suis pas parvenu à échapper à leurs regards.

_____J'ai fait l'erreur de retourner auprès de notre groupe sans faire attention à semer les ennemis. En les attirant dans notre cachette, j'ai répandu la mort. Elle a déferlé sur nous comme une vague de sang, en teintant les quelques tas de neige parvenu jusqu'ici d'un écarlate puissant et abominable.

_____Les Pokémon chiens de chasse avaient les crocs rougis par le massacre, et les armes des humains s'étaient brisées dans les poitrails et dans les crânes. Ils continuaient de s'acharner sur les blessés, éviscéraient les plus jeunes et lapidaient les autres. Je ne vis que ma sœur – la plus forte d'entre nous – résister encore. Les corps des Hommes et de leurs créatures s'amoncelaient autour d'elle.

_____C'était une scène bien plus atroce que celle que j'ai vu près de la petite ville. J'étais le témoin impuissant de l'anéantissement de mon entourage. Et cela ne m'a pas tellement ému. Les miens me détestaient de toute façon. La haine et le mépris ne peuvent pas me manquer.

_____Je suis resté caché à cause de ma faiblesse, attendant que mes parents me disent qu'il n'y a plus de danger et qu'on va encore devoir voyager pour trouver un endroit plus sûr – si cela existe.

_____Je n'ai vu ces derniers nulle part. J'ai cherché dans les fourrés alentours, ne trouvant que membres arrachés et victimes des deux camps dont les regards éteints n'exprimeront plus que l'effroi pour l'éternité. Dans les bosquets derrière mon aînée, j'ai enfin trouvé le sens de cette phrase qui me taraudait.

_____Deux dépouilles défigurées, déchiquetées, éventrées et jetées dans les buissons cramoisis. Je sentis en moi monter une chaleur étouffante, concentrée dans ma poitrine écrasée par une pression imaginaire.

_____Je n'ai plus eu conscience du monde, l'espace d'un instant. Je n'étais qu'incandescence. Mais quand je suis revenu à moi, la douleur m'a assailli. Je gisais au sol dans une des multiples flaques vermeilles, complètement désarticulé et incapable du moindre mouvement.

_____J'avais dans mes mains aux phalanges réduites en miettes des morceaux de chair sanguinolente et dans la bouche le goût abject de la viande crue. Autour de moi, des humains se vidant de leur sang, la gorge arrachée, le ventre déchiré, les entrailles à nu. J'espérais être responsable de leurs souffrances.

_____J'ai voleté doucement, les bras ballants, mes côtes transperçant mon torse, pour finalement me laisser tomber sur ma mère inanimée dans un bruit d'éponge et d'os broyés soulevant le cœur. Elle-même était allongée sur le corps de mon père. Ma sœur était plus loin, immobile et couverte de blessures monstrueuses. Je suis resté là, agonisant, baignant dans les viscères chauds et putrides de celle qui m'a mise au monde.

_____On ne reconnaît la valeur des choses que lorsqu'on les perd. Je sais ce que cela veut dire à présent. Et je le regrette.



_______... C'est une histoire affreuse... gémit Gardevoir, émue.

_______Comme tant d'autres, fit Cresselia en haussant les épaules – soit le haut des arcs de ses bras.

_______Tu ne cesses de me raconter ce genre de contes sur des humains qui maltraitent des Pokémon, et ils sont tous ignobles, déprimants, avec des détails très appétissants, excuse-moi d'être troublée... ironisa la nymphette en croisant les bras sous sa corne, comme à son habitude.

_______... Je ne t'ai jamais dit qu'il s'agissait de contes, répliqua au bout d'un moment la Pokémon lunaire.


_____L'autre demoiselle demeura interdite puis se pencha en dehors de son lit en se retenant sur le bord pour fixer son amie qui vit sa tête – devenant rouge à cause du sang qui afflue – apparaître au-dessus d'elle, près de l'échelle.


_______Ce ne sont quand même pas des histoires vraies ? s'exclama-t-elle.

_______Chhht ! souffla l'agent en désignant Raichu, Rosélia et Évoli. Crie dans leurs oreilles tant que tu y es !

_______Ça va, pardon... Alors ?

_______Ben si, tous ce que j'ai pu te narrer dans ce style n'est pas inventé. Ce n'est que pure vérité.

_______... Et tu te rappelles qui a eu un passé aussi tragique et sanglant ?

_______Bien sûr. Il s'agit de l'enfance d'un certain Darkrai, si tu vois ce que je veux dire.


_____Elle avait dit cela d'une voix très mystérieuse et traînante. La seconde jeune femme déglutit en se rallongeant sur sa couche. Ses trois paires d'oreilles captèrent un mouvement discret ainsi qu'un son étrange, comme un bip. Elle sentit que l'air conditionné avait été allumé, alors elle n'y prêta plus attention.


_______... Alors tu sais tout, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu m'as raconté cette histoire en particulier, murmura-t-elle.

_______C'est très probable. Tu sais, il n'est pas aisé de garder un secret d'une telle ampleur... répondit la nymphe de la Lune. Se trahir est si simple...


_____« Et tu vas vite t'en apercevoir toi aussi... », songea-t-elle.


_______Maintenant que tu sais que Damon et Darkrai ne sont qu'un, que vas-tu faire ? Tu n'as pas de preuves, grinça sa collègue psychique.

_______Hu hu...


_____La Pokémon Étreinte, même sans le voir, sut qu'un large sourire empli d'une fierté malsaine s'étalait à présent sur le visage de l'espionne.


_______Ma pauvre, je suis parvenue à t'abuser si simplement. Tout à l'heure, tu as dû entendre un bruit d'interrupteur, pas vrai ? Je n'ai pas fait que mettre en route l'air conditionné. J'ai aussi mis en marche mon enregisteur, tu ne l'as pas entendu parce que je l'ai allumé en même temps ! Si tu avais utilisé l'aura à ce moment, j'aurais été prise la main dans le sac. Mais je te connais trop bien, je savais qu'il y avait peu de chances que tu actives ta clairvoyance pour un banal bruit, surtout si de mon côté je faisais mine de m'en moquer... Maintenant, j'ai une preuve de grande valeur... tes aveux...

_______Mais... J-j-je...

_______Tu veux que je formule ta phrase à ta place ? Aucun problème...


_____« Enregistrement audio sauvegardé », fit la voix artificielle de l'appareil.


_______Tu viens de me vendre son identité !



_____*Réveiller quelqu'un durant sa phase de sommeil paradoxal (sommeil des rêves) peut provoquer une hallucination hypnopompique (incapacité de bouger et de parler pendant plusieurs secondes ou minutes). Ça m'est déjà arrivé et c'est une sensation très étrange.
_**Version Pokémon du "loup glacé" (ou "chat glacé" pour certains).