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Chroniques du Pokédex de Drad



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Informations

» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 07/04/2012 à 17:07
» Dernière mise à jour le 02/07/2012 à 18:56

» Mots-clés :   Drame   Humour   One-shot   Slice of life

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#389 Torterra

Il arrive que de petits Pokémon se rassemblent sur son dos immobile pour y faire leur nid.

- Pokédex de Sinnoh





Franchement, à part le moindre Léviator qui surgirait hors du lac pour je ne sais quelle raison et qui me balancerait un Ultralaser pour toujours je ne sais quelle raison, rien ne pouvait perturber un moment de calme comme celui-ci. La tranquille et lisse étendue d'eau bleutée scintillait calmement, le zéphyr de ces journées ensoleillées faisant bruisser les feuilles avoisinantes et celles de mon plant imposant, fermement enraciné dans ma carapace. L'atmosphère était on ne peut plus relaxante, et invitait à la méditation ; les Etourmi chantaient ci et là, faisant de la resplendissante forêt verdoyante un véritable havre de paix baigné par la douce lumière solaire. Je plongeai une nouvelle fois mon gros bec dans les vaguelettes venant s'échouer sur les rivages du lac, prenant une nouvelle grosse lapée d'eau fraîche ; puis je redressai la tête, ressentant les chaleureux rayons dorés, et contemplant passivement les cieux diaprés du crépuscule. Quel autre bonheur pouvait supplanter celui-ci, si harmonieux, si magnifique, si...

- Attaque Rugissement !

L'exclamation lointaine venait de l'autre berge, par delà la grande étendue miroitante. Je tournai le regard vers l'agitation qui régnait là-bas ; je distinguai deux jeunes humains qui semblaient se battre avec des Pokémon. Les deux n'avaient pas tellement l'air débrouillard ; et paraissaient s'emmêler avec les ordres ordonnés. Je n'arrivai pas à discerner lesquels de mes congénères se débattaient, mais je pouvais assurer que les humains qui hurlaient commençaient vraiment à me casser les pattes. Quand, soudain, après une "attaque Charge" égosillée, je vis, et cette fois-ci bien distinctement, un petit Étourneau s'enfuir vivement du tumulte, et fuser droit vers moi, s'échappant comme au péril de sa vie. J'eus à peine le temps de me rendre compte du petit être voletant vigoureusement ; il fonça bec baissé en plein dans mon feuillage. Un court et abrupt froissement de feuilles, puis le silence revint, avec les gamins, qui, au loin, s'en allaient en se demandant s'il fallait ou non "rendre ses Pokémon au Professeur". Je levai la tête :

- Hm hm.

Rien.

- Hm hm hm.

Rien.

- HM HM HM.

- Oui ? C'est pour quoi ? passa la tête hors de MA verdure le petit Etourmi.

- Je vous prie de bien vouloir quitter cet arbre ; il appartient déjà à quelqu'un, si vous voyez ce que je veux dire, souris-je le plus gentiment du monde.

Le minuscule Pokémon rentra sa minuscule tête dans mon imposant branchage arborescent, puis la ressortit quelques secondes après :

- Apparemment non ; je ne vois aucun nid, piailla-t-il.

Je sentis que ça allait être compliqué. Je pris une profonde inspiration, et rectifiai, tout en restant calme :

- Je crois que je me suis mal fait comprendre. C'est MON arbre. Allez vous en chercher un autre.

- Ah mais il est très bien cet arbre ! lança l'impertinent petit squatteur. Je ne vois pas pourquoi je le quitterais ; j'ai vraiment bien fait de venir me réfugier ici !

Je secouai ma lourde carapace, agitant mes branches frémissantes, commençant à être légèrement exaspéré :

- Partez ! Vous n'avez aucun droit de venir vous insinuer ! Encore moins de rester !

- Je reste si je veux ! Et puis, j'vois vraiment pas ce qui vous dérange ! piaula l'Etourmi depuis le cœur de l'arbre.

Je remuai encore plus puissamment le dos et l'arrière-train, essayant en vain de faire fuir le problème, mais il se contentai de pépier de joie, sautillant de branches, amusé du mouvement. J'arrêtai alors de m'épuiser inutilement, et soufflai, exaspéré. Je me décidai finalement à faire un lent demi-tour, faisant se mouvoir tout mon petit paysage miniature planté sur mon bouclier dorsal écailleux, jetant un dernier regard au ciel enchanteur et à l'astre qui disparaissait derrière l'horizon, pensant qu'il valait mieux que je rejoigne le troupeau pour la nuit, et que, tant qu'à faire, ce maudit piaf finira bien par partir de son propre-chef, en remarquant que vivre sur le dos de quelqu'un, c'est toujours un inconvénient.

- Yipii ! Et ça bouge, en plus ! J'ai vraiment trouvé l'endroit idéal !

Ou pas.



****



La vie avec le troupeau était paisible ; c'est une sorte de tradition, chez nous, les Torterra, de vivre paisiblement, sans chercher des noises à qui que ce soit, car, après tout, ce qui que ce soit enquiquine lui-même bien assez le monde entier pour que nous venions nous y prêter. Nous avions toute la forêt pour vivre, et notre grande famille s'en satisfaisait comme il se devait. Les jeunes pousses de Tortipouss gambadaient dans les fins brins d'herbe délicats de ces jours de renouveau, ces jours où prés, arbres et arbustes fleurissent, se couvrant de formidables couleurs printanières, les vents caressants faisant virevolter les pétales roses au vent. Je me reposai sereinement, à l'orée de la forêt, les feuilles ouvertes à chaque rai de lumière, quand je reconnus la voix d'Etourmi, accompagné d'une voix légèrement plus fluette :

- Hi hi hi ! Alors, c'est ici ton chez toi ?

- Oui, oh, on peut dire ça, mais bon, c'est pas non plus la grande classe absolue non plus, hein...

Je soupirai, habitué à ce genre de remarque, et, gardant les yeux fermés, essayai malgré tout de continuer à prendre du bon temps au soleil, faisant d'ailleurs en profiter mes bourgeons rougeoyants au bout des quelques rameaux naissants. Bon sang, fallait pas exagérer non plus ; comme si c'était moi qui constellait de blanc sans arrêt mes branches et ma carapace. La prochaine fois que je vais me baigner dans le lac, je vous jure que...

- Hi hi hi ! T'es vraiment un petit coquin, toi !

- Oh, mais tu sais, je suis bien plus que ça !

A l'entente des bruissements un peu trop sourds, des piaillements aigus et des roucoulements un peu trop prononcés, je me redressai aussitôt sur mes quatre grosses pattes terreuses, et protestai :

- HÉ NON MAIS HO ! FAUT PAS VOUS GÊNER !

La femelle Etourmi s'arrêta net :

- Quelqu'un a parlé ?

Sa moitié rétorqua :

- Laisse tomber, c'est le voisin du dessous, il est un peu coincé. Allez, viens...

Roucoulements puissance deux. Mais c'est qu'ils continuent, en plus ! Je martelai le sol de mes pas lourds, me levai sur mes pattes arrières péniblement, puis retombai avec fracas sur le sol. Mon arbre s'ébranla, des feuilles en tombant, des branches craquant, mais les deux tourtereaux restant accrochés et s'écriant "Yipii!". Je soupirai, dépité, constatant que je ne pourrais rien faire pour les déloger, et aller demander de l'aide à d'autres pour qu'ils se foutent de moi, non merci. Je restait planté sur place, me recouchant, un peu déprimé, essayant de me rendormir malgré les petits piaillement voisins. Arrivera bien un moment où l'oiseau quittera son nid pour fonder une famille.

*petits cris d'Etourmi*

Ou pas.



****



L'odeur de la terre humide, les quelques bourrasques venant des cieux cotonneux accompagnés de fines gouttelettes s'éclatant puis ruisselant le long de ma carapace ; les jours étaient passés, la forêt avait changé. Notre havre s'était transformé en vaste infini flamboyant et exhalait un frais parfum d'humus ; les enfants jouaient dans les souches d'une clairière, sympathisant avec d'autres espèces, apprenant ainsi à élargir leur champ de vision. Les quelques parents broutaient ou croquaient les baies mûres qui n'attendaient que ça, suspendues aux brindilles menues des buissons fruitiers parsemant l'étendue forestière. Etourmi, lui, chassait de petits Cheniti ou se mettait également aux fruits quand les Pokémon Insectes savaient bien se camoufler. Il creusait de ses petites serres le sol mou, picorant les feuilles et la couche de matière organique en décomposition. Il nourrissait ainsi lui-même et sa petite compagne, nichée au plus profond de mon branchage, réchauffant de ses plumes et son corps les œufs en incubation. J'avais gagné une certaine notoriété dans le troupeau ; il faut dire que, à trimbaler une famille en construction sur son dos, mes congénères m'avaient félicité de mon dévouement et du travail accompli. Moi, je m'étais justement rendu compte que je n'avais rien fait, et qu'ils ne me faisaient rien (de bien grave). Je m'étais rendu compte que vivre avec de la vie autour de soi était agréable, et que la solitude que j'aimais tant était sans doute trop influente sur mon comportement. J'avais appris à connaître chaque membre du clan, en discutant de l'expérience que je vivais. J'avais même réussi à éveiller les jeunes Tortipouss aux beautés de la nature, mais, que voulez-vous, à cet âge, on ne se rend même pas compte que l'on existe, alors pour ce qui est d'apprécier l'existence et ce qui existe autour de nous, c'était pas gagné d'avance. Mais, avec le temps, ils s'y ouvriront, et saurons contempler la vie comme il se doit. Comme j'apprenais à le faire, je crois, pensai-je en respirant profondément les essences automnales embaumant l'atmosphère. Apprécier cette vie...

- Dis, ça te dérange que je foute les carcasses des Cheniti un instant sur ta carapace toute propre ? C'est que, je peux pas atteindre notre nid avec tout ça dans le bec... Merci !

Ou pas.



****



Les courants d'air étaient violent, insidieux et glaciaux. Ils parvenaient à pénétrer dans la grotte spacieuse qui nous servait de refuge pendant ces jours où des poussières de glace tombaient du ciel, où le paysage entier perdait ses couleurs et se couvrait d'un blanc enchanteur mais sans vie, dénué de chaleur. Nos arbres étaient pour la plupart dénudés de verdure et immaculés ; la température gelait les plants. Le froid était particulièrement menaçant pour notre espèce ; les débutants dans la vie étaient cajolés par leurs mères, chacun se réconfortait de douces paroles en attendant que la tempête de glace se calmait. Car ce jour était redouté au cours de l'année : c'était le jour de l'annuelle perturbation gelante qui paralysait la région, venant tout droit des montagnes. La compagne d'Etourmi se tenait chaud, elle et ses futurs bébés, du mieux qu'elle pouvait depuis l'intérieur de mon arbre fermement enraciné. Elle et moi attendions tous les deux des nouvelles de l'Étourneau premier du nom. Il était parti depuis plusieurs bonnes minutes. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien faire, bon sang ? Je lui avais pourtant bien dit de laisser ce Chrysacier où il était ; mais il n'en avait fait qu'à sa tête, et était parti le picorer, à n'en point douter. Les vents givrants soufflaient puissamment ; on n'y voyait pas plus loin que le bout de son bec, et, les terres couvertes d'eau blanche, tout était confondu. Je déclamai, convaincu qu'il n'y avait rien d'autre à faire :

- Je vais aller le chercher.

Tout le monde voulait me retenir ; mais rien ni personne ne le pouvait. Etourmi avait forcément besoin d'aide. On me rappela alors que l'Etourmi femelle ne pouvait sortir, devant couver les œufs encore plus ardemment par ce froid. J'ordonnai à de petits Tortipouss et à la concernée de faire leur possible pour descendre le nid à terre ; ce fut chose faite en cisaillant quelques branches affaiblies. Un espèce de trou béant traversait maintenant une partie de mon arbre, jamais profané à ce point avant, mais c'était pour la bonne cause : Etourmi m'importait plus. Je me dirigeai lourdement vers l'entrée de la caverne, je sentis la cruelle et violente baisse de température. La glace volante me fouettait le bec, je plissai les yeux et essayai tant bien que mal de percer l'horizon du regard en quête d'un point noir perdu au milieu de tout ce blanc, et avançait, lentement, pesamment, mais sûrement, et sortis, combattant le temps impitoyable, m'éloignant du réconfort et de la chaleur, déterminé à retrouver l'Étourneau.


Ce fut le moment le plus éprouvant de la vie ; les glaçons me cinglaient la carapace, le blizzard me congelait sur place, mais je mouvai mes lourds piliers de terre avec conviction, creusant la couche de poussière gelée, étant certain que je ne finirais pas planté là. Toute cette glace m'affaiblissait grandement, mais l'espoir abattait n'importe quel obstacle. Je m'accrochai à cette idée de trouver l'Oiseau, un moment ou à un autre, quitte à y laisser les feuilles qu'il faudra... Quand, affalé sous une fine feuille de givre qui s'épaississait progressivement, je le vis. La minuscule boule de plumes était là, immobile ; ses ailes étaient étendues sur la surface sans couleur, frigorifiées. Je l'appelais, lui hurlai de se relever, qu'il ne pouvait rester là, qu'il devait absolument rentrer réconforter sa compagne et ses futurs enfants. Je lui exhalai ce qui me restait de chaleur, ne pouvant pas vraiment faire grand chose d'autre, et suppliai les dieux de la nature pour qu'il se réveille, que lui, lui, il ne pouvait pas me laisser comme ça, après tout ce que j'avais enduré pour lui, après tout ce que je lui avais reproché. Je restai à ses côtés, rugissant que je savais pertinemment qu'il faisait ça pour me faire peur, qu'il allait se relever et battre de nouveaux de ses frêles ailes.


La sombre lueur d'espoir de l'abri du troupeau parut enfin dans mon champ de vision. Exténué, complètement vidé de mes forces, chaque goutte de sueur chaude exsudée figée froidement sur mes écailles, je rampai à demi jusqu'à l'entrée de la grotte. La femelle volante m'attendait, impatiente, et pépia de joie lorsqu'elle me vit arriver, bravant les illusions de tornades de glace qui hurlaient à travers les plaines avec une force incommensurable. Lorsque, subitement, un grondement. Des coups sourds déchaînés firent trembler la surface terrestre, menaçant d'un danger extrêmement proche. J'aperçus alors des ombres déferlantes la pente surplombant notre grotte : un éboulis colossal. Par la force du désespoir, je martelai le sol avec acharnement vers la caverne dans le tonnerre des rochers dévalant le mont, envoyés tout droit obstruer notre refuge. Je passai mon bec dans la chaleureuse enceinte caillouteuse, à une vitesse record pour un Torterra empêtré dans trente centimètres de poudreuse, hurlant à tout le monde de s'éloigner, plongeant protéger le petiot oiseau, pétrifié de peur à l'entrée. L'éboulement redoubla de véhémence infernale, et en une fraction de seconde, dans un effroyable craquement déchirant et le fracas des roches tonitruant, je fus comme foudroyé, brusquement cloué à terre, m'égosillant.



****



En ces jours de chaleur extraordinaire, tout ne pouvait qu'aller. C'est vrai ; rien, absolument rien ne pouvait troubler ces savoureux moments de répit. D'autant qu'aujourd'hui était un formidable jour ; tout le clan ou presque était rassemblé, un peu inquisiteur certes, mais tellement émerveillé par ces curieux ellipsoïdes de la nature... La plupart des jeunes et leurs parents, excités, et la désormais grande Etourvol, empressée, scrutaient les délicats œufs qui s'agitaient fébrilement et se craquelaient progressivement dans le nid chaud reposé sur mon dos ; pour ma part, allongé au soleil, j'écoutais attentivement le déroulement de l'événement. Et voilà, perçant leur coquille et piaillant leur première bouffée d'oxygène, les nouveaux-nés Etourmi perpétuèrent le fabuleux cycle de la nature, la joie s'emparant des spectateurs lors de leur débarquement dans l'aventure de la vie. Je souris, bien heureux d'ouïr l'excellente santé des bébés et de la vive émotion qui emplit la maman, émue voir naître trois de ses descendants, et me lançant de chaleureux remerciements chargés de sentiments divers en savourant ce moment et nourrissant immédiatement les fragiles Pokémon. Je levai ma tête vers le ciel bleu ardent, ma carapace cicatrisée convenablement reposée aux rayons stellaires, baignant ainsi ma toute jeune pousse isolée au milieu de mon bout de paysage en renouveau avec lequel je vivais sur le dos. J'eus une pensée pour Etourmi, qui, du haut des cieux, devait être formidablement fier de celle qu'il aime et aimera toujours. Et, maintenant, avec cette nouvelle famille qui venait de s'agrandir sur mon dos, qu'elle reste ou qu'elle me quitte, peu m'importait : j'avais une nouvelle fois de plus été ébahi et avais vécu des moments enrichissants grâce au miracle de la vie, et je savais désormais que notre rôle à tous était de donner tout son possible pour que nous puissions vivre en harmonie, cohabitant dans la sérénité, et nous soutenant dans les épreuves jonchant notre destin, qui serait le même pour tous, en définitive. Qui sait... Ces petits Etourmi m'accompagneront sûrement vers cette inévitable fin ?





Certains petits Pokémon peuvent naître sur son dos et y passer toute leur vie.

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