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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 31/12/2011 à 14:47
» Dernière mise à jour le 31/12/2011 à 14:48

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Chapitre 7 : Choc électrique
Une semaine.

Cela faisait une semaine à présent que Ficelle était morte. Une semaine que j'étais descendue de l'Océane, une Pokéball au sommet grisé au creux de la main.

Je n'avais pas bougé de Carmin-sur-Mer depuis. Je restais assise dans la grande salle du centre Pokémon, fixant le vide des heures durant. Exactement comme ma mère lorsque Vivian avait disparu. Mais ça n'avait rien à voir. Je n'avais pas à nouveau perdu un frère, mais juste un Pokémon. C'était ce que je me répétais sans cesse.

Juste un Pokémon.

Un Pokémon que j'avais trouvé à l'état de larve dans la forêt de Jadielle et que j'avais vu grandir. Un Pokémon avec lequel j'avais ri, qui s'était battu pour moi, qui avait souffert à mes côtés... Tous ces moments de bonheur étaient devenus autant d'éclats coupants qui m'écorchaient l'âme.

Je n'étais pas la seule à pleurer Ficelle, bien entendu. Elle manquait à tous mes Pokémon. Je les libérais souvent pour qu'ils gambadent un peu, et invariablement, ils venaient me voir, posant leurs têtes sur mes genoux ou me sollicitant du museau. Leur présence m'apportait un certain réconfort. Celle de Princesse, surtout. Elle dormait toutes les nuits blottie contre moi, ronronnant comme un petit moteur. La seule qui n'essayait pas de me remonter le moral, c'était Teigne. Elle ne voulait même plus sortir de sa Pokéball. Je n'insistais pas, la laissant porter le deuil comme elle le voulait.

J'avais eu plusieurs appels sur mon portable. Un de Zack. Tous les autres de Léonard. Je n'avais répondu à aucun. Zack pouvait bien aller au diable, je n'avais aucune envie de l'entendre s'excuser - et encore, le connaissant, c'était peu probable que ce soit l'objet de son appel. Quant à Léonard, j'avais tout simplement trop peur. Et si il lui était arrivé quelque chose à lui aussi ? J'avais beau savoir qu'il avait juste été blessé à l'épaule, et que de nos jours on n'en mourrait pas, mon esprit persistait à échafauder les théories les plus insensées. Je me mettais à penser qu'il était mort, et que sa mère appelait un à un tous ses contacts pour leur faire part de la nouvelle. Ou alors, qu'ils avaient dû lui amputer le bras, et que c'était de ma faute.

Au fond de moi, je savais que c'était stupide, tout ça. Mais dès que je m'emparais de mon portable avec l'intention de l'appeler, des images de pierre tombale ou de membres manquants m'assaillaient, et je le reposais inévitablement. Je ne parvenais pas à briser le cycle. Je ne m'étais jamais sentie aussi pathétique de toute ma vie, et le pire, c'était que j'en avais rien à foutre.

- Léa ?

Je levai la tête au son de la voix de Cassandre. Elle et Dorian se tenaient devant moi. Un air soucieux planait sur leurs visages. Je tentai de leur sourire. La semaine qui venait de s'écouler n'avait pas été facile pour moi, et ces deux-là m'avaient soutenu du mieux qu'ils pouvaient. J'en étais venue à les considérer comme de vrais amis. Dorian et ses blagues pourries avaient même réussi à me faire rire une ou deux fois.

Je remarquai que la sacoche de Cassandre débordait de potions et autres remèdes. La casquette de Dorian était fixé à l'envers sur sa tête et lui et son Carabaffe semblait rayonner de combativité.

- Le major Bob ? devinai-je.

- Notre semaine d'entraînement intensif a porté ses fruits, confirma Cassandre. On va faire nos preuves face à lui maintenant.

- Ouais, on est fin prêts, renchérit Dorian.

Son Carabaffe m'octroya un long regard, puis s'approcha de Salade qui était assis à mes côtés et demanda :

- Carapuce ? Cara, cara, baffe ?

- Herbi, herbizarre, fut la réponse quelque peu prévisible de Salade.

C'était une conversation que les deux Pokémon avaient tous les jours, presque un rituel en fait. J'imagine que ça devait être un truc du genre : 'Alors, elle va mieux ?' 'Non, toujours en mode zombie.'

- T'es sûre de pas vouloir venir ? demanda Cassandre.

Je secouai la tête.

- J'ai vraiment pas le cœur à ça. Désolée.

Je n'avais pas l'impression d'avoir tendu une perche à Dorian, et pourtant il en trouva quand même une :

- T'as pas besoin de ton cœur pour applaudir, juste de tes mains. Ha, tu m'as pas eu cette fois ! fanfaronna-t-il en esquivant la tape de Cassandre.

- 'Spèce d'idiot, maugréa-t-elle. Allez, viens, on a un badge à remporter.

- Oui M'dame, à vos ordres M'dame !

Je leur souhaitai bonne chance et les regardai partir à la conquête de l'arène de Carmin-sur-Mer. Après ça, je retombai dans le miasme bourbeux de mes propres pensées. Était-il possible de mourir étouffée par ses propres regrets ? Voilà qui aurait fait un bon sujet de philo ! Un peu morbide, certes...

Une masse mouillée atterrit soudain sur mes genoux.

- Princesse... Roh, mais où t'as été traîner encore ?

Sa fourrure était si ébouriffée qu'on aurait dit un hérisson.

- Miaouss, répliqua-t-elle innocemment.

Je la caressai d'une main distraite. Elle s'assit face à moi comme si elle était sur le point de me raconter ses aventures, et je vis qu'elle tenait un disque jaune dans sa gueule. Je le reconnus immédiatement. C'était la CS qui contenait Coupe, un cadeau du vieux capitaine de l'Océane. Je ne m'expliquais toujours pas pourquoi il me l'avait donnée, vu les dégâts que Zack et moi avions infligé au couloir menant à sa cabine, mais ça avait eu l'air de lui faire plaisir.

- Qu'est-ce que tu fabriques avec ça ?

Elle déposa le disque sur mon pantalon et le poussa vers moi d'une patte.

- Miaousssss.

Je ne bougeai pas. Elle persista, faisant glisser le disque dans ma direction, miaulant à nouveau, comme pour m'aider à comprendre. Mais je ne comprenais que trop bien.

- Tu veux apprendre cette technique ?

Elle se mit à ronronner, satisfaite d'avoir fait passer le message. Je soupirai.

- Princesse, non... Je ne veux pas que tu combattes, c'est trop dangereux.

Je récupérai la CS et la rangeai dans sa boîte, avant de la replacer au fond de mon sac. La réaction de la Miaouss ne se fit pas attendre. Elle protesta avec force miaulements, me jeta des regards suppliants, et pour finir bondit sur Salade toutes griffes dehors. Ce dernier, surpris de se voir attaqué par une boule de poil en furie, se redressa en sursaut.

- Zarre !

Traduction : 'Mais kess-tu fous ?' Je pris Princesse dans mes bras et tentai de la calmer en lui parlant doucement.

- Je sais, les autres se battent et toi non, mais essaye de comprendre. On vient juste de perdre Ficelle, je ne le supporterai pas s'il t'arrivait malheur à toi aussi... Salade, Souris, Teigne et Grignotte, ils sont plus forts, plus résistants... Ils ont de l'expérience. Toi tu n'es encore qu'une toute petite puce.

- Miaouss ?

- Bien sûr que je tiens à toi... Alors cette technique Coupe tu l'apprendras plus tard, d'accord ?

- Mia, Miaouss.

Elle s'apaisa peu à peu, puis se roula en boule et décida de piquer un petit somme. Piégée par le fameux chat sur les genoux, la Léa. Je fis contre mauvaise fortune bon cœur et me laissai aller contre le divan. Mes yeux se fermèrent tout seuls. Je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit, poursuivie par des cauchemars du combat de Ficelle contre le Rattatac - sauf que cette fois elle avait perdu sa forme évoluée de Papilusion pour redevenir un simple Chenipan, et Zack se moquait de moi pour avoir envoyé un Pokémon aussi faible. Une petite sieste me ferait le plus grand bien.

Le soir tombait lorsque je rouvris les yeux. Un coup d'œil à la pendule m'apprit que j'avais roupillé trois heures. C'était pas une sieste, ça, c'était carrément un début de nuit ! Princesse, elle, était bien partie pour continuer, d'ailleurs : elle n'avait pas bougé de mes genoux et dormait profondément. Ça n'arrangeait pas mes affaires ; je commençais à avoir faim, moi. Les gargouillis qu'émettaient mon ventre ne la dérangeaient pas le moins du monde.
Je me tournai vers Salade. Il était resté fidèlement à côté de moi, comme tous les jours depuis que je me morfondais au centre Pokémon.

- Salade ? Tu peux aller me chercher un snack vite fait à la machine en bas ?

Je me penchai pour attraper mon sac en prenant garde à ne pas réveiller la pitchoune, et prélevai quelques Pokédollars dans ma cagnotte. Le Pokémon plante loucha sur les pièces de monnaie, puis me regarda d'un air perplexe.

- Zarre ?

- Mais si, tu sais comment ça marche. Tu m'as déjà vu faire.

- Za-arre, fit-il en secouant la tête.

- Bon, je vais t'expliquer, résolus-je. Alors, déjà, il va falloir que tu...

Les lianes de Salade glissèrent sous le corps endormi de Princesse, la soulevèrent sans un bruit, puis la déposèrent sur le canapé à côté de moi. La Miaouss ne remua même pas une oreille.

- Oh.

Ou comment se sentir très bête. Je gratouillai Salade sur le haut de la tête en souriant.

- Tu as toujours réponse à tout, hein ?

- Zarre, approuva-t-il, manifestement très content de lui.

Je descendis donc en expédition à la cafétéria afin de contenter mon estomac. Elle était bondée à cette heure-là. Des dresseurs de tout âge et des Pokémon de tout type se côtoyaient dans un joyeux vacarme. À une table du fond, un jeune garçon donnait à manger à son Papilusion, lui passant des bouts de gâteau en riant de la gloutonnerie du Pokémon insecte. Une boule se forma dans ma gorge, je détournai le regard.

Prends juste ton sandwich et ne t'attardes pas.

Je remontai l'escalier à pas lourds. Au moment où je débouchai dans la salle principale, les portes automatiques s'ouvrirent avec un chuintement et Dorian et Cassandre entrèrent en trombe. Échevelés et hirsutes, tous les deux. Ils avaient dû courir comme des dératés si j'en jugeais par leur souffle court.

- Mon Pikachu est blessé, dit Cassandre d'une voix tendue en offrant une Pokéball à l'infirmière de service.

Elle s'en empara et la plaça sur la machine guérisseuse. Il y eut le vrombissement habituel, puis l'infirmière récupéra la Pokéball et l'activa. Volt se matérialisa sur un brancard amené par un Leveinard. Il respirait difficilement, et des marques de brûlure étaient présentes sur tout son corps.

- Ça n'a pas suffit, constata l'infirmière avec une moue d'inquiétude. Il va falloir l'emmener en salle d'opération.

- Leveinard ! acquiesça le gros Pokémon rose.

L'infirmière et le Leveinard disparurent derrière la porte à double battants, emportant leur petit patient avec eux. Les épaules de Cassandre s'affaissèrent, elle porta une main tremblante à sa bouche. Dorian l'enlaça. J'avais conscience de faire figure d'intruse, mais j'allais tout de même à leur rencontre.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

La question avait jailli toute seule. Droit au but. Cassandre leva un regard angoissé sur moi.

- Le major Bob, son Raichu, il a... J'ai essayé de lui dire que... Je n'ai pu...

Les mots se bousculaient dans sa bouche. Dorian lui caressa les cheveux d'une main rassurante.

- Carabaffe a réussi à se débarrasser des deux premiers Pokémon du champion, entama-t-il, mais il était trop affaibli pour continuer, alors Volt a pris le relais. Son Raichu est un vrai monstre, Volt ne faisait pas le poids. Quand on s'en est rendu compte, on va voulu déclarer forfait, mais le major Bob a refusé.

J'en restai sur le cul.

- Comment ça, il a refusé ?

- Il a dit qu'une fois qu'on commençait un combat, il fallait aller jusqu'au bout... continua Dorian amèrement. Que dans la vraie vie, y avait pas de porte de sortie, et que c'était trop facile d'abandonner dès que les choses ne se passaient plus selon nos plans...

À sa manière de rapporter les paroles du champion de l'arène, je devinai qu'elles résonnaient encore dans sa tête.

- Son Raichu s'est précipité sur Volt qui était déjà salement amoché et l'a plaqué au sol avant que Cassandre n'ait pu le rappeler dans sa Pokéball. Volt... (Il avala difficilement sa salive et reprit :) Volt a perdu connaissance, et aucune de nos potions n'a fonctionné, alors on est revenus ici au pas de course.

- Je croyais que le droit d'abandonner était inscrit d'office dans les règles d'un combat Pokémon, observai-je à mi-voix, toujours choquée.

Dorian grinça des dents.

- La Ligue autorise les champions d'arène à instaurer leurs propres règles. Tu penses qu'il nous aurait averti avant le match ? Ha ! Ce connard nous a traité de lâches quand on est partis...

Y avait des baffes qui se perdaient...

- Volt va s'en tirer, affirma Cassandre d'un ton qui n'admettait aucune réplique. Il a toujours été costaud. Tu te rappelles de la fois où cet Abo l'avait empoisonné ? Ça ne l'avait pas arrêté, il avait continué à se battre. Et la fois où Carabaffe avait voulu lui faire une blague et qu'il était resté trois minutes sans pouvoir respirer ? Même quand je l'ai trouvé tout bébé dans la forêt de Jade, il s'accrochait à la vie. C'était le seul de sa litière à avoir survécu après avoir été rejeté par leurs parents...

- Je sais, ma chérie, je sais...

Il la guida vers le canapé, sur lequel elle se laissa tomber sans résister. Je les rejoignis et repris Princesse sur mes genoux, histoire de ne pas rester là les bras ballants. La caresser me relaxa un peu.

- Je suis sûre qu'il ira bien... dis-je à haute voix comme pour mieux m'en persuader.

Une longue attente commença. Atrocement longue. Et encore, ce n'était que de mon point de vue. Je m'inquiétais pour Volt, certes, mais il ne s'agissait pas de mon Pokémon. Je n'imaginais même pas ce que Cassandre devait ressentir. Cela devait s'apparenter à une véritable torture, de devoir patienter sagement, quand vous saviez que pendant ce temps un être cher est sur le fil du rasoir...

Je me retrouvai à fixer la petite aiguille de la pendule, comptant les secondes qui passaient au même rythme que les battements de mon cœur. Salade avait refusé de rentrer dans sa Pokéball lorsque je le lui avais proposé, si bien qu'il était coincé entre Dorian et moi sur l'étroit canapé. Pas très confortable mais ça ne paraissait pas le déranger outre mesure.

Un silence feutré prit peu à peu possession du centre Pokémon alors que la nuit tombait. Un silence de cimetière. Je me demandais combien de Pokémon étaient morts entre ces murs ? Combien de dresseurs étaient repartis avec leurs rêves brisés ? Peut-être était-il préférable que Ficelle soit morte sur le coup, finalement. Parce que l'espoir, ce salaud d'espoir, il vous tuait à petit feu.

Et toujours, nous attendions.

Dorian me jeta plusieurs coups d'œil tout au long de la nuit.

- Tu n'es pas obligée de... fit-il à un moment.

- Je reste, le coupai-je.

Le bref hochement de tête que je reçus en retour avait valeur de remerciement, je le savais. C'était étrange de découvrir une autre facette de Dorian, au-delà de l'ado blagueur. Lorsque Cassandre se mit à bailler, il prit les choses en main et revint avec du café et des couvertures. Je crois qu'elle finit par s'endormir dans ses bras, vers trois heures du matin.
Moi, je restai éveillée, ressassant de sombres pensées. Du moins, jusqu'à un certain point.

***

Un tombeau d'obscurité.

Et de silence.

- Pauvre Ficelle. Disparue si jeune. Quelle tragédie.

La voix, sortie de nulle part, me semble étrangement familière. Elle est indubitablement féminine, et l'accent moqueur qu'elle a mis sur les deux derniers mots me la rend immédiatement antipathique.

Je réplique :

- Si c'est encore un de ces rêves où je la revois mourir devant moi, je n'en ai vraiment pas besoin. J'ai assez de culpabilité pour le restant de mes jours.

- Et tu te vautres dedans. Tu endosses ta peine et tu la chéris comme s'il s'agissait d'un autre de ces badges. Tu stagnes dans ta propre mer de larmes. Fais attention, tu vas finir par t'y noyer.

Je me retourne pour essayer de déterminer l'origine de la voix.

- Votre tirade va quelque part ou vous êtes juste là pour m'emmerder pendant que je dors ?

- De la colère, magnifique ! C'est déjà beaucoup mieux.

Rien à faire. On dirait qu'elle vient de partout à la fois.

- Tu sais pourquoi Ficelle est morte en vain ? continue-t-elle, implacable. Parce que tu n'as pas su utiliser les sentiments que cela t'inspirait pour aller de l'avant. Au lieu de ça, tu t'es repliée sur toi-même, comme une tortue qui rentre la tête dans sa carapace. Trop effrayée par l'ampleur de tes émotions pour les confronter.

Je reste silencieuse.

- La rage, la colère, la haine, sont autant d'émotions qui mènent à la victoire. Sers-t'en.

Ô, pitié. Qu'est-ce que c'est que ce rêve, cliché land ?

- Merci du conseil, Dark Vador, je réponds. Mais j'ai toujours eu un faible pour le côté lumineux de la Force.

- Tu finiras par comprendre, assure mon interlocutrice invisible. Lorsque suffisamment de tes Pokémon auront perdu la vie, tes œillères tomberont d'elles-même.

Pas de menaces ? Pas de choix sadique entre mon petit ami (non pas que j'en ai un) et mon devoir ? Les méchants se ramollissent, de nos jours.

J'en suis presque déçue.

- Vous n'allez pas me demander de me joindre à vous afin de régner sur la galaxie ? je demande tout de même.

Un petit rire. Vraiment très familier, mais il y a quelque chose qui ne colle pas au niveau du timbre. Trop froid ?

- Ne sois pas ridicule. Pourquoi te demanderais-je de te joindre à moi ? Je suis...


***

Quelqu'un me tirait par le bras. Je soulevai péniblement une paupière.

- Hein ? grognai-je.

- Zarre !

- Salade ? Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en avisant sa liane enroulée autour de mon poignet.

- Zarre, répéta-t-il en tendant mon bras comme s'il lui appartenait pour indiquer l'infirmière qui s'approchait.

Une expression grave se lisait sur le visage de cette dernière. Cassandre se leva brusquement.

- Volt... murmura-t-elle. Il est...

- Votre Pikachu va mieux, répondit l'infirmière. Son état s'est stabilisé et il est conscient, ce qui est bon signe.

Un timide sourire naquit sur les lèvres de Cassandre.

- Malheureusement, continua l'infirmière, je crains qu'il ne conserve des séquelles de ses blessures... Une paralysie partielle affecte ses membres inférieurs, il est fort probable qu'elle persiste. Quant à son œil droit, il a été sévèrement endommagé et il est possible qu'il n'en retrouve jamais l'usage.

Cassandre porta une main tremblante à sa bouche. Elle renifla pour chasser ses larmes.

- Je peux le voir ? réussit-elle à articuler.

L'infirmière nous guida jusqu'au lit où reposait le Pikachu. Ses yeux se mirent à briller lorsqu'il repéra Cassandre.

- Pika pika, se réjouit-il, les oreilles dressées.

Je me surpris à sourire malgré moi. Le lien d'amitié entre ces deux là était si fort qu'on le sentait vibrer dans toute la pièce. Elle se pencha sur lui, lui gratta le sommet du crâne affectueusement.

- Oh, Volt... Je suis désolée...

- Pikachu... répliqua la souris électrique.

À la vue de son petit corps brisé, relié à tout un tas de machines qui bipaient, une bouffée de colère m'envahit. Il serait handicapé pour le restant de ses jours, tout ça à cause de la cruauté du champion de Carmin-sur-Mer. J'ignore si c'était l'influence du rêve ou tout simplement un ras le bol général de ma part, mais toujours fût-il que je tournai les talons et quittai la chambre. Ma destination était claire.

- Léa ? m'interpella Dorian. Où est-ce que tu vas ?

- À l'arène.

Je me laissai porter par mes jambes, sans même me retourner pour vérifier si Salade me suivait. Princesse, cette feignasse légendaire, dormait toujours, constatai-je en revenant dans la salle principale. Je la laissai tranquille : ce n'était pas son combat. Une bruine légère m'accueillit lorsque je sortis du centre. Derrière les nuages gris qui s'amassaient à l'horizon, le soleil se levait à peine ; il devait être aux alentours de six heures du matin.
Je me pressai à travers les rues de la ville, déterminée. Quelqu'un allait payer pour les blessures infligées à Volt. Salade me dépassa soudain en sprintant. Il se planta (jeu de mot non volontaire, je le jure) en face de moi, me barrant le passage.

- Quoi ? fis-je, passablement irritée.

- Herbizarre, zarre, herbi ?

Avais-je bien réfléchi à ce que j'étais en train de faire ? Je secouai la tête. Pas le temps pour ça.

- Salade, tu es avec moi ou contre moi ? lui demandai-je pour couper court à ses tergiversations.

Il n'hésita pas une seconde :

- Zarre !

- Bien. Alors continuons.

Je trouvai l'arène sans peine : visible de loin, elle se situait sur le front de mer. Quelques vagues intrépides venaient même s'échouer jusque sur le parvis de l'immense bâtiment. Plutôt singulier comme configuration, mais je n'étais pas là pour jouer les touristes. Des excroissances en forme d'éclair décoraient les murs, annonçant à quiconque posait les yeux dessus que c'était une arène du type électrique. Malgré l'heure très matinale, la bâtisse était illuminée. Je carrai les épaules et m'engouffrai dans le repère du major Bob.

Le bruit de mes pas fut absorbé par un revêtement caoutchouteux. La sensation me rappela celle du terrain de volley-ball de mon lycée. Dans la semi-pénombre, l'arène semblait déserte. Des objets cylindriques étaient alignés le long des murs à intervalles réguliers. À quoi pouvaient-ils bien servir ?

Je me raclai la gorge.

- Il y a quelqu'un ?

Une ombre bougea dans le fond. Un flash de lumière éclaira tout à coup la salle, m'aveuglant. Puis l'obscurité, de nouveau. Quelque chose crépita sur ma droite, je vis des étincelles jaillir.

- Du calme, Vaillant, intima une voix d'homme.

Le cliquetis de l'interrupteur annonça l'entrée en service des projecteurs au plafond ; une clarté digne d'une belle journée d'été baigna aussitôt l'arène. Mes yeux protestèrent en larmoyant. Tous ces changements de luminosité mettaient à mal mes nerfs optiques.

- Ce n'est pas un intrus, juste un challenger. Et admirablement tôt, je dois dire ! Qu'est-ce qui t'a poussée à te lever de si bonne heure, jeune fille ?

Je dévisageai mon interlocuteur. Un homme d'une trentaine d'années, cheveux blonds coupé à ras, biceps musclés ornés de divers tatouages, habillé d'un treillis. Tout chez lui criait ancien militaire. Un Raichu se tenait à ses côtés. Il me fixait d'un air féroce et sa queue dressée au-dessus de sa tête s'agitait nerveusement.

- Je n'ai pas dormi, répondis-je simplement.

Silence.

- Vous ne voulez pas savoir pourquoi ?

- Oh, je crois le deviner, fit-il d'un ton léger. C'est ce petit Pikachu, n'est-ce pas ? Tu connaissais sa dresseuse.

J'acquiesçai avec raideur.

- Vous allez payer pour ce que vous lui avez fait.

Il croisa les bras, faisant ressortir ses tatouages.

- Pour qui tu te prends ? se moqua-t-il. Un héros qui dispense sa propre justice ? En voilà de l'arrogance. Dis-moi, quelle devrait être ma punition, d'après toi ?

Prise au dépourvu, je ne sus que répondre.

- Je...

- Peut-être infliger la même chose à mon Raichu ? suggéra-t-il. Ou bien devrais-je payer une indemnité à la dresseuse de ce Pikachu ? Ou encore aller en prison ?

- Je ne...

- Que dirais-tu d'un juré de dresseurs qui statuera sur mon sort ? Non, attends. Un juré de Pikachus serait plus équitable. Ou peut-être encore...

- Arrêtez de rendre ça compliqué ! l'interrompis-je, perdue parmi toutes ses propositions. Vous avez blessé Volt, vous...

Les mots me manquaient. Je luttai pour retrouver le fil du raisonnement qui m'avait conduit ici.

- Dans quel monde vis-tu pour ne penser qu'en noir et blanc ? Il ne t'est jamais venu à l'esprit que j'ai rendu à un service à ce couple de dresseurs ?

- Un service ? Comment pouvez-vous justifier...

- Écoute mignonne, je n'ai pas à m'expliquer face à toi, éluda-t-il avec un haussement d'épaules. Si tu n'es pas assez mature pour comprendre, c'est ton problème. Maintenant, soit t'es là pour le badge Foudre, soit tu prends la porte.

Sa condescendance me hérissa le poil.

- D'accord, allons-y pour le badge Foudre.

D'une pierre deux coups, après tout. Le major Bob eut un sourire.

- Excellent. Ton premier adversaire sera Voltorbe.

Un vrombissement se fit entendre alors que le Pokémon aux allures de Pokéball apparut. Il grésillait d'énergie contenue.

- Zarre ? s'enquit Salade.

- Non, toi tu prendras le prochain.

Je lus de la surprise dans les yeux de Grignotte lorsqu'il surgit de sa ball pour faire face au Voltorbe. Il ne pensait sûrement pas avoir à se battre si tôt que ça. J'allais lui expliquer vite fait la situation, mais le major Bob me prit de vitesse et cria un ordre.

- Numéro quatorze!

Bon sang. Encore un qui communiquait par code. Impossible d'anticiper les actions du Voltorbe.

- Tiens toi prêt, Grignotte... Rapproche-toi... commençai-je.

Un grincement horrible m'interrompit, des ongles sur un tableau noir puissance dix. Mes oreilles sifflèrent. Grignotte resta de marbre, subissant l'attaque sans bouger d'une écaille.

- ...et essaie de placer un Tranche, terminai-je quand le son mourut.

Le Voltorbe disposait d'un sérieux avantage. C'était lui qui maîtrisait le terrain avec sa capacité à se déplacer en trois dimensions.

- La neuf, maintenant, exigea le major Bob.

Le Pokémon vibra, fusa derrière Grignotte et lâcha un concentré de vagues sonores. Le Sablaireau chancela, se reprit, puis attaqua à son tour. Il sauta pour atteindre le Pokémon électrique. Et toucha au but. Ses griffes crissèrent contre la peau de métal du Voltorbe, l'obligeant à reculer. Il perdit de l'altitude, voulut remonter pour se mettre hors de portée, mais Grignotte saisit l'occasion et frappa derechef. Tintement sonore. Déséquilibré, le Voltorbe partit en tournoyant comme une toupie et s'écrasa au sol.

Un de moins.

- Ne crie pas victoire trop vite, m'avertit le champion. Pikachu, en piste !

Je rappelai Grignotte dans sa Pokéball.

- Salade, c'est à toi.

Salade entama le combat en lançant un Tranch'herbe, auquel le Pikachu répliqua par une Onde de Choc. Les deux attaques se croisèrent au centre du terrain ; les feuilles acérées brillèrent en passant à travers le courant électrique. Elles atteignirent le Pikachu, qui avait tenté de les éviter sans totalement y parvenir, et lui infligèrent de multiples coupures. Il eut cependant la satisfaction de voir son attaque réussir : le crépitement électrique enveloppa Salade, s'étendant jusqu'au bout de ses lianes. L'Herbizarre se campa sur ses pattes et attendit que l'énergie se dissipe.

- Poudre Dodo, maintenant, lui ordonnai-je.

La fleur sur son dos se gonfla, les pétales roses frémirent comme sous l'effet du vent. Il voulut tirer une salve de poudre, mais il y avait à présent deux Pikachus. Puis trois. Quatre. Y avait pas à dire, c'était impeccable comme stratégie défensive. Impossible de deviner lequel était le bon. Ils bougeaient tous en même temps, des miroirs parfaits l'un de l'autre. Des petits arcs électriques naquirent au niveau du rouge de leurs joues, il allait frapper d'un instant à l'autre. Pas le temps d'hésiter, il fallait faire un choix.

- Comme tu le sens, Salade.

Il envoya ses spores sur le Pikachu le plus proche de lui. Par chance, c'était le vrai et non un de ses reflets. Les paupières de la souris électrique se fermèrent toutes seules alors qu'il respirait la poudre étincelante. Il tomba sur les fesses, à moitié endormi mais se battant encore pour ne pas succomber complètement. Salade termina le travail avec un second Tranch'herbe, et le Pikachu bascula sur le dos, vaincu.

- Pas mal, apprécia le major Bob. Mais Vaillant est autrement plus coriace.

Il fit signe à son Raichu d'entrer sur le terrain. D'une démarche confiante, ce dernier s'exécuta. Je m'emparai de la Pokéball de Teigne.

- Allez ma grande, montre-toi.

Une fois sortie, elle resta assise par terre, apathique comme d'habitude. Elle lança quelques coups d'œil autour d'elle, avisa le Raichu, et baissa à nouveau la tête, comme si tout cela ne la concernait pas.

- Teigne... je sais que t'as le moral dans les chaussettes... enfin dans tes chaussettes métaphoriques... mais je pense que ça te ferait du bien de combattre un peu. Ça te changerait les idées... argumentai-je.

Aucune réaction. Je soupirai.

- À moi aussi, elle me manque. Mais on ne peut pas passer notre temps à s'apitoyer sur notre sort, ça ne mène nulle part. Et elle aurait voulu qu'on aille de l'avant, tu ne crois pas ?

Voilà que je me retrouvais à répéter à un Pokémon ce qu'on m'avait rabâché étant gamine, après la mort de Vivian. À l'époque, cette tactique n'avait pas eu beaucoup d'effet sur moi. Teigne n'était pas davantage convaincue : elle ne bougeait pas. Rien de rien. Si je ne l'avais pas vu respirer, je l'aurais cru morte.

- Bon, j'aurais essayé...

J'allai la rappeler lorsque le Raichu s'avança et se mit à parler.

- Raichu, chuuu... Rai !

Même à mes oreilles de novice, ça sonnait comme une insulte. Salade prit la défense de Teigne illico :

- Herbizarre, zarre !

- Rai, raichu. Churai, persista le Raichu. Raaaiiii...

Le coupant court dans sa raillerie, un poing entra en contact avec son museau. Violemment. Sonné, il recula, puis gronda, ses joues se chargeant d'énergie. Teigne se leva. J'ignorais ce que le Raichu avait bien pu dire, mais cela ne lui avait pas plu. Tous ses poils étaient hérissés et elle irradiait la colère. Elle se tourna vers moi.

- Férosinge, fit-elle sèchement.

Nul besoin de traduction pour la comprendre.

D'accord, disaient ses yeux. Faisons ça. Éclatons-lui sa sale face de Raichu.

Bon, là, j'extrapolais un peu. Mais c'était ça en gros.

- OK, Vaillant, engage avec le numéro deux.

Ça faisait un peu tirage du loto, ce système, quand même. Quels étaient les numéros complémentaires ? Ma grille serait peut-être gagnante. Ha, le manque de sommeil commençait à se faire sentir...

- Tomberoche, ma grande ! répliquai-je, heureuse de constater que Teigne avec retrouvé un peu de sa combativité - même si c'était parce qu'elle était furax.

Un grésillement signala le début du combat. Deux arcs électriques quittèrent les joues du Raichu et vinrent frapper la Férosinge. Elle se figea, laissant le mouvement pour Tomberoche inachevé. Je la vis forcer, gonfler tous ses muscles, mais malgré tout ses efforts, elle ne parvint pas à compléter son attaque. Un unique rocher tomba du ciel au-dessus du Raichu, qui n'eut aucun mal à l'éviter d'un simple pas de côté. La Cage-Éclair avait paralysée Teigne.
Je jurai à voix basse.

- Numéro quatre.

Et soudain, quatre versions du Raichu dévisageaient Teigne d'un air narquois. Merveilleux.

- Tente un Ultimapoing, suggérai-je.

Elle se rua sur un des Raichus au hasard. Pour s'arrêter à mi-chemin et s'écrouler, tremblante. Elle essaya de se relever. Sans succès. La Cage-Éclair la clouait au sol. Je me mordis les lèvres.

- Teigne ?

Elle demeurait à genoux, tête baissée, immobilisée par le courant électrique qui lui parcourait le corps. Les oreilles du Raichu frémirent. Il parut hésiter, puis s'approcha lentement, ses doubles répartis en éventail de chacun de ses côtés. Parvenu devant Teigne, il la poussa du pied en guise de test. Elle resta de marbre. Il se pencha sur elle.

- Raichuuu, se vanta-t-il.

Il se retourna pour lui asséner un coup de queue. Quelle ne fut pas sa surprise (et la mienne !) lorsque Teigne la lui empoigna, et, le maintenant d'un bras, lui colla un Ultimapoing au creux du ventre avec l'autre.

- Chu... gémit-il, le souffle coupé.

Il riposta par un choc électrique pour forcer Teigne à le lâcher, et se replia à l'autre bout du terrain. La Férosinge montra les dents. Il y eut un temps mort tandis que les deux Pokémon se jaugeaient.

- C'est un Pokémon malin que tu as là, observa mon adversaire. Mais Vaillant ne refera plus l'erreur de la sous-estimer. Il la grillera de loin, c'est plus sûr.

- Cassandre voulait abandonner et vous avez refusé, m'entendis-je répondre sans savoir pourquoi. Son Pikachu a failli mourir à cause de vous.

Cassandre, en bonne dresseuse, avait voulu éviter le pire à son Pokémon. Elle avait conscience de ses limites et s'était montrée responsable. Ficelle n'avait pas eu la chance d'avoir une dresseuse aussi compétente. Elle était morte par ma faute, parce que j'avais joué sa vie sur un coup de dé. Parce que j'avais cru, dans mon arrogance, que la chance serait de mon côté. Quelle dresseuse je faisais.

- Tu n'es vraiment qu'une gamine sans cervelle. Tu crois que tes ennemis accepteront gracieusement que tu te retires lorsque tu seras à leur merci ? Non, ils t'achèveront sans une seconde d'hésitation, et c'est pour ça que tu dois être sans pitié.

Je ravalai ma salive, un goût de bile au fond de la gorge. Sa vision du monde était si opposée à la mienne que j'en tremblais.

- Laisse-moi te raconter une histoire. Il y a dix ans de ça, une guerre a éclaté et j'ai été envoyé au front. Une nuit, moi et mon Raichu étions en mission d'infiltration dans un campement ennemi. Un soldat ennemi nous a repéré, et il allait donner l'alerte. Vaillant l'a électrocuté. Il n'a pas hésité un seul instant, et je ne le regrette pas le moins du monde.
Il marqua une pause.

- Au final, notre intervention a permis de sauver des centaines de vie.

- C'est différent, rétorquai-je, piquée au vif par son exemple. On n'est pas en guerre, et ce que vous avez fait subir à Volt n'a sauvé aucune vie.

- Ah, les jeunes, il va falloir rentrer ça dans vos petites têtes. Ces escarmouches entre Pokémon n'ont rien d'un jeu. Elles ne constituent qu'un prélude à quelque chose de mille fois plus terrible.

Il fit claquer sa langue. Dans la seconde qui suivit, une lance d'électricité crépitante partit de son Raichu et zigzagua jusqu'à Teigne. Le corps tout entier de la Férosinge se tendit alors que le courant la traversait.

Tiens bon, Teigne...

Elle se secoua, des étincelles parcourant sa fourrure.

- Foutrement coriace, ton petit Pokémon, mais on l'aura. Encore une fois, Vaillant.

- Chuuuu...

Le Raichu poussa un cri tout en réitérant son attaque, comme pour mieux se moquer de Teigne et de son incapacité à se mouvoir. L'Onde de Choc crépita en la frappant, roussissant ses poils une énième fois.

- Teigne... Salade peut prendre le relais si tu...

- Singe, cracha-t-elle sans même daigner se retourner.

Okayyy. Refus catégorique. J'eus un petit rire.

- T'es folle, tu le sais ça ? Bon, réfléchis-je à voix haute, il ne te laissera pas t'approcher et tu es trop ralentie pour le prendre de vitesse, alors notre seule chance est une attaque à distance, donc...

Nouveau grésillement. Teigne trouva la force de bondir je ne sais comment. Pas très haut, mais ce fut suffisant. Le jet de lumière jaune lui frôla les pieds et alla se perdre contre un des murs. Au moment où elle redescendit, ses poings s'abattirent sur le revêtement caoutchouteux, et un déluge de rochers ensevelit le Raichu. Un Tomberoche de toute beauté. Seule l'extrémité de la queue du Raichu dépassait de l'amas de pierres.

- Ha ! s'exclama le major Bob. Joli coup !

Il fit revenir son Raichu.

- Et maintenant, gamine ?

Oui, et maintenant ? Je l'avais battu mais ça ne prouvait rien. Il n'allait pas changer ses méthodes pour autant.

- T'es venue ici la rage au ventre parce que j'ai inculqué une leçon à tes amis, résuma-t-il. Mais en vérité, je leur ai ouvert les yeux. Le monde n'est pas rempli de Rondoudous gambadant gaiement dans les prés. Maintenant, grâce à moi, ils savent à quoi s'en tenir, et ils ne referont pas la même erreur deux fois. Lorsque la guerre éclatera, ils seront prêts.

C'était peut-être le fait de n'avoir dormir que trois heures cette nuit, mais je ne comprenais rien à ce qu'il racontait.

- Quelle guerre ? De quoi vous parlez ?

- Il y a toujours eu des guerres et il y en aura toujours, asséna-t-il. Ce n'est qu'une question de temps avant la prochaine.

Bonjour l'optimisme. Je me passai la main sur le visage. La fatigue me rongeait le cerveau. Je ne savais plus vraiment ce que j'avais cherché à accomplir en venant à l'arène. Prouver au major Bob qu'il avait tort ? Risible. Le faire payer en blessant ses Pokémon ? Non. Je n'avais jamais voulu faire de mal à son Raichu, et j'espérais qu'il se remettrait du Tomberoche de Teigne.

Un machin scintillant m'arriva droit dessus, m'occasionnant une poussée d'adrénaline. Je l'attrapai au vol.

- Le badge Foudre. Félicitations.

- Merci, répondis-je machinalement.

- T'es bien partie, gamine. Un de ces jours tu finiras par comprendre.

J'entendis à nouveau la voix de mon rêve prononcer ces mots, en écho. Un frisson me brûla l'échine. L'impression que quelque part, mon destin était déjà écrit.

Non. Ça ne se passera pas comme ça.

Je quittai l'arène de Carmin-sur-Mer sans un regard en arrière, fuyant la graine de doute que les mots du major Bob avaient plantée en moi.

***

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